Mes bien chers frères,
Mes bien chers amis,
Nous voici arrivés par ce premier dimanche de la Passion de Notre Seigneur, au cœur même de notre année liturgique. Le grand mystère autour duquel toute la liturgie de l’Église, tourne en quelque sorte, est organisé, c’est le mystère de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Dieu a voulu de toute éternité que son Fils prît une chair semblable à la nôtre et une âme semblable à la nôtre et versa son Sang pour la rédemption de nos péchés. Grand mystère ! Et cette Passion de Notre Seigneur à laquelle nous allons assister de nouveau par toutes les belles cérémonies et toutes ces journées émouvantes de la Semaine Sainte, sont des grâces tout à fait particulières qui inondent notre âme de joie et de douleur en même temps, face à notre état de pécheurs.
Et cette semaine se présente, ce drame, ce mystère, se présente sous la forme d’un combat, un combat immense livré entre Dieu et Satan. Car l’Évangile le dit explicitement : Satan prît possession de l’âme de Judas. C’est donc un combat contre Satan, un combat contre le péché, combat contre la mort, duquel évidemment Dieu sortira victorieux. Victorieux en voulant nous entraîner dans sa victoire. Il va falloir que nous nous appliquions les mérites de la Passion de Notre Seigneur, pour que nous puissions participer à cette victoire contre le péché, contre Satan, contre la mort.
Aujourd’hui, on aurait tendance à oublier la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, pour ne plus penser qu’à sa Résurrection. Volontiers, on laisse disparaître les crucifix, pour ne plus représenter Notre Seigneur que triomphant. Sans doute Notre Seigneur a triomphé. Mais Il a triomphé par sa Passion. Sa Résurrection est comme le résultat de son combat, le résultat de sa Passion, de son Sang versé, comme le dit magnifiquement saint Paul :
Per proprium sanguinem introivit semel in Sancta, æterna redemptione inventa (He 9,12). « Il est entré dans le Saint des saints avec son propre Sang ». Il a versé son propre Sang. Ce n’est plus le sang des taureaux, des boucs, c’est le propre Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, son Sang divin, qui est répandu pour nous.
Et nous sommes portés à nous demander, s’il y a quelque relation entre cette Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ et l’ordre, mes chers amis, que vous allez recevoir dans quelques instants, l’ordre du Diaconat. Et en effet, il y a des relations intimes et profondes nécessairement, puisque vous vous préparez au sacerdoce. Le sacerdoce n’étant autre que celui de Notre Seigneur, il est normal que vous approchant du sacerdoce, vous vous approchiez aussi de ce grand mystère qu’est la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, dans lequel vous devez entrer vous-même, entrer dans cette Passion, vous conformer à Notre Seigneur Jésus-Christ sur sa Croix.
Car vous prêcherez aussi comme saint Paul : Jésus et Jésus crucifié (1 Co, 2,2) . C’est bien ce que dit saint Paul : « Scandale pour les Gentils et scandale pour les Juifs. Mais sagesse pour ceux qui croient en Notre Seigneur Jésus-Christ ». Ce sera donc votre sagesse : la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et dans les paroles que le pontife prononce – et va prononcer dans quelques instants à votre sujet – il vous rappellera que ministres de l’Église et successeurs des lévites, vous allez entrer dans ce combat. Semper in procinctu : L’Église est toujours entourée d’ennemis, est toujours dans le combat. Non est nobis colluctatio adversus carnem et sanguinem, sed adversus principes et potestates, adversus mundi rectores tenebrarum harum, contra spiritualia nequitiæ in cælestibus (monition aux ordinands) : « Nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes et les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, les esprits mauvais répandus dans l’air ». Contre les Princes de ce monde qui sont les successeurs des Princes des prêtres et des Pharisiens qui ont condamné Notre Seigneur.
Vous entrez dans ce combat. Et parce que vous entrez dans ce combat, vous avez particulièrement besoin du don de force. Et quand l’évêque va imposer sa main sur votre tête, il demandera pour vous, Spiritum ad robur, pour la force. Vous aurez en effet besoin de cette force spirituelle, de cette force surnaturelle pour vous maintenir dans ce combat. Combat qui est plus actuel que jamais. S’il y a une époque où nous devons combattre, c’est bien celle-ci. Satan est déchaîné, le péché est partout. Et hélas, la mort aussi, mort définitive pour beaucoup d’hommes qui ne croient pas, ou ne veulent pas croire en Notre Seigneur Jésus-Christ.
Alors que de même que dans ce combat et dans cette Passion nous voyons que Notre Seigneur est abandonné par ses disciples, seule la Vierge Marie demeure au pied de la Croix ; Stabat autem juxta crucem Jesu mater ejus (Jn 19, 25) : « La mère de Jésus est demeurée debout au pied de la Croix », avec saint Jean. Les autres L’ont abandonné.
Eh bien, nous assistons à ce spectacle de la Passion de l’Église et l’Église est abandonnée. Oui, l’Église est abandonnée. Elle est abandonnée par ceux qui devraient la défendre, par ceux qui devraient proclamer la royauté de Notre Seigneur, par ceux qui devraient répandre sa Vérité partout.
