Une polémique s’est développée au sujet de la doctrine exprimée par le nouveau préfet de la congrégation pour la doctrine de la Foi : au sujet de la Transsubstantiation, de la Virginité perpétuelle de la Très Sainte Vierge et de l’appartenance à l’Eglise.
Sur les deux premiers textes du préfet (voir l’encadré ci-dessous), que l’on peut qualifier avec la meilleure intention possible au minimum d’ambigus, celui-ci a répondu dans un entretien à New Catholic Register (septembre 2012), par une fin de non recevoir (c’est décidément une habitude romaine que de nier purement et simplement qu’il y ait un problème au moins dans les expressions qu’ils utilisent pour exprimer ce qu’ils croient) : « il ne s’agissait pas tant de critiques que de provocations infondées visant à me discréditer, mais tout le monde peut lire ce que j’ai écrit dans son contexte et de manière systématique. Pourquoi aurais – je nié la doctrine de la transsubstantiation ou la virginité perpétuelle de Marie ? J’ai écrit des livres entiers en défense de ces doctrines. »
Je dois avouer ne pas avoir grande envie de lire les livres entiers de Mgr Müller. Je voudrais plutôt revenir sur ses propos d’octobre 2011 qui rejoignent ce que beaucoup croient maintenant dans l’Eglise officielle sur l’appartenance à l’Eglise depuis le concile Vatican II, et même avant lui, à la suite d’un Père Congar.
Dans la constitution Lumen Gentium de Vatican II, il est écrit que « c’est là l’unique Église du Christ, dont nous professons dans le symbole l’unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité, cette Église que notre Sauveur, après sa résurrection, remit à Pierre pour qu’il en soit le pasteur (Jn 21, 17), qu’il lui confia, à lui et aux autres Apôtres, pour la répandre et la diriger (cf. Mt. 28, 18, etc.) et dont il a fait pour toujours la « colonne et le fondement de la vérité » (1Tim. 3, 15). Cette Église comme société constituée et organisée en ce monde, c’est dans l’Église catholique qu’elle subsiste ( subsistit in ), gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui, bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de sa sphère, éléments qui, appartenant proprement par le don de Dieu à l’Église du Christ, portent par eux – mêmes à l’unité catholique. »
Après 40 ans, ayant admis qu’il fallait au moins préciser l’expression « subsistit in » de ce texte conciliaire, en raison de son ambiguïté, la congrégation pour la doctrine de la Foi a donné le 29 juin 2007 des « réponses à des questions concernant certains aspects de la doctrine sur l’Eglise ». Ces réponses n’ont en rien éclairci le sujet comme le rappelait Mgr Fellay le 10 juillet de la même année : « la question est : Pourquoi utiliser l’expression « subsistit in » et non pas « est » ? Vous lisez la réponse et vous ne pouvez rien conclure. Ils disent que c’est « est » et qu’il y a identité entre l’Église du Christ et l’Église catholique et qu’il n’y a pas de changement de doctrine. Mais la phrase suivante est précisément un changement de doctrine. Alors … C’est une contradiction. Dans son sermon à Écône (de 2007), Mgr Williamson soulignait que Rome dit que deux et deux font quatre, mais que parfois cela fait aussi cinq. Ce document en est une parfaite illustration. »
Pour Mgr Müller, il semble qu’il n’y ait pas besoin d’éclaircissement du « subsistit in », parce qu’il semble l’interpréter comme beaucoup d’autres avant lui, dans un sens qui n’a rien à voir avec la doctrine catholique . En effet, au cours d’un discours en l’honneur de l”« évêque » luthérien Johannes Friedrich, il a affirmé le 11 octobre 2011 : « Les chrétiens qui ne sont pas en pleine union avec l’enseignement, les sacrements et la constitution apostolico – épiscopale de l’Église catholique , sont eux aussi justifiés par la foi et le baptême, et pleinement incorporés dans l’Eglise de Dieu comme corps [mystique] du Christ . » Il y aurait donc une Eglise de Dieu, corps mystique du Christ, à laquelle sont incorporés les hérétiques et schismatiques, et l’Eglise catholique, une par « l’enseignement, les sacrements et la constitution apostolico – épiscopale » communs et avec laquelle ces mêmes hérétiques et schismatiques ne sont pas en pleine union. Malheureusement pour le préfet de la congrégation pour la doctrine de la Foi, cette distinction a été condamnée depuis longtemps, et Pie XII a rappelé dans l’encyclique Mystici Corporis la doctrine de l’Eglise sur ce sujet :
