Quelques conseils sur la confession pour un Saint Carême

C’est bien d’aller se confes­ser “pour com­mu­nier”, mais a‑t-​on d’abord la contrition ?

Il y a des jeunes et aus­si des moins jeunes qui cherchent à vivre un catho­li­cisme vrai, dans un géné­reux effort de sin­cé­ri­té, loin de toute routine.

D’autres, cherchent à échap­per à toute menace de sclé­rose, reje­tant ce qu’ils appellent “des for­ma­li­tés”, mais sans pen­ser qu’habituellement, le for­ma­lisme s’introduit par la faute des usa­gers et qu’il dépend jus­te­ment d’eux de gar­der intacte leur vita­li­té reli­gieuse ou de la lais­ser s’étioler ou même s’éteindre pour un temps, faute d’un effort per­son­nel. Les rites de l’Église sont por­teurs de la vie de la grâce, mais aux seuls vivants.

L’usage de la confes­sion, si elle est bien com­prise, est un sérieux appui pour le déve­lop­pe­ment de la vie spi­ri­tuelle. Si beau­coup le com­prennent de plus en plus c’est tant mieux pour eux et pour la vita­li­té d’une paroisse. Bien sûr, dans le sacre­ment de péni­tence, la confes­sion n’est pas tout, on peut dire même qu’elle n’en est pas l’élément prin­ci­pal. Le sacre­ment de péni­tence com­porte un regret, un aveu, une abso­lu­tion, une répa­ra­tion. Le sacre­ment est consti­tué essen­tiel­le­ment par une abso­lu­tion qui efface la faute d’un cœur, d’une âme qui se repent.

C’est si vrai que dans le cas d’un péni­tent mou­rant qui ne peut plus expri­mer son aveu, le sacre­ment peut se pas­ser de cet aveu, mais il ne peut se pas­ser du regret. C’est si vrai aus­si que Dieu, de son côté, peut se pas­ser du sacre­ment, en l’absence de prêtre, mais II ne peut sau­ver une âme mal­gré elle, remettre un péché qu’on refuse obs­ti­né­ment de regret­ter. Il est bon de rap­pe­ler cela à ceux pour qui l’essentiel semble être leur accusation.

Le prêtre les exhorte à la contri­tion, il leur donne les moyens à envi­sa­ger pour ne pas retom­ber dans leurs fautes, mais ces per­sonnes paraissent par­fois ne pas les suivre, elles sont dis­traites. Que l’on s’inquiète d’être com­plet, quoi de plus nor­mal, mais il faut s’inquiéter sur­tout d’être contrit. C’est bien d’aller se confes­ser “pour com­mu­nier”, mais a‑t-​on d’abord la contrition ?

C’est ain­si que dans les quelques ins­tants que vous consa­crez d’ordinaire à vous pré­pa­rer immé­dia­te­ment à votre confes­sion, ne don­nez pas tout à l’examen de conscience, mais deman­dez aus­si à Dieu la grâce d’obtenir un sin­cère regret de vos fautes, expri­mez au Bon Dieu par avance, votre contri­tion, votre inten­tion de ne pas retom­ber. Si l’Église nous invite au repen­tir pen­dant le Carême, ce repen­tir doit être tel que nous détes­tons le péché plus que toute autre chose. Le péché est le mal suprême. Il faut l’apprécier à sa valeur et dès lors, en conce­voir l’horreur qu’il mérite. Faut-​il néces­sai­re­ment pour cela, des émo­tions sen­sibles ? Non, car nous ne sommes pas maîtres de les pro­vo­quer à notre gré.

Ce qui compte seul et qui dépend de nous, c’est la répul­sion éprou­vée par la volon­té, quand dans une foi vive, il appa­raît que le péché est le sou­ve­rain mal.
Alors la volon­té le déteste comme tel. Elle est prête à sup­por­ter toutes les peines cor­po­relles et spi­ri­tuelles plu­tôt que de le commettre.

