L’application de Traditionis Custodes dans le diocèse de Strasbourg : corrections et compléments.

Mgr Ravel, archevêque de Strasbourg de 2017 à 2023. Crédit : Creative Commons.

De Rome à Strasbourg, les appli­ca­tions du motu pro­prio dif­fèrent dans le détail, mais coïn­cident dans l’esprit conci­liaire qui les animent.

L’article « Traditionis cus­todes : les dio­cèses de Grenoble et Strasbourg emboitent le pas à Rome » publié le 18 novembre 2021 sur La Porte Latine a pu sug­gé­rer que l’application du récent motu pro­prio était par­ti­cu­liè­re­ment res­tric­tive dans le dio­cèse de StrasbourgLa réa­li­té est plus nuan­cée et mérite d’être expo­sée avec soin. 

Une lecture littérale du motu proprio

Le 3 sep­tembre 2021, Mgr Ravel, arche­vêque de Strasbourg, a publié une Ordonnance pour appli­quer le motu pro­prio Traditionis Custodes dans son dio­cèse. Ces direc­tives ont devan­cé les normes édic­tées le 7 octobre par le car­di­nal de Donatis pour le dio­cèse de Rome. De ce point de vue, l’Ordonnance du dio­cèse de Strasbourg n’emboite pas le pas aux normes pré­vues pour le dio­cèse de Rome. Dont acte. S’il existe un lien de cause à effet indis­cu­table, c’est entre le texte papal et les direc­tives publiées par les dio­cèses trans­al­pins et cisalpins.

De manière géné­rale, les normes pour le dio­cèse de Strasbourg s’en tiennent à la lettre du motu pro­prio. Traditionis Custodes exige que chaque prêtre qui sou­haite célé­brer selon le mis­sel de 1962 en fasse la demande à son évêque (art. 5). L’archevêque de Strasbourg ne fait ici qu’appliquer cette dis­po­si­tion. La revue dio­cé­saine L’Église en Alsace a donc publié en novembre 2021 la liste des prêtres auto­ri­sés « à célé­brer selon le mis­sel anté­rieur à la réforme litur­gique » (docu­ment publié par La Porte Latine le 18 novembre 2021). 

Dans un dio­cèse qui compte 469 prêtres incar­di­nés en 2020, sept prêtres, ayant sol­li­ci­té la per­mis­sion, ont été auto­ri­sés à célé­brer —plus ou moins régu­liè­re­ment— la messe tra­di­tion­nelle. Toute autre célé­bra­tion est décla­rée illi­cite. Si l’on excepte les prêtres qui n’ont pas (encore) sol­li­ci­té la per­mis­sion, l’état des lieux avant le motu pro­prio est main­te­nu[1]. Du moins, dans l’immédiat.

Sur ce point, le dio­cèse de Strasbourg applique le motu pro­prio sans faire d’excès de zèle. On peut néan­moins regret­ter les condi­tions res­tric­tives posées par Traditionis cus­todes à la célé­bra­tion de la litur­gie tra­di­tion­nelle. On consul­te­ra avec pro­fit l’étude publiée dans la Lettre à nos frères prêtres de sep­tembre 2021 sur le thème : « Peut-​on encore user du mis­sel traditionnel ? ».

Une lecture augmentée du motu proprio

Ceci dit, Mgr Ravel à Strasbourg comme le car­di­nal De Donatis à Rome se per­mettent d’aller au-​delà des dis­po­si­tions de Traditionis Custodes (encore que sur des points différents).

Certes, le dio­cèse de Strasbourg n’interdit pas comme le dio­cèse de Rome la célé­bra­tion des sacre­ments (en dehors de la Messe) et de la Semaine Sainte selon les livres litur­giques anté­rieurs à la réforme litur­gique. Là où le motu pro­prio Traditionis cus­todes sti­pule que « les lec­tures sont pro­cla­mées dans la langue ver­na­cu­laire, à l’aide de tra­duc­tions de la Sainte Écriture approu­vées pour l’usage litur­gique par les Conférences épis­co­pales res­pec­tives » (art. 3 § 3), l’Ordonnance de Mgr Ravel invite « à uti­li­ser le lec­tion­naire de semaine, pro­mul­gué en 1970, les jours de férie et lors des fêtes où le lec­tion­naire de 1962 ne pro­pose que des “com­muns” répé­ti­tifs » (n° 4 in fine). Par ailleurs, « pour la solen­ni­té de l’Épiphanie, on s’alignera sur la date déter­mi­née par la Conférence des évêques de France » (ibid).

En éten­dant l’usage du lec­tion­naire nou­veau à la plu­part des messes de semaine[2], la pre­mière par­tie de la messe tra­di­tion­nelle (appe­lée messe des caté­chu­mènes) finit par s’aligner sur la pre­mière par­tie de la nou­velle messe. A moins de décli­ner l’invitation. 

De Rome à Strasbourg, les appli­ca­tions du motu pro­prio dif­fèrent dans le détail, mais coïn­cident dans l’esprit conci­liaire qui les animent.

Image : CreativeCommons

Notes de bas de page
  1. Le main­tien du sta­tut quo est jus­ti­fié, entre autres, par le fait que « la paroisse per­son­nelle La Croix glo­rieuse, éri­gée par Mgr Doré le 1er novembre 2006, a fait l’objet par mes pré­dé­ces­seurs et par moi-​même de véri­fi­ca­tions qui per­mettent de déter­mi­ner qu’elle ne nie pas la vali­di­té et la légi­ti­mi­té de la réforme litur­gique, dic­tée par le Concile Vatican II et le Magistère des Souverains Pontifes… » (Ordonnance de Mgr Ravel, n° 3).[]
  2. L’Ordonnance de Mgr Ravel ava­lise ici subrep­ti­ce­ment une pra­tique déjà ancienne de la paroisse per­son­nelle La Croix glo­rieuse de Strasbourg.[]