25 mai 1985

Sermon de Mgr Lefebvre – Vigile de la Pentecôte – Diaconat

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Nous voi­ci de nou­veau réunis pour une céré­mo­nie d’ordination. C’est tou­jours avec une cer­taine émo­tion que nous assis­tons à ces céré­mo­nies, que nous y par­ti­ci­pons et en par­ti­cu­lier à cette céré­mo­nie réa­li­sée à la veille de la Pentecôte.

S’il y a en effet une occa­sion pour les âmes, de rece­voir l’Esprit Saint, c’est bien l’ordination et l’ordination au diaconat

Vous avez, mes chers amis, deux modèles en par­ti­cu­lier : saint Étienne et saint Laurent, qui ont été eux aus­si rem­plis du Saint-​Esprit. C’est l’Écriture qui le dit pour saint Étienne. Il était rem­pli de l’Esprit Saint et par sa Lumière ; l’Esprit Saint inon­dait l’intelligence et l’âme de saint Étienne. Et ain­si, il affir­mait avec force, avec cou­rage, la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ, à l’encontre de ceux qui s’opposaient à cette divinité.

Et alors, il a subi le mar­tyre. Et tan­dis qu’il subis­sait son mar­tyre, sa foi s’est comme trans­for­mée déjà en vision béa­ti­fique et il affir­mait voir déjà Notre Seigneur Jésus-​Christ dans la gloire du Père, modèle pour vous, mes chers amis. Que l’Esprit Saint qui va des­cendre sur vous, encore plus abon­dam­ment avec tous ses dons à l’occasion de cette ordi­na­tion au dia­co­nat, vous donne aus­si cette foi pro­fonde, cette foi vivante qu’avait saint Étienne, pour que vous pro­cla­miez à la face du monde, la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et puis, vous tour­ne­rez vos regards aus­si vers ce diacre du troi­sième siècle, saint Laurent. Lui aus­si, rem­pli du Saint-​Esprit, enflam­mé du désir de venir en aide à tous ceux qui souffrent, à tous ceux qui sont dans l’indigence, qui dis­tri­buait ses biens aux pauvres. Il était char­gé par le pape de dis­tri­buer tout ce que l’Église pou­vait don­ner à ceux qui étaient dans l’indigence. Et par là aus­si, il a subi le mar­tyre. Parce que rem­pli du Saint-​Esprit, il mani­fes­tait la cha­ri­té de Notre Seigneur, devant l’égoïsme de ses bour­reaux qui auraient vou­lu pro­fi­ter des richesses de l’Église. Il a souf­fert le mar­tyre hor­rible de la grille ardente. Mais l’ardeur de sa foi, l’ardeur de sa cha­ri­té étaient encore plus grandes que le feu qui le brû­lait à l’extérieur. Grand modèle éga­le­ment pour vous, modèle du déta­che­ment, du déta­che­ment total.

Vous aurez aus­si des res­pon­sa­bi­li­tés plus tard, res­pon­sa­bi­li­tés maté­rielles. Ne vous atta­chez pas aux biens de ce monde ; soyez aus­si géné­reux pour les pauvres sans doute, mais sur­tout pour les pauvres spi­ri­tuels. Pour ceux qui souffrent de la faim et de la soif dans leur âme, pour tous les pécheurs, pour tous ceux qui vien­dront à vous, pour deman­der la grâce de la cha­ri­té, la grâce de la Rédemption par les sacre­ments qui des­cen­dront par vos mains, par vos paroles.

Alors deman­dez aujourd’hui cette grâce – et nous la deman­dons pour vous – pour tous ceux qui sont ici pré­sents, parents, amis, vos maîtres qui ont tant d’affection pour vous demandent que cet Esprit Saint des­cende en vous, avec l’abondance de tous ses dons et fasse de vous des diacres qui suivent les modèles que l’Église nous a don­nés : saint Étienne et saint Laurent.

Vous avez par­ti­cu­liè­re­ment besoin de cet Esprit Saint aujourd’hui. Vous aurez à prê­cher le règne de Dieu. Lorsque l’on prend connais­sance dans les Écritures, des der­nières paroles de Notre Seigneur avant de mon­ter au Ciel et puis aus­si des Actes des Apôtres après la des­cente du Saint-​Esprit sur eux, on s’aperçoit que l’objet, tout l’objet de Notre Seigneur Jésus-​Christ, l’objet de sa Révélation, l’objet de l’apostolat des apôtres, c’est le regnum Dei, le royaume de Dieu, le règne de Dieu. C’est bien ce que Notre Seigneur nous a deman­dé dans sa prière : Que votre règne arrive. Que votre volon­té soit faite sur la terre comme au Ciel. C’est cela l’objet de notre prédication.

