En parcourant un livre d’il y a soixante ans…

La Déclaration sur la Liberté reli­gieuse de Vatican II est-​elle en conti­nui­té avec le Magistère anté­rieur ? L’avis d’un théo­lo­gien favo­rable, à l’é­poque du Concile. 

Le père Guy de Broglie (1889–1983) est un prêtre de la Compagnie de Jésus, dis­ciple reven­di­qué de saint Thomas d’Aquin, pro­fes­seur de théo­lo­gie à l’Institut Catholique de Paris et à l’Université Grégorienne de Rome. Il a publié en 1964 et 1965, au moment où se dis­cu­tait la Déclaration de Vatican II sur la Liberté reli­gieuse (pro­mul­guée le 7 décembre 1965), deux ouvrages sur le sujet, dont il se montre un ardent défen­seur. Il est donc d’autant plus inté­res­sant de relire, soixante ans plus tard, quelques pas­sages de son second ouvrage, inti­tu­lé Problèmes chré­tiens sur la Liberté reli­gieuse [1].

On ne sau­rait trou­ver ni dans l’Écriture, ni dans les don­nées fon­da­men­tales de la foi chré­tienne, aucune réponse directe et cer­taine à ce pro­blème de savoir si l’homme a le droit de ne subir aucune sorte de pres­sion mora­le­ment contrai­gnante en matière de reli­gion, fût-​ce de la part d’un pou­voir poli­tique légi­ti­me­ment cer­tain de pos­sé­der la vraie foi ; et c’est même là ce qui explique le mieux que l’ensemble des pas­teurs et des fidèles ait pu, pen­dant tant de siècles, don­ner à cette ques­tion une réponse oppo­sée à celle à laquelle le Concile va se rallier.

Problèmes chré­tiens sur la Liberté reli­gieuse, p. 8.

Il est au moins cer­tain que ce droit [à la liber­té reli­gieuse] n’a jamais été pro­cla­mé jusqu’ici dans aucun docu­ment ecclé­sias­tique, et qu’on peut même invo­quer contre lui des pra­tiques admises par l’Église dans les siècles passés.

Ibid. p. 40. 

Bien qu’on doive évi­dem­ment le regret­ter, il est indé­niable que le droit natu­rel et géné­ral de tout homme à une pleine liber­té en matière reli­gieuse, ce droit qui inter­dit donc, en prin­cipe, à l’État de pros­crire toute erreur contraire à la foi ou à l’unité visible de l’Église, a non seule­ment été igno­ré, mais mécon­nu par l’ensemble du Magistère ecclé­sias­tique, depuis le temps des Pères jusque vers la fin du XIXe siècle. 

Ibid. p. 66.

Par sa Déclaration en faveur du droit uni­ver­sel en matière de reli­gion, le Concile contre­di­ra, non point sans doute quelque “défi­ni­tion” de foi anté­rieure, mais du moins un ensemble de posi­tions très géné­ra­le­ment admises dans l’Église pen­dant une quin­zaine de siècles.

Ibid. p. 74. 

Un concile ne peut guère se bor­ner à acca­bler de sa répro­ba­tion des posi­tions com­mu­né­ment admises par le Magistère d’autrefois. Car il devien­drait alors facile, et même ten­tant, de lui répondre que si, de son propre aveu, l’autorité ecclé­sias­tique d’autrefois a pu se trom­per si long­temps et si lour­de­ment, rien ne garan­tit que l’autorité ecclé­sias­tique d’aujourd’hui n’ait pas à son actif d’autres erreurs aus­si graves.

Ibid. p. 74. 

Il est clair que le Concile ne peut se bor­ner à enre­gis­trer inci­dem­ment qu’il a conscience de contre­dire ici la pen­sée à peu près constante et una­nime des Pères, des théo­lo­giens et des Papes du passé.

Ibid. p. 74. 

Source : Lettre à nos Frères Prêtres n°107, sep­tembre 2025. 

Notes de bas de page
  1. Beauchesne, juin 1965[]