Apologiste et martyr (103–166)
Fête le 14 avril.
En l’an 72, deux ans après la destruction de Jérusalem, l’empereur Vespasien (Flavius Vespasianus) fit relever de ses ruines la cité de Sichem, célèbre par la rencontre de Jésus et de la Samaritaine, au bord du puits de Jacob. Il lui donna le nom de Flavia Neapolis (aujourd’hui Naplouse) et la peupla de familles venues d’Italie. C’est au sein de cette colonie romaine que naquit saint Justin, dès les premières années du IIème siècle, vers l’an 103.
Ses parents étaient païens ; il nous apprend que lui-même était un incirconcis ; mais, comme presque tous les lettrés de cette époque, s’il adhérait extérieurement au polythéisme, il n’y croyait plus. La raison humaine avait enfin conquis la vérité d’un Dieu unique et les enseignements des philosophes étaient à peu près unanimes sur œ point. D’autre part, bien que les membres de la colonie romaine de Neapolis n’eussent pas de relations avec les gens du pays, il est peu probable que Justin ait totalement ignoré, dans son enfance, le monothéisme et la morale des Juifs.
Il avait reçu de Dieu une âme droite, un esprit pénétrant, avide de tout savoir. La recherche de ce Dieu unique devint sa passion et il la poursuivit longtemps à travers les différentes écoles de philosophie alors en vogue.
A la recherche de la vérité.
Dès ma première jeunesse, dit-il lui-même, je fus épris d’un amour ardent pour la philosophie.
Je me mis sous la conduite d’un stoïcien. Mais après être demeuré longtemps avec lui, je m’aperçus que je n’apprenais rien sur Dieu dont la connaissance, à son avis, était inutile. Je le quittai donc pour m’adresser à un péripatéticien, homme d’une grande finesse d’esprit, il le croyait du moins.
Après quelques Jours, il me pria de convenir avec lui des honoraires. « afin, disait-il, que ses leçons nous fussent profitables à tous deux ». Je ne pouvais croire qu’une âme aussi basse fût celle d’un philosophe car la sagesse ne se vend pas. Sans vouloir en entendre davantage, je m’éloignai de lui.
Cependant mon ardeur pour la science était toujours la même ; j’allai trouver un pythagoricien, qui était en grande réputation, et n’avait pas lui-même une moindre idée de son savoir.
Lorsque je lui eus témoigné le désir d’être son disciple :
– Très bien, me répondit-il, mais savez-vous la musique, l’astronomie et la géométrie ? Sans ces connaissances préliminaires qui dégagent l’âme des objets sensibles, vous ne sauriez prétendre approfondir les secrets de la philosophie, ni arriver à la contemplation de la beauté et de la bonté souveraines.
J’avouai humblement que j’ignorais ces sciences et il me congédia sans plus de formalités.
Je ne fus pas médiocrement désappointé de ma mésaventure, elle m’affligeait d’autant plus que je croyais quelque mérite à ce docteur. Mais comme les études préalables qu’il exigeait de moi eussent été nécessairement fort longues, je ne me sentis point le courage de subir cette dure épreuve.
Dans mon embarras je songeai aux platoniciens. Il y en avait un dans notre ville, homme de bon sens et des plus distingués d’entre eux. J’eus avec lui plusieurs entretiens qui me profitèrent beaucoup… si bien qu’après un peu de temps, je crus être devenu un sage ; je fus même assez sot pour espérer que j’allais immédiatement voir Dieu : car tel est le but de la philosophie de Platon.
Illusion sublime, mais illusion ! Justin veut donc voir Dieu. Ce n’est pas un sophiste qui s’attarde au plaisir intellectuel que procurent les jeux du raisonnement, c’est un homme d’action qui aime la vérité pour la pratiquer.
Cette disposition d’esprit lui fît rechercher la solitude favorable à la méditation et il se retira dans un lieu désert voisin des côtes de la Méditerranée. C’est là qu’il rencontra le vieillard mystérieux qui allait lui enseigner la véritable philosophie.
Un jour que je me promenais au bord de la mer, je vis un vieillard qui me suivait pas à pas. Son extérieur était majestueux ; un air de douceur et de gravité était répandu sur toute sa personne ; nous entrâmes en conversation.
