Le Christ Jésus, modèle de force

Le Portement de Croix de Jérôme Bosch, vers 1515.

Dans les ténèbres qui nous enve­loppent de plus en plus, avec leur cor­tège de confu­sion et d’effroi, reposons-​nous dans la lumière du Christ.

Dans les ténèbres qui nous enve­loppent de plus en plus, avec leur cor­tège de confu­sion et d’effroi, reposons-​nous encore dans la lumière du Christ, puisqu’il est notre repère et notre conso­la­tion, le phare qui nous désigne le port du salut.

Jésus est le Saint des saints, il est la sain­te­té même. Toute autre sain­te­té est « par­ti­ci­pée », conte­nue dans la sienne comme l’effet dans sa cause. Comme homme, sa sain­te­té est une sain­te­té créée, et comme Dieu, elle est incréée. Fils de Dieu, il est héri­tier d’une sain­te­té incom­pa­rable. Mais en tant qu’il pos­sède aus­si une nature humaine, Jésus s’est acquis une sain­te­té qui lui est propre. Un prince né dans une famille immen­sé­ment riche peut gagner à son tour une grande for­tune par lui-​même, par son appli­ca­tion, sa ver­tu et son génie. Ainsi de Jésus, il a « appris, tout Fils de Dieu qu’il est, l’obéissance par les choses qu’il a souf­fertes, et, après avoir été éle­vé à la per­fec­tion, il est deve­nu pour tous ceux qui lui obéissent cause du salut éter­nel » Hébreux, 5, 8–9.

La nature humaine de Jésus a dû fré­mir devant la sain­te­té infi­nie de sa Personne divine. Pourtant, et avec quel héroïque cou­rage, Jésus dans son huma­ni­té n’a pas renon­cé à l’abîme de gran­deur : « non pas ma volon­té mais la tienne ». Tout à la fois, mêlé à l’humanité ordi­naire, il aurait pu là encore être pris de ver­tige. Les péchés des hommes devaient être into­lé­rables à son exquise sain­te­té, et sa sen­si­bi­li­té humaine a bien dû subir cet effroyable voi­si­nage. Son âme a dû, comme aucune autre, sup­por­ter la pré­sence du mal, pour ain­si dire uni­ver­selle, elle qui était sans cesse en pré­sence de la pure­té infi­nie et unie à elle dans l’unique Personne du Fils.

Existence tra­gique s’il en fut, puisque Jésus s’est don­né avec une intel­li­gence supé­rieure et une volon­té sans faille au salut du monde, alors que les siens ne l’ont pas reçu, ne l’ont pas com­pris. Dans l’accomplissement de sa mis­sion, sa sain­te­té dévore son huma­ni­té comme le feu : « je me sanc­ti­fie moi-​même afin qu’ils soient saints eux aus­si » S. Jean, 17, 19. La résis­tance humaine et l’aveuglement qui lui font face n’auront rai­son ni de son humi­li­té ni de sa dou­ceur et elles s’af­fer­mi­ront au contraire jusqu’au bout : « Père, pardonne-​leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». La force du Christ et sa patience sont pour ain­si dire inépui­sables ! Dès le début de son exis­tence ter­restre, il ne se refuse pas à la com­pa­gnie des hommes et c’est ce contact fami­lier avec leur peti­tesse qui lui per­met de les gagner et de les déli­vrer. Voyez entre autres Nicodème, la Samaritaine, ou Zachée. Et tout à la fois il demeure aiman­té par la com­pa­gnie de son Père, et il la ché­rit, la nuit sur­tout, sur le Lac de Tibériade, la mon­tagne, ou le Jardin des Oliviers. Dans ces lieux qu’il aime, il refait ses forces, il pro­longe et accroît inlas­sa­ble­ment sa patience et sa force.

En lui pas de com­bat inté­rieur entre le bien et le mal, ni aucune pas­sion déré­glée à cor­ri­ger. Sa vie n’est pour­tant pas un idéal abs­trait et il a fait la preuve de toutes les ver­tus humaines qu’il a vécues au degré le plus héroïque qui fût jamais. S’il n’avait aucun com­bat inté­rieur à livrer, il livra le plus grand com­bat exté­rieur qu’il fut don­né à un homme de vivre : réa­li­ser la grande œuvre du salut décré­tée par la sainte Trinité au beau milieu de tant d’ignorance, d’étroitesse d’esprit, de pré­ju­gés et de péchés ; par­ta­ger la condi­tion sociale de tant d’hommes pécheurs pour les conduire à la noblesse d’enfants de Dieu. Jésus est immense par son ori­gine, sa des­ti­née, sa pré­des­ti­na­tion même, et à la fois « tout petit » par cette immer­sion sociale dont il fit ses délices. Voyez comme en parle la sainte Écriture ! « Lorsqu’il [le Seigneur Dieu] tra­çait l’horizon à la sur­face de l’abîme, char­geait de puis­sance les nuages dans les hau­teurs et maî­tri­sait les sources de l’abîme, lorsqu’il impo­sait à la mer ses limites, pour que les eaux n’en fran­chissent pas les rivages, lorsqu’il éta­blis­sait les fon­de­ments de la terre, j’é­tais à ses côtés comme un maître d’œuvre. J’y trou­vais mes délices jour après jour, jouant devant lui à tout ins­tant, jouant sur toute la terre, et trou­vant mes délices avec les fils des hommes. » Proverbes, 8.

Exquise sim­pli­ci­té du Christ qui fraye avec les pécheurs, les appelle à le suivre, prend ses repas avec eux. N’est-il pas venu cher­cher tout le monde et sau­ver tout le monde ? Il a gagné le cœur des natures les plus gros­sières et les a dis­po­sées à gagner le ciel. Il perce ses proches au cœur comme il se laisse per­cer. Ce contact direct, franc et géné­reux entre la plus haute sain­te­té et la plus grande médio­cri­té humaine donne à la per­son­na­li­té du Christ un charme exquis, capable de lui gagner tous les cœurs et de lui sus­ci­ter des émules. Il se laisse trou­ver, com­prendre et aimer, sans jamais for­cer la main en écra­sant les âmes avec son excellence.

Jésus est un homme vivant et plein de cou­leurs. Ce n’est pas un homme abs­trait. Même les pierres sur les­quelles son ombre se pro­je­tait gagnaient le pou­voir de tou­cher le cœur. Ainsi de nous dans notre rap­port aux âmes qui nous entourent, si le Christ vit en nous.

Prière. Seigneur Jésus, donnez-​nous d’être tel­le­ment rem­plis de vous que nous ne puis­sions jamais déses­pé­rer de notre salut ni de celui de qui­conque. Vous avez déployé votre bras avec une force qui rui­ne­ra tous vos enne­mis. Nous ne serons donc pas confon­dus. Ne per­met­tez pas que nous soyons comme écra­sés sous les menaces, mais donnez-​nous une confiance plus grande. Nous croyons Seigneur, mais aug­men­tez notre foi !

Chers fidèles, jusqu’à Bethléem, sainte marche à tous ! Regardez bien la Reine du Ciel, mon­tée sur son petit âne. Elle porte le Sauveur du monde pour le moment encore caché, bien nour­ri et abri­té dans son sein vir­gi­nal. Elle est pro­té­gée elle-​même par un homme fort, saint Joseph. Désormais nous n’avons plus d’autre sou­ci que de faire bon accueil à toute la sainte Famille, et de la sou­te­nir de toutes nos forces.

Source : Bulletin Sainte-​Thérèse-​de-​l’Enfant-​Jésus n° 211