Mes bien chers frères,
Mes bien chers amis,
Nous voici à nouveau réunis pour une cérémonie d’ordination, ordination aux deux derniers ordres mineurs et au sous-diaconat, en attendant la cérémonie de demain, pour la réception du diaconat.
Ce sont de grandes grâces qui sont faites au séminaire et aux différentes communautés qui se joignent à nous dans ces cérémonies, grandes grâces qui sont faites par Dieu à ces communautés et à notre Fraternité. Car s’il est un don important, sublime, incompréhensible, fait par Dieu aux hommes, c’est bien celui de son sacerdoce et ainsi par le sacrement de l’ordre que vous allez recevoir, mes chers amis, ce sont ces grâces particulières qui vous unissent déjà à Jésus-Christ Prêtre et au sacerdoce de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et je voudrais, en quelques mots, vous encourager dans vos dispositions à recevoir cette grâce toute particulière. Le concile de Trente nous affirme que nous pouvons et que nous devons coopérer aux grâces que nous recevons. Il le dit particulièrement contre l’erreur des protestants qui nient que nos œuvres puissent contribuer à la réception de la grâce, ou à une augmentation de la grâce sanctifiante. Le concile de Trente affirme au contraire, que nous pouvons et nous devons coopérer à la grâce du Bon Dieu et par conséquent mériter, sinon la première grâce, au moins la grâce seconde, celle qui augmente en nous la grâce sanctifiante et même mériter la gloire du Ciel qui sera notre récompense.
Oui, donc, nous pouvons mériter, puisque nous pouvons aussi – hélas – démériter. Si nous pouvons démériter et recevoir une sanction grave comme celle de l’enfer, il est bien juste aussi que nous puissions mériter. Et c’est pourquoi il nous est bon de nous rappeler quelles sont ces dispositions que nous devons avoir en nous et quelles sont ces dispositions que l’Église demande par exemple à ceux qui, adultes, doivent recevoir la grâce du baptême. On ne peut admettre au baptême un adulte qui n’aurait pas certaines dispositions pour la grâce de son baptême, pour la grâce sanctifiante qu’il doit recevoir.
Quelles sont ces dispositions que l’Église demande ? Elle demande fides theologica, qu’est-ce que veut dire par là l’Église : fides theologica ? C’est-à-dire cette foi qui n’est pas seulement une fiducia,qui n’est pas seulement un sentiment de foi, mais la foi telle que l’Église catholique l’entend, qui est une adhésion de notre intelligence aux vérités révélées par Notre Seigneur Jésus-Christ qui est Dieu et parce qu’il est Dieu. Parce qu’il est la Vérité même. Donc la foi dans les vérités révélées par Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et puis l’Église demande également l’espérance. L’espérance particulièrement fondée sur la miséricorde de Dieu. Miséricorde infinie du Bon Dieu. Espérance de cette grâce qui pour celui qui va la recevoir, comprend que pour lui, c’est une nouvelle existence, une nouvelle naissance, son introduction dans le Corps mystique de Notre Seigneur, dans le sein de la Trinité Sainte. Et tout cela grâce à la miséricorde de Dieu, grâce à la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et puis après la foi, l’espérance, également la charité. Et l’Église demande pour ces catéchumènes – ceux qui se préparent à la grâce sanctifiante qu’ils doivent recevoir – qu’ils aient l’initium vitæ christianæ.
Quel est ce commencement de la vie chrétienne ? Eh bien c’est l’obéissance aux commandements de Dieu. Un pécheur, un pécheur public, ne peut pas se présenter pour recevoir la grâce du baptême, c’est évident.
Il faut donc qu’il y ait un commencement de vie chrétienne. Puis Si diligitis me, dit le Seigneur, mandata mea servate (Jn 14,15) : Celui qui m’aime observe mes commandements.
Et par conséquent, c’est dans cette observance des commandements que se trouve déjà la charité. Cette charité qui s’exprime par la soumission à la volonté du Bon Dieu.