- Boniface VIII, Bulle Unam sanctam – 13 novembre 1302 : « Le Corps mystique dont le Christ est le chef est identique à l’Eglise hiérarchique catholique romaine ; les membres en sont ceux qui ont reçu le baptême, professent la même foi et le même culte et sont unis entre eux dans la même communion ; ces membres sont unis de plus par la soumission à un même chef visible qui est le successeur de saint Pierre et vicaire du Christ, le Pontife de Rome. »
- Pie XII, Encyclique Mystici Corporis § 22 – 29 juin 1943 : « Au sens plein de l’expression, seuls font partie des membres de l’Eglise ceux qui ont reçu le baptême de régénération et professent la vraie foi, qui, d’autre part, ne se sont pas pour leur malheur séparés de l’ensemble du Corps, ou n’en ont pas été retranchés pour des fautes très graves par l’autorité légitime. Tous, en effet, dit l’Apôtre, nous avons été baptisés dans un seul Esprit pour former un seul Corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit hommes libres (1Cor. 12, 13). Par conséquent, comme dans l’assemblée véritable des fidèles il n’y a qu’un seul Corps, un seul Esprit, un seul Seigneur et un seul Baptême, ainsi ne peut – il y avoir qu’une seule foi (Eph. 4, 5) ; et celui qui refuse d’écouter l’Eglise doit être considéré, d’après l’ordre du Seigneur, comme un païen et un publicain (Mt. 18, 17). Et ceux qui sont divisés pour des raisons de foi ou de gouvernement ne peuvent vivre dans ce même Corps ni par conséquent de ce même Esprit divin . Qu’on n’imagine pas non plus que le Corps de l’Eglise, ayant l’honneur de porter le nom du Christ, ne se compose, dès le temps de son pèlerinage terrestre, que de membres éminents en sainteté, ou ne comprend que le groupe de ceux qui sont prédestinés par Dieu au bonheur éternel. Il faut admettre, en effet, que l’infinie miséricorde de notre Sauveur ne refuse pas maintenant une place dans son Corps mystique à ceux auxquels il ne la refusa pas autrefois à son banquet (Matth. 9, 11 ; Marc 2, 16 ; Luc 15, 2). Car toute faute, même un péché grave, n’a pas de soi pour résultat – comme le schisme, l’hérésie ou l’apostasie – de séparer l’homme du Corps de l’Eglise [et donc le schisme, l’hérésie ou l’apostasie sépare du Corps mystique de l’Eglise]. Toute vie ne disparaît pas de ceux qui, ayant perdu par le péché la charité et la grâce sanctifiante, devenus par conséquent incapables de tout mérite surnaturel, conservent pourtant la foi et l’espérance chrétiennes, et à la lumière de la grâce divine, sous les inspirations intérieures et l’impulsion du Saint – Esprit, sont poussés à une crainte salutaire et excités par Dieu à la prière et au repentir de leurs fautes. »
On peut légitimement être inquiet au sujet de l’intégrité de la Foi de celui qui a été appelé à la tête de la congrégation destinée à la défendre et à la proclamer. Nous espérons franchement que Mgr Müller étant donné sa position,
Abbé Thierry Legrand
Extrait du Saint-Vincent n°1 de novembre 2012
Propositions de Mgr Müller sur la transsubstantiation et sur la virginité de Marie :
1ère proposition de Mgr Müller, sur la transsubstantiation : « En réalité, corps et sang du Christ ne signifient pas les parties physiques de l’homme Jésus pen- dant sa vie terrestre ou dans son corps glorieux, corps et sang signifient plutôt une présence du Christ à travers le signe médiateur du pain et du vin [ou : à travers le signe du pain et du vin comme medium]. En mangeant le pain et en buvant le vin, nous entrons dès à présent en communion avec Jésus – Christ. Déjà au simple plan des rapports entre êtres humains, une lettre a le pouvoir d’exprimer l’amitié entre deux personnes et d’illustrer et concrétiser aux yeux du destinataire l’affection de l’expéditeur ». ( Die Messe – Quelle christlichen Lebens , Augsburg St. Ulrich Verlag, 2002, p. 139) Seconde proposition de Mgr Müller, sur la virginité de Marie : « Il ne s’agit pas de phénomènes qui s’écarteraient des caractéristiques physiologiques naturelles dans le processus de mise au monde (comme la non – ouverture des voies d’accouchement, la non – violation de l’hymen et l’absence des douleurs de l’enfantement); il s’agit de l’influence salvifique de la grâce rédemptrice du Sauveur sur la nature humaine, qui avait été “blessée” par le péché originel. La profession de foi ne porte donc pas sur des détails somatiques qui seraient physiologiquement et empiriquement vérifiables. » ( Katholische Dogmatik für Studium und Praxis , Freiburg, 2003, p. 498) |