Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,
En cet événement extraordinaire que nous fêtons aujourd’hui, extraordinaire pour l’histoire de la Rédemption de Notre Seigneur Jésus-Christ, extraordinaire aussi pour l’Histoire du monde, n’avons nous pas tendance à ne considérer que la Résurrection corporelle de Notre Seigneur Jésus-Christ et de laisser dans l’ombre cette grande réalité qu’est l’âme de Notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même ?
En effet, la Résurrection, la mort même de Notre Seigneur Jésus-Christ, ne peuvent se comprendre et s’expliquer que si Notre Seigneur Jésus-Christ est composé d’une âme et d’un corps. Il ne serait pas véritablement homme s’il n’avait pris qu’un corps qui ne fut pas uni à une âme.
Alors disons quelques mots de cette âme, de cette âme qui s’est séparée du Corps de Notre Seigneur et qui, ensuite, par la Résurrection s’est unie de nouveau au Corps de Notre Seigneur et Lui a rendu la vie.
Cette créature est certainement le joyau le plus extraordinaire que Dieu ait jamais créé. Comment peut-on imaginer qu’une créature soit unie dans la même personne que Dieu Lui-même, la Personne du Verbe unie directement à Dieu. Tandis que nos âmes peuvent s’unir à Dieu par l’intermédiaire de notre personne créée.
En Notre Seigneur, l’âme s’unit directement à Dieu Lui-même. Lorsque l’Esprit Saint a couvert de son ombre la très Sainte Vierge Marie, Il a créé l’âme de Jésus.
Dans quel état se trouvait cette âme de Jésus dans le sein de la Vierge Marie ? Eh bien, la foi nous l’enseigne, l’enseignement de l’Église nous le dit : l’âme de Jésus, dès le premier instant de sa création, avait la vision béatifique, était donc dans un bonheur définitif, éternel. Et quelle vision béatifique, incomparable ! Même la vision dont jouit aujourd’hui la très Sainte Vierge Marie, qui est certainement l’une des plus étendues, des plus admirables, n’est rien à côté de la vision béatifique de l’âme de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Saint Paul ne trouve pas de mots qui puissent exprimer la hauteur, la largeur, la profondeur de la science divine de l’âme de Notre Seigneur et de sa charité. Quand on pense que le Père Lui-même a dit, à l’occasion du baptême de Notre Seigneur, à l’occasion de sa Transfiguration au Thabor : « Voici ce Fils en qui j’ai mis toutes mes complaisances » – toutes mes complaisances.
Celui qui est sans limites ; Celui qui a créé tous les mondes ; Celui qui est tout-puissant, qui est infini, Celui-là dit à une âme créée : En cette âme, j’ai mis toutes mes complaisances. C’est-à-dire tout ce que j’ai pu donner à une créature, je l’ai donné à l’âme de Notre Seigneur Jésus-Christ. Alors écoutez-Le.
Et puis avant sa mort, le Père dit aussi : « Je L’ai glorifié et Je Le glorifierai ». J’ai glorifié l’âme de Notre Seigneur et Je la glorifierai. En effet elle est déjà glorifiée et elle sera encore glorifiée davantage au moment de la Résurrection.
Ainsi, il est bien certain que cette âme a reçu des dons extraordinaires de la libéralité divine. Cette grâce que les théologiens appellent la grâce d’union, l’union de l’âme de Notre Seigneur avec Dieu Lui-même, avec le Verbe de Dieu. C’est une grâce, que seule cette âme a. C’est donc une grâce exceptionnelle. Cette grâce produit dans l’âme de Notre Seigneur, une grâce sanctifiante, différente de la grâce d’union. Mais qui en est l’effet immédiat, qui sanctifie l’âme de Notre Seigneur d’une manière incomparable.
L’âme de Notre Seigneur était remplie de toutes les vertus infuses, de tous les dons du Saint-Esprit, de toutes les béatitudes. Et imaginons que cette âme de Notre Seigneur, ainsi béatifiée dans le Ciel, en Dieu, définitivement, cette âme était celle qui animait son corps lorsque Notre Seigneur s’est trouvé à Nazareth, lorsqu’il voyageait en Palestine, lorsqu’il accomplissait ses miracles. Notre Seigneur était dans la béatitude la plus parfaite. Et même dans son agonie, même sur la Croix. Quel mystère extraordinaire !