Trois dispositions fondamentales que nous avons besoin de nous rappeler, car elles sont fondamentales, c’est-à-dire qu’elles doivent demeurer tout le temps dans nos cœurs et dans nos esprits, si nous voulons que la grâce augmente en nous. Nous devons garder cette foi, cette espérance, cette charité. En plus l’Église ajoute encore : timor Dei : la crainte de Dieu. Oh, sans doute la crainte filiale, la crainte de nous séparer de Dieu, nous séparer de Notre Seigneur Jésus-Christ, de Celui qui est tout pour nous, qui nous a tout donné, à qui nous devons tout : timor Dei.
Et enfin l’odium peccati : la haine du péché. Car le péché est le mal de l’homme. C’est celui qui risque de nous séparer de Dieu, de nous éloigner de Dieu.
Voyez comme elles sont belles ces simples dispositions que l’Église demande à tout catéchumène. Et c’est pourquoi lorsque l’on prépare les catéchumènes à recevoir la grâce du baptême, on leur demande un certain laps de temps pour se préparer, s’habituer à être dans ces dispositions. Dispositions qui leur permettront de recevoir la grâce sanctifiante, d’une manière fructueuse, d’une manière efficace qui fera ainsi grandir déjà leurs vertus, leurs vertus chrétiennes plus rapidement.
Et pour ceux qui, comme vous, ont déjà reçu cette grâce sanctifiante, qui ont déjà la grâce sanctifiante en eux, est-il possible encore d’espérer de faire croître cette grâce et les grâces que vous allez recevoir ici par le sacrement de l’ordre vont-elles vraiment augmenter votre grâce sanctifiante, par la grâce sacramentelle qui va vous être donnée ? Oui, vous pouvez mériter, en vérité, une augmentation de grâce. Mais pour mériter cette augmentation de grâce, il vous faut aussi certaines dispositions dont l’Église parle dans nos traités de spiritualité, dans nos traités de théologie. Il nous faut une plus grande charité. C’est la charité qui accroît la charité en définitive.
Plus nous agissons, plus nous sommes remplis de l’amour de Dieu, de la charité de Dieu ; plus nous sommes disposés aussi à recevoir la grâce en abondance.
Et c’est pourquoi les Âmes saintes – bien que peut-être elles aient moins de difficultés que les autres, à cause de leur sainteté – à se disposer pour recevoir ces grâces, mais elles reçoivent des grâces plus abondantes que les autres, parce que leur charité est plus grande.
Et comment se manifeste cette charité ? Comment pouvons-nous la déceler un peu en nous ? Eh bien, saint Thomas, après saint Benoît, dit que la promptitude avec laquelle nous nous donnons au Bon Dieu, avec laquelle nous ouvrons notre cœur à Dieu, cette promptitude manifeste que nous aimons Dieu, manifeste que nous sommes prêt à obéir à la volonté de Dieu, à nous donner à Dieu, à faire cette oblation que vous faites maintenant de vous-même et toujours davantage par ces ordinations que vous recevez. Cette promptitude, saint Benoît la désigne surtout à l’occasion de l’obéissance, à la spontanéité et à la rapidité avec lesquelles le sujet répond à la voix de son supérieur. Allegro pede, dit saint Benoît dans sa règle. Allegro pede, d’un pied vif, d’un pied rapide, il se rend à l’obéissance de ses supérieurs, pour l’amour de Dieu. Voilà ce qui manifeste la charité.
Et c’est encore ce que nous dit également saint Paul : Hilarem enim datorem diligit Deus (2 Co 9,7) : Le Bon Dieu aime celui qui se donne avec joie, avec joie Hilarem datorem diligit Deus. Il semble que le Bon Dieu n’aime pas celui qui donne avec tristesse, comme s’il regrettait le don qu’il est obligé de faire de lui-même, comme s’il regrettait la spontanéité avec laquelle il doit se présenter pour recevoir la grâce de Dieu, pour recevoir l’Esprit Saint, pour recevoir l’amour et la charité de Dieu en lui. Non le Bon Dieu aime celui qui se donne avec joie. Hilarem datorem.
Et c’est encore saint Paul qui dit aussi aux Corinthiens :
Eamdem autem habentes rémunerationem, tanquam filIls dico : dilatamini et vos (2 Co 6,13) :
« Je vous parle comme à mes enfants : vous aussi élargissez vos cœurs ».
Os nostrum patet ad vos ô Corinthii, cor nostrum dilatatum est (2 Co 6,11) :
« Notre bouche s’est ouverte pour vous, ô Corinthiens, notre cœur s’est élargi ».