Dès les premiers mots, le vieillard manifeste sa défiance envers la philosophie, et, par une suite d’objections insoupçonnées qui posent de nouveaux problèmes insolubles pour la raison, il ébranle la confiance du jeune homme en ses maîtres, et l’oblige à reconnaître qu’ils ont trop présumé des forces humaines.
– Tous les philosophes, dit le vieillard, se sont égarés dans les sentiers de l’erreur, et aucun d’eux n’a bien connu ni Dieu ni l’âme raisonnable.
– Si ceux-là ne peuvent nous enseigner la vérité, m’écriai-je, quels maîtres devons-nous donc suivre ?
– A une époque très reculée, reprit-il, et bien avant ceux qu’on a cru philosophes, il y a eu des hommes justes et chéris de Dieu, qui, parlaient par l’Esprit divin, ont annoncé d’avance ce qui se passe aujourd’hui dans le monde. On les appelle prophètes, eux seuls ont connu la vérité, eux seuls l’ont annoncée aux hommes. Ils n’ont prêché que ce qui leur était révélé d’en haut. Leurs écrits, que nous avons encore, nous font très bien connaître la première cause et la dernière fin de tous les êtres. Ils n’employaient pour établir la vérité ni les disputes ni les raisonnements subtils. Ce qui doit faire croire à leurs paroles ce sont leurs prédictions qui se sont accomplies, ou s’accomplissent tous les jours, et les miracles qu’ils opéraient. Ils faisaient ces prodiges au nom d’un seul Dieu créateur de toutes choses, et de son fils Jésus-Christ, qui devait venir en ce monde, disaient-ils, et qui y est venu, en effet.
– Quant à vous, dit en finissant l’inconnu à Justin, faites d’ardentes prières pour que les portes de la lumière vous soient ouvertes, car nul ne peut comprendre ces choses si Dieu et son Christ ne lui en donnent l’intelligence.
A ces mots le vieillard disparut, et nul ne le revit jamais.
Alors, ajoute Justin, un feu subitement s’alluma dans mon âme ; je fus pris d’amour pour les prophètes et pour ces hommes amis du Christ ; et, réfléchissant en moi-même à toutes ces paroles, je trouvai que cette philosophie était la seule sûre et utile.
Il étudié les Livres Saints et la lumière se fait dans son esprit ; la valeur morale du christianisme l’émeut profondément.
Lorsque j’étais disciple de Platon, écrit-il, entendant les accusations portées contre les chrétiens et les voyant intrépides en face de la mort et de ce que les hommes redoutent, je me disais qu’il était impossible qu’ils vécussent dans le mal et dans l’amour des plaisirs.
Justin voit de près les chrétiens et apprend à les connaître ; il les admire et comprend ce que la foi leur infuse d’énergie pour mener une vie sainte au milieu d’un monde corrompu et pour supporter joyeusement les supplices du martyre. Il embrasse avec amour une foi qui donne de tels gages d’immortalité et se fait baptiser. Il avait environ trente ans. C’était peu de temps avant la guerre juive de Bar-Cochebas (132–135).
Dès lors, il mène une vie austère et sainte, et, dévoré par la flamme de l’apostolat, il consacre sa vie à l’enseignement et à la défense du christianisme.
Les premières écoles chrétiennes.
Après avoir semé la bonne nouvelle dans une contrée, les apôtres allaient à d’autres conquêtes, mais ils laissaient à leurs disciples les plus fervents et les plus instruits le soin de maintenir la foi dans les cœurs. Les évêques, successeurs immédiats des apôtres, furent après eux les premiers docteurs auxquels recouraient les fidèles, mais bientôt les pontifes s’adjoignirent des prêtres qui enseignaient publiquement la religion chrétienne et démontraient par la raison la fausseté et l’absurdité du paganisme. Telle fut l’origine des écoles chrétiennes.
Justin ne fut pas prêtre, ni même diacre, mais il ne s’en crut pas moins obligé d’enseigner.
Tous ceux qui peuvent dire la vérité et ne la disent pas seront jugés par Dieu, écrit-il… Notre devoir, dit-il ailleurs, est de faire connaître à chacun qu’elle est notre doctrine afin que les fautes de ceux qui pèchent par ignorance ne nous soient pas imputées et que nous n’en portions point la peine. Comme j’ai obtenu de Dieu la grâce de comprendre les Ecritures, je m’efforce de faire part de cette grâce à tout le monde, de peur que je ne sois condamné au jugement de Dieu.
