Lettre n° 46 de l’abbé Franz Schmidberger aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX de février 1994

Chers Amis et Bienfaiteurs,

ersonne ne sait com­bien de temps nous pour­rons tra­vailler dans les pays de l’Europe de l’Est. D’une part, en effet, les anciens fonc­tion­naires sont tou­jours au pou­voir, même si c’est sous un nou­veau dra­peau ! D’autre part, le com­mu­nisme célèbre son retour offi­ciel par le moyen d’élections libres comme en Lituanie et en Pologne. Cependant, tant que les portes nous sont ouvertes et que les âmes nous appellent au secours, nous ne pou­vons pas fer­mer notre cœur. La parole du Seigneur : « Je dois accom­plir les œuvres de Celui qui m’a envoyé tant qu’il fait jour, parce qu’il y aura la nuit où per­sonne ne peut plus œuvrer » (Jn.9, 4) ne vaut-​elle pas jus­te­ment pour cette situa­tion ? Et c’est ain­si que, fin octobre 1993, nous avons orga­ni­sé ce grand convoi de secours en faveur des catho­liques néces­si­teux du nord de l’Albanie qui sera, si Dieu le veut, le pre­mier pas d’un tra­vail apos­to­lique par­mi ces hommes tra­his de tous côtés.

Afin de vous don­ner un aper­çu du déve­lop­pe­ment de l’apostolat dans les autres pays de la même région, voi­ci quelques témoi­gnages pris sur le vif. Et d’abord un extrait de la lettre d’un de nos Frères qui a accom­pa­gné les abbés Mura et Esposito durant les vacances de Noël dans leur voyage en Biélorussie.

6 jan­vier 1994

Monsieur le Supérieur général.

Permettez-​moi de vous faire part de quelques pen­sées et impres­sions concer­nant le der­nier voyage en Biélorussie.
Le voyage s’est pas­sé de façon tout à fait nor­male et il n’y a rien de spé­cial à men­tion­ner… La pro­vi­dence a fait de telle sorte que les gens nous sont res­tés fidèles… Les retrai­tants de Pâques nous ont presque tous ren­con­trés, et plu­sieurs pour des entre­tiens per­son­nels. C’était très impor­tant et c’est le signe d’une grande sin­cé­ri­té et fidé­li­té. En outre, le chœur de Mlle T. a chan­té pour la pre­mière fois une messe en gré­go­rien, « la pre­mière messe gré­go­rienne en Biélorussie ». Et il n’est pas exa­gé­ré de dire : « mieux qu’au sémi­naire ! » II faut ajou­ter que c’est la messe de Pâques que la cho­rale a com­men­cé à apprendre, mais cela a cer­tai­ne­ment plu à l’Enfant-Jésus.

E., l’un des bap­ti­sés de Pâques, a fait bap­ti­ser ses deux enfants ; sa femme sui­vra lors du pro­chain voyage. Professeur de musique, pia­niste et main­te­nant catho­lique convain­cu, il veut se char­ger de l’organisation des Exercices de Saint-​Ignace. Nous n’avons qu’à indi­quer le lieu et les dates, il amè­ne­ra les gens. Un tel zèle et un tel dévoue­ment seraient sou­hai­tables chez nous, à l’Ouest.

Les gens évi­dem­ment ont besoin de pra­tique, de caté­chisme, etc., mais nous sommes là et ils comptent sur nous …. La grâce et la pro­vi­dence de Dieu sont vrai­ment divines ! … L’abbé Esposito a été très impres­sion­né ; il doit main­te­nant se mettre à étu­dier le russe éner­gi­que­ment, car il est abso­lu­ment néces­saire de pou­voir s’exprimer de manière concrète et cor­recte. Les fidèles l’aiment bien…

Peut-​être ai-​je été par­fois trop caté­go­rique dans mes affir­ma­tions mais vous com­pre­nez, Monsieur le Supérieur géné­ral, ce que j’ai vou­lu dire.
Votre tout dévoué, Frère Y.

Comme deuxième témoi­gnage, la lettre d’un de nos confrères :

Jaidhof (Vienne), le 10 jan­vier 1994

Monsieur le Supérieur général,
Laudetur Jesus Christus !

