Jésus ? Que peut-​on bien en dire…

L’homme ne peut pas com­mu­ni­quer par de simples idées comme le font les anges. Il est obli­gé d ’uti­li­ser des mots, d’avoir une cer­taine pré­ci­sion dans son voca­bu­laire afin d’une part de ne pas édul­co­rer la véri­té et d’autre part d’être com­pris de son interlocuteur.

C’est un pro­blème de lan­gage que nous vou­lons étu­dier dans le pré­sent article. L’Église, maî­tresse de véri­té, a tou­jours tenu à la pré­ci­sion du voca­bu­laire quand il s’agit du dogme et de la révélation.

Le mys­tère de l’incarnation appar­tient aux véri­tés de foi. Quelles sont alors les pro­po­si­tions que nous pou­vons énon­cer à pro­pos de Notre-​Seigneur. Est-​il pos­sible de dire que le tout-​puissant est humain ? Que la divi­ni­té est mor­telle ? Que Dieu est mort sur la croix ?

Ces ques­tions ne sont pas ano­dines, et leur réponse découle direc­te­ment de la nature du mys­tère de l’incarnation.

Savoir de quoi on parle

Il y a tou­jours deux ques­tions qui reviennent inlas­sa­ble­ment dans un dis­cours. De quoi parle-​t-​on ? La réponse à cette ques­tion est le sujet. La deuxième ques­tion est la sui­vante : qu’en dit-on ?

Pour le sujet épi­neux qui concerne Notre-​Seigneur, ces ques­tions ont leur impor­tance et néces­sitent d’apporter les dis­tinc­tions vues dans l’article précédent.

En résu­mé, à pro­pos de Jésus, on ne peut par­ler que de trois réa­li­tés dif­fé­rentes : la nature humaine, la nature divine, ou la per­sonne (divine) qui assume l’une et l’autre nature.

Dans les deux pre­miers cas, le sujet sera néces­sai­re­ment abs­trait : l’humanité, la divi­ni­té, la ratio­na­li­té, l’éternité, et ain­si de suite.

Dans le der­nier cas, en par­lant de la per­sonne, le terme sera tou­jours concret puisqu’il vise­ra direc­te­ment le Christ. C’est en ce sens aus­si que l’on emploie le mot Dieu. Dieu signi­fie tou­jours un être per­son­nel et non la nature divine en tant que telle.

Que dire alors ?

Les prin­cipes sont assez simples fina­le­ment. On ne peut rien affir­mer de la nature humaine qui ne soit humain. L’humanité est mor­telle, elle est tem­po­relle, elle est finie. Mais on ne peut pas dire : l’humanité est éter­nelle, l’humanité a été assu­mée par Dieu.

Le même prin­cipe vaut pour la nature divine. On peut dire que la divi­ni­té est éter­nelle, qu’elle est toute puis­sante. Mais on ne peut pas dire que la divi­ni­té s’est incar­née, qu’elle s’est fait homme, qu’elle a fait des miracles ou qu’elle est mortelle.

Il en va tout autre­ment quand le sujet est per­son­nel. Que ce soit Dieu, le Christ, Jésus, Notre-​Seigneur, chaque fois que la per­sonne est visée, on peut lui attri­buer ce qui appar­tient à l’une ou l’autre nature. Ainsi, on peut dire Dieu est mort, Dieu s’est fait homme, Jésus est éternel.

Certes il fau­dra sous-​entendre la dis­tinc­tion sui­vante : quant à sa nature humaine ou quant à sa nature divine. Mais comme c’est l’unique per­sonne qui assume les deux natures, on peut lui attri­buer ce qui convient à l’une ou l’autre nature.

Quand Jésus dit que le Père est plus grand que lui, il faut l’entendre par rap­port à sa nature humaine, non par rap­port à sa nature divine. Mais quand il dit « le Père et moi sommes un », il faut sous-​entendre du point de vue de la nature divine, non de la nature humaine. De même lorsque le Christ dit aux pha­ri­siens « avant qu’Abraham fut, je suis », il fait réfé­rence à ce qu’il est comme Dieu, non comme homme.

Le mys­tère de l’incarnation est d’une richesse inson­dable. L’unique per­sonne du Christ assume les deux natures. C’est pour cette rai­son aus­si qu’en toute véri­té la Très Sainte Vierge Marie est appe­lée Mère de Dieu.

Source : Le Chardonnet n° 372