Non, comme les Princes des prêtres ils ont préféré plaire aux hommes et pourtant que disent les psaumes ?
Qui hominibus placent (Ps 52,7). Nous le disons dans les psaumes que nous récitons le mercredi : Qui hominibus placent (…) Deus sprevit eos confusi sunt, quoniam Deus sprevit eos. Il les méprise, il disperse leurs ossements, ceux qui plaisent aux hommes au lieu de plaire à Dieu. C’est bien ce que dit saint Paul aussi : Ita loquimur non quasi hominibus placentes, sed Deo (1 Th 2,4) : Celui qui veut plaire aux hommes ne peut pas plaire à Dieu, non potest. Ils ont préféré plaire à César : Nous n’avons pas d’autre roi que César. Eux qui auraient dû reconnaître Notre Seigneur Jésus-Christ qui était l’objet de leur désir, l’objet de leur attente, de tout ce peuple de Dieu, choisi pour le Messie : In propria venit, et sui eum non receperunt (Jn 1,11) : Il est venu dans sa maison et ils ne l’ont point reçu. Et c’est encore aujourd’hui dans l’Évangile. Notre Seigneur leur dit : Vos dicitis quia Deus vester est (Jn 8,54) : Vous dites que vous connaissez Dieu, qu’il est votre Dieu. Et non cognovistis eum (Jn 8,55) : Vous ne le connaissez pas. Ego autem novi eum (Jn 8,55) : Moi, je Le connais Dieu et vous l’appelez votre Dieu.
Eh oui, ils l’appellent leur Dieu et ils ont raison. Car c’est Dieu qui leur a enseigné Lui-même ce qu’Il était, à Moïse et par tous les Prophètes, ils se sont attachés à Dieu. Et Notre Seigneur leur dit : Vous dites que vous connaissez Dieu, Neque me scitis, neque Patrem meum : si me sciretis ; forsitam et Patrem meum sciretis (Jn 8,19) : Vous ne Le connaissez pas. Parce que si vous Le connaissiez, vous me connaîtriez aussi et vous me reniez.
Paroles terribles pour ce peuple qui aurait dû reconnaître Dieu dans ce Messie, dans Notre Seigneur Jésus-Christ.
Eh bien, nous en sommes là aujourd’hui aussi. On ne veut plus reconnaître Dieu dans la Sainte Église. On préfère plaire aux hommes, plutôt que de plaire à Dieu, que de proclamer la Vérité de l’Église, sa Vérité éternelle, sa sainteté, sa royauté. On préfère plaire aux protestants, plaire aux communistes, plaire aux hommes.
Alors vous, mes chers amis, préparés au combat, recevant la grâce de la force, vous resterez aussi près de l’Église, avec l’Église, dans l’Église, dans sa Passion, vous serez là pour proclamer sa Vérité, pour proclamer sa sainteté, pour proclamer son apostolicité et son unité. Et vous ne plairez pas aux hommes ; vous serez persécutés parce que vous ne voulez pas plaire aux hommes et que vous voulez plaire à Dieu. Attendez-vous aux persécutions, comme Notre Seigneur Jésus-Christ. Vous êtes les disciples et les disciples ne sont pas au-dessus du Maître.
Attendez-vous à ces persécutions, comme nous sommes persécuté actuellement. Pourquoi ? Parce que nous voulons maintenir la Vérité de l’Église. Parce que nous ne sommes pas disposé à pactiser – au prix de la Vérité – avec ceux qui n’ont pas la Vérité, pour nous mettre, soi-disant, à leur niveau. Alors on verra l’Église maintenant sur le même plan que ces dieux païens, que ces dieux qui n’en sont pas.
Omnes dei Gentium sunt demonia, dit le psalmiste : Les dieux des Gentils sont des démons. Alors on voudrait mettre l’Église sur le même pied que les démons, sur le même plan, toutes les religions égales, liberté religieuse, égalité de toutes les religions, liberté de toutes les religions.
Non ! Nous refusons. Nous voulons honorer l’Église, honorer Dieu, honorer Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous refusons ces titres qui sont uniques, à ceux qui ne sont que des inventions du diable.
Alors vous serez ces diacres, cum beato Stephano, comme le dit l’oraison, cum sanctum Stephanum. Oui, c’est l’exemple que vous donne la Sainte Église : pensez à saint Étienne. Saint Étienne n’a pas voulu plaire aux hommes. Il a plu à Dieu ; il a subi son martyre en priant pour ses persécuteurs.
Eh bien, vous serez lapidés, vous aussi ; vous serez persécutés, mais vous prierez aussi pour vos persécuteurs. Comme Notre Seigneur l’a fait, comme Il en a donné l’exemple.
Voilà, mes bien chers amis, quel est le modèle que l’Église vous donne. Et le modèle, encore plus parfait, c’est celui de Notre-Dame de la Compassion, la très Sainte Vierge Marie, proche de la Croix, dans le silence de son âme, adorant son divin Fils, s’offrant avec Lui pour la rédemption des péchés du monde.
Et vous aussi, vous vous offrirez toujours de plus en plus, proche de l’autel, vous vous offrirez avec Notre Seigneur sur sa Croix pour la rédemption du monde.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.