Mes bien chers frères,
Dans deux jours, c’est-à-dire le 16 juillet, l’Église fêtera la fête de Notre-Dame-du-Mont-Carmel.
Hélas depuis les réformes récentes, après le concile, cette fête passe presque sous silence. Elle était autrefois double de deuxième classe, elle est maintenant devenue une fête simple. Et pourtant, NotreDame-du-Mont-Carmel a eu une immense influence dans la spiritualité au cours des siècles de la vie de l’Église.
Il est bon de nous rappeler un peu l’histoire du monde carmélitain, d’autant plus qu’aujourd’hui, avec la grâce de Dieu, nous assistons auprès de notre Fraternité – nous pourrions presque dire dans notre Fraternité – à la résurrection de carmels authentiques, ce dont nous nous réjouissons grandement.
Le carmel rappelle le Mont-Carmel de la Palestine et les carmélitains ont voulu, dans la naissance de leur ordre, se rattacher dans une certaine mesure au prophète Élie. Parce que l’Histoire ancienne nous rappelle qu’Élie, le prophète, a vécu pendant de longues années, dans la solitude, dans une grotte du Mont-Carmel. Le Mont-Carmel qui domine de cinq cents mètres le niveau de la mer, au-dessus d’Haïfa, dans un lieu privilégié de silence et de beauté en même temps.
C’est au cours des croisades que des prêtres ont voulu se réunir au Mont-Carmel, protégés par les croisés, et ont voulu, à l’image du prophète Élie, vivre une vie de solitude, de recueillement. Et ils se sont mis sous la protection de Notre-Dame-du-Mont-Carmel. Dès le début ces carmes ont eu une dévotion pour la très Sainte Vierge Marie. Elle devait d’ailleurs, le leur rendre plus tard.
Mais ces religieux, comme beaucoup d’autres d’ailleurs qui avaient accompagné les croisés au cours du XIIIe siècle, ont dû à la fin du XIIIe siècle, disparaître et beaucoup d’entre eux ont été martyrisés, massacrés par l’invasion musulmane, toujours anti-chrétienne et ce n’est pas d’aujourd’hui. L’Histoire se renouvelle et continue. Nos confrères, nos coreligionnaires du Liban, sont aujourd’hui encore plus massacrés que jamais par l’invasion de l’islam et risquent bien aussi d’être eux-mêmes massacrés, comme d’ailleurs beaucoup d’entre eux l’ont déjà été, au cours des dernières années.
Et, un certain nombre d’entre eux, déjà, avant l’invasion musulmane, s’étaient réfugiés en Europe. Et chose curieuse, le premier couvent qu’ils fondèrent, ils le fondèrent précisément dans la région de Valenciennes, région de Valenciennes où nos carmélites se trouvent aujourd’hui. Nos carmélites aussi ont fondé dans la région de Valenciennes, leur premier couvent. Comme quoi l’Histoire a des surprises et des indications providentielles.
Et de là ils se répandirent en Europe, mais avec beaucoup de difficultés au cours des XIV et XVèmes siècles. Ils eurent beaucoup de difficultés parce que les évêques et les ordres religieux déjà existants, estimaient qu’il n’y avait plus de place pour un ordre aussi important que celui du Carmel et qui se répandait rapidement. Et alors ce fut cependant grâce aux papes qui leur donnèrent des approbations, qu’ils purent subsister. Mais ce fut surtout lorsque sur les prières de Simon Stock – saint Simon Stock – anglais, carme, sur ses prières que la très Sainte Vierge lui apparut et lui dit que ceux qui porteraient le scapulaire qu’elle lui montra alors, que les personnes qui mourraient revêtant le scapulaire du Mont-Carmel, iraient au Ciel. Et que si elles devaient passer par le Purgatoire, le samedi qui suivrait leur mort, elles rejoindraient le Paradis, le Ciel.
Cette dévotion se répandit rapidement dans toute l’Europe et ce furent des années de gloire pour les carmes jusqu’au moment où vînt la nécessité d’une réforme provoquée par l’abandon de la ferveur religieuse. Ce n’était pas seulement chez les carmes, mais d’une manière générale. L’opulence, les richesses, les soutiens qu’avaient tous les ordres religieux, firent que ces religieux perdirent l’esprit de pauvreté, l’esprit d’obéissance, l’esprit de clôture et par le fait même la piété et la ferveur.
