La toute-​puissance du Christ

Les can­tiques de Noël ont le génie d’al­lier à la sim­pli­ci­té des mélo­dies une pré­ci­sion doc­tri­nale sans faille.

Cet Enfant sur la paille endor­mi
C’est l’Amour infini

ou encore

Ô Jésus, Ô Roi tout-​puissant
Petit enfant que Vous êtes
Régnez sur nous entièrement !

Le Verbe incar­né n’apparaît pas dans la toute-​puissance, mais bien plu­tôt dans la « toute-​faiblesse ». Voilà une source d’étonnement et d’admiration. Il faut la foi pour pro­cla­mer en Jésus-​Enfant la toute-​puissance divine. Jésus est tout-​puissant comme Fils éter­nel du Père ; il l’est aus­si comme homme, et c’est notre pro­pos d’examiner ici la puis­sance qui réside dans son huma­ni­té sainte.

L’humanité très vraie de Jésus est en union et pro­prié­té défi­ni­tive de la per­sonne éter­nelle du Verbe. Elle va donc par­ti­ci­per de la puis­sance divine comme étant reçue par le fait même de l’incarnation pour le salut des hommes. « Toute puis­sance m’a été don­née au Ciel et sur la terre » (Mt 28, 18).

L’Enfant dans la crèche est donc Dieu Tout-​Puissant pos­sé­dant une nature humaine, qui n’est pas la Toute-​Puissance, mais qui contient une puis­sance sur­na­tu­relle par­faite liée à sa mis­sion de Rédempteur. La puis­sance de Jésus homme réside dans son âme, et par l’âme dans son corps. Cette puis­sance est double car elle porte sur le cos­mos ou l’ordre phy­sique pour accom­plir des miracles ; et ensuite sur l’ordre moral pour sanc­ti­fier les âmes.

Saint Athanase en parle : « La chair du Christ ser­vait aus­si à l’œuvre de la divi­ni­té, comme la résur­rec­tion des morts ou la gué­ri­son des malades. Ces œuvres étaient opé­rées en elle, car elle était le corps du Seigneur ».

Saint Cyrille d’Alexandrie mérite d’être cité abon­dam­ment : « Le Christ qui est pré­sent en nous (par l’Eucharistie) apaise la loi de la chair qui réside dans nos membres, il ravive la sainte crainte de Dieu ; il tue les pas­sions ; ne tenant pas compte des péchés qui sont en nous, il nous gué­rit plu­tôt comme des malades, il répare ce qui est bri­sé, il relève ce qui est tom­bé, comme le bon Pasteur qui donne sa vie pour ses bre­bis. » (in Joan 4, 2). Saint Cyrille ajoute le témoi­gnage qui nous inté­resse : « Si, par le seul contact de la chair sacré, ce qui est mort revient à la vie, ne recevrons-​nous pas, de cette eulo­gie qui donne la vie, une jouis­sance plus abon­dante, si nous nous en nour­ris­sons ? Car elle chan­ge­ra com­plè­te­ment, dans le bien qui lui est propre à savoir l’immortalité, ceux qui y participeront ».

Il y a une puis­sance de grâce dans la chair du Christ. Saint Thomas d’Aquin explique que le Verbe com­mu­nique sa puis­sance divine à son huma­ni­té sainte en laquelle elle devient créée et humaine. On voit bien dans l’Évangile que Jésus n’avait pas besoin de prier pour faire des miracles, que Dieu seul peut faire. Il en avait la puis­sance dans son âme sainte et dans son corps sacré. Il pou­vait donc faire tous les miracles phy­siques qu’il vou­lait, sim­ple­ment en le vou­lant de sa volon­té humaine, ou par contact de son corps.

Le prêtre a reçu quelque chose de cette puis­sance sur­na­tu­relle de Jésus par son carac­tère de l’Ordre. Par son pou­voir sacra­men­tel le prêtre consacre l’hostie, absout les péchés, etc, et ce pou­voir est phy­sique, per­ma­nent, inalié­nable, ne pou­vant ni aug­men­ter ni dimi­nuer. Cela vient de la puis­sance de Jésus laquelle est uni­ver­selle et parfaite.

Si Jésus prie à l’occasion d’un miracle c’est uni­que­ment pour ins­truire et don­ner l’exemple à ceux qui assistent. C’est aus­si pour rendre grâce à son Père « Qui lui a don­né toute puissance ».

Notons enfin que Jésus-​Christ a sou­mis sa toute-​puissance à l’obéissance et à l’ordre que son Père lui a don­nés. C’est ain­si qu’en cer­taines cir­cons­tances « Il ne pou­vait pas faire de miracles » (Mc 6, 5) parce qu’un miracle n’aurait pas ser­vi à l’œuvre de salut. Jésus refuse de chan­ger les pierres en pains ou d’accomplir des miracles ostentatoires.

Saint Paul, dans son Épître aux Hébreux, nous en ins­truit. « C’est pour­quoi le Christ dit en entrant dans ce monde : Vous n’a­vez vou­lu ni sacri­fice ni obla­tion, mais vous m’a­vez for­mé un corps. Alors j’ai dit : me voi­ci, je viens, ô Dieu, pour faire votre volon­té » (Hb 10, 5–7).

Source : Apostol n° 159