C’est le rôle de nos prieurés de rebâtir des chrétientés miniatures

Lors du dis­cours inau­gu­ral de Monsieur Macron devant le Congrès réuni à Versailles le 3 juillet der­nier, le pré­sident de la République pro­non­ça les paroles sui­vantes : (…) « Je crois à cet esprit des Lumières qui fait que notre objec­tif à la fin est bien l’autonomie de l’homme libre, conscient et critique ».

Ces paroles ins­pi­rées des offi­cines maçon­niques mani­festent clai­re­ment les prin­cipes qui animent nos diri­geants et qui se trouvent être en oppo­si­tion radi­cale avec la foi catho­lique qui nous anime, que nous vou­lons défendre et transmettre.

Le pape Pie XII avait mis en garde contre cette dérive mortifère :

« Il est une autre erreur non moins dan­ge­reuse pour le bien-​être des nations et la pros­pé­ri­té de la grande socié­té humaine (…), c’est l’erreur conte­nue dans les concep­tions qui n’hésitent pas à délier l’autorité civile de toute espèce de dépen­dance à l’égard de l’Etre suprême, cause pre­mière et maître abso­lu, soit de l’homme soit de la socié­té, et de tout lien avec la loi trans­cen­dante qui dérive de Dieu comme de sa pre­mière source. De telles concep­tions accordent à l’autorité civile une facul­té illi­mi­tée d’action, aban­don­née aux ondes chan­geantes du libre arbitre ou aux seuls pos­tu­lats d’exigences his­to­riques contin­gentes et d’intérêts s’y rapportant.

L’autorité de Dieu et l’emprise de sa loi étant ain­si reniés, le pou­voir civil par une consé­quence iné­luc­table, tend à s’attribuer cette auto­ri­té abso­lue qui n’appartient qu’au Créateur et Maître suprême et à se sub­sti­tuer au Tout-​Puissant, en éle­vant l’État ou la col­lec­ti­vi­té à la digni­té de la fin ultime de la vie, d’arbitre sou­ve­rain de l’ordre moral et juri­dique, et en inter­di­sant de ce fait tout appel aux prin­cipes de la rai­son natu­relle et de la conscience chré­tienne1.

Ces lignes n’ont rien per­du de leur actua­li­té. L’état s’affranchit de Dieu, et se fait dieu : Il décide de la vie et de la mort de cha­cun. Il tue l’enfant à naître avec l’avortement et décide de la mort de l’adulte en léga­li­sant l’euthanasie. Il décide lui-​même de la mora­li­té des choses. Il veut s’affranchir de la loi natu­relle et rem­pla­cer le Créateur en vou­lant impo­ser ces lois abjectes de la ges­ta­tion pour autrui (GPA) et de la pro­créa­tion médi­ca­le­ment assis­tée (PMA) qui mettent l’enfant au même niveau qu’un ani­mal de com­pa­gnie que l’on vou­drait repro­duire ou ache­ter selon ses caprices. Qu’importe que l’enfant n’ait pas de père ou de mère. « Un enfant quand je veux et comme je veux » ? Seule l’économie prime et motive les grandes déci­sions des grands de ce monde.

Comment ne pas être hor­ri­fié par ces autres paroles que le pré­sident de la République fran­çaise pro­non­ça à pro­pos de l’Afrique à Hambourg lors de la réunion du G20 : « quand des pays ont encore 7 à 8 enfants par femme, vous pou­vez pen­ser y dépen­ser des mil­liards d’euros, vous ne sta­bi­li­se­rez rien » ? Nos diri­geants cherchent à détruire tout ce qui a fait le socle de la chré­tien­té, à com­men­cer par la famille : l’union des homo­sexuels a été léga­li­sée et l’adoption des enfants par ces « couples » encou­ra­gée. Ils semblent voler de vic­toire en vic­toire sans ren­con­trer aucun obs­tacle. Comment expli­quer cela ?

Le pape Pie XI donne une réponse fort pertinente :

« Il appar­tien­drait aux catho­liques de pré­pa­rer et de hâter par leur action ce retour (la royau­té sociale du Cœur de Jésus), mais un bien grand nombre d’entre eux ne semblent pas tenir dans leur vie sociale leur place nor­male ni pos­sé­der l’au­to­ri­té qui convient à ceux qui portent le flam­beau de la vérité.

Il faut peut-​être attri­buer ce désa­van­tage à la len­teur et à la timi­di­té des bons qui s’abs­tiennent de résis­ter ou résistent avec mol­lesse : les adver­saires de l’Église en retirent néces­sai­re­ment un sur­croît de témé­ri­té et d’au­dace. Au contraire, que les fidèles com­prennent tous qu’il leur faut lut­ter avec cou­rage et tou­jours, sous le dra­peau du Christ le Roi. Que le feu de l’a­pos­to­lat les embrase, qu’ils tra­vaillent à récon­ci­lier avec leur Seigneur les âmes éloi­gnées de lui ou igno­rantes, et qu’ils s’ef­forcent de sau­ve­gar­der ses droits((Pie XI, ency­clique Quas pri­mas, du 11 décembre 1925 ))».

