« Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur de la France »

Le 21 jan­vier 1793, un juste est tom­bé. Son nom est ins­crit non pas au Panthéon fran­çais, “pou­belle de l’histoire”, mais dans le livre de vie, au ciel : le roi Louis XVI, roi mar­tyr, vic­time de la révo­lu­tion anti-chrétienne.

21 jan­vier 1793, 6 heures du matin, le roi Louis XVI entend la Sainte Messe. Il écoute ensuite le décret de sa condam­na­tion, et avec une voix de com­man­de­ment on donne le départ : “Marchons”. Il a confié à l’escorte son Testament, quelques objets qu’il por­tait sur lui dont son alliance — celle de son mariage avec Marie-​Antoinette — . Il demande à ce qu’on remette le tout à la reine. Le roi monte dans une voi­ture fer­mée. Il lit alors les prières des ago­ni­sants et, à tra­vers ces invo­ca­tions, le roi de France dit adieu à son peuple. Il invoque d’abord la Trinité. Celui qui va mou­rir est bien ce roi très chré­tien qui pro­met­tait, au jour de son sacre, de pro­té­ger l’Église et s’e­nor­gueillis­sait de por­ter l’héritage spi­ri­tuel de Clovis.

« Je meurs, dit Louis XVI dans son Testament, je meurs dans la reli­gion de mes pères, dans l’union de notre Sainte Mère l’Église catho­lique, apos­to­lique et romaine »

La voi­ture arrive place de la Concorde et stoppe. Louis XVI monte alors l’escalier de la guillo­tine. Il dégrafe lui-​même son vête­ment, ouvre la che­mise lar­ge­ment à l’endroit du cou. Et, c’est alors qu’il crie à son peuple son inno­cence, demande à Dieu que son sang ne retombe jamais sur la France. Ordre est don­né alors aux tam­bours de cou­vrir la voix royale. Le roi est lié, entraî­né vers la planche fatale. L’abbé Edgeworth char­gé de l’assister spi­ri­tuel­le­ment, bou­le­ver­sé par l’attitude héroïque du roi Louis XVI, pro­nonce alors au moment où le cou­teau tombe : « Fils de saint Louis, mon­tez au ciel.» La révo­lu­tion, en révolte contre l’autorité divine et humaine, leur avait d’un seul coup réglé un ter­rible compte. Les gou­ver­ne­ments pour­ront se suc­cé­der, des simu­lacres de res­tau­ra­tion ten­tés, mais la charte insur­rec­tion­nelle des droits de l’homme, hypo­crite confis­ca­tion des droits de Dieu, res­te­ra jusqu’à aujourd’hui, hélas, intangible.

On retien­dra sans aucun doute de Louis XVI, sa fidé­li­té à Jésus-​Christ, à la Sainte Église qu’au jour de son sacre, il avait juré de défendre comme sa mère. La résis­tance reli­gieuse de Louis XVI aux décrets de per­sé­cu­tion contre les prêtres, le Veto qu’il oppo­sa à la pros­crip­tion des prêtres de la Sainte Église four­nit l’occasion à la franc-​maçonnerie d’en finir avec le monarque, ce veto fut l’argument déci­sif et final de sa condamnation.

On retien­dra de Louis XVI, sa fidé­li­té à Jésus-​Christ, à la Sainte Église qu’au jour de son sacre, il avait juré de défendre comme sa mère.

La pro­phé­tie évan­gé­lique allait s’accomplir pour lui aus­si : « A cause de mon nom, vous serez traî­né devant les tri­bu­naux, vous serez l’objet de la haine uni­ver­selle ; vous serez mis à mort et on croi­ra rendre ser­vice à la socié­té en vous exter­mi­nant de son sein. » La haine qui pour­sui­vit Louis XVI était bel et bien un com­bat de l’anarchie contre l’ordre reli­gieux et social incar­né dans l’autorité royale. Même si le socio­logue juif Edgar Morin écri­vait en 1991 que « la déca­pi­ta­tion de Louis XVI fut bien un assas­si­nat poli­tique que rien ne pou­vait ni mora­le­ment, ni juri­di­que­ment légi­ti­mer, » il s’efforce d’ajouter « mais il se légi­time et même il devient exemple sur le plan idéal parce que nous devons le conce­voir comme un sacri­fice fon­da­teur qui accom­plit le trans­fert com­plet de la sou­ve­rai­ne­té du monarque de droit divin vers le peuple de droit humain ! »