Or, ce règne de Dieu, qui était évident, effi­cace, pen­dant des siècles, siècles de chré­tien­té, siècles où Notre Seigneur vrai­ment était le Roi dans les cités, dans les familles, dans les indi­vi­dus – Oh certes, tout n’était pas par­fait – il y avait bien aus­si et tou­jours le péché, les pécheurs, mais on peut dire que le royaume de Notre Seigneur était agréé par tous. Par ceux qui pré­si­daient aux des­ti­nées des cités et par ceux qui étaient les pères de famille, les chefs de famille, par ceux mêmes qui avaient des pro­fes­sions, qui consa­craient leurs pro­fes­sions à des saints et par les indi­vi­dus d’une manière géné­rale. Les voca­tions en étaient une preuve. Les familles chré­tiennes en étaient une preuve également.

Or, un des­sein sata­nique est venu trou­bler ce règne de Notre Seigneur. Et non seule­ment le trou­bler, mais a eu pour inten­tion, pour but, de le détruire de fond en comble. C’est bien ce que dit le pape Léon XIII, dans son ency­clique Humanum genus, par­lant de la franc-​maçonnerie il dit : « Leur but, est la des­truc­tion totale des ins­ti­tu­tions chré­tiennes ». Destruction totale des ins­ti­tu­tions chré­tiennes. Et en effet, patiem­ment, réso­lu­ment, avec une malice consom­mée, ils arrivent peu à peu à leur but et on s’aperçoit que d’année en année, ils arrivent à détruire les ins­ti­tu­tions chrétiennes.

Et alors, on s’attendrait, évi­dem­ment à une résis­tance achar­née de ceux qui croient au règne de Dieu, de ceux qui croient à la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Mais hélas, par­tout des traîtres, par­tout des aban­dons, par­tout des com­pro­mis­sions, le règne de Notre Seigneur sera encore accep­table à la rigueur dans les familles, à la rigueur dans les paroisses, dans les per­sonnes pri­vées, mais plus exté­rieu­re­ment, plus dans la cité, plus dans les pro­fes­sions. C’est la sécu­la­ri­sa­tion ; c’est la laï­ci­sa­tion. Voilà le pro­jet infer­nal de Satan.

Le grand moyen d’arriver à la des­truc­tion du règne de Notre Seigneur et des ins­ti­tu­tions chré­tiennes, c’est la laï­ci­té et la sécu­la­ri­sa­tion des États, des socié­tés et par le fait même, néces­sai­re­ment, c’est une consé­quence logique et comme impla­cable, sécu­la­ri­sa­tion, laï­ci­sa­tion des familles. Et non seule­ment des familles, mais des sémi­naires, mais du cler­gé. Et voi­là que dans le cler­gé, dans l’Église, des hommes se lèvent en faveur de la sécularisation.

Des chré­tiens comme Maritain, estiment que la sécu­la­ri­sa­tion est une évo­lu­tion néces­saire et comme un pro­grès qui doit arri­ver avec la science, avec le déve­lop­pe­ment des sciences humaines et socio­lo­giques. Et puis ce sera Teilhard de Chardin, un prêtre, qui fera aus­si de cette laï­ci­sa­tion, de cette sécu­la­ri­sa­tion, l’objet de ses consi­dé­ra­tions, qui seront sui­vies dans les sémi­naires, par des prêtres, par des pro­fes­seurs de séminaire.

Alors, à quoi peut-​on s’attendre, si même ceux qui des­servent l’autel, ceux qui des­servent Notre Seigneur, ceux qui ont été ordon­nés pour le règne de Dieu, pour le règne de Notre Seigneur, sont aus­si par­ti­sans de la des­truc­tion du règne de Notre Seigneur dans la socié­té. Comment peuvent-​ils être encore prêtres ?

On ira plus loin. Ce ne sont pas seule­ment des prêtres, ce ne sont pas seule­ment des indi­vi­dus qui seront en faveur de la sécu­la­ri­sa­tion et de la laï­ci­sa­tion, mais c’est un concile ! Oui le concile Vatican II. Le concile Vatican II par son décret de la liber­té reli­gieuse, ins­taure pra­ti­que­ment la laï­ci­sa­tion et admet offi­ciel­le­ment, les États laïques et les États sécu­la­ri­sés, que Notre Seigneur ne règne plus dans la socié­té ; qu’il règne encore à la rigueur dans les âmes, dans les indi­vi­dus, dans les familles, dans les paroisses, mais plus dans la socié­té. Cela n’est plus pos­sible. Je l’ai enten­du de mes propres oreilles : le règne de Notre Seigneur dans la socié­té n’est plus possible.

