23 septembre 1979

Sermon du jubilé sacerdotal – Paris, porte de Versailles

Il y a trente-​six ans, le 23 sep­tembre 1979, des mil­liers de per­sonnes se retrou­vaient à Paris, au Palais des Expositions de la porte de Versailles, autour de Mgr Marcel Lefebvre qui célé­brait ce jour-​là ses cin­quante ans de sacerdoce.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Mes bien chers frères,

Permettez-​moi, avant de com­men­cer les quelques paroles que je vou­drais vous adres­ser à l’occasion de cette belle céré­mo­nie, de remer­cier tous ceux qui ont contri­bué à sa magni­fique réussite.

Personnellement, j’avais pen­sé faire une réunion autour de l’autel d’Ecône, d’une manière dis­crète, pri­vée, à l’occasion de mon jubi­lé sacer­do­tal, mais le cher cler­gé de Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet et les chers prêtres qui m’entourent m’ont invi­té avec tel­le­ment d’instance à per­mettre à tous ceux qui le dési­raient de s’unir à mon action de grâce et à ma prière, à l’occasion de ce jubi­lé sacer­do­tal, que je n’ai pas pu refu­ser, et c’est pour­quoi nous sommes aujourd’hui réunis si nom­breux, venus de par­tout, venus d’Amérique, venus de tous les pays d’Europe libre.

Comment définirais-​je cette réunion, cette mani­fes­ta­tion, cette céré­mo­nie ? Un hom­mage, un hom­mage de votre foi dans le sacer­doce catho­lique et dans la sainte messe catho­lique.

Je pense réel­le­ment que c’est pour cela que vous êtes venus, pour mani­fes­ter votre atta­che­ment à l’Eglise catho­lique et au plus beau tré­sor, au plus sublime don que Dieu a fait aux hommes : le sacer­doce et le sacer­doce pour le sacri­fice, pour le sacri­fice de Notre-​Seigneur conti­nué sur nos autels.

Voilà pour­quoi vous êtes venus et voi­là pour­quoi nous sommes entou­rés aujourd’hui de tous ces chers prêtres, venus de par­tout éga­le­ment, et beau­coup plus nom­breux seraient-​ils venus, ces prêtres, si ce n’avait été un dimanche, car, ils sont tenus par leurs obli­ga­tions de célé­brer la sainte messe, sur place, mais ils sont de cœur avec nous, ils nous l’ont dit.

Les fruits de la messe : choses vues à Rome et en Afrique

Je vou­drais retra­cer, si vous me le per­met­tez, quelques tableaux dont j’ai été le témoin au cour de cette exis­tence, ce demi-​siècle, afin de bien mon­trer l’importance que la messe de l’Eglise catho­lique tient dans notre vie, dans la vie d’un prêtre, dans la vie d’un évêque et dans la vie de l’Eglise.

Jeune sémi­na­riste à Santa Chiara, au sémi­naire fran­çais de Rome, on nous appre­nait l’attachement aux céré­mo­nies litur­giques. J’ai eu, à cette occa­sion le pri­vi­lège d’être céré­mo­niaire, ce que nous appe­lons « les grands céré­mo­niaires », pré­cé­dé d’ailleurs dans cette charge par Mgr Lebrun, ancien évêque d’Autun, et par Mgr Ancel, tou­jours auxi­liaire de Lyon. J’étais donc grand céré­mo­niaire, sous la direc­tion de ce cher et Révérend Père Haegy, connu pour sa science dans la litur­gie. Et nous aimions pré­pa­rer l’autel et nous aimions pré­pa­rer les céré­mo­nies et nous étions tout en fête la veille d’un jour où une grande céré­mo­nie allait se dérou­ler sur nos autels. Nous avons donc appris, jeune sémi­na­riste à aimer l’autel.

« Domine dilexi deco­rem domus tuae et glo­riam habi­ta­tio­nis tuae. » C’est le ver­set que nous réci­tons lorsque nous nous lavons les mains à l’autel. « Oui, Seigneur, j’ai aimé la splen­deur de votre temple, j’ai aimé la gloire de votre habi­ta­tion. » Voilà ce qu’on nous appre­nait au sémi­naire fran­çais de Rome, sous la haute direc­tion du cher et révé­rend Père Le Floch, père bien-​aimé, père qui nous a appris à voir clair dans les évé­ne­ments de l’époque d’alors, en com­men­tant les ency­cliques des papes.

