Le meilleur moyen d’étendre le règne de Jésus-​Hostie sur les âmes

Le prêtre a pour fonc­tion essen­tielle de célé­brer l’au­guste sacri­fice, d’ad­mi­nis­trer les sacre­ments, d’an­non­cer les mer­veilles de la misé­ri­corde divine.

Au Congrès Eucharistique dio­cé­sain tenu à Peyragude, dio­cèse d’Agen, le 2 mai 1909, Mgr du Vauroux a pro­non­cé un dis­cours dont la deuxième par­tie tout entière se rap­por­tait à la ques­tion du recru­te­ment du cler­gé. Nous la repro­dui­sons ci-​après. On remar­que­ra tout par­ti­cu­liè­re­ment les graves et fortes paroles adres­sées à la Jeunesse Catholique, qui s’é­tait fait lar­ge­ment repré­sen­ter au Congrès de Peyragude.

Nos congrès eucha­ris­tiques doivent glo­ri­fier et pro­pa­ger l’i­dée de la voca­tion sacer­do­tale. Le prêtre a pour fonc­tion essen­tielle de célé­brer l’au­guste sacri­fice, d’ad­mi­nis­trer les sacre­ments, d’an­non­cer les mer­veilles de la misé­ri­corde divine. Travailler au recru­te­ment du cler­gé, c’est sans aucun doute le meilleur moyen d’é­tendre le règne de Jésus-​Hostie sur les âmes. Laissez-​moi donc vous adres­ser, mes Frères, au sujet de la sainte voca­tion qui fait les ministres de l’au­tel, quelques conseils d’une impor­tance capi­tale. Je veux vous rap­pe­ler des devoirs trop sou­vent mécon­nus, même par de fer­vents chré­tiens. Sous pré­texte, en effet, que Dieu est libre de choi­sir ses prêtres, que seul il a le droit et le pou­voir de faire entendre, comme autre­fois aux Apôtres, un appel sou­ve­rain, on oublie qu’un germe ne peut gran­dir s’il ne tombe sur un sol bien pré­pa­ré, et qu’en réa­li­té beau­coup de voca­tions avortent, parce que la culture indis­pen­sable leur manque com­plè­te­ment. Pères et mères de famille, ne croyez pas être en règle avec votre conscience lors­qu’en face d’un pro­blème aus­si grave vous adop­tez une atti­tude pure­ment néga­tive, et vous conten­tez de pro­mettre à vos fils une sou­mis­sion sin­cère aux ordres du Ciel. Non, il ne suf­fit pas de ne pas com­battre une voca­tion pour qu’elle abou­tisse. Vous avez mieux à faire que d’ob­ser­ver en simples spec­ta­teurs l’ac­tion de la grâce divine dans l’âme inex­pé­ri­men­tée d’un enfant.

Les obligations qui s’imposent aux parents

Trois obli­ga­tions s’im­posent à vous ; vous n’en contes­te­rez ni la gra­vi­té, ni l’urgence.

