Notre espérance tournée vers Dieu qui nous donne le Cœur de sa Mère
Lors de la messe du dimanche 20 août 2017, Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, s’est adressé en six langues aux pèlerins de Fatima, venus du monde entier. Voici la transcription intégrale de son sermon en français.
Excellences, chers Messieurs les abbés, séminaristes et frères, chères sœurs, chers pèlerins,
Fatima fait peur. Notre Dame, messagère du Ciel, vient parler à trois petits pastoureaux, et elle n’hésite pas, notre bonne Mère du Ciel, si douce et si tendre, avec une psychologie céleste, avec cette pédagogie issue du Ciel, elle n’hésite pas un instant à faire voir à de petits enfants l’enfer, cette réalité qui montre la destinée d’un nombre incalculable d’êtres humains : la damnation éternelle. C’est une réalité terrifiante, d’autant que, manifestement, cet enfer n’est pas vide. C’est la conséquence d’une vie humaine qui ne répond pas aux exigences de Dieu, telles qu’elles se trouvent résumées dans les commandements de Dieu.
Fatima inspire une crainte salutaire
Fatima fait peur lorsqu’on regarde les conséquences du péché ici-bas. La guerre fait peur. Notre Dame n’hésite pas à annoncer : « si le monde ne se convertit pas, il y aura une autre guerre plus terrible que la première », la Première Guerre mondiale. Elle n’hésite pas à révéler à ces enfants que des nations entières seront anéanties. On peut réfléchir au sens de de ce mot. Manifestement, la Sainte Vierge ne parle pas au figuré. Des nations entières seront rayées de la carte du monde. Et il est très clair dans le message de Fatima que ces maux sont la conséquence du péché.
Il n’est pas difficile, point n’est besoin d’être un savant en calculs scientifiques ou en théologie pour comparer la situation du monde et des nations – ces nations catholiques en 1917 auxquelles leur comportement a valu une deuxième guerre mondiale -, à notre situation, cent ans plus tard. Est-ce que le monde s’est converti ? Est-ce que les Etats émettent des lois plus conformes aux commandements de Dieu ? Et vous pensez que tout va bien se passer ? Oui, cela fait peur. Et on a raison d’avoir peur.
De fait, regardez l’Evangile. L’une des réalités dont Notre Seigneur a le plus parlé dans l’Evangile, c’est l’enfer. C’est ainsi. C’est Notre Seigneur qui a dit qu’il y avait une voie large et que beaucoup de monde s’y engouffrait. C’est le chemin facile de ceux qui prônent ici-bas le plaisir, la jouissance. Et Notre Seigneur prédit pour ceux-là la perdition. Il insiste pour nous dire que le chemin du Ciel – car il y a un Ciel ! – est un chemin ardu, caillouteux, et peu en trouvent l’entrée, l’accès étroit à ce chemin (cf. Mt 7, 13–14).
Et cette crainte, mes bien chers frères, est une crainte salutaire. C’est encore l’Ecriture Sainte qui nous dit que la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse (Ps 110,10 ; Pr 9,10). C’est encore Dieu qui parle par la bouche de saint Paul et qui nous dit qu’il faut opérer son salut avec crainte et tremblements (Ph 2,12). Et ceux qui, aujourd’hui, hommes d’Eglise, prétendent tranquilliser les consciences, prétendent ouvrir des chemins qui n’existent pas, eh bien, très certainement, ils n’accomplissent pas leur devoir. Ils méritent le titre d’assassins des âmes.
Fatima inspire l’Espérance
Mais Fatima, c’est aussi un message d’espérance. Souvenez-vous que l’espérance a un objet, et cet objet est un objet futur, possible mais difficile à atteindre. On n’a pas d’espérance sur un objet facile à atteindre. Il est difficile, et le chemin de l’homme sur terre est difficile, mais il est possible. Il est possible quand Dieu nous aide. Et Dieu nous envoie sa Mère, le Cœur de sa Mère comme moyen de salut.
Effectivement la peur est une disposition intérieure imparfaite, mais elle correspond précisément à l’état de la créature déchue, cet état particulièrement imparfait qui est le nôtre : celui d’un être enclin au péché. Si on laisse notre nature déchue faire son œuvre, elle nous tire vers le péché. C’est pour cela que nous avons besoin de cette crainte salutaire. Cette peur, c’est elle qui nous fait nous tourner vers le bon Dieu pour demander son secours, et répondre comme il faut à cette main qu’il nous tend du haut du Ciel. Ceux qui pratiqueront cette dévotion, cette dévotion voulue par Dieu – « mon Fils veut introduire dans le monde la dévotion à mon Cœur immaculé » – seront sauvés. Il n’y a même pas de conditionnel : « Ceux qui pratiqueront cette dévotion seront sauvés ».