Et voi­ci que prêtre, ordon­né dans la cha­pelle du Sacré-​Cœur de la rue Royale à Lille, le 21 sep­tembre 1929, par celui qui était Mgr Liénart, je par­tais peu de temps après, deux ans après, en mis­sion, pour rejoindre mon frère qui se trou­vait déjà au Gabon, et là j’ai com­men­cé à apprendre ce qu’était la messe.

Certes, je connais­sais par les études que nous avions faites ce qu’était ce grand mys­tère de notre foi, mais je n’en avais pas com­pris toute la valeur, toute l’efficacité, toute la pro­fon­deur. Cela, je l’ai vécu jour par jour, année par année, dans cette Afrique et par­ti­cu­liè­re­ment au Gabon, où j’ai pas­sé treize ans de ma vie mis­sion­naire, d’abord au sémi­naire, ensuite dans la brousse au milieu des Africains, chez les indigènes.

Et là, j’ai vu, oui, j’ai vu ce que pou­vait la grâce de la sainte messe, je l’ai vue dans ces âmes saintes qu’étaient cer­tains de nos caté­chistes. Ces âmes païennes trans­for­mées par la grâce du bap­tême, trans­for­mées par l’assistance à la messe et par la sainte Eucharistie, ces âmes com­pre­naient le mys­tère du Sacrifice de la Croix, offraient leurs sacri­fices et leurs souf­frances avec Notre-​Seigneur Jésus-​Christ et vivaient en chrétien.

Je puis citer des noms : Paul Ossima, de Ndjolé, Eugène Ndong de Lambaréné, Marcel Mebalé de Donguila, et je conti­nue­rai par un nom du Sénégal, Monsieur Forster, trésorier-​payeur au Sénégal, choi­si à cette fonc­tion si déli­cate et si impor­tante par ses pairs et même par les musul­mans à cause de son hon­nê­te­té, à cause de son intégrité.

Voilà des hommes qu’a pro­duit la grâce de la messe, qui assis­taient à la messe tous les jours, com­mu­niaient avec fer­veur et qui sont deve­nus des modèles et des lumières autour d’eux, sans comp­ter beau­coup de chré­tiens et chré­tiennes trans­for­més par la grâce.

J’ai pu voir ces vil­lages de païens deve­nus chré­tiens se trans­for­mer non seule­ment, je dirai, spi­ri­tuel­le­ment et sur­na­tu­rel­le­ment, mais se trans­for­mer phy­si­que­ment, socia­le­ment, éco­no­mi­que­ment, poli­ti­que­ment, se trans­for­mer parce que ces per­sonnes, de païennes qu’elles étaient, étaient deve­nues conscientes de la néces­si­té d’accomplir leur devoir, mal­gré les épreuves, mal­gré les sacri­fices, de tenir leurs enga­ge­ments et en par­ti­cu­lier les enga­ge­ments du mariage. Et alors, le vil­lage se trans­for­mait peu à peu sous l’influence de la grâce, sous l’influence de la grâce du Saint Sacrifice de la messe, et tous ces vil­lages vou­laient avoir leur cha­pelle, tous ces vil­lages vou­laient avoir la visite du Père, la visite du mis­sion­naire ! Elle était atten­due avec impa­tience pour pou­voir assis­ter à la sainte messe, pou­voir se confes­ser et com­mu­nier ensuite. Des âmes se sont consa­crées alors à Dieu, des reli­gieux, des reli­gieuses, des prêtres se don­naient à Dieu, se consa­craient à Dieu, voi­là le fruit de la sainte messe.

Le sacrifice, source de la grâce

Pourquoi cela ? Il faut quand même que nous étu­dions un peu les motifs pro­fonds de cette trans­for­ma­tion : c’est le SACRIFICE. La notion du sacri­fice est une notion pro­fon­dé­ment chré­tienne et pro­fon­dé­ment catho­lique. Notre vie ne peut pas se pas­ser du sacri­fice dès lors que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, Dieu Lui-​même, a vou­lu prendre un corps comme le nôtre et nous dire : « Suivez-​moi, pre­nez votre croix et suivez-​moi si vous vou­lez être sau­vé », et qu’Il nous a don­né l’exemple de la mort sur la croix, qu’Il a répan­du son Sang ; oserions-​nous, nous ses pauvres créa­tures, pécheurs que nous sommes, ne pas suivre Notre-​Seigneur en sui­vant son sacri­fice, en sui­vant sa croix ? Voilà tout le mys­tère de la civi­li­sa­tion chré­tienne, voi­là ce qu’est la racine de la civi­li­sa­tion chré­tienne, de la civi­li­sa­tion catholique.