Il faut, en pre­mier lieu, que sous votre toit la voca­tion ecclé­sias­tique soit en hon­neur. Vos fils doivent savoir de bonne heure qu’au­cun état n’é­gale la digni­té, la beau­té, la fécon­di­té du sacer­doce, et que c’est jus­tice de féli­ci­ter les familles où naissent et croissent d’autres Jésus-​Christ. Je vous demande éga­le­ment de ne pas entre­te­nir dans l’es­prit de vos enfants cette sin­gu­lière idée que la sainte milice n’est pas faite pour eux. Enseignez-​leur au contraire les droits impres­crip­tibles de Dieu sur tous les foyers et sur toutes les âmes. Après tout, rien n’empêche votre famille d’être choi­sie. Serait-​il extra­or­di­naire que Dieu lui com­man­dât de lui payer un impôt aus­si glo­rieux ? Allez plus loin encore. Il y a des ado­les­cents dont les apti­tudes ne lais­se­ront aucun doute à leurs parents ; il en est d’autres qu’un exa­men appro­fon­di d’eux-​mêmes amè­ne­ra peut-​être au sémi­naire. Mais, diri­gés dès leur enfance dans des voies toutes dif­fé­rentes, ils ne son­ge­ront jamais à se poser les termes du grand pro­blème. Pourquoi donc ce père, cette mère de famille n’oseraient-​ils pas rap­pe­ler à leur fils la pos­si­bi­li­té d’un appel divin ? Exerceraient-​ils une pres­sion fâcheuse et injuste quand ils lui don­ne­raient en conscience un conseil ou sim­ple­ment le pro­vo­que­raient à de sérieuses réflexions ? Hélas ! ils ne se feront ordi­nai­re­ment aucun scru­pule de sug­gé­rer à un enfant de dix ans des dési­rs humains ; ils enga­ge­ront par­fois l’a­ve­nir tout entier d’un fils encore inca­pable de choi­sir, en don­nant à ses études une orien­ta­tion défi­ni­tive ; mais ils croi­ront atten­ter à la liber­té la plus essen­tielle de ce jeune homme, s’ils lui pro­posent d’é­le­ver un ins­tant ses regards jus­qu’à l’i­déal le plus beau qui puisse séduire une âme ardente, jus­qu’à l’i­déal du sacer­doce et de l’apostolat.

Parents chré­tiens, réagis­sez contre des ten­dances et des habi­tudes que la logique de la foi condamne. Pensez, je vous en conjure, aux res­pon­sa­bi­li­tés qui pèse­raient lour­de­ment sur vous le jour où, par suite de votre négli­gence ou de vos craintes exces­sives, l’Église serait pri­vée d’un ministre utile, et une âme, l’âme d’un de vos enfants, détour­née de la des­ti­née sublime que l’a­mour divin lui préparait.

L’importance de la Jeunesse Catholique

A votre tour, chers amis de la Jeunesse Catholique, de com­prendre que la ques­tion du recru­te­ment de la tri­bu sacer­do­tale ne doit en aucune façon vous trou­ver indif­fé­rents. Dieu a tou­jours pris dans les milieux les plus dif­fé­rents ses ser­vi­teurs et ses sol­dats. Si les voca­tions décou­vertes chez les enfants vers l’é­poque de leur pre­mière com­mu­nion sont les plus fré­quentes, les autres âges de la vie ont contri­bué de tout temps à four­nir à l’Église de pré­cieux contin­gents. D’ailleurs, les voca­tions dites tar­dives offrent en géné­ral des garan­ties spé­ciales de soli­di­té et de pro­fon­deur. Elles nous ont don­né dans tous les siècles des saints illustres, saint Augustin, saint Thomas de Cantorbéry, saint Ignace, saint Camille de Lellis, saint Alphonse de Liguori, le Bienheureux curé d’Ars et tant d’autres !

Or, à l’heure où nous sommes, un mou­ve­ment consi­dé­rable et très conso­lant se pro­duit par­mi les jeunes de notre pays : renou­veau de foi, impul­sion vigou­reuse vers le dévoue­ment et la ver­tu. Nous n’a­vions jamais assis­té à pareil spec­tacle. Autrefois, la jeu­nesse croyante et agis­sante comp­tait à peine quelques groupes de vaillants. Aujourd’hui, ce sont d’ad­mi­rables légions qui se lèvent et se livrent au bon combat.

Dès lors, ne serait-​il pas étrange qu’une flo­rai­son de prêtres ne s’é­pa­nouît pas dans vos rangs, mes chers amis ? N’y aurait-​il pas lieu de s’é­ton­ner et de s’in­quié­ter si vous ne four­nis­siez point au cler­gé moderne une réserve impo­sante de fraîches et cou­ra­geuses recrues ?