Simone Veil, au len­de­main du vote de la loi léga­li­sant l’avortement, s’était éton­née de l’inertie des évêques fran­çais plus occu­pés à obte­nir la sécu­ri­té sociale pour le cler­gé qu’à s’opposer fer­me­ment à la loi qu’elle défen­dait. Elle conclut sa réflexion en disant que si l’épiscopat fran­çais s’était oppo­sé avec vigueur à son pro­jet, la loi n’aurait pas été adop­tée. Le car­di­nal Marty, ancien arche­vêque de Paris, avait décla­ré laco­ni­que­ment après le vote que « c’était un échec » ! Il faut aus­si sou­li­gner qu’au moment du vote, les bancs de l’Assemblée natio­nale furent déser­tés par beau­coup de dépu­tés de droite qui eurent peur de s’opposer ouver­te­ment à la léga­li­sa­tion de l’avortement. Cela confirme ce que disait saint Pie X : il y a deux hommes dans le dépu­té libé­ral : l’individu qui est catho­lique et le dépu­té qui est neutre. À cause de la lâche­té de tels hommes et tout par­ti­cu­liè­re­ment de la hié­rar­chie catho­lique, la chré­tien­té ne cesse de se désagréger.

Seul un retour à Dieu peut nous sau­ver d’une situa­tion qui paraît humai­ne­ment désespérée.

C’est ce qu’affirmait notre véné­ré fon­da­teur Monseigneur Lefebvre :

« Si aujourd’hui les diri­geants de nos socié­tés qui ont mécon­nu la royau­té de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, sont tou­jours à la recherche de solu­tions, de nou­veaux plans, de nou­velles tech­niques, pour essayer de régler les pro­blèmes de l’hu­ma­ni­té, ils feraient bien de se sou­ve­nir qu’ils ont aban­don­né celui qui pou­vait leur don­ner les solu­tions. Il n’y a aucun autre que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ qui puisse nous appor­ter vrai­ment la solu­tion de tous les pro­blèmes de notre socié­té. Il s’a­git de rebâ­tir la civi­li­sa­tion chré­tienne ((Mgr Lefebvre : Homélie à Ecône, le 31 octobre 1976)). »

C’est le rôle de nos prieu­rés de rebâ­tir des chré­tien­tés minia­tures. Autour d’eux se regroupent de vaillantes familles nom­breuses, se mani­feste un magni­fique dévoue­ment, se lèvent une jeu­nesse ardente et de belles voca­tions reli­gieuses et sacer­do­tales. Ce sont les fruits de la messe tra­di­tion­nelle à laquelle nous sommes atta­chés de toutes les fibres de nos âmes. La tâche reste immense, sur­hu­maine et pour­tant nous devons gar­der l’Espérance che­villée à nos âmes. Dieu et sa Providence sont avec nous. Nous pou­vons faire nôtres, ces mots d’un fameux géné­ral mexi­cain, chef des Cristeros :

« Notre force est consti­tuée par une petite armée, pauvre en équi­pe­ment, mais riche en ver­tus mili­taires, qui lutte chaque jour avec plus de suc­cès pour libé­rer le pays de la meute enra­gée qui le réduit en escla­vage. Elle est la force d’un peuple entier déci­dé à recon­qué­rir toutes ses libertés((Général Enrique Gorostieta, lettre au comi­té direc­teur de la Ligue le 16 mai 1929 )). »

Chers amis et fidèles bien­fai­teurs, soyez remer­ciés de votre sou­tien si fidèle et si géné­reux sur­tout en ces temps si dif­fi­ciles. Encore une fois, permettez-​moi de vous redire com­bien nous avons besoin de vous pour déve­lop­per la Tradition catho­lique dans notre pays et la faire rayon­ner. N’oublions jamais que « là où le péché abonde, la grâce surabonde((Saint Paul, Ro V, 20)) ».

Il est magni­fique de voir com­bien le Bon Dieu bénit nos œuvres mal­gré les épreuves et les oppo­si­tions que nous pou­vons ren­con­trer. Ce rayon­ne­ment de nos œuvres, nous vous le devons. Sachez que dans cha­cune de nos mai­sons, quo­ti­dien­ne­ment, nous prions pour nos bien­fai­teurs, deman­dant à Notre-​Seigneur et à Notre-​Dame de récom­pen­ser en grâces abon­dantes votre cha­ri­té si fidèle.

Dieu vous bénisse.

Abbé Christian BOUCHACOURT, Supérieur du District de France de la de la FSSPX

Sources : Lettre aux Amis et Bienfaiteurs n° 86

  1. Pie XII : ency­clique Summi Pontificatus, pour la fête du Christ-​Roi le 20 octobre 1939 []

FSSPX Second assistant général

Né en 1959 à Strasbourg, M. l’ab­bé Bouchacourt a exer­cé son minis­tère comme curé de Saint Nicolas du Chardonnet puis supé­rieur du District d’Amérique du Sud (où il a connu le car­di­nal Bergoglio, futur pape François) et supé­rieur du District de France. Il a enfin été nom­mé Second Assistant Général lors du cha­pitre élec­tif de 2018.