La com­pré­hen­sion du sacri­fice dans sa vie, dans la vie quo­ti­dienne, l’intelligence de la souf­france chré­tienne, ne plus consi­dé­rer la souf­france comme un mal, comme une dou­leur insup­por­table, mais par­ta­ger ses souf­frances et sa mala­die avec les souf­frances de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, en regar­dant la Croix, en assis­tant à la sainte messe qui est la conti­nua­tion de la pas­sion de Notre-​Seigneur sur le Calvaire.

Comprendre la souf­france, alors la souf­france devient une joie, la souf­france devient un tré­sor parce que ces souf­frances unies à celles de Notre-​Seigneur, unies à celles de tous les mar­tyrs, unies à celles de tous les saints, de tous les catho­liques, de tous les fidèles qui souffrent dans le monde, unies à la Croix de Notre-​Seigneur, deviennent un tré­sor inex­pri­mable, un tré­sor inef­fable, deviennent d’une effi­ca­ci­té extra­or­di­naire pour la conver­sion des âmes, pour le salut de notre propre âme. Beaucoup d’âmes saintes, chré­tiennes, ont même dési­ré souf­frir, ont dési­ré la souf­france pour s’unir davan­tage à la Croix de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Voilà la civi­li­sa­tion chrétienne.

Bienheureux ceux qui souffrent pour la sain­te­té,
Bienheureux les pauvres,
Bienheureux les doux,
Bienheureux ceux qui font misé­ri­corde,
Bienheureux les pacifiques.

Voilà ce que la Croix nous enseigne, voi­là ce que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ nous enseigne sur Sa Croix.

La Croix, source de transformation sociale

Cette civi­li­sa­tion chré­tienne qui a péné­tré dans ces pays encore récem­ment païens, les a trans­for­més, les a pous­sés à vou­loir se don­ner aus­si des chefs catho­liques. J’ai pu assis­ter, moi-​même, et connaître des chefs de ces pays catho­liques. Le peuple catho­lique dési­rait avoir des chefs catho­liques afin qu’ils sou­mettent aus­si leur gou­ver­ne­ment et toutes les lois du pays à celles de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, au décalogue.

Si la France, à ce moment-​là, la France dite catho­lique, si elle avait réel­le­ment rem­pli son rôle de puis­sance catho­lique, elle aurait autre­ment sou­te­nu ces pays dans leur foi, et si elle avait sou­te­nu ces pays dans leur foi, ces pays ne seraient pas, comme main­te­nant, mena­cés tous par le com­mu­nisme, l’Afrique ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Cela n’est pas tel­le­ment de la faute des Africains eux-​mêmes, mais bien plus des pays colo­ni­sa­teurs qui n’ont pas su pro­fi­ter de cette foi chré­tienne qui s’enracinait dans ces peuples afri­cains, pour gar­der et exer­cer une influence fra­ter­nelle envers ces pays qui les auraient aidés à main­te­nir la foi et à chas­ser le communisme.

Si nous jetons nos regards, main­te­nant, sur l’histoire, eh bien ! ce que je vous dis s’est pas­sé dans les pre­miers siècles après Constantin, dans nos propres pays. Nous nous sommes conver­tis, nos ancêtres se sont conver­tis, les chefs des nations se sont conver­tis, et pen­dant des siècles ont offert leur pays à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, ont sou­mis leur pays à la Croix de Jésus, ont vou­lu que Marie soit la Reine de leur pays.

On peut lire des lettres admi­rables de saint Edouard, roi d’Angleterre, de saint Louis, roi de France, de saint Henri, empe­reur du Saint-​Empire, de sainte Elisabeth de Hongrie et de tous ces saints qui ont été à la tête de nos pays catho­liques et qui ont fait la chrétienté.

Quelle foi, alors, en la sainte messe ! Saint Louis, roi de France, ser­vait deux messes tous les jours et lorsqu’il voya­geait et qu’il enten­dait la cloche qui son­nait la consé­cra­tion, il des­cen­dait de che­val, il des­cen­dait de son car­rosse pour s’agenouiller et s’unir à la consé­cra­tion qui se réa­li­sait à ce moment-​là. Voilà ce qu’était la civi­li­sa­tion catho­lique. Ah ! nous en sommes bien loin, maintenant !

