Sermon de Mgr Lefebvre – 60 ans de sacerdoce du R.P. Londos – 18 juin 1986

Cher Révérend Père Londos,
Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

C’est avec une très grande joie et une très grande satis­fac­tion, cher Révérend Père, que nous vous accueillons aujourd’hui dans cette humble cha­pelle de notre sémi­naire, pour fêter vos noces de dia­mant de sacerdoce.

Ce ne sont pas tous les prêtres aux­quels le Bon Dieu fait cette grâce, d’avoir et de fêter ses soixante ans de sacer­doce. Aussi sommes-​nous heu­reux de par­ta­ger votre joie, de nous unir à vous dans les actions de grâces que vous expri­mez dans cette messe que vous célé­brez vous-même.

Mais vous devriez être entou­ré de mil­liers de per­sonnes ; vous devriez être entou­ré de toute votre socié­té reli­gieuse, de tous ceux aux­quels votre apos­to­lat s’est diri­gé au cours de ces soixante années de sacer­doce, qui ont pro­fi­té des grâces de votre sacer­doce. Alors puisque la révo­lu­tion qui s’est intro­duite à l’intérieur de l’Église vous a en quelque sorte iso­lé, à cause de votre foi dans votre sacer­doce, parce que vous avez conti­nué à être fidèle à votre sacer­doce de tou­jours, nous essayons aujourd’hui de rem­pla­cer tous les absents et de vous dire le témoi­gnage de notre recon­nais­sance pour ce sacer­doce exer­cé pen­dant soixante ans et pour toutes les grâces que vous avez don­nées aux âmes qui ont pro­fi­té de votre ministère.

Vous aviez choi­si la Congrégation des Pères maristes ; fon­dée en 1816, congré­ga­tion par­ti­cu­liè­re­ment des­ti­née aux mis­sions, mis­sions exté­rieures, mis­sions inté­rieures, paroisses et aus­si à l’éducation chré­tienne, éga­le­ment à l’éducation de futurs prêtres. Et c’est ce que vous avez fait, au cours de votre vie, d’une manière toute par­ti­cu­lière. Vous vous êtes atta­ché par­ti­cu­liè­re­ment à la for­ma­tion de ceux qui se des­ti­naient au sacer­doce ou à la vie religieuse.

Et nous sommes heu­reux de pen­ser qu’à côté de vous, d’autres prêtres de votre socié­té, ont éga­le­ment choi­si la même voie que vous, dans la fidé­li­té à la foi de tou­jours, au sacer­doce de tou­jours. Le cher Père Da Silva ici pré­sent, le cher Père Vigouroux, qui nous a quit­tés il y a peu de temps et qui s’était dévoué avec tant de zèle auprès des élèves de notre école Saint-​Michel de Châteauroux et le Père Smith qui se dévoue éga­le­ment en Nouvelle Zélande.

Autant de témoins de votre chère socié­té qui a été fon­dée pré­ci­sé­ment, en grande par­tie, pour main­te­nir et res­tau­rer la foi qui avait été si éprou­vée par la Révolution fran­çaise. Beaucoup de congré­ga­tions comme la vôtre, sont nées au cours de ce XIXe siècle, ont été très flo­ris­santes, ont envoyé des mis­sion­naires par­tout ; ont réa­li­sé un tra­vail immense de rechris­tia­ni­sa­tion, fai­sant refleu­rir les voca­tions reli­gieuses et les voca­tions sacer­do­tales dans le monde dévas­té par la per­sé­cu­tion antichrétienne.

Et ain­si, vous avez été des­ti­né par­ti­cu­liè­re­ment, au cours de votre exis­tence sacer­do­tale, à vous occu­per des petits sémi­naires, petits sémi­naires de votre socié­té, petits sémi­naires d’autres dio­cèses, éga­le­ment de voca­tions tar­dives. Vous avez tou­jours aimé, cette voca­tion spi­ri­tuelle des jeunes qui se pré­parent au sacer­doce ou à la vie reli­gieuse. Vous l’avez mani­fes­té d’ailleurs, quand vous vous êtes occu­pé de nos chers frères.

Vous avez aus­si été for­ma­teur de futurs prêtres, dans les sémi­naires, dans les grands sémi­naires, sémi­naire de Nevers, sémi­naire de Valence où vous avez don­né le meilleur de vous-​même, bien cher Père. Et aujourd’hui, eh bien, en célé­brant cette sainte Messe, ren­dez grâces à Dieu et nous ren­dons grâces à Dieu avec vous de toutes ces béné­dic­tions qui ont été accor­dées par vos mains à tous ceux qui ont reçu cette for­ma­tion sacerdotale.

En effet s’il est un but par­ti­cu­lier, auquel l’Église est atta­chée, c’est bien la for­ma­tion des prêtres et la for­ma­tion des reli­gieux. La vie sacer­do­tale et la vie reli­gieuse dans l’Église sont vrai­ment ce qu’elle a de plus beau ; sont vrai­ment ses joyaux en quelque sorte, qui lui sont vrai­ment per­son­nels, qui la dis­tinguent de toutes les autres fausses religions.

Notre Seigneur a vou­lu se choi­sir ses prêtres. Il a vou­lu qu’il y ait une dis­tinc­tion pro­fonde entre les fidèles, entre les laïcs et les clercs. Il a vou­lu mar­quer ceux aux­quels Il com­mu­ni­quait son Sacerdoce par le carac­tère sacra­men­tel du sacre­ment de l’ordre. Il a vou­lu aus­si se choi­sir par­mi les laïcs, par­mi les fidèles, des âmes qui se consa­cre­raient spé­cia­le­ment à Lui, des reli­gieux, des reli­gieuses, mani­fes­tant ain­si la pré­sence du Saint-​Esprit dans l’Église par toutes les ver­tus, l’exemple sacer­do­tal et l’exemple de la vie religieuse.