Oui, la démo­cra­tie fran­çaise est née du sang d’un roi mar­tyr. « Le roi débon­naire, disait Léon Daudet, s’identifiait avec la patrie, la famille royale avec la famille fran­çaise ; c’était cette patrie, c’était cette famille que l’on vou­lait égor­ger selon le mot célèbre du sinistre Danton pro­non­cé au simu­lacre de pro­cès de Louis XVI : “Nous ne vou­lons pas juger le roi, nous vou­lons le tuer”. » Et à ce pro­cès du roi se don­nèrent rendez-​vous toutes les calom­nies, tous les faux témoi­gnages, tous les men­songes d’une époque bar­bare et souillée. Même si l’on doit admettre d’après de sérieux his­to­riens que le venin de la phi­lo­so­phie des lumières était déjà lar­ge­ment répan­du dans l’instruction que Louis XVI avait reçue et dont il fut conta­mi­né quelque peu, même si sur chaque ques­tion qui pou­vait être consi­dé­rée comme reliée direc­te­ment aux Lumières, le roi avait fait des conces­sions sub­stan­tielles, on retien­dra de Louis XVI, un homme extrê­me­ment pieux, un sou­ve­rain pro­tec­teur convain­cu de l’Église, qui rem­pli­ra son rôle jusqu’au bout et avec une héroïque fer­me­té que ne pour­ra ébran­ler la menace des périls per­son­nels qu’il s’attirait, com­pen­sant sans doute aux yeux de Dieu cer­tains manquements.

Même si l’édit de grâce, signé par Louis XVI en 1787, ren­dant aux pro­tes­tants fran­çais un état civil, ne lui por­ta pas chance, quand on sait la part prise par les pro­tes­tants dans la révo­lu­tion, c’était faire reve­nir Luther pour rava­ger la chré­tien­té, même si cer­taines pen­sées qu’il esti­mait comme valables annon­çaient déjà la fin de son règne, il n’empêche que l’intelligence de l’époque était aux aguets de tout ce qui était chré­tien pour le ridi­cu­li­ser et le salir. C’était une époque où tout ce qui était pieux était trai­té de bigo­tisme, de jésui­tisme, de fana­tisme et d’intolérance.

Helvétius avait même posé en axiome « qu’on ne peut à la fois, sans incon­sé­quence, être pieux et homme d’État, dévot et bon citoyen, c’est-à-dire hon­nête homme ». Mais il reste vrai comme disait Daudet « qu’il peut se trou­ver que les cours soient la per­di­tion des sou­ve­rains dont elles faussent le juge­ment, quand elles ne leur masquent pas la véri­té. » Cela, le roi Louis XI l’avait com­pris, mais il arri­va à ses suc­ces­seurs de l’oublier, tant il est vrai qu’il faut se méfier de la recon­nais­sance de la foule. C’est ce que disait Rainville : « L’heureuse poli­tique étran­gère de Louis XVIindé­pen­dance de l’Amérique renais­sance mari­time et colo­niale de la France — rien n’a­vait comp­té (…) On a vu les gou­ver­ne­ments ren­ver­sés par les désastres de leur poli­tique exté­rieure. On n’en a pas vu à qui leur pré­voyance et même leur suc­cès du dehors ait épar­gné l’ingratitude publique et l’assaut des fac­tions. La recon­nais­sance des peuples dure peu ! » Si le plus grand désir de Louis XVI avait été de rendre son peuple heu­reux en cher­chant le bien com­mun, il aura eu comme récom­pense la décapitation.

Mais la jus­tice de Dieu n’est pas celle des hommes.

Il fau­dra noter enfin le par­don de Louis XVI : « Je prie Dieu qu’il par­donne à la France comme je lui par­donne. »

Notre foi catho­lique nous fait mieux com­prendre, là, ce qu’un phi­lo­sophe païen écri­vait : « Il n’y a point de spec­tacle plus digne des dieux qu’un homme aux prises avec la mau­vaise for­tune et qui triomphe, par sa constance, de ses dis­grâces et de ses malheurs. »

L’intelligence de l’époque était aux aguets de tout ce qui était chré­tien pour le ridi­cu­li­ser et le salir. 

Au milieu de son sup­plice, vain­queur de lui-​même, il triom­pha de ses enne­mis par son héroïque patience et son héroïque cha­ri­té expri­mée dans ce par­don. Saint Pierre Chrysologue n’hésite pas à affir­mer que cette patience au milieu des souf­frances et cette cha­ri­té qui par­donne aux bour­reaux est le comble de la pié­té, le comble de la per­fec­tion. « Je pré­fère leur patience, dit saint Augustin, et leur cha­ri­té à tous les pro­diges et à tous les miracles. » N’était-il pas héroïque, en effet, de par­don­ner alors à une France gou­ver­née par des hommes plus hideux que des Marat, des Danton et des Robespierre ? Louis XVI par­don­na non seule­ment de vive-​voix mais par tes­ta­ment, afin que toute sa pos­té­ri­té sache bien que sa cha­ri­té l’emportait sur la fureur des cri­mi­nels. Charité héroïque qui obtint la conver­sion de son bour­reau Sanson, au pied même de l’échafaud. Puisse ce par­don du sang ver­sé, sau­ver un jour notre pays confor­mé­ment à ce que Louis XVI affir­ma lui-​même : « Je sou­haite que mon sang puisse cimen­ter le bon­heur de la France. »