Un autre évé­ne­ment que nous devons évo­quer après ces tableaux de la civi­li­sa­tion chré­tienne, soit en Afrique, soit dans notre his­toire et par­ti­cu­liè­re­ment dans notre his­toire de France, c’est celui de cet évé­ne­ment récent qui s’est pas­sé dans l’Eglise, évé­ne­ment consi­dé­rable : celui de Vatican II. Nous sommes bien obli­gés de consta­ter que les enne­mis de l’Eglise savent, peut-​être mieux que nous, ce que vaut une messe catho­lique. Il y a eu un poème qui a été fait à ce sujet là et où l’on prête des paroles à Satan qui mani­festent que Satan tremble chaque fois qu’une messe, une véri­table messe catho­lique est célé­brée, car cela lui rap­pelle la Croix et il sait bien que c’est par la Croix qu’il a été vain­cu, et les enne­mis de l’Eglise, ceux qui font des messes sacri­lèges dans les sectes, et les com­mu­nistes eux-​mêmes savent bien ce que vaut une messe catholique !

On me disait récem­ment qu’en Pologne, le par­ti com­mu­niste, les ins­pec­teurs des cultes sur­veillent les prêtres polo­nais qui disent une messe ancienne, mais laissent libres ceux qui disent la nou­velle messe, per­sé­cutent ceux qui disent l’ancienne messe, la messe de tou­jours ; quant aux étran­gers, on les laisse libres de dire la messe qu’ils veulent afin de don­ner une impres­sion de liber­té, mais les prêtres polo­nais, ceux-​là qui veulent s’en tenir à la Tradition, sont persécutés.

Je lisais récem­ment le docu­ment de PAX qui nous a été com­mu­ni­qué par la non­cia­ture en juin 1963, au nom du car­di­nal Wyszynski. Ce docu­ment nous disait en sub­stance : « On croit que nous avons la liber­té, on fait croire que nous l’avons et ce sont les prêtres affi­liés à PAX qui sont dévots au gou­ver­ne­ment com­mu­niste qui répandent ces bruits parce qu’ils ont la presse pour eux, même la presse pro­gres­siste fran­çaise est pour eux. Mais ce n’est pas vrai, nous n’avons pas la liberté. »

Le car­di­nal Wyszynski don­nait les points pré­cis, il disait par exemple que dans les camps de jeu­nesse, orga­ni­sés par les com­mu­nistes, les enfants étaient par­qués der­rière des fils de fer bar­be­lés, le dimanche, pour les empê­cher d’aller à la messe, et que les colo­nies de vacances orga­ni­sées par les prêtres catho­liques étaient sur­veillées par héli­co­ptère pour voir si les enfants allaient à la messe.

Pourquoi ce besoin de sur­veiller les enfants qui vont à la messe ? Parce que les enne­mis savent que la messe est essen­tiel­le­ment anti-​communiste, elle ne peut pas ne pas l’être, car, qu’est-ce que le com­mu­nisme ? Le com­mu­nisme c’est tout pour le Parti et tout pour la révo­lu­tion, la messe, c’est tout pour Dieu, ce n’est pas la même chose !

Voilà ce qu’est la messe catho­lique, elle s’oppose à ce pro­gramme des par­tis, pro­gramme qui est un pro­gramme satanique.

Or vous le savez bien, nous avons tous des épreuves, nous avons tous des dif­fi­cul­tés dans notre vie, dans notre exis­tence et nous avons besoin de savoir pour­quoi nous souf­frons, pour­quoi ces épreuves, pour­quoi ces dou­leurs, pour­quoi ces souf­frances, pour­quoi ces catho­liques, ces per­sonnes éten­dues sur des gra­bats ? Les hôpi­taux pleins de malades, pourquoi ?

Le chré­tien répond : pour unir mes souf­frances à celles de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ au saint Autel ; les unir au saint Autel et ain­si par­ti­ci­per à l’œuvre de la rédemp­tion de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, méri­ter pour moi et pour ces âmes le salut du ciel.