Alors Dieu suscita sainte Thérèse d’Avila au XVIe siècle. Elle naquit en 1515 et ce fut de nouveau, une réforme extraordinaire de l’ordre du carmel, réforme pour les moniales, réforme aussi pour les pères carmélitains.
Mais l’Histoire de l’Église est une histoire qui est faite de persécutions, de douleurs, de disparitions, de rénovations. Vint la Révolution française. Ce fut de nouveau la désolation, la persécution, la ruine des couvents, des carmes, partout. Et cette révolution qui se répandit dans le monde entier, répandit aussi la douleur, la misère et la dispersion des religieux et des religieuses et la ruine des couvents.
Et après la Révolution, dans cette période plus ou moins calme du XIXe siècle, les couvents renaissent.
Mais voici qu’à nouveau, une période de désolation va naître, c’est la période du concile. Alors que les congrégations religieuses semblaient renaître et retrouver une certaine prospérité, désormais ce ne sont plus les ennemis de l’Église, des ennemis de l’extérieur de l’Église, qui vont ruiner les congrégations religieuses, les couvents et les diocèses, ce sont les membres de l’Église eux-mêmes. L’Église va – comme le disait Paul VI – s’autodétruire, s’auto-démolir. C’est le clergé lui-même, les religieux euxmêmes, qui vont fermer leurs portes parce qu’ils vont vouloir changer, se transformer, se mettre dans l’esprit du monde, absolument contraire à l’esprit religieux : plus de clôture, plus d’habit religieux, plus d’office divin, plus de prières.
Comment les ordres religieux peuvent-ils vivre ? Alors qu’ils sont basés précisément sur ces vêtures religieuses et particulièrement sur la prière et sur l’office divin. Alors, c’est de nouveau la ruine et une ruine – je dirai encore plus profonde, plus radicale que les précédentes – parce que c’est l’esprit même qui est atteint ; c’est l’esprit religieux même qui est atteint. Et l’ordre carmélitain ne fera pas exception aux autres. De même que les jésuites, de même que les dominicains, l’ordre carmélitain connaît maintenant une crise sans précédent. Plus de vocations, les noviciats se ferment, les couvents se vident, les carmes disparaissent.
Et le Bon Dieu a permis, qu’à l’occasion de notre résistance, de votre résistance à cette destruction de l’Église, à cette autodestruction de l’Église, grâce au maintien des vraies valeurs chrétiennes, des vraies valeurs de l’Église, grâce à ces familles, grâce à la Fraternité, grâce à ceux qui comme la Fraternité, n’ont pas voulu disparaître et n’ont pas voulu perdre la foi, des vocations renaissent, des vocations carmélitaines aussi. Et avec la grâce de Dieu, voici que nos sœurs carmélites vont fonder – si Dieu le permet – le mois prochain, le 7 août, un groupe de carmélites va quitter Quiévrain, pour aller fonder aux États-Unis, près de Philadelphie. Ce sera leur quatrième carmel, quatrième fondation en l’espace de cinq ou six ans, bénédiction évidente du Bon Dieu.
Et nous espérons que aussi, un jour, ici en Suisse et particulièrement en Suisse romande, les carmélites vont pouvoir fonder leur cinquième carmel. C’est ce que nous demandons au Bon Dieu.
Quel est l’esprit du carmel ? Et pourquoi le carmel a tant de succès ? Il faut le dire aussi, nous ne pouvons pas oublier qu’il y a eu après la grande sainte Thérèse, celle que l’on a appelée la petite Thérèse, Thérèse de Jésus, Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face, qui a donné au carmel une renommée mondiale, par sa simplicité, par son esprit d’enfance, morte à l’âge de vingt-quatre ans, après quelques années de carmel et qui a eu un rayonnement dans le monde entier.
