« Le scapulaire n’est pas une superstition », par le Père Louis Bochkoltz+
Bien chers fidèles,
Le 24 septembre 1726, le Pape Benoît XIII étendait à toute l’Eglise la Fête de Notre-Dame du Mont-Carmel.
L’implantation de cette fête dans la Liturgie de l’Eglise ne se fit pas d’un seul coup ni sans hésitation. Inscrite au calendrier de l’Ordre des Carmes depuis le XIVème siècle, elle avait été approuvée pour le Carmel par Grégoire XIII. Mais un décret de 1628 interdisait de la célébrer sans l’autorisation du Saint-Siège hors des églises des carmes et carmélites. Mais la dévotion du scapulaire était si populaire parmi les fidèles que, lors du XVIIème siècle, la célébration du 16 juillet s’était répandue partout.
L’Eglise n’avait jamais désapprouvé la dévotion du Scapulaire dans la mesure où elle était bien comprise. Elle avait toujours pris le soin de l’expliquer et de la défendre le cas échéant.
A la période de controverse, suivit une période de pacifique possession. Mais elle ne fut pas absolue. L’illustre théologien Billuart (+ 1757), parle ainsi, dans un de ses sermons, des adversaires du Scapulaire :
« Ce qui m’étonne, c’est que, tandis que tous les peuples courent à Marie, que les petits et les grands indifféremment, les simples et les savants chargent ses autels de vœux et de présents, que tous se font honneur de ses livrées, que l’Eglise autorise ses pratiques, que les souverains pon-tifes les approuvent par des actes solennels, il se trouve dans le sein de la religion des faux frères qui s’érigent en censeurs de cette dévotion à Marie, qui l’improuvent avec une liberté impudente et en des termes scandaleux, qui sont même assez auda-cieux pour la traiter de culte superstitieux et imaginaire. Oui, chers confrères du Carmel, je le dis les larmes aux yeux, tel est le malheur de notre siècle, tel est le déplorable état du Christianisme dans ces tristes jours. Autrefois, lorsqu’on savait mieux vivre que disputer, on suivait avec simplicité les mouvements de sa dévotion. On avait recours à Marie que l’on appe-lait médiatrice, avocate, mère de grâce et de miséricorde, reine, dame, refuge, espérance des pécheurs. A présent, pour notre malheur, que l’on sait mieux disputer que bien vivre, on forme sur ces mots des ques-tions utiles à peu de gens, inutiles à d’autres qui savent les principes de la religion, pernicieuses aux âmes faibles qui s’en scandalisent, favorables aux libertins et aux hérétiques qui en tirent de mauvaises conséquences ».
Nonobstant ses adversaires, l’Eglise continuait à approuver cette dévotion. Le cardinal Lambertini donnera une interprétation théologique de la promesse du Salut éternel faite par la Vierge :
« D’après les expressions de la Sainte Ecriture – note-t-il – le salut et la vie éternelle sont promis parfois à des pratiques qui aident à la vérité à atteindre le bonheur des élus, mais qui, à elles seules, ne suffisent pas à sauver un homme, s’il n’emploie en même temps les autres moyens de salut. Ainsi, il est dit : « Nous croyons que l’homme est justifié par la foi et nous sommes sauvés par l’espérance ; et encore : l’aumône délivre de la mort, purifie du péché fait obtenir miséricorde et trouver la Vie éternelle ». Bellarmin fait la même remarque : « Souvent, dit-il, la Sainte Ecriture attribue à différents moyens la force de justifier une âme ou même de la rendre bienheureuse, non pas qu’ils puissent à eux seuls justifier et sauver quelqu’un, mais parce qu’ils ont la force de contribuer à la justification et à la vie éternelle pourvu qu’ils soient accompagnés des autres moyens de salut comme sont la foi, l’état de grâce, l’observation des commandements ». On pourrait citer encore la parole de Notre Seigneur : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ». Evidemment, cela ne s’entend que de la communion faite en état de grâce, car celui qui mange et boit indignement, mange et boit sa propre condamnation. Aussi, dans la révélation du bienheureux Simon on ne lit pas que celui qui a porté le scapulaire sera par là-même et par cela seul, préservé du feu éternel, sans qu’il ait jamais fait autre chose. Il faut des bonnes œuvres pour le salut éternel et il faut la persévérance dans le bien ».
Bien chers fidèles, soyons nous aussi de fidèles dévots à Marie et portons dignement le scapulaire tout en pratiquant une vie sainte.
