Lettre aux amis et bienfaiteurs n°96 – Réparer

Ne soyons pas effrayés, répon­dons à l’appel du Sacré-​Cœur sans crainte ni déses­poir : Dieu, quand Il le vou­dra et comme Il le vou­dra, nous don­ne­ra la victoire !

Éditorial de M. l’abbé Gonzague Peignot, supérieur du District de France de la FSSPX

Bien chers Amis,

« Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes jusqu’à s’épuiser et se consu­mer pour leur témoi­gner son amour. Et, pour recon­nais­sance, je ne reçois de la plu­part que des ingra­ti­tudes, par leurs irré­vé­rences et leurs sacri­lèges, et par les mépris et les froi­deurs qu’ils ont pour moi dans ce Sacrement d’amour. Et ce qui m’est encore plus sen­sible, c’est que ce sont des cœurs qui me sont consa­crés qui en usent ainsi. »

Nous célé­brons, depuis décembre 2023, le 350e anni­ver­saire des appa­ri­tions du Sacré-​Cœur à sainte Marguerite-​Marie. C’est lors de l’apparition du 27 décembre 1673 que Jésus pro­non­ça les paroles sai­sis­santes que nous venons de citer.

Quoi de plus actuel ? Les attaques contre la chré­tien­té ne cessent de mon­ter en puis­sance. Les blas­phèmes se mul­ti­plient, tan­dis que l’indifférence reli­gieuse pro­gresse par­tout. Notre Seigneur Jésus-​Christ et son Église sont l’objet d’un assaut de mépris sans pré­cé­dent. Le Cœur de Jésus ne reçoit des hommes aujourd’hui que « des ingra­ti­tudes, des irré­vé­rences, des sacri­lèges, des mépris et des froideurs ».

Or, et c’est plus que déplo­rable, cette situa­tion pré­oc­cu­pante, scan­da­leuse même, ne déclenche par­mi les catho­liques et dans la hié­rar­chie ecclé­sias­tique, que des réac­tions très molles, très feu­trées. L’un d’ailleurs ne va pas sans l’autre. C’est parce que les blas­phé­ma­teurs se sentent plus ou moins assu­rés de l’impunité, ne crai­gnant guère les réac­tions des catho­liques, qu’ils s’y livrent sans limite.

Nous l’avons tous consta­té lors de la céré­mo­nie inau­gu­rale des Jeux Olympiques, avec ces paro­dies de la reli­gion catho­lique. Cette parade blas­phé­ma­toire a sus­ci­té un tol­lé, mal­heu­reu­se­ment davan­tage mani­feste chez cer­tains hommes poli­tiques, dans des pays non chré­tiens, chez les musul­mans même, que de la part des auto­ri­tés ecclé­sias­tiques, dont les com­mu­ni­qués ont été d’une pla­ti­tude rien moins que confon­dante. Cette vive réac­tion inter­na­tio­nale a cepen­dant obli­gé le Comité International Olympique (CIO) à pré­sen­ter ses excuses au public.

C’est évi­dem­ment à nous, qui vou­lons être les amis du Sacré-​Cœur, qu’il convient au pre­mier chef de réagir face à ces attaques contre sa divi­ni­té, son amour misé­ri­cor­dieux, son Église. Nous devons le faire dans l’espace public, dès que nous le pou­vons. Il peut être éga­le­ment utile, cha­cun de notre côté, d’écrire aux ins­tances concer­nées pour faire entendre notre mécon­ten­te­ment (l’expérience a mon­tré que c’est effi­cace). Chacun, là où il est, selon ses moyens, dis­cer­ne­ra ce qui sera oppor­tun et effi­cace pour contrer les menées des méchants, et tra­vailler à empê­cher au moins la répé­ti­tion des attaques contre Notre-Seigneur.