Alors, au concile, les enne­mis de l’Eglise se sont infil­trés, et le pre­mier objec­tif qu’ils ont eu a été de démo­lir et de détruire d’une cer­taine façon et dans une cer­taine mesure la messe. Vous pou­vez lire les livres de Monsieur Michel Davies [1], catho­lique anglais qui a fait des livres magni­fiques pour mon­trer com­ment la réforme litur­gique de Vatican II res­semble exac­te­ment à celle qui s’est pro­duite au temps de Cranmer, dès le nais­sance du pro­tes­tan­tisme anglais.

De même, en lisant l’histoire de la trans­for­ma­tion litur­gique faite par Luther, on s’aperçoit que c’est exac­te­ment le même pro­cé­dé, le même pro­ces­sus qui a été sui­vi, len­te­ment, mais sous des dehors encore appa­rem­ment bons, appa­rem­ment catho­liques. On a enle­vé jus­te­ment de la messe ce qui fait son carac­tère sacri­fi­ciel, son carac­tère de rédemp­tion du péché par le sang de Notre-​Seigneur Jésus-​christ. On a fait de la messe une pure assem­blée pré­si­dée par le prêtre. Ce n’est pas cela la messe.

Aussi n’est-il pas éton­nant que la Croix ne triomphe plus, parce que le sacri­fice ne triomphe plus, et que les hommes ne pensent plus qu’à aug­men­ter leur stan­ding de vie, qu’à recher­cher l’argent, les richesses, les plai­sirs, le confort, les faci­li­tés d’ici-bas et perdent le sens du sacrifice.

Une croisade pour recréer la Chrétienté

Que nous reste-​t-​il à faire, mes bien chers frères, si nous appro­fon­dis­sons ce grand mys­tère de la messe ? Je pense pou­voir dire que nous devons faire une croi­sade, appuyée sur le Saint Sacrifice de la messe, sur le Sang de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, appuyée sur ce roc invin­cible et sur cette source inépui­sable de grâces qu’est le Saint Sacrifice de la messe.

Vous êtes là parce que vous aimez le Saint Sacrifice de la messe, ces jeunes sémi­na­ristes sont au sémi­naire d’Ecône, des Etats-​Unis, d’Allemagne, ils y sont venus pour­quoi ? Ils viennent dans nos sémi­naires pour la sainte messe, pour la sainte messe de tou­jours qui est la source des grâces, la source de l’Esprit-Saint, la source de la civi­li­sa­tion chré­tienne. C’est cela le prêtre.

Il nous faut faire une croi­sade, une croi­sade appuyée pré­ci­sé­ment sur cette notion de sacri­fice, afin de recréer la chré­tien­té, refaire une chré­tien­té telle que l’Eglise la désire, l’a tou­jours faite avec les mêmes prin­cipes, le même sacri­fice de la messe, les mêmes sacre­ments, le même caté­chisme, la même Ecriture Sainte.

Nous devons recréer cette chré­tien­té, c’est vous, mes bien chers frères, vous qui êtes le sel de la terre, vous qui êtes la lumière du monde, vous aux­quels Notre-​Seigneur Jésus-​Christ s’adresse en vous disant : « Ne per­dez pas le fruit de mon Sang, n’abandonnez pas mon Calvaire, n’abandonnez pas mon Sacrifice ». Et la Vierge Marie, qui est tout près de la Croix, vous le dit aus­si. Elle qui a le cœur trans­per­cé, rem­pli de souf­frances et de dou­leurs, éga­le­ment rem­pli de joie de s’unir au Sacrifice de son divin fils, Elle vous le dit aus­si : « Soyons chré­tiens, soyons catholiques ! »

Ne nous lais­sons pas entraî­ner par toutes ces idées du monde, par tous ces cou­rants qui sont dans le monde et qui nous entraînent vers le péché, vers l’enfer. Si nous vou­lons aller au ciel, nous devons suivre Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, por­ter notre croix, et suivre Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, l’imiter dans sa Croix, dans sa souf­france, dans son sacrifice.

Alors, je demande aux jeunes, aux jeunes qui sont ici, dans cette salle, de deman­der aux prêtres de leur expli­quer ces choses si belles, si grandes, de manière à ce qu’ils choi­sissent leur voca­tion, et que dans toutes les voca­tions qu’ils peuvent choi­sir, qu’ils soient prêtres, reli­gieux, reli­gieuses, mariés, mariés par le sacre­ment de mariage et donc dans la Croix de Jésus-​Christ et dans le Sang de Jésus-​Christ, mariés sous la grâce de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, qu’ils com­prennent la gran­deur du mariage et qu’ils s’y pré­parent digne­ment par la pure­té, la chas­te­té, par la prière, par la réflexion. Qu’ils ne se laissent pas entraî­ner par toutes ces pas­sions qui agitent le monde. Croisade des jeunes qui doivent recher­cher le véri­table idéal !