Et quelle fut alors la disposition fondamentale de cette âme vis-à-vis de Dieu dès sa naissance, puisque la foi nous enseigne que Jésus avait conscience de Lui-même déjà dans le sein de la Vierge Marie et contemplait l’éternité divine ? Eh bien Il l’a dit dans les psaumes : Ecce venio ut faciam voluntatem tuam (Ps 142, 10) . Ce fut le premier sentiment, la première disposition, la première parole de l’âme de Notre Seigneur : « Voici que je viens, pour faire votre volonté ».
La marque, par conséquent de la charité la plus grande que l’on peut avoir vis-à-vis de Dieu, c’est de faire sa sainte Volonté. Et Notre Seigneur l’a répété souvent au cours de sa vie publique. « Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui iront dans le royaume des Cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père ».
Et lorsqu’on lui dit : « Votre mère et vos frères vous attendent, ils sont ici, ils désireraient vous voir » ; Notre Seigneur dit : « Qui est ma mère, qui sont mes frères, sinon ceux qui font la volonté de mon Père qui est dans les Cieux ».
Et puis, au moment de son agonie, ce sera le Fiat : Non mea voluntas sed tua fiat (Lc 22,42) : « Que votre volonté soit faite et non la mienne », dit Notre Seigneur. Et enfin, ce sera cette dernière parole sur la Croix : « Père je remets mon âme entre vos mains ».
Voyez ici toute la disposition fondamentale de l’âme de Notre Seigneur, c’est de se donner, se donner à son Père, de faire sa volonté, à tout instant de sa vie, jusqu’à sa mort.
Alors cette âme sur la Croix, s’est séparée du corps de Notre Seigneur. Et Notre Seigneur avait dit d’ailleurs : « Je puis reprendre mon âme, la déposer et la reprendre ». C’est-à-dire : Je puis mourir ; Je puis ressusciter. Mon âme peut quitter mon corps et Je puis demander à mon âme de reprendre mon corps et de lui redonner vie. C’est ce qu’Il a fait.
Et quand l’âme de Jésus a quitté son corps sur la Croix, où est-elle allée ? Elle est allée donner, communiquer, la béatitude qu’elle avait en elle-même, aux âmes qui attendaient la crucifixion de Notre Seigneur, sa mort, pour les racheter de leurs péchés et les conduire à la vie éternelle.
Et alors, l’âme de Notre Seigneur les a visitées et leur a ouvert les portes du Paradis, leur a donné la béatitude éternelle. Ainsi qu’il l’avait dit d’ailleurs au bon larron : « Aujourd’hui tu seras avec moi, dans le Paradis ». Or, il n’y avait encore personne dans le Paradis. Toutes les âmes des justes de l’Ancien Testament, attendaient que Notre Seigneur fut mort pour pouvoir entrer au Ciel, au moment où vraiment la victoire de Notre Seigneur fut assurée sur le démon, sur la mort.
Et puis ensuite, cette âme est revenue redonner vie au corps qui lui avait été uni auparavant. Ce corps qui n’a jamais connu la corruption et qui était toujours uni à la divinité du Verbe de Dieu comme l’âme de Jésus.
Et le corps est ressuscité. À lui, a été communiqué toutes ces vertus qu’avait l’âme, a été communiqué au corps qui est devenu glorieux pour l’éternité.
Et pour nous, quelle importance y a‑t-il, que cette âme de Notre Seigneur soit ainsi remplie de toutes les richesses de la divinité ? Eh bien c’était pour nous les communiquer. Mais Notre Seigneur n’aurait-Il pas pu nous les communiquer dès son enfance ? Oui, parfaitement.
Notre Seigneur dès son enfance, sans monter sur la Croix, aurait pu éventuellement nous communiquer toutes les richesses de son âme. Par des sacrements qu’il aurait pu éventuellement instituer à ce moment-là. Mais Il a voulu mourir. Pourquoi ? Parce que le péché méritait la mort et qu’il a voulu revêtir nos péchés. Le péché est un péché mortel, un péché qui donne la mort. Et voulant revêtir nos péchés pour nous sauver, Il a voulu mourir alors que Lui n’avait pas péché – et par sa mort nous délivrer de nos péchés – par sa Résurrection ressusciter nos âmes, à la grâce du Bon Dieu.
N’est-ce pas tout ce que la cérémonie de cette nuit nous a exprimé ? Cérémonie admirable que cette bénédiction du cierge pascal, qui n’est autre que Notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même, illuminant de nouveau le monde.