Pour sa part, la Fraternité Saint-​Pie X, en tant que telle, inter­vient dès que cela est néces­saire, et qu’une action peut avoir du sens, dans le domaine reli­gieux qui est le sien. Certains lui reprochent de n’en pas faire assez, de ne pas réagir à tel ou tel scan­dale. Mais il faut com­prendre que, les scan­dales étant deve­nus désor­mais qua­si quo­ti­diens, il fau­drait, pour y réagir sys­té­ma­ti­que­ment, que la Fraternité fasse paraître chaque jour un ou plu­sieurs com­mu­ni­qués de pro­tes­ta­tion, fasse célé­brer chaque jour une ou plu­sieurs messes de répa­ra­tion, orga­nise chaque jour une ou plu­sieurs marches de prière et de péni­tence. On com­prend bien que ce serait dérai­son­nable, impos­sible et contre-productif.

Cela signifie-​t-​il qu’il n’y a rien à faire, qu’il faut bais­ser les bras, lais­ser les enne­mis de Dieu triom­pher sans résis­tance ? Certainement pas. Nous orga­ni­se­rons d’ailleurs de nou­velles pro­tes­ta­tions publiques dans les mois à venir, pour répondre à ces attaques publiques. Mais les pro­tes­ta­tions publiques, utiles et néces­saires à leur niveau, ne doivent être que la par­tie émer­gée de notre action de résis­tance au mal en cours, et de répa­ra­tion du mal déjà advenu.

« Réparation » : c’est le mot exact que nous enseigne le Sacré-​Cœur à tra­vers les révé­la­tions com­mu­ni­quées à sainte Marguerite-​Marie. Jésus ne demande pas à cette reli­gieuse cloî­trée de mani­fes­ter dans la rue : il lui enjoint de répa­rer per­son­nel­le­ment, et de contri­buer à sus­ci­ter un mou­ve­ment de réparation.

Le mot « répa­rer » revient ain­si très sou­vent dans les récits que fait Marguerite-​Marie de ses entre­tiens avec Jésus : il s’agit (nous citons) de répa­rer les outrages, de répa­rer les indi­gni­tés, de répa­rer l’oubli et le mépris, de répa­rer les fautes, de répa­rer les amer­tumes et les angoisses, de répa­rer tant de sacri­lèges et de pro­fa­na­tions, etc.

Ce pro­gramme de répa­ra­tion spi­ri­tuelle, cha­cun de nous peut le mettre en œuvre sans avoir besoin d’une impul­sion, d’un ordre, d’un appel spé­cial. C’est en effet à Jésus lui-​même que nous enten­dons répondre, et il n’est nul­le­ment néces­saire pour cela de béné­fi­cier d’un man­dat par­ti­cu­lier, d’une per­mis­sion quel­conque. Du seul fait que nous vou­lons être les amis de Jésus, nous sommes concer­nés lorsqu’il s’agit de ses intérêts.

Cependant, il convient de bien com­prendre ce que signi­fie le mot de « réparation ».

Au pre­mier abord, la répa­ra­tion revêt un aspect péni­ten­tiel, une dimen­sion de sacri­fice : il s’agirait d’accepter pour soi une peine afin d’expier un mal com­mis par autrui. Ceci est vrai, bien enten­du. Toutefois, si nous exa­mi­nons ce que signi­fie le mot « répa­rer » lorsqu’il s’agit d’un objet maté­riel qui aurait été cas­sé, nous décou­vri­rons sans dif­fi­cul­té que l’aspect « péni­ten­tiel » n’est que l’un des trois élé­ments, et non le plus impor­tant en soi, de l’acte de réparation.

Si nous vou­lons, par exemple, répa­rer un vase bri­sé auquel son pro­prié­taire tenait beau­coup, il est vrai qu’il va d’abord fal­loir prendre sur nous : ache­ter de la colle, consa­crer du temps à la répa­ra­tion. Sans cet acte qui nous coûte, nous n’aboutirions pas à la recons­ti­tu­tion de son inté­gri­té pri­mi­tive qui consti­tue le deuxième aspect, net­te­ment plus posi­tif. Surtout, le but ultime de tout ce pro­ces­sus n’est pas le vase lui-​même, mais son pro­prié­taire : il s’agit d’apaiser sa tris­tesse, de lui redon­ner son sou­rire. Nous sommes là, très net­te­ment, dans le registre de l’affection, de l’amour, de la charité.