Ces quelques lignes pour vous infor­mer du séjour d’un groupe de fidèles de Z. qui est pas­sé par Jaidhof les 7, 8 et 9 jan­vier. Le groupe était com­po­sé de M. N. qui est le chef du « prieu­ré de St Josaphat » de Z., d’un pro­fes­seur d’Histoire de l’Eglise à l’université de Z., d’une étu­diante en grec, d’un vice-​recteur de col­lège et de son épouse, musi­cienne. Ils m’ont bien expli­qué la situa­tion reli­gieuse dans leur pays. Elle est vrai­ment déplo­rable, non seule­ment parce qu’il n’y a presque pas de prêtres, mais sur­tout parce que la for­ma­tion reli­gieuse des prêtres elle-​même est mau­vaise et défi­ciente. Actuellement, leur pays est la proie des pro­tes­tants et des ortho­doxes, et le peu de cler­gé n’a évi­dem­ment pas le niveau pour affron­ter cette nou­velle vague d’hérésie après le communisme.

Pour remé­dier à la crise du cler­gé, ils vou­draient que nous coopé­rions avec eux dans la for­ma­tion d’un sémi­naire pour de jeunes lévites (ils ont déjà près de dix voca­tions), qui pour­rait être pla­cé dans une belle pro­prié­té près de N. En fait, ils veulent que nous assu­rions ou la for­ma­tion reli­gieuse, ou même l’enseignement théo­lo­gique ou phi­lo­so­phique de ces jeunes, qui ne trouvent pas de bons pro­fes­seurs ni de bons sémi­naires. Ils ont aus­si le sou­tien d’un évêque et de quelques prêtres. Ils n’ont deman­dé aucune sorte d’aide maté­rielle, ce qui est remar­quable pour des gens de l’Est…
J’ai invi­té le pro­fes­seur d’université à venir nous visi­ter à Zaitzkofen ou à Ecône, pour lui faire connaître le fonc­tion­ne­ment de nos sémi­naires. Ils m’ont invi­té pour les pro­chains jours à Z. pour par­ler de la Fraternité aux étu­diants et pour prendre plus de contacts.

Et voi­ci un troi­sième témoi­gnage, une lettre en pro­ve­nance de l’un des Pays Baltes :

Jeudi, 20 jan­vier 1994

Cher Monsieur l’abbé Schmidberger,
Permettez-​moi de me pré­sen­ter moi-​même. Mon nom est (…). J’écris cette lettre au nom d’un petit groupe de jeunes gens âgés pour la plu­part entre 21 et 26 ans qui sont inté­res­sés pour pré­ser­ver la tra­di­tion catho­lique. Nous avons enten­du beau­coup par­ler de vos acti­vi­tés et des acti­vi­tés du glo­rieux arche­vêque Marcel Lefebvre. La Fraternité Saint-​Pie X accom­plit un tra­vail très impor­tant et nous aime­rions y par­ti­ci­per dans l’avenir. Je com­prends tout à fait que vous soyez très occu­pé, M. l’abbé, vous devez l’être. Ici les fruits de Vatican II sont juste en train de deve­nir évi­dents : des tables au lieu d’autels, la sainte com­mu­nion est don­née aux gens debout au lieu de l’être à genoux, etc. En géné­ral, les adeptes du moder­nisme sont moins forts ici qu’à l’Ouest, natu­rel­le­ment. Tout bien consi­dé­ré, nous pen­sons qu’il n’est pas trop tôt pour cher­cher la pos­si­bi­li­té d’avoir ici la messe de tou­jours, au début peut-​être une fois par an. D’autre part, je dois admettre que fort peu nom­breux sont ceux qui sont inté­res­sés par la tra­di­tion pour l’instant (entre dix et quinze per­sonnes), mais « le Christ a com­men­cé avec douze ; aus­si n’avons nous pas à avoir honte d’être si peu », comme disait Mgr Lefebvre. J’espère donc que ce ne sera pas un obs­tacle. Pouvons-​nous donc espé­rer la visite d’un prêtre de la tra­di­tion cette année à X. ? Si oui, que pouvons-​nous faire pour rendre cette visite pos­sible ? Je serais très recon­nais­sant de votre réponse.
Que Dieu vous bénisse, M. l’abbé, et votre mis­sion. Votre (…).