Il y a un deuxième acte du péni­tent qui est la confes­sion. Nous sommes membres d’une socié­té spi­ri­tuelle, et une soli­da­ri­té intime nous relie les uns aux autres. Le Christ est le chef de cette socié­té. Cette soli­da­ri­té pro­fonde fait de la valeur de cha­cun d’entre nous, un tré­sor dont pro­fite toute la com­mu­nau­té. Et pour la même rai­son, chaque faute indi­vi­duelle devient un mal­heur pour tous. Il y a alors honte et souf­france pour le corps entier dès qu’un de ses membres défaille. Le pou­voir cen­tral est alors char­gé de réta­blir l’ordre et pour cette rai­son Notre Seigneur a éta­bli le tri­bu­nal des âmes. Qui donc est juge à ce tri­bu­nal ? Dieu d’abord, évi­dem­ment, Notre Seigneur Jésus-​Christ, mais avec Lui, toute la socié­té des âmes, les saints du ciel et les fidèles de la terre, toute cette socié­té spi­ri­tuelle à qui l’on a man­qué. Elle nous écoute dans la per­sonne d’un repré­sen­tant qui est aus­si le vicaire de Notre Seigneur. C’est ce que nous disons dans le Confiteor :

« Je confesse à Dieu Tout-​Puissant, à la bien­heu­reuse Marie tou­jours Vierge, à saint Michel Archange, à saint Jean-​Baptiste, aux saints Apôtres Pierre et Paul à tous les Saints, et à vous, mon Père, que j’ai beau­coup péché… »

Ce père auquel s’adresse le pécheur, c’est le prêtre qui a le droit d’entendre le pécheur, c’est le prêtre qui a le droit d’entendre et de juger les âmes.

Seul, un homme revê­tu du sacer­doce a qua­li­té pour rece­voir ain­si la puis­sance d’absoudre les pécheurs ; cette facul­té de rendre la grâce aux membres morts, ne convient qu’à celui-​là qui a pou­voir sur le chef même du Corps mys­tique et réa­lise par nous, dans l’Eucharistie, Sa pré­sence vivifiante.

Sachons voir le Christ, pré­sent der­rière son ministre et, à tra­vers lui, s’efforçant de nous rendre la vie.
Même quand le prêtre n’est pas un saint, même s’il ne prend pas assez conscience de son rôle, le prêtre demeure le vicaire du Christ. Je parle ici du prêtre qui croit encore au péché, car hélas, com­bien dans l’Église conci­liaire n’y croient plus, rela­ti­visent tout. Ce qui importe dans l’usage du sacre­ment de péni­tence, n’est pas tant les qua­li­tés de l’homme qui entend la confes­sion, mais sa qua­li­té de ministre du Christ. Parce que nous man­quons de foi, on s’attache par­fois exa­gé­ré­ment à la valeur humaine du confes­seur, valeur réelle, objec­tive, ou valeur que lui attri­buent notre sym­pa­thie et notre confiance. Qu’elle soit à prendre en consi­dé­ra­tion, c’est indé­niable, mais à un point de vue qui se situe pour ain­si dire, en marge du sacrement.

Elle va jouer, oui, pour les conseils qui sui­vront l’accusation et pré­cé­de­ront l’absolution. Mais atten­tion, le sacre­ment n’est pas consti­tué par ces conseils, il peut même s’en pas­ser tota­le­ment. L’important est d’avoir affaire à Notre Seigneur Jésus-​Christ qui détient le par­don, à Notre Seigneur vivant et agis­sant. Dans son église, par le minis­tère du prêtre qui a reçu de l’Église les pou­voirs de vous absoudre vali­de­ment, agis­sant in per­so­na Christi, au nom du Christ. Il ouvre pour votre âme, la source du par­don qui est le sang du Christ rédemp­teur et il la lave dans ce Sang.
Ce serait donc un manque de foi de dif­fé­rer une confes­sion de péchés graves, ou de retar­der indé­fi­ni­ment une confes­sion qui nous sor­ti­rait d’un malaise gran­dis­sant, parce que “notre” confes­seur n’est pas là.

Si ces per­sonnes avaient la com­pré­hen­sion de ce qu’est le sacre­ment, sou­ve­rai­ne­ment valable dans son œuvre puri­fi­ca­trice indé­pen­dam­ment de la qua­li­té du prêtre qui l’administre, s’ils com­pre­naient que le confes­seur est avant tout “ministre du Christ”, c’est-à-dire oreille du Christ pour entendre l’aveu, sagesse du Christ pour juger, et bouche du Christ pour pro­non­cer l’effacement, elles s’attacheraient moins aux appa­rences humaines et ne dif­fé­re­raient point. Je parle d’un prêtre catho­lique, qui a la foi catho­lique, qui est vrai­ment prêtre, ce qui signi­fie évi­ter un prêtre moderniste.