Père Louis Bochkoltz+, in Le Flamboyant n° 18 de juillet 2014
Pourquoi porter le scapulaire ?, par l’abbé Jean-Marie Salaün+
Les esprits orgueilleux et mondains trouvent toujours des prétextes pour ne pas porter l’habit de Notre Dame du Mont Carmel. C’est de la superstition, disent certains esprits orgueilleux, comment un vêtement pourrait-il me préserver des flammes de l’enfer ? C’était bon pour les âmes crédules du Moyen Age ; ou encore c’est trop visible, disent les âmes pleines de respect humain, mes amis me poseront des questions ! ou plus fréquemment c’est insupportable, ça me gratte.
Le Scapulaire de Notre Dame est le chef-d’œuvre d’amour de la Très Sainte Vierge pour les hommes ; c’est le touchant mystère de sa puissante intervention dans l’application des mérites infinis de son divin Fils.
Ce privilège d’être préservé de l’Enfer, en portant un petit morceau d’étoffe sur soi, pourrait nous laisser croire que c’est gagner le ciel à bien peu de frais. Il y a eu dans l’Eglise toute une querelle : est-ce que la promesse de la Sainte Vierge s’applique à celui qui meurt revêtu du Scapulaire, ou est-ce qu’il faut le porter pieusement ? C’est-à-dire : si quelqu’un portait le Scapulaire et mourait en pécheur, serait-il délivré de l’Enfer ? Il est évident que le Scapulaire n’est pas un talisman, le Scapulaire reste un Sacramental, un objet béni qui est porteur de grâce dans la mesure des dispositions de l’âme.
Cependant le bienheureux Claude de la Colombière dit que la promesse que fait Marie de protéger les confrères du Scapulaire ne renferme aucune condition ; la sainte Vierge s’est engagée à ne point souffrir qu’ils soient éternellement malheureux, c’est-à-dire qu’Elle leur donne toutes les assurances de salut que l’on peut avoir en cette vie.
Mais enfin, est-ce que le pécheur, qui veut mourir en pécheur, mourra revêtu de son scapulaire ? Vous y mourrez, répond le Bienheureux : car Dieu même, dit Saint Augustin, ne peut forcer une volonté mauvaise et déterminée à se perdre. Oui, vous mourrez dans l’impénitence, vous mourrez dans votre péché, mais vous ne mourrez pas avec votre scapulaire. Si Marie ne peut vous retirer de vos désordres, elle trouvera bien moyen de vous arracher sa livrée : vous-même, oui vous-même vous vous dépouillerez de ce saint habit plutôt que d’y mourir en réprouvé.
Le Scapulaire est donc une protection contre le plus grand danger qui nous menace, celui de perdre notre âme, mais il est surtout une appartenance. L’homme a toujours chargé le vêtement d’une signification symbolique, le vêtement a toujours été un langage, (les ornements sacerdotaux, les vêtements des fonctionnaires publics), le vêtement veut dire quelque chose. Le scapulaire, disait Pie XII, est une sorte d’habit marial, nous sommes, par ce petit scapulaire que nous portons, les familiers de Notre Dame et il le rappelait à propos des apparitions de Fatima : Notre-Dame de Fatima nous a demandé de nous consacrer à son Cœur Immaculé. Et le signe de cette consécration, c’est le Scapulaire.
Bien présomptueuse serait l’âme qui voudrait faire son salut sans prier le chapelet et sans se mettre sous la protection de notre Mère du ciel.
Abbé Jean-Marie Salaün +, in La Voix des Clochers n°20 de Mai-Juin 2011
Les privilèges liés au scapulaire
La Vierge Marie a promis trois choses :
- Préservation des flammes de l’Enfer ; (Si condition n° 1)
- Délivrance du Purgatoire le samedi après la mort ; (Si condition n° 2 et 3)
- Protection dans les dangers de l’âme et du corps. (Si condition n° 1)
Conditions à réaliser pour jouir de ces privilèges :
- Recevoir l’imposition du Scapulaire par un prêtre et le porter jour et nuit ;
- Garder la chasteté selon son état ;
- Réciter chaque jour le petit office de la Très Sainte Vierge, ou le Bréviaire, ou, à défaut, observer les jeûnes prescrits par l’Eglise et faire abstinence de viande tous les mercredis et samedis de l’année (sauf le jour de Noël). Tout prêtre qui impose le Scapulaire peut commuer ces obligations en une autre œuvre (chapelet quotidien, par exemple).
NB – On peut imposer le Scapulaire aux enfants, après le baptême lors de la cérémonie de consécration à Marie, l’enfant devient alors enfant de Dieu et de Marie.