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Chers amis, le Chapitre géné­ral qui doit avoir lieu du 11 au 13 juillet à Ecône auprès du tom­beau de Mgr Lefebvre, pour l’élection du Supérieur géné­ral et de ses deux Assistants, sera de la plus grande impor­tance pour notre Fraternité et même pour toute la famille de la tra­di­tion. A la longue, nous devons réus­sir à remettre en vigueur à Rome et dans les évê­chés la saine doc­trine, le vrai saint Sacrifice de la messe et la juste atti­tude catho­lique envers le monde et ses erreurs. Les funestes congrès reli­gieux qui mènent fata­le­ment le cler­gé et le peuple fidèle à l’indifférence reli­gieuse doivent trou­ver une fin. Au lieu de cela, il faut que les adeptes des fausses reli­gions entendent un appel à la conver­sion et au bap­tême, que les héré­tiques et les schis­ma­tiques reçoivent la moni­tion d’avoir à ren­trer dans le giron de la sainte Eglise.

La recons­truc­tion com­mence avec des familles nom­breuses, catho­liques, saines qui se ras­semblent autour des autels, qui vivent de la grâce du saint Sacrifice de la messe, qui trans­forment leur foyer en un petit sanc­tuaire où l’on adore Notre-​Seigneur et où l’on invoque quo­ti­dien­ne­ment Sa très sainte Mère par le Rosaire ; d’où est ban­ni tout ce qui est contraire à la ver­tu chré­tienne, par­ti­cu­liè­re­ment cette source empoi­son­née qu’est la télé­vi­sion, et où à sa place règnent la cha­ri­té, la joie, la paix, fruits du Saint-​Esprit. C’est dans un tel milieu que croissent les per­son­na­li­tés chré­tiennes viriles, que se déve­loppent des âmes ardentes et apos­to­liques ; plus d’affection mater­nelle à l’intérieur, plus de viri­li­té mas­cu­line à l’extérieur : voi­là ce dont on a besoin ! Il nous faut des pères et des mères catho­liques, des hommes et des femmes catholiques.

Que ces pères de famille cherchent ensuite à rem­plir des fonc­tions dans la poli­tique de la cité afin d’obtenir de Notre-​Seigneur son retour sur son trône royal dans la vie publique après qu’il y sera reve­nu dans la famille.
Joignez-​vous donc à notre neu­vaine de prières du 2 au 10 juillet. Nous invi­tons aus­si les fidèles de nos prieu­rés et cha­pelles à une jour­née de jeûne et d’abstinence dans la même inten­tion le 9 juillet ; et que les malades offrent leurs souf­frances et leurs dou­leurs, les mou­rants leur vie en union avec la Victime eucha­ris­tique pour la sau­ve­garde et la pro­pa­ga­tion de la foi, pour la fin de la des­truc­tion du lieu saint, pour la sanc­ti­fi­ca­tion des prêtres qui, dans ce monde sans Dieu, plein d’immoralité et d’infidélité, sont expo­sés quo­ti­dien­ne­ment à mille dan­gers et aux pires ten­ta­tions. « Nul n’a un amour plus grand que celui qui donne sa vie pour ses amis » dit le divin Maître (Jn 15, 13).

De notre côté, nous n’avons qu’un seul désir : que ce Chapitre géné­ral soit, dans sa pré­pa­ra­tion, dans son dérou­le­ment, dans ses déci­sions et leur appli­ca­tion, un acte de la pro­fonde ado­ra­tion de Dieu Trinité, une glo­ri­fi­ca­tion de Jésus-​Christ, Souverain prêtre et Victime, Roi d’amour sur toute la socié­té humaine ; qu’il soit à l’honneur de la très sainte Mère de Dieu, média­trice de toutes les grâces, à la gloire de la sainte Eglise catho­lique et romaine une grande béné­dic­tion pour les âmes.

Menzingen, le 23 février 1994, mer­cre­di des Quatre-​Temps de Carême.

Abbé Franz Schmidberger

Supérieur géné­ral

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