Croisade aus­si des familles chré­tiennes ! Familles chré­tiennes qui êtes ici, consa­crez vos familles au Cœur de Jésus, au Cœur Eucharistique de Jésus, au Cœur Immaculé de Marie. Priez en famille ! Oh ! Je sais que beau­coup d’entre vous le font, mais qu’il y en ait tou­jours de plus en plus qui le fassent avec fer­veur. Que vrai­ment Notre-​Seigneur règne dans vos foyers !

Eloignez, je vous en sup­plie, tout ce qui empêche les enfants de venir dans votre foyer. Il n’y a pas de plus beau don que le bon Dieu puisse faire à vos foyers que d’avoir de nom­breux enfants. Ayez des familles nom­breuses, c’est la gloire de l’Eglise catho­lique que la famille nom­breuse. Elle l’a été au Canada, elle l’a été en Hollande, elle l’a été en Suisse, elle l’a été en France, par­tout les familles nom­breuses étaient la joie de l’Eglise et la pros­pé­ri­té de l’Eglise. Ce sont autant d’élus pour le ciel. Alors ne limi­tez pas, je vous en sup­plie, les dons de Dieu, n’écoutez pas ces slo­gans abo­mi­nables qui détruisent la famille, qui ruinent la san­té, qui ruinent le ménage et qui pro­voquent les divorces !

Et je sou­haite que dans ces temps si trou­blés, dans cette atmo­sphère si délé­tère dans laquelle nous vivons dans les villes, vous retour­niez à la terre quand c’est pos­sible. La terre est saine, la terre apprend à connaître Dieu, la terre rap­proche de Dieu, elle équi­libre les tem­pé­ra­ments, les carac­tères, elle encou­rage les enfants au travail.

Et s’il le faut, vous ferez vous-​mêmes l’école à vos enfants, si les écoles cor­rompent vos enfants, qu’allez-vous faire ? Les don­ner aux cor­rup­teurs ? A ceux qui enseignent ces pra­tiques sexuelles abo­mi­nables dans les écoles ? Ecoles catho­liques de reli­gieux, de reli­gieuses où l’on enseigne le péché, ni plus ni moins ! Dans la pra­tique, on enseigne cela aux enfants, on les cor­rompt dès leur plus jeune âge. Et vous sup­por­tez cela ? C’est impos­sible ! Mieux vaut que vos enfants soient pauvres, mieux vaut que vos enfants soient éloi­gnés de toute cette science appa­rente que le monde pos­sède, mais qu’ils soient de bons enfants, des enfants chré­tiens, des enfants catho­liques, des enfants qui aiment leur sainte reli­gion, qui aiment à prier et qui aiment le tra­vail, qui aiment la nature que le bon Dieu a faite.

Enfin, croi­sade des chefs de famille. Vous qui êtes chef de famille, vous avez une grave res­pon­sa­bi­li­té dans votre pays. Vous n’avez pas le droit de lais­ser votre pays enva­hi par le socia­lisme et le com­mu­nisme. Vous n’en avez pas le droit ou vous n’êtes plus catho­lique. Vous devez mili­ter au moment des élec­tions pour que vous ayez des maires catho­liques, des dépu­tés catho­liques et qu’enfin la France rede­vienne catho­lique. Ce n’est pas faire de la poli­tique cela, c’est faire de la bonne poli­tique, la poli­tique comme l’ont faite les saints, comme l’ont faite les papes qui se sont oppo­sés à Attila, comme saint Rémi qui a conver­ti Clovis, comme Jeanne d’Arc qui a sau­vé la France du pro­tes­tan­tisme. Si Jeanne d’Arc n’avait pas été sus­ci­tée en France, nous serions tous pro­tes­tants ! C’est pour gar­der la France catho­lique que Notre-​Seigneur a sus­ci­té Jeanne d’Arc, cette enfant de 17–18 ans, qui a bou­té les Anglais hors de France. C’est de la poli­tique cela aussi !