Ne pourrais-​je pas me conten­ter d’un aveu direc­te­ment expri­mé à Dieu dans l’intime de mon cœur ? Pourquoi dois-​je avouer mes fautes à un prêtre ? Parce que je suis membre de l’Église. Ma faute a offen­sé Dieu et m’a abî­mé moi-​même : man­que­ment d’amour que je dois à mon créa­teur et au ver­tueux amour que je dois por­ter à cet enfant de Dieu que je suis de par mon bap­tême. Mais elle a aus­si por­té atteinte à l’Église, comme écrit ci-​dessus, elle a por­té atteinte au Corps mys­tique. “Toute âme qui s’é­lève, élève le monde”. Tout chré­tien qui déchoit contra­rie la per­fec­tion de l’Église, de la paroisse. Le plus obs­cur des péchés cause une bles­sure à cet arbre dont je suis un rameau. Que je me détache com­plè­te­ment de l’arbre par le péché mor­tel ou que je m’en sépare un peu seule­ment, l’arbre entier souffre.

Je relève de l’Église dans ma vita­li­té, car Dieu a confié pour moi ses grâces à l’Église, corps du Christ. J’en dois donc aus­si rele­ver pour sor­tir de ma faute.

C’est donc tou­jours devant l’Église que je m’accuse en la per­sonne du prêtre qui m’entend, de l’Église que je reçois la récon­ci­lia­tion par le minis­tère du prêtre qui m’absout. Je me confesse donc au prêtre parce qu’il est prêtre. Cela ne vous inter­dit pas évi­dem­ment de le choi­sir, humai­ne­ment, capable de vous com­prendre et de vous conseiller, car même en res­tant stric­te­ment sur le plan de la confes­sion, il vaut sûre­ment mieux, pour le pro­grès de l’âme, s’adresser habi­tuel­le­ment au même confes­seur. Assis au tri­bu­nal de la péni­tence, le juge­ment et la sen­tence du prêtre ne sont que les ins­tru­ments de l’unique Rédempteur à qui nous avons affaire. « J’ai beau­coup péché, disons-​nous, par pen­sée, par parole, par action et par omis­sion ”, et nous révé­lons alors les fautes que nous avons com­mises, com­ment nous avons déso­béi à la volon­té du Maître sou­ve­rain, notre Père infi­ni­ment bon : com­ment nous n’avons pris pour règle que notre seule propre satis­fac­tion ; com­ment nous avons cher­ché notre pâture dans l’argent, la volup­té ou l’orgueil.

Me voi­ci donc auprès du confes­sion­nal, com­men­çant mon exa­men de conscience. Quels péchés vais-​je accu­ser ? Pourrais-​je pré­tendre accu­ser toutes mes fautes ? “Le juste pèche 7 fois le jour » dit l’Écriture. Moi qui ne suis pas juste, com­bien de péchés m’échappent chaque jour. Tout d’abord, je dois m’accuser de tous les péchés mor­tels, ceux qui ont été com­mis depuis que le bap­tême m’a intro­duit dans l’Église, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas encore été sou­mis au pou­voir des clefs. Refuser volon­tai­re­ment d’accuser un seul péché mor­tel, ou le cacher, même si on en accuse d’autres d’une égale gra­vi­té, serait rendre la confes­sion nulle et sacri­lège. Cet acte par lequel, nous nous sommes détour­nés de Dieu, notre fin der­nière, en Lui disant équi­va­lem­ment et bien consciem­ment qu’il nous était égal de Lui déso­béir en une matière grave, pour­vu que nous puis­sions satis­faire l’une ou l’autre de nos ten­dances désor­don­nées — com­ment pourrions-​nous ren­trer en grâce avec Dieu, sans le renier et donc l’avouer ? Nous ne pou­vons être à la fois en ami­tié et en hos­ti­li­té avec Lui.

