Mgr Fellay : pourquoi j’ai signé la Correctio filialis

Après la publi­ca­tion, le dimanche 24 sep­tembre 2017, de la Correctio filia­lis par 62 clercs et uni­ver­si­taires laïcs qui relèvent sept pro­po­si­tions héré­tiques dans l’exhortation apos­to­lique Amoris læti­tia, FSSPX.Actualités a deman­dé à Mgr Bernard Fellay, Supérieur géné­ral de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, pour quelle rai­son il avait signé ce document.

FSSPX.Actualités : Pourquoi avez-​vous appor­té votre sou­tien à la Correctio filia­lis ?

Mgr Fellay : Cette démarche filiale de la part de clercs et d’universitaires laïcs, trou­blés par des pro­po­si­tions hété­ro­doxes d’Amoris læti­tia, est impor­tante. L’enseignement du Christ sur le mariage ne peut être subrep­ti­ce­ment chan­gé, au pré­texte que les temps changent et que la pas­to­rale doit s’y adap­ter, en don­nant des moyens de contour­ner la doctrine.

Je com­prends que les auteurs de la Correctio filia­lis puissent être bou­le­ver­sés par toutes les divi­sions cau­sées par Amoris læti­tia, par les expli­ca­tions que le pape a four­nies sur ce docu­ment dans de récentes décla­ra­tions, par ses pro­pos sur la figure de Luther… Désormais dans cer­tains pays les évêques acceptent la com­mu­nion des divor­cés civi­le­ment rema­riés, dans d’autres ils la refusent. Est-​ce que la morale catho­lique est à géo­mé­trie variable ? Peut-​elle être sou­mise à des inter­pré­ta­tions contradictoires ?

Depuis sep­tembre 2016, quatre car­di­naux demandent res­pec­tueu­se­ment au pape de « faire la clar­té » ; cette année ils ont sol­li­ci­té une audience. En réponse, ils n’ont eu droit qu’au silence, mais le silence n’est pas une réponse. Sur une ques­tion aus­si grave et face aux divi­sions pré­sentes, il est néces­saire que le Saint-​Père réponde clai­re­ment sur le fond.

Dans cette triste situa­tion de confu­sion, il est très impor­tant que le débat sur ces ques­tions majeures s’amplifie, afin que la véri­té soit réta­blie et l’erreur condamnée.

Voilà pour­quoi j’ai appor­té mon sou­tien à cette démarche, mais ce sont moins les noms des signa­taires de la Correctio filia­lis que la valeur objec­tive des argu­ments expo­sés qui doit être prise en compte.

FSSPX.Actualités : Est-​ce que cela remet en cause les rap­ports de la Fraternité Saint-​Pie X avec Rome ?

Mgr Fellay : Notre res­pect à l’égard du pape est intact, et c’est pré­ci­sé­ment par res­pect pour sa fonc­tion que nous lui deman­dons filia­le­ment de « confir­mer ses frères », en reje­tant publi­que­ment ces pro­po­si­tions ouver­te­ment hété­ro­doxes qui occa­sionnent tant de divi­sions dans l’Eglise.

J’ai appré­cié la réponse d’Ettore Gotti Tedeschi1, cosi­gna­taire lui aus­si de la Correctio filia­lis. Il affirme avec rai­son que nous ne sommes pas les enne­mis du pape. Au contraire, nous agis­sons ain­si parce que nous aimons l’Eglise.

Cette atti­tude fut celle de Mgr Lefebvre et de la Fraternité Saint-​Pie X depuis le début. Dans sa décla­ra­tion du 21 novembre 1974, notre fon­da­teur disait :

« Nous adhé­rons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catho­lique, gar­dienne de la foi catho­lique et des tra­di­tions néces­saires au main­tien de cette foi, à la Rome éter­nelle, maî­tresse de sagesse et de véri­té. Nous refu­sons par contre et avons tou­jours refu­sé de suivre la Rome de ten­dance néo-​moderniste et néo-protestante »,.

Ce sont pré­ci­sé­ment ce néo-​modernisme et ce néo-​protestantisme que les auteurs de la Correctio filia­lis dénoncent à juste titre comme les causes des chan­ge­ments opé­rés par Amoris lae­ti­tia dans la doc­trine et la morale du mariage.

De toutes les fibres de notre être nous sommes atta­chés à Rome, Mater et Magistra. Nous ne serions plus romains si nous renon­cions à sa doc­trine bimil­lé­naire ; au contraire, nous devien­drions les arti­sans de sa démo­li­tion, avec une morale de cir­cons­tance dan­ge­reu­se­ment appuyée sur une doc­trine molle.

Notre fidé­li­té à la Tradition n’est pas un repli sur le pas­sé, mais un gage de péren­ni­té pour l’avenir. C’est à cette seule condi­tion que nous pou­vons uti­le­ment ser­vir l’Eglise.

FSSPX.Actualités : Qu’espérez-vous de cette Correctio filia­lis ?

Mgr Fellay : Il faut sou­hai­ter qu’elle per­mette une prise de conscience plus nette de la gra­vi­té de la situa­tion de l’Eglise de la part des clercs et des fidèles. Oui, comme l’a recon­nu Benoît XVI, « la barque de Pierre prend l’eau de toute part ». Ce n’était pas une image poé­tique, c’est une réa­li­té tra­gique. Dans la bataille pré­sente, ce sont la foi et la morale qu’il faut défendre !

On peut éga­le­ment espé­rer que d’autres sou­tiens se mani­festent de la part de ceux qui ont charge d’âmes. Les signa­taires de la Correctio filia­lis, en expo­sant ces pro­po­si­tions objec­ti­ve­ment hété­ro­doxes, n’ont fait que dire tout haut ce que beau­coup savent au fond. N’est-il pas temps pour ces pas­teurs de le dire haut et fort ? Mais, là aus­si, c’est moins le nombre des signa­taires que la valeur objec­tive des argu­ments qui importe. La Vérité révé­lée par le Christ n’est pas quan­ti­fiable, elle est avant tout immuable.

Il faut implo­rer Dieu pour que le Vicaire du Christ réta­blisse une entière clar­té en un domaine aus­si essen­tiel : on ne peut modi­fier la loi divine du mariage sans pro­vo­quer de graves dis­sen­sions. Si rien n’est fait, la divi­sion qui se des­sine dans l’Eglise, risque de deve­nir irré­pa­rable. C’est pour­quoi nous prions afin que, véri­ta­ble­ment, la parole de Notre-​Seigneur à saint Pierre puisse s’appliquer au pape François : « Et toi, quand tu seras conver­ti, confirme tes frères. » (Lc 22, 32)

Sources : FSSPX/​MG – FSSPX.Actualités

  1. Ettore Gotti Tedeschi, éco­no­miste qui fut pré­sident de l’Institut pour les œuvres de reli­gion de 2009 à 2012, a accor­dé un entre­tien au site his­pa­no­phone Infovaticana (24 sep­tembre 2017), repris par le vati­ca­niste Marco Tosatti sur son blogue. NDLR. []

FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.