A propos de l’affaire des affiches : « He, François ! »

Dans la nuit du 3 au 4 février 2017, envi­ron 200 affiches non signées ont été pla­car­dées dans le centre-​ville de Rome. On y voit le pape, mine ren­fro­gnée, au-​dessus d’un texte qui l’interpelle en ces termes : « Tu as pla­cé sous tutelle des Congrégations, tu as écar­té des prêtres, tu as déca­pi­té l’Ordre de Malte et les Franciscains de l’Immaculée, tu as igno­ré les car­di­naux… Mais où est ta Miséricorde ? » [Voir pho­to ci-​dessus]. La muni­ci­pa­li­té de Rome a annon­cé, le 5 février, avoir reti­ré les 200 affiches, avec une célé­ri­té inha­bi­tuelle dans la Ville éter­nelle. Une enquête a été ouverte pour ten­ter de retrou­ver, grâce aux camé­ras de sur­veillance, les auteurs du délit.

Dans un article du 17 février écrivait :

« Sous l’angle de la com­mu­ni­ca­tion, les cri­tiques du pape François se classent en trois caté­go­ries : le pre­mier groupe estime que le pape argen­tin n’est pas sin­cère et qu’il mène une opé­ra­tion de séduc­tion bien orches­trée. Ils voient une contra­dic­tion entre la bon­ho­mie affi­chée et sa per­son­na­li­té pro­fonde plu­tôt sévère et auto­ri­taire, voire intran­si­geante. Ce groupe d’opposants se plaint du peu de consi­dé­ra­tion de François pour le cler­gé et le per­son­nel de la curie. La réforme avec ses chan­ge­ments de postes passe mal. Ces cri­tiques s’étonnent aus­si du chan­ge­ment de style entre l’archevêque de Buenos Aires et le pape à Rome.

La deuxième caté­go­rie regroupe ceux qui pensent que le pape François est sin­cère et spon­ta­né, mais que son atti­tude crée la confu­sion par­mi les croyants et sème le trouble. Ils jugent que le sou­ve­rain pon­tife favo­rise l’image au détri­ment du fond, et que l’Eglise passe ain­si à côté de l’essentiel. Selon eux, la meilleure preuve serait que les églises ne sont pas plus rem­plies qu’avant.

Le troi­sième groupe réunit ceux qui n’aiment pas le pape François « et puis c’est tout ». En pous­sant un peu plus loin l’analyse, on com­prend qu’ils opposent à la vision large de la fra­ter­ni­té du pape, la recherche d’une iden­ti­té catho­lique plus forte et mieux affir­mée. Ils se sentent lâchés par ce pape, alors qu’ils atten­daient un sou­tien face à une socié­té où ils sont en mino­ri­té. En rame­nant des familles de réfu­giés musul­mans de sa visite à Lesbos, le pape François aurait affi­ché son mépris des chré­tiens d’Orient persécutés. »

La Porte Latine vous pro­pose l’a­na­lyse que fait de cet « évé­ne­ment » M. l’ab­bé Patrick de La Rocque, curé de Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet.

Ce 4 février, le quar­tier du Vatican se réveillait tapis­sé d’affiches inter­pel­lant le pape : « Eh, François ! tu as mis sous tutelle des Congrégations, limo­gé des prêtres, déca­pi­té l’Ordre de Malte et les Franciscains de l’Immaculée, tu as igno­ré des car­di­naux… Mais où est ta miséricorde ? »

Un vent de révolte se lève donc contre le pape François. C’est que son ultra pro­gres­sisme qua­si dic­ta­to­rial n’en est pas à sa pre­mière vic­time. Du jeune ordre des Franciscains de l’Immaculée, pour­tant flo­ris­sant, il ne reste plus rien, de par la volon­té per­son­nelle du pape. En cause, la remise en ques­tion du concile Vatican II par les­dits fran­cis­cains. Un évêque phi­lip­pin vient-​il à recueillir quelques-​uns d’entre eux ? Il est aus­si­tôt rele­vé de sa charge par le pape François.

Autre exemple, celui du car­di­nal Burke. Après avoir été démis de la Signature apos­to­lique et relé­gué comme aumô­nier de l’Ordre de Malte, le voi­ci à nou­veau rele­vé de fac­to de cette fonc­tion. En cause, l’opposition du car­di­nal à Amoris læti­tia, ouvrant aux divor­cés rema­riés l’accès à la com­mu­nion eucha­ris­tique. Quant à l’Ordre de Malte, lui aus­si jugé trop conser­va­teur, le pape a nom­mé le très pro­gres­siste Mgr Becciu pour assu­rer son « renou­veau spirituel ».

Tandis qu’en ses déci­sions dis­ci­pli­naires il anéan­tit toute oppo­si­tion, le pape François conti­nue sa révo­lu­tion doc­tri­nale. Après la com­mu­nion aux divor­cés rema­riés, c’est main­te­nant l’ordination des femmes que la sub­ver­sive revue jésuite Civilta Cattolica avance, avec les applau­dis­se­ments du pape.

Ce même pape, dit-​on, vou­drait du bien à la Tradition – enten­dez la FSSPX et les com­mu­nau­tés amies. Son amour des péri­phé­ries le dis­po­se­rait à accor­der une pré­la­ture per­son­nelle. Certains, en mal de recon­nais­sance, se réjouissent de l’aubaine tan­dis que d’autres s’inquiètent, à rai­son même du peu de confiance que l’on peut accor­der à ce pape. Et si la ques­tion était mal posée ?

Ainsi que le rap­pelle Aristote, si les hommes s’unissent, c’est en vue d’unir leurs efforts pour l’obtention d’une fin com­mune. D’un point de vue sur­na­tu­rel, la pre­mière ques­tion est donc de savoir si, oui ou non, nous pour­sui­vons avec la Rome d’aujourd’hui la même fin, si nous avons la même foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ unique rédemp­teur, si nous avons la même foi en l’Eglise catho­lique, hors de laquelle il ne peut y avoir de salut. Il est hélas à craindre que non.

Aussi, loin de toute pas­qui­nade, il serait indis­pen­sable d’interpeller le pape François sur le conte­nu de sa foi, avant même de s’interroger sur l’opportunité pru­den­tielle d’une recon­nais­sance cano­nique. Car il ne peut rele­ver de la volon­té divine de mettre son salut éter­nel dans la dépen­dance de quelqu’un qui ne pro­fesse pas la foi catho­lique. Etablir une uni­té légale sans uni­té réelle serait d’ailleurs un contresens.

Sans doute était-​ce cela que Mgr Lefebvre avait en vue lorsqu’après les sacres, il s’exprimait dans la revue Fideliter :

« Si je vis encore un peu et en sup­po­sant que d’ici à un cer­tain temps Rome fasse un appel […] Je pose­rais la ques­tion au plan doc­tri­nal : « Est-​ce que vous êtes d’accord avec les grandes ency­cliques de tous les papes qui vous ont pré­cé­dés ? Est-​ce que vous êtes d’accord avec Quanta Curade Pie IX, Immortale Dei, et Libertasde Léon XIII, Pascendide Pie X, Quas Primasde Pie XI, Humani gene­ris de Pie XII ? Est-​ce que vous êtes en pleine com­mu­nion avec ces papes et avec leurs affir­ma­tions ? […] Les posi­tions seraient ain­si plus claires. »

Abbé Patrick de LA ROCQUE

Sources : Le Chardonnet n° 326 de mars 2017

FSSPX

M. l’ab­bé Patrick de la Rocque est actuel­le­ment prieur de Nice. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions théo­lo­giques avec Rome entre 2009 et 2011.