Revêtu du manteau des philosophes, il entreprend de nombreux voyages, tenant partout école à la façon des platoniciens ou des stoïciens, prêchant la vérité en toute occasion et réfutant sans se lasser les objections que lui présentent les partisans des différentes sectes philosophiques ou religieuses. Il se renseigne en même temps sur les croyances et les cultes des peuples qu’il visite, et là encore ses connaissances sont d’une sûreté et d’une ampleur extraordinaires.
D’abord, nous rencontrons Justin à Ephèse, vers l’an 135. C’est là que se place son fameux dialogue avec le Juif Tryphon, un maître en Israël, qu’il confond par sa science des Saintes Ecritures et à qui il démontre, par un assemblage lumineux des textes sacrés, l’accomplissement des prophéties et la venue du Messie dans la personne de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
A Ephèse, Justin s’embarque pour Rome et va ouvrir une école au pied du trône de Pierre, au centre de l’idolâtrie. Il s’installe au-dessus des Bains de Timothée, sur le mont Viminal. Il fit à Rome deux séjours, séparés par de nouvelles pérégrinations apostoliques. Les chrétiens allaient l’entendre pour fortifier leurs âmes, les païens pour tenter de le convaincre d’erreur, mais chacune des réponses de Justin lui valait une victoire, et souvent il eut le bonheur d’amener ses adversaires dans le chemin du salut. Car il n’a pas d’autre but : il désire ardemment le salut de tous les hommes. Il enseigne le christianisme traditionnel avec joie, avec tendresse, de manière à en ouvrir les portes aux bonnes volontés faibles ou hésitantes. Il est heureux de pouvoir montrer à l’occasion l’accord de la sagesse antique et de l’enseignement du Christ, pour amener les philosophes à la lumière. Et quand il adresse à l’empereur, aux princes et aux sénateurs ses admirables Apologies, c’est avec le candide espoir de les convertir.
Son zèle cependant ne pouvait se contenter de l’étroite enceinte d’une école, il aurait voulu annoncer la vérité au monde entier.
C’est alors qu’il écrit un grand nombre d’ouvrages, dont la plupart sont malheureusement perdus. Ceux qui restent sont encore considérables et d’une valeur telle qu’ils suffisent à faire regarder saint Justin comme le plus important de tous les apologistes du IIème siècle et comme le premier écrivain ayant tracé une ébauche de théologie. Il est aussi le premier qui, ayant foi dans la force conquérante de la vérité et persuadé que le christianisme est persécuté parce que mal connu, se soit attaché, audacieusement, à faire connaître au grand jour les dogmes et les usages de l’Eglise, qu’on avait gardés jusqu’alors dans l’ombre mystérieuse des Catacombes. Aussi l’œuvre de saint Justin est-elle extrêmement précieuse comme le témoignage de la foi, de la liturgie et de la vie chrétienne à cette époque.
Ses trois œuvres principales sont la 1èreApologie écrite vers l’an 152 ; le Dialogue avec Tryphon, vers 155 ; la 2ème apologie après 161.
Il résuma dans un discours, qu’il adressa aux Grecs, les principaux points de la morale et des dogmes chrétiens ; pour en faire saisir la supériorité divine, il les compara au tissu de mensonges et d’infamies qui faisaient toute la religion des païens.
Mais vous ferez peut-être bon marché de vos poètes et des fables qu’ils débitent sur les dieux, vous prétendez trouver la vérité parmi les philosophes. Cependant, dites-moi qui peut se reconnaître au milieu du pêle-mêle de leurs contradictions. Aucun d’eux n’a pu en amener un autre à son avis, bien plus, ils ne sont pas d’accord avec eux-mêmes ; ils ne méritent donc pas plus de foi que vos poètes, dont ils n’ont fait qu’augmenter les errements. Abjurez donc des croyances aussi honteuses que ridicules, et venez participer à une sagesse qui ne se peut comparer à aucune autre. Notre chef à nous, le Verbe divin, qui marche à notre tête, ne demande ni la vigueur des membres ni la noblesse du sang, mais la sainteté de la vie et la pureté du cœur.