Je sup­pose que Dieu ait jeté ses regards sur quelques-​uns d’entre vous : il serait inad­mis­sible que vos asso­cia­tions, vos patro­nages, vos cercles d’é­tudes et, je l’a­joute, nos col­lèges catho­liques, ne fussent pas pour de telles voca­tions le plus favo­rable des ter­rains. Supposer qu’un jeune homme mar­qué du signe divin perde à votre contact ses saints attraits, quelle sorte de blas­phème et quelle calom­nie ! Un groupe de Jeunesse Catholique où la voca­tion ecclé­sias­tique ne se déve­lop­pe­rait ni libre­ment ni faci­le­ment ne méri­te­rait à aucun titre le nom glo­rieux qui le désigne.

Ce serait, tout au contraire, un grand hon­neur pour vous que d’être repré­sen­tés par quelques-​uns des vôtres dans les rangs des ministres sacrés. Vous ne sau­riez four­nir à vos détrac­teurs une meilleure preuve de votre uti­li­té, ni à vos amis une jus­ti­fi­ca­tion plus élo­quente de leur atta­che­ment à votre cause. Si les âmes des­ti­nées à l’au­tel apprennent à connaître chez vous leur voie, s’il suf­fit qu’elles vous fré­quentent pour que leurs convic­tions s’af­fer­missent et leur zèle s’en­flamme, l’es­prit chré­tien anime vrai­ment vos groupes, vous tenez en toute réa­li­té école de foi et de ver­tu. Vous regar­de­rez au reste comme l’ac­quit­te­ment d’une dette de jus­tice et de recon­nais­sance votre concours effec­tif à l’œuvre des voca­tions ; car vous devez tout, il faut le dire, au dévoue­ment du cler­gé. Fils de l’a­pos­to­lat catho­lique, arra­chés par ses saintes indus­tries à la cor­rup­tion géné­rale, vous lui offri­rez un juste témoi­gnage de votre ardente gra­ti­tude, en com­blant les vides faits dans son armée ; et lorsque les pères de votre jeu­nesse sen­ti­ront la fatigue enva­hir leurs membres, lorsque leur éner­gie long­temps intré­pide s’af­fai­bli­ra, ils aime­ront à pen­ser que, par­mi les auxi­liaires ou les suc­ces­seurs accor­dés par le Christ à leur minis­tère, il s’en trou­ve­ra que votre abné­ga­tion géné­reuse aura offerts à l’Église et que leurs propres mains auront formés.

Voyez mon­ter à l’au­tel, revê­tu des orne­ments sacrés, ce jeune homme, hier encore votre cama­rade, mais aus­si votre modèle.

Vous êtes fiers de sa ver­tu, fiers de la franche ami­tié qui attache votre cœur à son cœur, et votre affec­tion s’aug­mente d’un doux sen­ti­ment de res­pect. Il ne vous oublie­ra pas, croyez-​le, ce com­pa­gnon de votre ado­les­cence, cet enfant dont l’âme est en quelque sorte issue du même zèle que la vôtre, ce prêtre sor­ti d’une famille toute sem­blable à celle qui vous a vu naître. Il se sou­vien­dra tou­jours et avec bon­heur de vous, de vos aimables réunions, de vos direc­teurs, de vos tra­vaux, des efforts entre­pris et pour­sui­vis cou­ra­geu­se­ment par tous, pour l’hon­neur de Dieu et le bien des âmes. Vous aurez une part spé­ciale à ses prières ; média­teur par fonc­tion entre la jus­tice divine et la fai­blesse humaine, il se réjoui­ra de vous ser­vir d’in­ter­mé­diaire auprès du Souverain Maître.

J’ose le dire, il sera pour votre cœur la béné­dic­tion vivante de Jésus-Christ.

Mgr du Vauroux, le 2 mai 1909 au Congrès Eucharistique de Peyragude.

Source : fsspx​.ch