Voilà notre espérance, une espérance toute tournée vers le Ciel, toute tournée vers Dieu qui nous donne le Cœur de sa Mère.
Fatima invite à la réparation
Alors, que faire ? En quoi consiste cette dévotion qui nou s conduit tout droit au Ciel ? Quelle est cette protection inouïe en un temps aussi dur, aussi incroyable que le nôtre. C’est tout simple, c’est une application de l’Evangile. Et le premier point qu’on oublie souvent, c’est la réparation. Pour se libérer du péché, il faut réparer. C’est Notre Seigneur lui-même qui l’a dit : « Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous » (Lc 13, 5). C’est clair, et c’est Notre Seigneur qui parle, le Sauveur : « Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous ». C’est un devoir du chrétien que cette vie de pénitence, de mortification. On peut dire, du côté humain, que c’est comme la première réponse à ces mauvaises inclinations que nous avons en nous : il faut les faire mourir ! D’où le mot « mortification ». Et la Sainte Vierge nous y invite de deux manières admirables.
La première, en nous demandant de réparer pour les offenses qui sont faites contre elle. Ainsi elle nous pousse à l’aimer. Elle nous fait penser qu’il y a d’autres choses à aimer que nous-mêmes. Oui, le premier commandement de Dieu c’est de l’aimer, Lui, Dieu, et non pas nous. L’aimer de tout notre cœur, toutes nos forces, toute notre âme, tout notre esprit. Aimer ensuite notre prochain, et pas encore nous. On dit pourtant que l’amour bien ordonné commence par soi-même, mais précisément quand on s’oublie et qu’on aime Dieu, on s’aime soi-même comme il faut.
Réparer, réparer pour consoler, consoler la Vierge immaculée, son Cœur immaculé et douloureux, et même consoler Dieu. C’est la préoccupation, c’est l’obsession du petit François qui va le conduire, en 2 – 3 ans, au Ciel, qui va en faire un saint ! C’est cette pensée-là, réparer, consoler Dieu qui est tant offensé par le péché.
Il y a une deuxième intention attachée à cette mortification. Tant d’âmes tombent en enfer parce que personne ne fait des sacrifices pour elles. Dès lors, nos petites peines, nos grandes peines, nos sacrifices, nos mortifications, les contradictions que nous rencontrons, toutes ces choses qui nous font mal et auxquelles on essaie d’échapper, toutes on peut les transformer – si facilement – en moyens de salut. Il suffit de les accepter de la main de Dieu. Il suffit d’offrir ces peines dans un regard vers Dieu. Et alors, mes biens chers frères, elles sauvent les âmes et les conduisent au Ciel. Elles leur font éviter l’enfer. Mais qui, dans cette perspective, n’est pas prêt à en faire, de ces sacrifices ? Qui serait suffisamment égoïste pour dire : « tant pis, je laisse tomber cette âme en enfer », alors que je pourrais l’attirer si facilement, sans danger, simplement par l’acceptation de ces petites choses, ces petites contradictions qui remplissent notre journée. Il ne s’agit pas de rêver de choses extraordinaires et héroïques : « les petites choses… ». Le Cœur sacré de Jésus dira à sœur Lucie : « la pénitence que j’attends aujourd’hui, c’est que les hommes fassent leur devoir d’état. » Ce que de toute façon nous devons faire : notre devoir d’état.
Voilà un élément premier de cette dévotion au Cœur immaculé : réparer. C’est un regard sur la Croix. Mes biens chers frères, c’est ce regard assidu sur la Croix qui est le premier remède au péché. Le regard sur Notre Seigneur crucifié, sur ce qu’il a fait pour nous. Et sa Mère était à ses pieds : stabat Mater.
Dévotion mariale et consécration de la Russie
Voici le dernier point de cette homélie, peut-être le plus important.
Notre Dame nous présente cette dévotion au Cœur immaculé en nous disant, comme elle l’a dit à sœur Lucie : « mon Cœur sera ton refuge et le chemin qui conduit à Dieu ». Il faut donc que nous travaillions à faire de ce Cœur maternel notre refuge. Il faut que nous nous y réfugiions. De son côté, elle nous offre ce Cœur, elle nous l’ouvre. A nous d’y entrer, à nous de pratiquer cette dévotion comme l’enfant envers sa mère, avec toute la confiance que l’on peut y trouver, en attendant tout de cette protection maternelle, de ce guide : non seulement elle sera notre refuge, mais elle sera le chemin qui nous conduit à Dieu. C’est une promesse qui est comme un laissez-passer sur le chemin, un sauf-conduit sur la route à travers ce monde infernal.
