Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruit, car sans moi vous ne pouvez rien faire.
Jn 15, 5
Pour donner des repères à la vie conjugale chrétienne, saint Thomas a repris la distinction de saint Augustin des biens du mariage : le bonum prolis – bien de la procréation des enfants et de leur éducation, le bonum fidelis – bien de la fidélité qui consiste dans l’amour et l’aide réciproque en diminuant la concupiscence et en renforçant la fidélité mutuelle, le bonum sacramenti – bien du sacrement qui représente l’unité et l’indissolubilité de l’union entre le Christ et l’Église. Aussi longtemps que durera le lien conjugal, c’est-à-dire jusqu’à la mort de l’un d’entre eux, si ces trois biens sont l’objet de la volonté des époux, ils accompliront la Volonté divine et recevront les grâces nécessaires.
Ces trois réalités du mariage n’ont de raison d’être qu’en tant qu’elles sont des repères moralisateurs, c’est-à-dire des guides et des garde-fou spirituels. Il faut remarquer que les trois biens du mariage chrétien ne sont pas du même ordre. À la différence des deux premiers, qui relève de l’officium naturæ – qui sont de l’ordre de la nature,le bonum sacramenti constitue une réalité surnaturelle, qui a sa bonté propre en élevant l’union des époux à l’image de l’union du Christ et de l’Église.
Les actes subséquents de leur vie conjugale ne peuvent être égalés à cet acte premier et décisif qui a scellé à jamais l’union de deux personnes, figurant l’union du Christ et de l’Église. Les actes quotidiens de leur vie conjugale ne seront pas le renouvellement de l’acte sacramentel mais ils pourront en être la suite, le prolongement, l’expression renouvelée.
C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair.
Genèse 2, 24
Le mariage chrétien est une vie surnaturelle de deux ne faisant plus qu’un. Du point de vue de l’institution naturelle du mariage, être deux en une seule chair, n’était possible que dans et par une vie spirituelle, certes naturelle, mais commune et partagée. Car deux corps ne pourront jamais à ce point fusionner au point de ne faire qu’un ; seule l’union spirituelle des âmes rend possible cette union.
Dans la nouvelle loi, cette union s’accomplit par une incroyable bonté divine, dans et par la vie surnaturelle de la grâce. Si les époux en état de grâce recherchent fidèlement et chrétiennement les biens du mariage, leurs actes possèderont une valeur surnaturelle, une sainteté spéciale comme dit saint Thomas, étant certainement pour eux l’occasion de recevoir les grâces actuelles qui leur sont dues de par le sacrement.
Bien sûr, il sera peut-être utile, pour conforter l’union mutuelle et pour comprendre l’autre en cas de crise, de développer certains aspects psychologiques. Mais ce ne seront que des moyens toujours disproportionnés à la réalité surnaturelle voulue par Notre Seigneur. Ce n’est pas dans une mystique naturaliste et parfois obscène du corps, mais dans le Sacrifice unique de Jésus que l’on trouve l’origine de la sainteté du mariage chrétien : parce qu’il est l’un des plus beaux fruits de la Passion de Notre Seigneur. C’est dans l’acte de Jésus immolant à son Père, que les époux trouveront le sens et tous les secours de leur mariage, qu’ils rendront sacrée – sacrum facere – leur union.
Que les femmes soient soumises à leurs maris… comme l’Église l’est au Christ
Ephésiens 5, 22–33
Ne nous paraissait-il pas déjà remarquable que Notre Seigneur assistât aux noces de Cana ? Mais le changement de l’eau en vin, son premier miracle public, que saint Jean Chrysostome appelle « son cadeau de noces », symbolisait la transformation merveilleuse du contrat en une vertu de même ordre et de même efficacité sanctifiante que celle des autres sacrements.
Puisque la femme est, comme vous héritière de la grâce.
1 Pierre 3, 7
Quelle métamorphose ! Toute la vilénie des unions précaires et de la polygamie disparaissait. Le Sauveur réhabilitait la femme en la retirant de la bassesse où on l’avait réduite ; il réinstituait la femme compagne et aide complémentaire de l’homme dans le salut de leur âme, et de celles de leurs enfants que le Créateur leur confierait. Certes Il maintenait la femme sous l’autorité de son mari, parce que c’était l’ordre de la création ; mais Il ennoblissait, par leur affection inspirée par la grâce du sacrement, la hiérarchie des rôles à l’image incroyable de ce qu’Il établirait, entre Lui et son Église, le glorieux lien de la Charité. Que les femmes soient soumises à leurs maris… comme l’Église l’est au Christ ; que les maris, à l’exemple du Christ, entourent leurs femmes de leur soins, leur rendent service et les sauvent… Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église.
Dans la nouvelle Loi, la vie conjugale, dans la moindre de ses attentions quotidiennes comme dans les plus importantes actions, est devenue source de biens spirituels. Maris, conduisez-vous avec sagesse envers vos femmes, la traitant avec honneur, puisqu’elles sont, comme vous héritières de la grâce qui donne la vie, enseignait saint Pierre… puisqu’elles sont, comme vous héritières de la grâce. Aussitôt après son Fondateur, le premier vicaire de l’Église, ainsi que ses successeurs jusqu’à il y a peu, pouvaient-ils mieux indiquer la nature religieuse et surnaturelle du joug qui unit les époux ? Former une unité telle que cette unité possède en elle-même le pouvoir de demander au Christ les grâces nécessaires, comme Il autorise son épouse l’Église à le faire.
Le secret d’un mariage « qui tient » est dans la sainteté, et la sainteté dans une vie intérieure menée à deux et unie au Christ, par ses sacrements. Quelle tristesse d’entendre des épouses parler mal de leur mari, soit qu’elles le critiquent, soit qu’elles le considèrent comme leur enfant. Quelle tristesse de comprendre qu’un homme réduit son rôle d’époux et de père à la fonction matérielle de celui qui fait vivre sa famille, ou de celui qui commande, « à la militaire », sa tribu.
La vie chrétienne est une aventure spirituelle intérieure. Le sacerdoce est un privilège incroyable pour ceux qui l’ont reçu d’identification au Christ. Le mariage lui, n’est rien de moins que l’image de l’union entre le Christ et son Église.
À ceux qui promeuvent cette fausse théologie du corps, nous disons que la charité ne consiste pas dans une mystique ambiguë du don du corps, mais qu’elle est participation surnaturelle et vivante à la seule Charité qui est en Dieu… nous disons que l’amour humain si élevé, si héroïque, si spirituel qu’il soit, n’égalera jamais la Charité que le Bon Dieu nous donne de participer. Entre l’amour humain et la Charité divine, il y a cet abysse entre la nature et la surnaturel que seule la bonté divine peut enjamber.
C’est ce qui fait que le mariage chrétien est honorable en tous, car il est également saint entre les pauvres, comme entre les riches, et en tout, car son origine, sa fin, son utilité, sa forme et sa matière sont saintes.