Ce n’est pas ce que disait le pape Pie XI dans son ency­clique Quas pri­mas, sur la royau­té sociale de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Quelle magni­fique ency­clique. Nous devrions la lire et la relire sou­vent pour voir quel est notre devoir, le devoir des prêtres, en faveur du règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Nous voyons main­te­nant, à l’instigation de ce concile et de ce décret de la liber­té reli­gieuse, la déchris­tia­ni­sa­tion de toutes les socié­tés catho­liques et cela accom­pli, non seule­ment avec l’accord, mais avec l’approbation et l’instigation de Rome ! Voilà la situa­tion dans laquelle nous sommes aujourd’hui.

C’est un crime, un crime contre Notre Seigneur Jésus-​Christ et pré­ci­sé­ment toutes les réformes qui ont été faites après le concile, ont été faites dans ce sens, dans le sens d’une sécu­la­ri­sa­tion et d’une laï­ci­sa­tion de la socié­té catholique.

La nou­velle litur­gie, la nou­velle messe n’est plus celle qui exprime la royau­té sociale de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Tandis que la vraie messe, la messe de tou­jours, expri­mait cette royau­té sociale de Notre Seigneur, cette ado­ra­tion de la socié­té chré­tienne, de tous ceux qui en font par­tie, tous ceux qui ont des res­pon­sa­bi­li­tés dans la socié­té, tous ceux-​là ado­raient Notre Seigneur à genoux, ado­raient Notre Seigneur dans la Sainte Eucharistie et lui deman­daient par­don pour leurs péchés, lui deman­daient la grâce de la Rédemption de leurs péchés, l’application du Sang de Notre Seigneur sur leurs âmes. Et cela, toute la socié­té réunie autour de l’autel ado­rait Jésus, Le recon­nais­sait comme Roi. Il règne par le bois de la Croix : Regnavit a ligno Deus : Il règne par le bois de sa Croix et tout le monde Le reconnaît.

Cette trans­for­ma­tion de la messe en une espèce de réunion com­mu­nau­taire où l’on par­tage un pain qui signi­fie la com­mu­nau­té et qui rap­pelle sim­ple­ment le sou­ve­nir de Notre Seigneur, ce n’est plus la royau­té sociale de Notre Seigneur Jésus-​Christ qui était l’expression la plus belle, la plus sacrée, la plus divine, de toute la socié­té chrétienne.

C’est pour­quoi de magni­fiques églises ont été construites par nos ancêtres, pour signi­fier cette royau­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ sur tous les indi­vi­dus. Ces flèches qui s’élancent au milieu de nos vil­lages, toutes les mai­sons regrou­pées autour de ce clo­cher, autour de cette église, signi­fiaient pré­ci­sé­ment la royau­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ. On a vou­lu faire des salles poly­va­lentes qui servent à n’importe quoi, qui n’ont plus de signi­fi­ca­tion, qui ont même par­fois des formes désa­gréables, hor­ribles, ce n’est plus la royau­té sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Or c’est cela que vous aurez à prê­cher. Vous êtes consa­crés pour cela. Vous êtes faits diacres dans la Sainte Messe, dans la Sainte Messe de tou­jours, grâce au Sacrifice de la Croix de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Vous serez faits diacres comme les diacres ont été faits depuis le début de l’Église. La céré­mo­nie que nous allons faire est celle de tou­jours. Vous pou­vez donc avoir cette convic­tion : Je suis diacre comme l’ont été saint Étienne, saint Laurent et tous ceux qui ont été ordon­nés diacres avec eux et après eux. Alors que vous ayez en vous cette foi, ce feu de l’Esprit Saint qui illu­mine vos esprits ; qui vous donne une cha­ri­té pro­fonde, une cha­ri­té par­faite, mais avant tout ayant les regards jetés sur Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et non pas seule­ment sur son pro­chain. On aime son pro­chain que pour Dieu et non pas pour lui-​même et non pas pour nous-​mêmes, mais pour Dieu, pour Notre Seigneur, pour que Notre Seigneur règne en lui et que notre pro­chain se des­tine à Lui. Voilà le but de notre cha­ri­té ; voi­là le but de l’Esprit Saint qui des­cend en vous.

Demandez à la très Sainte Vierge Marie, mes bien chers amis, à votre bonne Mère du Ciel, elle qui est rem­plie du Saint-​Esprit, par laquelle cette grâce va vous être don­née, car nous ne rece­vons aucune grâce sinon par la média­tion de la très Sainte Vierge Marie, c’est donc par elle que vous allez rece­voir cette grâce de l’Esprit Saint, grâce du dia­co­nat. Demandez-​lui qu’elle vous la donne en abon­dance et qu’elle vous garde tout au cours de votre vie.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.