Et puis la bénédiction de l’eau baptismale, qui signifie précisément cette Résurrection, résurrection de nos âmes, au contact de l’âme de Notre Seigneur Jésus-Christ. Car comme le dit saint Jean, c’est de sa grâce que nous avons tout reçu :
Et de plenitudine ejus nos omnes accepimus, et gratiam pro gratia (Jn 1,14), Plenum gratiæ et veritatis (Jn 1,14) : plein de grâce et de vérité. L’âme de Jésus était pleine de grâce et de vérité, nos omnes accepimus. Nous avons reçu cette grâce de l’âme de Notre Seigneur. La grâce que nous avons dans nos âmes est une participation à la grâce que Notre Seigneur Jésus-Christ a dans son âme.
Et cette participation se fait précisément par le baptême. Le baptême qui est la mort à nos péchés et la résurrection à la vie divine de nos âmes, qui est tellement signifiée par la mort de Jésus sur sa Croix et sa Résurrection.
Et voilà pourquoi aujourd’hui, nous nous réjouissons. Nous nous réjouissons de revivre à la vie divine. Nous chantons l’Alléluia, gloire à Dieu au plus haut des Cieux, parce qu’il nous a fait revivre. Il nous a communiqué la vie de son âme, la vie divine de son âme ; Il nous l’a communiquée par le baptême. Nous sommes ainsi ressuscites, comme le dit saint Paul d’une manière admirable. Nous sommes ensevelis dans l’eau du baptême et nous sommes morts comme Jésus sur la Croix et de cette eau aussi, nous ressuscitons à la vie de Dieu.
Voilà le grand mystère de notre vie chrétienne. Mais pouvons-nous dire que désormais alors, nous sommes comme Notre Seigneur, ressuscités pour toujours ?
Mais non ! Notre corps n’est pas ressuscité. Nous savons très bien que nous devons mourir. Nous ne sommes pas arrivés au terme de cette résurrection. S’il y a un gage de cette résurrection, une semence de cette résurrection par la grâce surnaturelle qui nous est donnée dans le baptême, n’oublions pas que cette grâce doit germer, se développer, croître jusqu’à notre mort. Et cette âme est comme une nacelle qui est sur des flots agités. Et ces flots agités, c’est notre chair, cette chair pécheresse, qui doit mourir, parce qu’elle porte le péché en elle. Oui, malgré la grâce du baptême, nous portons encore le péché en nous, non pas le péché originel, non pas le péché personnel, mais nous portons en nous une tendance au péché, un désordre fondamental. Et la meilleure preuve en est que des parents, qui pourtant ont été baptisés et qui vivent en pleine conformité à la loi de Dieu, communiquent pourtant à leurs enfants, le péché originel.
C’est donc que cette chair est encore infestée des suites du péché, et c’est pourquoi elle doit mourir
et qu’un jour elle ressuscitera, au contact précisément de nos âmes sanctifiées, de nos âmes ressuscitées à la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Mais dès à présent, nos âmes sont ressuscitées à la grâce de Jésus, si Jésus est vraiment présent en nous et si nos âmes sont purifiées du péché. Voilà pourquoi nous devons prendre de fermes résolutions pour éviter tout péché, afin de garder la vie surnaturelle dans nos âmes, la vie de la grâce, la vie de Notre Seigneur Jésus-Christ et de parvenir ainsi au port, remplis de cette grâce et assurés qu’un jour, nos corps ressusciteront au contact de nos âmes ressuscitées.
Voilà le grand mystère de la vie chrétienne. Voilà le grand mystère que nous vivons aujourd’hui.
Demandons à la Vierge Marie, qui elle, n’ayant pas connu le péché originel, était aussi destinée à monter au Ciel sans mourir. Si la Tradition dit que la Mère de Jésus est morte, c’est pour imiter son divin Fils. Mais c’est plutôt une dormition, qu’une véritable mort, car son corps n’était pas destiné à la mort n’ayant pas connu le péché originel, n’ayant pas connu les suites du péché, la Vierge Marie devait monter au Ciel sans mourir.
Alors demandons à cette bonne Mère du Ciel de nous aider à parvenir au port et qu’elle nous prenne par la main, qu’elle nous conduise, afin que nous ressuscitions un jour aussi pour l’éternité.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.