Et c’est cela précisément l’esprit du carmel. C’est ce qui fait que le carmel est attachant. Parce que sa spiritualité est d’une simplicité divine. L’esprit du carmel c’est plutôt un esprit érémitique qu’un esprit cénobitique, voyez-vous. Ce sont plutôt des ermites que des personnes qui vivent en communauté. Certes elles vivent en communauté, mais l’esprit du carmel est de vivre dans sa cellule. La carmélite vit dans sa cellule, avec le Bon Dieu. Elle se retire du monde, elle se sépare des choses du monde et elle ne vit pas en communauté. Même lorsqu’elle travaille, elle travaille seule. Elles ont des ateliers, ce qu’elles appellent des ateliers, qui sont dans des petites salles, isolées, où la carmélite travaille seule, seule avec Dieu, pour vivre avec Dieu.
Elles ont des actes de vie communautaire ; elles prennent leurs repas ensemble ; elles prient ensemble ; elles ont leurs récréations ensemble, mais leur vie d’une manière générale est plutôt une vie d’ermite, dans leur carmel, pour trouver Dieu, pour vivre avec Dieu, dans la présence de Dieu.
Et puis ce qui caractérise aussi le carmel, c’est sa dévotion à la très Sainte Vierge. Le carmel est marial, essentiellement marial. Elles ont gardé cette dévotion que saint Simon Stock leur a communiquée d’une manière encore plus profonde et plus grande. Et ainsi elles ont donné naissance à d’autres familles qui ont l’esprit du carmel et particulièrement le Tiers-Ordre carmélitain. Tiers-Ordre carmélitain qui a cet esprit de simplicité, d’enfance, vis-à-vis du Bon Dieu et en même temps une grande dévotion à la très Sainte Vierge Marie.
Alors je vous conseille vivement d’acquérir cet esprit du carmel, cet esprit de simplicité, cet esprit d’enfance vis-à-vis du Bon Dieu, cet esprit d’éloignement du monde aussi. Faites que vos familles soient comme des petits carmels je dirai – dans une certaine mesure – éloignées du monde, où l’influence du monde ne pénètre pas. Cette influence du monde est délétère, qui empoisonne les familles chrétiennes, qui les éloigne de l’esprit du Bon Dieu, qui éloigne le Bon Dieu des familles.
De même que les carmélites modernes qui ont voulu abandonner l’esprit du carmel en enlevant les grilles, en enlevant leur voile, en s’habillant en laïques pour aller faire le catéchisme en dehors du carmel… Qui est-ce qui a quitté d’abord le carmel ? C’est Notre Seigneur Jésus-Christ. Le Bon Dieu a quitté le carmel. Elles n’ont plus retrouvé le Bon Dieu dans leur carmel. Elles ont ouvert les portes, elles ont ouvert les grilles, elles ont enlevé les voiles. Dieu est parti ; Notre Seigneur est parti. Il a quitté le carmel le premier et les sœurs se sont retrouvées seules. C’est pourquoi il n’y a plus de vocations. Les âmes ne sont plus attirées par la présence du Bon Dieu. Au contraire, là où les carmélites ont gardé et l’habit religieux et l’esprit du carmel et la clôture du carmel, le Bon Dieu est resté avec elles et les vocations se multiplient.
Eh bien, il me semble, analogiquement je dirai et toutes proportions gardées, c’est cela que doivent être les familles chrétiennes. Si les familles chrétiennes veulent que Notre Seigneur reste chez elles, reste dans les familles, il faut garder l’esprit de l’Église et non chercher l’esprit du monde. Garder l’esprit de l’Église, c’est-à-dire, garder l’esprit de prière, de simplicité, ne pas s’attacher aux choses de ce monde, mettre Dieu présent dans la famille.
Alors l’esprit de Dieu réside vraiment au milieu de vous. Et les vocations naissent dans ces familles chrétiennes et de nouvelles familles chrétiennes se fondent là où demeure Jésus avec les parents et les enfants.
Que cette fête de Notre-Dame-du-Mont-Carmel soit pour nous un réveil de l’esprit chrétien. Réveil de l’esprit de la présence de Dieu, réveil aussi de notre dévotion envers la très Sainte Vierge Marie, Notre-Dame-du-Mont-Carmel.
Puisque la Sainte Vierge nous a dit que si nous portions le scapulaire, ou la médaille du scapulaire qui a été reconnue comme équivalente au scapulaire du Mont-Carmel, portons le scapulaire du Mont-Carmel avec nous, afin que le Bon Dieu réalise les promesses (faites) pour nous : qu’après notre mort, nous soyons portés auprès de la très Sainte Vierge, dans le sein de la Trinité Sainte.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.