Le scapulaire à travers l’histoire – L’habit de Notre-Dame du Mont Carmel
Deux dates importantes, deux privilèges
En 1251 : Apparition de Notre-Dame du Mont Carmel à Saint Simon Stock, Général de l’Ordre, le 16 juillet à Aylesford au sud de l’Angleterre. Saint Simon Stock est décédé à Bordeaux et enterré dans la cha-pelle de Notre- Dame du Mont Carmel en la cathédrale Saint André.
En 1316 : Privilège Sabbatin (Bulle sabbatine) reçu de Notre-Dame par le (futur) pape Jean XXII, juste avant son élection. Pape français d’Avignon.
N.B. : Scapulaire tire son origine du mot latin : scapulae, arum : les épaules.
L’essor du scapulaire
C’est surtout au XVIème siècle, certainement en rapport avec la réforme protestante, pour s’opposer à elle, que le Scapulaire du Carmel, comme d’ailleurs le Rosaire et d’autres dévotions, va prendre son envol.
Au XVIème siècle fondations de confraternités ou confréries du Scapulaire.
Le 12 août 1530 le pape Clément VII publie une bulle qui fut le commencement d’une série de documents pontificaux approuvant et louant l’Habit de Marie et qui confirme définitivement la Bulle Sabbatine du pape Jean XXII (1316) qui promettait la délivrance du purgatoire le samedi après le décès, pour ceux qui auront porté le Scapulaire du Carmel.
Liste des papes qui ont confirmé les privilèges liés au scapulaire
Au XVIème siècle : Clément VII ; Paul III qui a ouvert le concile de Trente ; Saint Pie V, le Pape du Rosaire, que Sainte Thérèse verra monter au ciel ; Grégoire XIII, le réformateur des calendriers liturgique et civil.
Paul V fit proclamer en 1613, pour mettre fin à toutes les discussions, le texte suivant : Il est permis aux Pères Carmes de prêcher que le peuple chrétien puisse pleinement croire tout ce qui regarde les protections accordées aux confrères et aux soeurs de l’archiconfrérie de la Bienheu-reuse Vierge Marie du Mont Carmel : c’est-à-dire que la Bienheureuse Vierge aidera les âmes des confrères et des soeurs, décédés dans la charité, qui durant leur vie ont porté son habit.
Grégoire XII (1572–1585) ordonna que les frères de l’Ordre du Carmel ni le jour ni la nuit demeurassent sans scapulaire tant pour gagner les innombrables grâces et indulgences de l’Ordre que pour le salut éternel qu’ils goûteront après leur mort.
Léon XI (1605) refuse qu’on lui retire le scapu-laire avant de revêtir les ornements pontificaux après son élection.
Alexandre VII, le jour même où il entra au conclave sans savoir qu’il serait élu pape, se rendit au couvent des carmes de Sainte Marie in Transpontina et, après avoir prié, reçut du Prieur Général des carmes le Scapulaire et fut inscrit dans l’archiconfrérie en 1655.
Clément XI (1700–1721) avait une grande dévotion au Scapulaire. De même Benoît XIV (1740–1758), de même Pie VI (1775–1799) mort à Valence, au sud de Lyon.
Le Bienheureux Pie IX (1846–1878) dit : l’insigne bienfait du Scapulaire remis à ce saint (Simon Stock), pour l’utilité non seulement de la famille carmélitaine, mais encore des fidèles qui voudront l’honorer d’une particulière vénération avec cet ordre religieux.
Dans un décret du 27 avril 1887, sous Léon XIII (1878–1903), est concédé le pouvoir d’imposer simultanément plusieurs scapulaires dans une formule unique, excepté le Scapulaire du Carmel. C’est « LE » Scapulaire par excellence. Et lorsque l’on ne précise pas il s’agit toujours du scapulaire de Notre-Dame du Mont Carmel.
St Pie X (1903–1914) autorise la médaille pour remplacer le scapulaire en étoffe, si l’on ne peut faire autrement. Benoit XV (1915–1922) dit aux élèves du séminaire Pontifical Romain, le 18 juillet 1917 : …nous voulons laisser à tous une parole, une arme commune : la parole du Seigneur dans l’Evangile et l’arme du Scapulaire de la Vierge du Carmel que vous portez et qui vous vaudra la protection de Marie même après la mort. Quelques jours plus tard le 28 juillet 1917, parlant à des tertiaires du Carmel, Benoît XV les entretient de l’étonnante efficacité du saint habit du Carmel dans l’ordre mystique ou moral et il a exhorté chaudement les mères chré-tiennes à s’éprendre du saint habit et à en répandre l’amour dans le cœur de leurs enfants.