Dilatamini et vos ; cor nostrum dilatum est. Dilatez vos cœurs, ouvrez vos cœurs ; n’ayez pas des cœurs étroits ; n’ayez pas des cœurs fermés, égoïstes, qui ont peur de donner ; qui craignent de se donner au Bon Dieu. Élargissez donc vos cœurs. Voilà les dispositions qui peuvent nous faire croître dans l’amour du Bon Dieu et nous faire recevoir les grâces des sacrements avec abondance et ainsi nous faire monter dans l’union à Dieu, dans l’intimité avec Dieu.
Évidemment il nous faut aussi être dans un esprit de prière. Demander au Bon Dieu – parce que ce n’est pas par nos propres efforts, ce n’est pas par nos propres dispositions personnelles, sans le secours de Dieu – que nous recevrons la grâce. Par conséquent nous devons prier pour demander au Bon Dieu de nous donner ces dispositions particulières, dispositions si utiles, si nécessaires. C’est une chose d’ailleurs que les diacres, futurs prêtres, doivent se rappeler pour leur ministère, que la nécessité de la disposition des âmes pour bien recevoir la grâce efficacement.
Il faut donc préparer les cœurs. Il faut que les cœurs se préparent à recevoir les grâces ; elles ne viennent pas comme par habitude, par routine, pour recevoir les sacrements, pour recevoir la charité de Notre Seigneur Jésus-Christ en nous. Sinon ces grâces risquent de ne pas être fructueuses et de ne pas faire augmenter la grâce sanctifiante dans les âmes.
Et le catéchisme du concile de Trente ajoute, que, pour les ordinations, une des dispositions principales que doivent avoir ceux qui vont recevoir les ordres, c’est d’avoir la pureté du cœur. Pourquoi la pureté du cœur ? Détachement d’eux-mêmes, détachement de toutes les choses de ce monde, pour s’approcher de Dieu.
Mais, dit le catéchisme du concile de Trente, cela est nécessaire plus que pour les autres sacrements, parce qu’ils doivent être des exemples. Parce que ce sacrement est fait pour sanctifier la société. Ce n’est pas un sacrement comme le sacrement de pénitence par exemple, qui sanctifie l’âme du sujet qui se confesse, qui reçoit la grâce du sacrement de pénitence. Mais l’ordre est un sacrement qui sanctifie pour sanctifier les autres. C’est une grâce particulière qui est donnée pour la sanctification de la société, comme la grâce du mariage est donnée pour la sanctification de la famille et non pas seulement pour les parents eux-mêmes, mais également pour la sanctification de la famille.
Mais de même, l’ordre pour la sanctification de l’Église, pour l’accroissement de l’Église, pour l’accroissement du Corps mystique de Notre Seigneur Jésus-Christ, cette grâce vous est donnée et – justement – pour être un exemple, un exemple de cet amour de Dieu, de cet amour total de Dieu, pour ce détachement total des choses du monde.
Eh bien, le catéchisme du concile de Trente nous apprend qu’il faut que ceux qui se disposent aux ordinations aient le cœur pur, le cœur détaché, détaché de toutes choses pour qu’il soit vraiment attaché à Dieu et qu’il soit ainsi une lumière, une lumière qui brille par leur sainteté et qui aide les fidèles à se sanctifier aussi.
Voyez, voilà les dispositions dans lesquelles vous devez être ce matin et demain matin, pour recevoir cette grâce exceptionnelle du sacrement de l’ordre.
Remerciez Dieu, rendez grâces à Dieu, rendez grâces à la très Sainte Vierge Marie, car c’est par elle que vous recevez ces grâces ; toutes les grâces nous viennent par les mains de Marie.
Que ce soit là une grande consolation pour nous, car elle est si bonne, si attentive pour nous, pour chacun d’entre nous. Elle nous aidera à avoir les dispositions qu’elle a eues elle-même lorsque la grâce du Saint-Esprit est descendue en elle, au moment de l’Annonciation.
Ah s’il y avait un cœur disposé, c’était bien celui de la Vierge Marie !
Alors que nos cœurs soient disposés comme le sien pour recevoir cette grâce de l’ordination.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.