Alors, oui, cette poli­tique nous en vou­lons, nous vou­lons que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ règne. Vous l’avez chan­té tout à l’heure, « Christus vin­cit, Christus regnat, Christus impe­rat ! ». Est-​ce que ce sont des mots ? Seulement des mots ? Des paroles, des chants ? Non ! Il faut que ce soit une réa­li­té. Chefs de famille, c’est vous qui êtes res­pon­sables de cela, pour vos enfants, pour les géné­ra­tions qui viennent. Alors, vous devriez vous orga­ni­ser, vous réunir, vous entendre pour arri­ver à ce que la France rede­vienne chré­tienne, rede­vienne catho­lique. Ce n’est pas impos­sible, ou alors il faut dire que la grâce du Saint Sacrifice de la messe n’est plus la grâce, que Dieu n’est plus Dieu, que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ n’est plus Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Il faut faire confiance en la grâce de Notre-​Seigneur, car Notre-​Seigneur est tout-​puissant. J’ai vu cette grâce à l’œuvre en Afrique, il n’y a pas de rai­son pour qu’elle ne soit pas aus­si agis­sante ici, dans nos pays.

Et vous, chers prêtres qui m’écoutez, faites aus­si une union sacer­do­tale pro­fonde pour répandre cette croi­sade, pour ani­mer cette croi­sade afin que Jésus-​Christ règne. Et pour cela, vous devez être saints, vous devez recher­cher cette sain­te­té, mon­trer cette sain­te­té, cette grâce qui agit dans vos âmes et dans vos cœurs, cette grâce que vous rece­vez par le sacre­ment de l’Eucharistie et par la sainte messe que vous offrez. Vous seuls pou­vez l’offrir.

Mon testament

Je ter­mi­ne­rai, mes bien chers frères, par ce que j’appellerai, un peu, mon tes­ta­ment. Testament, c’est un bien grand mot, parce que je vou­drais que ce soit l’écho du tes­ta­ment de Notre-​Seigneur, novi et aeter­ni tes­ta­men­ti.

« Novi et aeter­ni tes­ta­menti », c’est le prêtre qui récite ces paroles à la consé­cra­tion du pré­cieux Sang. « Hic est calix san­gui­nis mei, novi et aeter­ni tes­ta­men­ti », l’héritage que Jésus-​Christ nous a don­né, c’est son Sacrifice, c’est son Sang, c’est sa Croix. Et cela est le ferment de toute la civi­li­sa­tion chré­tienne et de ce qui doit nous mener au ciel.

Aussi je vous dis :

Pour la gloire de la Très Sainte Trinité,
pour l’amour de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ,
pour la dévo­tion à la Très Sainte Vierge Marie,
pour l’amour de l’Eglise,
pour l’amour du pape,
pour l’amour des évêques, des prêtres, de tous les fidèles,
pour le salut du monde,
pour le salut des âmes,
gar­dez ce tes­ta­ment de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ !
Gardez le Sacrifice de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ !
Gardez la messe de toujours !

Et vous ver­rez la civi­li­sa­tion chré­tienne refleu­rir, civi­li­sa­tion qui n’est pas pour ce monde, mais civi­li­sa­tion qui mène à la cité catho­lique, et cette cité catho­lique, c’est la cité catho­lique du ciel qu’elle pré­pare. Elle n’est pas faite pour autre chose, la cité catho­lique d’ici-bas, elle n’est pas faite pour autre chose que pour la cité catho­lique du ciel.

Alors en gar­dant le Sang de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, en gar­dant son Sacrifice, en gar­dant cette messe, messe qui nous a été léguée par nos pré­dé­ces­seurs, messe qui a été léguée depuis les Apôtres jusqu’à aujourd’hui – et dans quelques ins­tants je vais pro­non­cer ces paroles sur le calice de mon ordi­na­tion, et com­ment voulez-​vous que je pro­nonce, sur le calice de mon ordi­na­tion, d’autres paroles que celles que j’ai pro­non­cées il y a cin­quante ans sur ce calice, c’est impos­sible, je ne puis pas chan­ger ces paroles – alors nous conti­nue­rons à pro­non­cer les paroles de la consé­cra­tion, comme nos pré­dé­ces­seurs nous l’ont appris, comme les papes, les évêques et les prêtres qui ont été nos édu­ca­teurs nous l’ont appris, afin que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ règne et que les âmes soient sau­vées par l’intercession de notre Bonne Mère du ciel.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

† Marcel Lefebvre, fon­da­teur de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Notes de bas de page

  1. La réforme litur­gique angli­cane, à com­man­der aux Editions clo­vis[]

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.