A l’occasion du sixième centenaire du Privilège Sabbatin, Pie XI (1922–1939) écrivait le 18 mars 1922, juste après son élection : Nous demandons… de recommander à tous les catholiques qui sont de par le monde, la dévotion à la Vierge du Mont Carmel… Nous sommes heureux de pouvoir rendre ce témoignage de piété à l’admirable Mère de Dieu… et de mettre sous son patronage les débuts de notre Pontificat… Et dans une lettre adressée aux ter-tiaires du Carmel à l’occasion de leur congrès au Brésil le 28 octobre 1922 dit que l’Ordre du Carmel tend vers cette fin : prêcher et diffuser en toutes les régions de la terre la très haute dignité de la Mère Céleste… et il demande que la finalité des travaux du congrès soit de faire revivre la piété des fidèles envers Notre-Dame du Mont Carmel.
Le Pape Pie XII
Pour Pie XII, extrêmement dévot à la Sainte Vierge, le Scapulaire du Carmel est une dévotion essentielle. C’est durant son Pontificat, en 1950–1951, qu’ont eu lieu à Rome et dans le monde entier, en particulier à Bordeaux, les très grandes fêtes pour le 7ème centenaire de l’apparition de N.D. du Mont Carmel à Saint Simon Stock (16 juillet 1251).
Pie XII (1939–1958) va écrire une lettre le 11 février 1950, fête de N.D. de Lourdes, comme quoi le Scapulaire de N.D. du Mont Carmel est un acte de consécration au très saint cœur de la Vierge Imma-culée. Cette lettre est importante car c’est elle qui va servir de référence à tous les papes suivants jusqu’à Jean-Paul II. Cette lettre est également donnée en référence dans les nouvelles Constitutions des Carmes déchaux (1986).
Combien, dans les dangers du corps et de l’âme, ont senti, grâce au Saint Scapulaire, la protection maternelle de Marie !
Que tous portent cet habit jour et nuit, comme un élo-quent symbole de la prière, par laquelle ils implorent le secours divin.
Combien d’âmes ont dû, même en des circonstances humainement désespérées, leur suprême conversion et leur salut éternel au Scapulaire dont elles sont revêtues !
La dévotion au Saint Scapulaire a fait couler sur le monde un fleuve immense de grâces spirituelles et temporelles !
Autres témoignages
Le roi Henri IV sauvé et converti par le Scapulaire qu’il a toujours porté depuis sa naissance. Il a fondé l’Ordre Royal et militaire de N.D. du Mont Carmel et a fait venir les carmélites en France.
Louis XIII qui consacra la France à la Sainte Vierge portait le Scapulaire. De même Louis XIV.
Dès le XVIème siècle, les Grands Maîtres Souverains de Malte, s’ils n’avaient pas déjà reçu le Sca-pulaire, devaient s’en revêtir avant de recevoir les insignes de leur souveraineté.
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort cite plusieurs fois le Scapulaire comme dévotion essentielle à Marie. De nombreux saints, comme Saint Alphonse de Ligori, portaient le scapulaire.
Le Père Dominique de Saint Joseph, fondateur du Broussey en 1841, refuse une décoration royale, pour n’avoir que le scapulaire de N.D. du Carmel.
Lourdes est lié au mystère du Scapulaire. C’est au XVIIème siècle, en 1651, que fut fondée la confrérie du Scapulaire dans l’église paroissiale de Lourdes. Sainte Bernadette portait le scapulaire. La dernière apparition à Lourdes eut lieu le vendredi 16 juillet 1858, fête de N.D. du Mont Carmel, fête du Scapulaire.
Saint Jean de la Croix, à la veille de sa mort, le 14 décembre 1591, rappelait : Comment la Mère de Dieu (N.D. du Carmel) au jour du samedi accourait avec son se-cours et sa faveur au purgatoire, et comment elle sortait de là les âmes des religieuses personnes qui avaient porté son Saint Scapulaire. (Déposition au procès informatique pour sa canonisation).
Sainte Thérèse de Jésus (d’Avila) écrit à l’occasion de la fondation de son premier Carmel, à Avila le 24 août 1562 : J’étais heureuse d’avoir réalisé une œuvre qui, je le savais, était pour la gloire de Dieu et l’honneur de l’HABIT de sa glorieuse Mère…
Enfin Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, la Sainte des temps modernes écrit le 16 juillet 1894 : Que je suis heureuse que vous soyez revêtue du Saint Scapulaire ! c’est un signe assuré de prédestination et puis n’êtes-vous pas par là unie plus intimement encore à vos petites soeurs du Carmel ?