Eh bien, ayant pas­sé toute votre vie à ser­vir l’Église dans cette for­ma­tion de reli­gieux et de prêtres, vous avez vrai­ment bien méri­té de l’Église. Et il est tout à votre hon­neur d’avoir pré­fé­ré vous sépa­rer de ceux qui n’ont pas vou­lu conti­nuer dans cette tra­di­tion ; qui n’ont pas com­pris la gran­deur du sacer­doce, la gran­deur de la vie reli­gieuse et qui aujourd’hui, dans une cer­taine mesure, détruisent le sacer­doce et détruisent la vie religieuse.

Alors vous avez pré­fé­ré souf­frir, offrir ce grand sacri­fice de vous éloi­gner de votre famille reli­gieuse. Et ce n’est pas peu de chose, vous éloi­gner de votre vie reli­gieuse, de votre famille reli­gieuse, pour res­ter fidèle à votre sainte Vocation et non pas par­ti­ci­per, ni être le témoin de la des­truc­tion de la vie sacer­do­tale et de la vie reli­gieuse, à laquelle vous avez tra­vaillé toute votre vie et ain­si vous êtes venu vous joindre à nous et nous avons eu la joie de vous avoir ain­si pen­dant ces années et vous avez conti­nué votre apos­to­lat auprès de nous, auprès de nos jeunes gens. Nous vous en remer­cions vivement.

Quel bel exemple pour vous, mes bien chers amis, alors que si peu de prêtres, si peu de reli­gieux et de reli­gieuses ont main­te­nu cette tra­di­tion, ont conti­nué cette tra­di­tion. Il est bon que vous puis­siez avoir dans votre mémoire, que vous puis­siez fixer dans votre mémoire des exemples de prêtres qui ont été fidèles, fidèles jusqu’au bout à leur sainte Vocation reli­gieuse et voca­tion sacerdotale.

Ainsi ces exemples sont pour vous un grand encou­ra­ge­ment et je dirai, une grande sécu­ri­té. Ceux qui ont l’expérience – qui avaient l’expérience de la vie reli­gieuse, l’expérience de la vie sacer­do­tale – vous ont mon­tré la voie qu’il fal­lait suivre. Et nous remer­cions tous ceux qui sont venus ain­si col­la­bo­rer à notre œuvre et qui ont pré­fé­ré faire ce sacri­fice de quit­ter leur famille reli­gieuse, leur famille sacer­do­tale, pour mon­trer l’exemple de la fidé­li­té à l’Église, de la fidé­li­té à Notre Seigneur, de la fidé­li­té au sacerdoce.

Nous pen­sons au cher Père Barrielle ; nous pen­sons au cher Père Le Boulch, au cher Père Da Silva et à tous ceux qui comme eux sont venus mon­trer cet exemple, exemple très salutaire.

Alors, bien chers amis, gar­dez cela dans votre mémoire et soyez fidèles. Rien de si beau que la fidé­li­té à des enga­ge­ments que l’on a pris dans sa jeu­nesse. Rien d’aussi beau que la fidé­li­té au sacer­doce, 732
à la Sainte Messe dans laquelle on a été ordon­né. Ces prêtres ont vou­lu gar­der la Sainte Messe de leur ordi­na­tion, l’idéal de la voca­tion sacer­do­tale qu’ils conce­vaient à ce moment-​là. Et ils ont été fidèles.

Aussi, mon cher Père, je crois que vous pou­vez répé­ter les paroles de saint Paul : Bonum cer­ta­nem cer­ta­vi, cur­sum consum­ma­vi, fidem ser­va­vi (2 Tm 4,7) : J’ai bien com­bat­tu, j’ai ache­vé ma course, j’ai gar­dé la foi, et In reli­guo repo­si­ta est mihi coro­na jus­ti­tiæ, quam red­det mihi Dominus in illa die jus­tus judex… (2 Tm 4,8) : Il ne me reste plus qu’à rece­voir la cou­ronne de jus­tice qui m’est réser­vée, le Seigneur, le juste Juge, me la don­ne­ra en ce jour-là…

Nous prions pour cela, bien cher Père Londos, que le Bon Dieu vous accorde la joie intime et pro­fonde de ce bon com­bat de la foi, de cette foi que vous avez conser­vée jusqu’au bout et de la cou­ronne de jus­tice et de sain­te­té que le Bon Dieu vous don­ne­ra cer­tai­ne­ment un jour et pour laquelle nous prions pour vous.

Puisque vous êtes fils de la Congrégation de Marie, ce serait un oubli impar­don­nable, de ne pas évo­quer le nom de la Vierge Marie, au moment où vous fêtez ces soixante ans de sacer­doce que vous avez accom­plis sous la pro­tec­tion de la très Sainte Vierge Marie, comme fils de la Congrégation de Marie, comme Père mariste.

Que la Vierge Marie conti­nue cette pro­tec­tion et ses béné­dic­tions auprès de vous, ain­si que saint Joseph dont vous avez choi­si de célé­brer la Sainte Messe aujourd’hui, la Sainte Messe de saint Joseph.

Que saint Joseph et la très Sainte Vierge Marie, conti­nuent à vous pro­té­ger jusqu’à la fin de vos jours et vous accueillent un jour dans le Paradis.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.