En sorte qu’il existe bien trois élé­ments, d’une valeur crois­sante, dans la « répa­ra­tion », qu’elle soit maté­rielle ou spi­ri­tuelle. D’abord l’effort, l’investissement, le renon­ce­ment (dans le domaine spi­ri­tuel, le sacri­fice). Ensuite, le sou­ci de remettre les choses en place, de res­tau­rer l’ordre. Enfin, le désir de faire plai­sir, de mani­fes­ter un amour, de consoler.

N’oublions sur­tout pas ces deux der­niers aspects de l’acte de répa­ra­tion et conso­lons le Cœur de Notre-​Seigneur ! L’Heure Sainte, si sou­vent orga­ni­sée dans nos cha­pelles les pre­miers ven­dre­dis du mois, devrait, à cette fin, être fré­quen­tée avec plus d’assiduité. La Messe en semaine devrait aus­si faire par­tie de nos réso­lu­tions. Comme l’affirmait le saint Curé d’Ars : « Toutes les bonnes œuvres réunies n’équivalent pas au Saint Sacrifice de la Messe ». Je ne puis donc que vous invi­ter à offrir à Dieu l’effort d’assister au moins à une messe en semaine par mois en plus des pre­miers ven­dre­dis et pre­miers same­dis du mois, pour ceux qui ne le font pas déjà.

Quant à ceux qui pen­se­raient que cette entre­prise de contrer les attaques des méchants, même en employant les moyens spi­ri­tuels tels que la répa­ra­tion, ne sert fina­le­ment à rien, puisque les méchants sont trop nom­breux et trop puis­sants, qu’ils ouvrent les Livres saints pour reprendre cou­rage et nour­rir leur espé­rance. Ceux-​ci contiennent, sans doute, des récits de batailles épiques pour Dieu et sa sainte Loi, par exemple dans la vie du roi David ou les livres des Maccabées. Mais deux livres en par­ti­cu­lier nous pré­sentent un moment où le peuple israé­lite risque d’être entiè­re­ment détruit, et où il rem­porte au contraire une vic­toire écla­tante par l’action d’une femme pleine de foi et de confiance dans la puis­sance du Seigneur Dieu. Les figures de la très sainte Vierge Marie que sont Esther et Judith doivent ain­si nous emplir d’une espé­rance invin­cible dans le secours de Dieu.

La dévo­tion au Sacré-​Cœur est une source de confiance, de cou­rage, d’amour envers le Christ pour des cen­taines de mil­lions d’âmes depuis trois siècles. Et son ori­gine humaine est un simple « petit bout de bonne femme » qui s’appelait Marguerite-​Marie. Simple reli­gieuse cloî­trée, tout à fait incon­nue, com­bat­tue et bro­car­dée par le puis­sant par­ti jan­sé­niste, c’est elle qui est à l’origine de la dif­fu­sion extra­or­di­naire de cette dévo­tion, en soi tra­di­tion­nelle, mais qui n’avait jamais eu une telle expan­sion ! Alors, ne soyons pas effrayés, ne soyons pas décou­ra­gés, répon­dons à l’appel du Sacré-​Cœur sans crainte ni déses­poir : Dieu, quand Il le vou­dra et comme Il le vou­dra, nous don­ne­ra la vic­toire. Il ne faut pas en dou­ter. Car, ain­si le disait le pro­phète Élisée à son ser­vi­teur en lui fai­sant décou­vrir les légions d’anges qui les pro­té­geaient (II Rois VI, 16–17), « il y en a plus avec nous que contre nous ». Nous fai­sons par­tie du camp de Notre-​Seigneur, nous sommes déjà victorieux !

Source : Lettre aux amis et bien­fai­teurs du District de France n°96