Ne fallait-​il pas ce sang pour chan­ger en clé­mence la colère de Dieu, pour pro­té­ger notre gloire natio­nale mena­cée par un athéisme légal chaque jour plus dévas­ta­teur et pour­ris­seur. Louis XVI, témoin de la foi, fut donc la vic­time expia­toire d’un peuple cou­pable. « L’exécution mons­trueuse de Louis XVI, écri­vait Daudet, opé­rée sans aucune espèce de rai­son, ser­vant seule­ment de pierre de touche pour la sin­cé­ri­té de la foi répu­bli­caine, deve­nue le nou­veau dogme, aura eu le mérite — si l’on peut dire — d’avoir cau­sé un ébran­le­ment géné­ral des consciences, favo­rable aux Vendéens sou­le­vés contre la tyran­nie san­glante. Toute la Vendée debout, ira pen­dant des mois faire trem­bler les armées de la Convention au cri deVive le Roi !”. L’insurrection des chouans prou­vait alors qu’il y avait encore assez d’éléments sains dans la nation pour mettre en échec les bri­gands qui s’étaient empa­rés du pou­voir cen­tral. Que reste-​t-​il de cette révo­lu­tion de 1789, tant célé­brée, tant van­tée, en prose et en vers ? C’est un char­nier, c’est un spec­tacle d’épouvante et de bêtise dont l’humanité offre peu d’exemples. »

Lors de l’emprisonnement du roi aux Tuileries puis à la tour du Temple, on sait que dans les familles chré­tiennes, on réci­tait, tous les jours, une prière conser­vée aux Archives natio­nales, une prière à la Sainte Vierge pour le roi, cet héri­tier de Clovis, de sainte Clotilde et de Charlemagne. Les familles chré­tiennes priaient la Vierge clé­mente, de consi­dé­rer ce monarque jamais souillé par tous les vices qu’elle détes­tait, qui ne fut ni homme de sang, ni le tyran de son peuple. Ces familles chré­tiennes priaient la Reine du ciel, de l’Église catho­lique, la Reine de France d’être la reine de ce monarque chrétien.

« Changez les cœurs des impies, ren­dez à la reli­gion sa pre­mière splen­deur, régnez en souveraine. »

Nous ferons nôtre, comme famille réunie dans l’église, le pro­chain 21 jan­vier la conclu­sion de cette prière.

« Faites-​lui méri­ter une cou­ronne plus brillante et plus solide que les plus belles cou­ronnes de la terre. »

Le 21 jan­vier 1793, un juste est tom­bé. Son nom est ins­crit non pas au Panthéon fran­çais, “pou­belle de l’histoire”, mais dans le livre de vie, au ciel : le roi Louis XVI, car comme l’affirma le Pape Pie VI « qui pour­rait dou­ter que ce monarque n’eut été prin­ci­pa­le­ment immo­lé en haine de la foi et par un esprit de fureur contre les dogmes catho­liques ? » Louis XVI, roi mar­tyr, vic­time de la révo­lu­tion anti-chrétienne.

Un der­nier mot qui don­ne­ra tout son sens à cette messe, je l’emprunte à la Semaine reli­gieuse de Cambrai, un siècle après la mort de Louis XVI : « Nous croyons que Louis XVI n’a pas besoin de nos suf­frages. Il y a long­temps que le Souverain Pontife Pie VI n’a pas craint de dire au Sacré Collège des Cardinaux que ce ver­tueux monarque digne du nom de mar­tyr, avait échan­gé des lis péris­sables contre une cou­ronne immortelle. »

Mais nous, avons le devoir de faire répa­ra­tion et de mani­fes­ter notre repen­tir, car nous sommes soli­daires de nos aïeux et nous avons conti­nué de mar­cher dans leurs voies iniques. La dou­leur des vrais Français, en ce jour funèbre, se rap­porte moins au monarque sacri­fié qu’au peuple mal­heu­reux tou­jours livré depuis lors, aux éga­re­ments de l’impiété, par l’éducation, la presse, la légis­la­tion, la laï­ci­sa­tion de toute chose et sous toutes les formes.

Quand fut-​il plus néces­saire de crier à Dieu « Parce Domine » ? Épargnez-​nous Seigneur.

Source : L’Acampado n°177