La dif­fi­cul­té pour cer­tains est de savoir quand il y a péché mor­tel. Mais cha­cun doit savoir théo­ri­que­ment que pour qu’il y ait péché mor­tel, il faut :

  1. Une matière grave,
  2. une pleine advertance,
  3. un plein consentement.

Si nous exa­mi­nons notre cause, y a‑t-​il eu matière grave objec­ti­ve­ment ? Avons-​nous appor­té une adver­tance com­plète et un consen­te­ment par­fait ? Si oui, il faut alors en faire l’aveu. Pratiquement, on se deman­de­ra : la matière était-​elle grave, et plus com­mu­né­ment encore : ai-​je consen­ti ? Sur la pre­mière ques­tion, la matière grave n’est inter­pré­ta­tion sub­jec­tive. Pour moi, ce n’est pas grave ! Non, est-​ce objec­ti­ve­ment grave ou pas ? Là, il est aisé de se ren­sei­gner auprès du confesseur.

Quant à la seconde ques­tion, du fait qu’on se la pose “en conscience”, elle est réglée, du fait qu’on se la pose loya­le­ment, du fait que l’on n’est pas abso­lu­ment sûr, elle est réglée : il n’y a pas eu plein consen­te­ment. Est-​ce à dire qu’il ne faut pas accu­ser ce péché “dou­teux” ou plu­tôt “dou­teu­se­ment com­mis” ? Certes non. Si l’on veut pro­gres­ser dans la vie spi­ri­tuelle, on ne peut conser­ver une conscience douteuse.

Comment faire dans la pra­tique ? Il y a une règle bien simple. On ne vous demande pas de dire : “Je m’accuse d’avoir com­mis un péché mor­tel”, mais “je m’accuse d’avoir com­mis tel péché, d’avoir accom­pli tel acte et d’ajouter si c’est le cas, je ne sais pas si j’ai plei­ne­ment consen­ti” et tout sera dans l’ordre.

Mais atten­tion, il y a une for­mule chère à cer­tains qui consiste par­fois à dire : “je m’en accuse comme Dieu m’en recon­naît cou­pable”. On peut uti­li­ser cette for­mule quand on hésite sur le carac­tère de notre culpa­bi­li­té, mais elle serait quelque peu hypo­crite quand on sait fort bien à quoi s’en tenir.

Si nous avons une conscience bien for­mée, nous ne ver­rons pas du péché mor­tel par­tout. Un péché qui mérite de soi, la sépa­ra­tion d’avec Dieu pen­dant l’éternité, et les peines de l’enfer, cela ne se com­met pas sans qu’on en ait une claire conscience. Si cette conscience a besoin d’être for­mée, il ne faut pas hési­ter à en deman­der la lumière au confes­seur et on s’en tien­dra stric­te­ment à ses indi­ca­tions. Et cette for­ma­tion de la conscience doit être faite dans le jeune âge afin que l’enfant sache déjà dis­tin­guer les fautes mor­telles des peccadilles.

Il y a là une res­pon­sa­bi­li­té des édu­ca­teurs qui doivent savoir pro­por­tion­ner leurs répri­mandes, leurs reproches à la valeur réelle, c’est-à-dire morale, des fautes enfan­tines. Ce pro­blème de la for­ma­tion de la conscience chez l’enfant doit faire l’objet d’un exa­men atten­tif et indi­vi­duel de la part des parents et même des prêtres, car il est aus­si dan­ge­reux de lais­ser les enfants croire à la gra­vi­té de fautes légères que de les lais­ser com­mettre comme indif­fé­rents des actes gra­ve­ment répréhensibles.

Une conscience scru­pu­leuse, angois­sée dans le jeune âge, pré­pa­re­ra sou­vent un adulte faible, replié, sans viri­li­té ou, par contre-​coup, un ado­les­cent qui se « libère » bru­ta­le­ment d’une contrainte insupportable.

Et puis, mor­tels ou non, habituons-​nous à accu­ser d’abord en tout pre­mier lieu, les fautes qui pèsent le plus sur la conscience, au lieu de les glis­ser comme par mégarde au milieu d’une longue liste de péchés.

Ainsi, on se libé­re­ra de fautes qu’autrement on ris­que­rait, par une crainte sotte, de ne pas dire finalement.

Et l’on repar­ti­ra avec cette phrase si conso­lante de Notre Seigneur :

“Va en paix, mon fils, ta foi t’a sauvé” 

(en grande par­tie cet édi­to­rial est basé sur les écrits du Père Chery : L’art de se confesser)

Source : L’Acampado n° 179