Joseph, modèle des travailleurs

Saint Joseph charpentier par Georges de La Tour, travail personnel, CC BY-SA 4.0 wikimédia

Saint Joseph nous apprend à mettre notre vie en ordre en recher­chant d’a­bord le Royaume de Dieu et sa justice.

Modèle de patience

Notre siècle, domi­né par la tech­nique, nous habi­tue à la hâte ; il faut faire vite, obte­nir des résul­tats rapides, gagner par­tout des courses. De la vitesse en tout… Pourtant, la conquête du Royaume de Dieu, l’é­van­gé­li­sa­tion des autres et la péné­tra­tion de l’Évangile au plus pro­fond de nous mêmes, cela échappe à la rapi­di­té, au suc­cès facile, au triomphe écla­tant ; le chris­tia­nisme ne se pro­page pas vite. De là, nos irri­ta­tions, nos décep­tions, nos pro­jets révo­lu­tion­naires. […] Nous for­mons de grands rêves et dans le cas de non-​réussite, ou de réus­site len­te­ment acquise, nous per­dons tout enthou­siasme. Sommes-​nous donc des enfants jouant avec des bulles de savon ?… On pour­rait le croire !

Pour nous gué­rir ou nous pré­ser­ver de cette manie de la hâte, regar­dons Nazareth. Des années passent et pour­tant rien ne paraît bou­ger. Tous trois : Jésus, Marie, Joseph, res­tent tapis dans l’obs­cu­ri­té. Ils n’ont rien bou­le­ver­sé ; ils semblent perdre leur temps ; où sont les suc­cès à grand tapage ? où sont les triomphes mer­veilleux ?… Du silence, c’est tout. L’extension du Royaume de Dieu n’est donc pas sou­mise à nos cal­culs, c’est évident… « Finalement, il faut prendre par­ti de ceci que la vie chré­tienne ne soit qu’un petit ferment. […] C’est une affaire de longue patience… » (Père Forestier). Et c’est pour­quoi il nous est bon de regar­der Nazareth ; la patience nous appa­raî­tra bien­tôt comme nor­male dans la vie chré­tienne, si elle n’est pas dans notre vie moderne. Normale dans la vie chré­tienne, nor­male dans la vie apos­to­lique, nor­male dans tout ce qui touche au Royaume de Dieu.

Frère M. Colin, mariste, Saint Joseph, l’homme juste, p. 43–44

Apprendre à travailler

Saint Joseph aurait eu de nom­breux pré­textes pour se lais­ser aspi­rer par le tour­billon du tra­vail. Sa pau­vre­té, la situa­tion poli­tique trou­blée, l’é­co­no­mie pré­caire auraient pu lui conseiller de consa­crer toute son éner­gie et tout son temps à son acti­vi­té pro­fes­sion­nelle. Et pour­tant, l’Evangile nous montre le chef de la Sainte Famille atta­ché aux lois litur­giques (la cir­con­ci­sion, la pré­sen­ta­tion au temple), faire tous les ans le pèle­ri­nage de Pâques à Jérusalem, fami­lier des anges, docile aux voies de la Providence. Saint Joseph fut avant tout un homme de prière, une âme de silence et de recueille­ment. Il est facile de se repré­sen­ter la vie de la Sainte Famille, rem­plis­sant avec exac­ti­tude et bon­heur les pré­ceptes et cou­tumes de son temps : la lec­ture de l’Écriture diri­gée par le chef de famille, la prière com­mune des psaumes, les temps de médi­ta­tion silen­cieuse, la béné­dic­tion de la nour­ri­ture, le culte public à la synagogue.

Saint Joseph com­prend très bien que « rendre à Dieu ce qui est à Dieu », c’est lui don­ner le meilleur de soi-​même : une intel­li­gence éveillée par l’é­tude de la doc­trine, une volon­té forte dans le renon­ce­ment, son épouse par le res­pect de sa mis­sion et de sa grâce, son enfant par son offrande au temple.

Saint Joseph invite les chré­tiens de tous les temps à éta­blir une hié­rar­chie par­mi leurs mul­tiples acti­vi­tés. Il veut frei­ner la bou­li­mie de l’i­ma­gi­na­tion qui se crée sans cesse de nou­velles obli­ga­tions, et l’ac­ti­visme qui tue la vie inté­rieure. Saint Joseph veut nous paci­fier, nous repla­cer dans l’ordre, face à Dieu, par le culte du silence, par la vie litur­gique et l’o­rai­son, par une vie intel­lec­tuelle intense. Dans le métier lui-​même, saint Joseph nous apprend à tra­vailler avec Dieu, pour Dieu, pour faire avan­cer le royaume de Dieu. Il nous invite à nous arrê­ter de temps à autre pour prier, pour nous repla­cer devant « l’u­nique néces­saire », pour pen­ser au Ciel.

Père Jean-​Dominique, o.p.

« Bienheureux les pauvres… »

Il est bien clair que le labeur chré­tien ne tend pas à l’ac­cu­mu­la­tion des richesses, mais à leur simple suf­fi­sance pour la liber­té de la vie dans la charité.

Joseph tra­vailla pour la Sainte Famille de telle sorte qu’elle ne vécut pas dans la misère mais dans la pau­vre­té. Il faut que la pau­vre­té marque d’une cer­taine manière toute vie chré­tienne. Encore que le père ait charge de pré­voir pour ses enfants, et que les res­pon­sa­bi­li­tés sociales, avec les obli­ga­tions de jus­tice et de cha­ri­té qu’elles entraînent, exigent des res­sources, le chré­tien doit tou­jours don­ner à sa façon de vivre une cer­taine marque de pau­vre­té, dis­crète, qui ne soit pas peti­tesse. Il est des saints qui, tel François d’Assise, ont la mis­sion spé­ciale de mon­trer au monde la sainte joie du com­plet dénue­ment. Mais tout dis­ciple du Christ, qui prie chaque jour en disant à Dieu « Donnez-​nous aujourd’­hui notre pain quo­ti­dien », a la mis­sion ordi­naire d’af­fir­mer dans une rela­tive pau­vre­té la liber­té à l’é­gard des biens maté­riels, et de lais­ser lieu dans sa vie à la confiance en Dieu qui nour­rit les pas­se­reaux et revêt de splen­deur les lis des champs.

Aussi bien, le Christ l’a dit, « l’homme ne vit pas seule­ment de pain, mais de la parole qui sort de la bouche de Dieu ». L’homme est infi­ni­ment plus qu’un tra­vailleur. Son labeur lui-​même ne serait pas chré­tien, s’il était seule­ment le tra­vail d’un ser­vi­teur, et non celui d’un ami de Dieu, qui, à l’oc­ca­sion de l’œuvre qu’il fait et bien au-​delà, est avec son Dieu.

Joseph que, de l’ex­té­rieur, les gens dési­gnent comme « le char­pen­tier », est sur­tout au fond l’homme de Dieu, celui à qui Dieu a confié le mys­tère de son incar­na­tion en Marie, et de sa pré­sence. C’est dans cette pré­sence de Dieu, et pour elle, qu’il travaille.

Chanoine D J. Lallement, Vie et sain­te­té du juste Joseph, p. 309–310

Source : Dossier doc­tri­nal et spi­ri­tuel du Pèlerinage de Pentecôte 2013 – Allez à Joseph !