Nous sommes protégés d’une manière spéciale par le Cœur de Marie, qui est bien la dévotion que Dieu veut donner au monde d’aujourd’hui comme moyen de salut. Comprenons donc les mots du Ciel, prenons-les au sérieux. Ne pratiquons pas cette dévotion d’une manière trop superficielle. Il y a des actes qui nous sont demandés, comme les cinq premiers samedis du mois ; très bien, faisons-les, mais pas d’une manière machinale ou automatique, comme si nous disions : voilà, j’ai fait mes cinq premiers samedis, donc tout est en ordre maintenant, je continue ma vie. Non, ce n’est pas ce que veut le Ciel. Le Ciel nous invite à entrer dans une véritable relation personnelle avec ce Cœur immaculé. Quand on nous parle d’enfance spirituelle, c’est une chose à réaliser le plus possible. Cela doit prendre toute notre vie.
Lorsque la Sainte Vierge nous parle de consécration, elle nous parle de la consécration de la Russie d’une manière très précise. Consacrer, cela veut dire donner, dédier entièrement, de sorte qu’on en perd la possession. La possession est transmise à la personne à qui on consacre la chose. Lorsqu’elle demande au souverain pontife de consacrer la Russie, elle demande donc au représentant de Notre Seigneur sur la terre, de lui dédier d’une manière particulière, de par les pouvoirs qu’il a reçus de Notre Seigneur lui-même, comme son représentant sur la terre – muni des pouvoirs qu’il faut pour cela, et c’est lui seul qui les a -, elle lui demande qu’il lui dédie ce pays. Montrant par là un amour sans aucun doute privilégié pour ce pays qui s’est éloigné de l’Eglise, il y a déjà si longtemps.
Sœur Lucie était très formelle : cet acte qui est en fait un acte tout simple – qu’est-ce que cela peut coûter au pape de le faire, et de le faire selon les demandes de la Très Sainte Vierge ? –, cet acte va produire en un instant la conversion de la Russie. Conversion, c’est un mot très précis qui veut dire que la Russie va redevenir catholique. Vouloir prétendre à une conversion sans cet élément-là, c’est se moquer du monde.
Dieu est tout-puissant. Il a comme remis dans les mains de sa Mère cette puissance, cette puissance de grâces capable de faire des miracles ; pas seulement celui du soleil, mais un miracle de grâces encore plus stupéfiant : la conversion d’un pays entier à cause d’une simple consécration faite par le Saint-Père, auquel se seront unis les évêques du monde entier. Ce pays à ce moment-là sera donné à la Sainte Vierge.
Cette idée de consécration, il faut aussi l’appliquer à nous-mêmes, à chacun d’entre nous. Cela ne nous est pas défendu. Au contraire, nous sommes invités à vivre cette consécration à la Sainte Vierge. On peut dire que c’est l’aspect le plus parfait de la dévotion au Cœur Immaculé. La Sainte Vierge veut vraiment non seulement nous donner un manteau qui nous couvre, elle veut être elle-même notre refuge. On entre dans un refuge, on y habite, et ce refuge nous conduit à Dieu, nous conduit au Ciel. C’est notre manière de répondre, comme nous pouvons, selon nos pauvres moyens, à ces appels du Ciel.
A la fin de cette messe, nous allons nous tourner vers la Très Sainte Vierge Marie et renouveler cette consécration de la Russie d’une manière on peut dire anticipée – comme Mgr Lefebvre l’avait fait, il y a déjà trente ans ici-même. Cet acte de consécration est comme la protestation que, de notre côté, nous voulons – autant qu’il est en nous, et nous savons bien nos limites –, consacrer ce pays comme elle l’a demandé. Nous savons bien que cela ne suffit pas, mais si cela pouvait obtenir des grâces à celui qui doit le faire, nous le faisons bien volontiers.
En même temps, nous lui offrirons toute notre croisade du Rosaire, tous les fruits de cette prière et, là aussi, permettez-moi de vous dire, ne pensez pas que maintenant la croisade est finie, donc on arrête… Si nous vous avons demandé de réciter tant de chapelets, de vivre dans cette vie de sacrifice, c’est pour que cela continue. Si officiellement la croisade s’arrête, votre pratique, elle, n’est pas censée s’arrêter. C’est bien Notre Dame qui demandait et cette pénitence et la prière du Rosaire.
Soyons donc fidèles à ces paroles de la Sainte Vierge. Nous appelons de tout notre cœur son triomphe qui viendra quand Dieu voudra, comme il voudra ; mais il viendra.
Ainsi soit-il.
Mgr Bernard Fellay
Sources : FSSPX/MG
Pour conserver à ce sermon son caractère propre, le style oral a été maintenu.