Le mot d’ordre de ce conquérant d’âmes, c’est la vertu. Arme merveilleuse, qui dompte toutes les passions. Ecole de sagesse où viennent mourir tous les feux impurs, sa doctrine ne fait ni poètes, ni philosophes, ni orateurs ; mais d’esclaves de la mort, elle nous rend immortels ; de l’homme elle fait un Dieu ; de cette terre elle nous transporte en un ciel mille fois supérieur à votre Olympe. Venez donc vous instruire à cette école divine. J’étais ce que vous êtes, soyez ce que je suis. Telle est la foi, tel est le Verbe dont la puissance m’a subjugué.
Saint Justin et les persécuteurs,
Au commencement du règne de l’empereur Antonin le Pieux, monté sur le trône en 138, les chrétiens furent victimes des plus terribles supplices, et l’Eglise souffrit cruellement, car le sang de ses enfants coula à grands flots. Saint Justin prit sa défense, et la voix éloquente du philosophe converti porta ses plaintes au trône des Césars. Il le fît sans faiblesse, et ne craignit pas de se dénoncer lui-même en signant courageusement sa première Apologie.
Au nom de la justice, saint Justin réclame pour les disciples du Christ le libre exercice de leur culte, faveur que Rome accordait à tous les peuples.
Après avoir démontré l’injustice des tourments que l’on faisait subir aux chrétiens, l’apologiste prouve la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, venge les fidèles de toutes les calomnies dont les chargeaient leurs ennemis, et ajoute, en s’adressant aux princes :
Si notre religion vous paraît conforme à la raison et à la vérité, respectez-la ; si au contraire tout cela vous semble un tissu de futilités, dédaignez-la. Pour nous il nous suffît de vous avoir avertis. Vous n’éviterez pas le jugement du Seigneur. Quelle que soit votre sentence nous redirons toujours : Dieu soit béni.
Cette noble liberté de langage toucha-t-elle l’empereur ? C’est peu probable, cependant sous ce règne les persécutions furent moins violentes et” les lois contre les chrétiens parfois sommeillèrent. Mais la paix ne fut pas de longue durée. Marc-Aurèle, qui succéda à Antonin en 161, remit en vigueur les édits de mort contre les fils de l’Eglise. On voulait forcer tous les fidèles à sacrifier aux dieux.
Un incident surgit qui posait un cas de conscience fertile en discussions.
Une femme de mauvaise vie, devenue chrétienne, avait essayé de faire entrer son mari avec elle dans la voie du salut, en lui parlant des feux éternels réservés à ceux qui vivent dans l’incontinence et la débauche. Ses efforts furent infructueux. Craignant dès lors de participer à ses crimes et à ses impiétés, elle se sépara de lui. Le païen la dénonça aux juges, et la malheureuse femme fut mise à mort pour avoir renoncé à la compagnie d’un homme dont elle ne voulait plus partager la corruption.
Prenant occasion de ce nouveau crime, saint Justin écrivit sa seconde Apologie, complément de la première, et il l’adressa à Marc-Aurèle. Les accents de cette nouvelle défense n’étaient pas moins énergiques que les premiers, mais ils furent sans effet.
L’empereur avait pour favori un philosophe cynique, Crescent, que sa mauvaise vie et son avarice rendaient odieux aux idolâtres mêmes, et qui le premier accusait les chrétiens d’adultère, d’homicide, et d’actes encore pires. Souvent il avait défié Justin dans des conférences publiques, mais toujours il en était sorti couvert de honte et de confusion, car toujours le Saint l’avait convaincu de mensonge et d’hypocrisie, sans qu’il pût lui-même le mettre un seul instant en défaut.
Le païen se vengea de tant de défaites en faisant enfermer son adversaire dans un horrible cachot.
Comment les chrétiens savent mourir.
Six autres confesseurs : Charito, Charitana, Evelpiste, Hiérax, Pæon et Libérianus eurent l’honneur de partager la captivité et le glorieux martyre du défenseur de l’Eglise. En voici le récit d’après les Actes.
Justin et ses compagnons furent amenés au tribunal du préfet de Rome, Rusticus.
– Sois docile aux décrets des empereurs, dit le juge au philosophe chrétien, et offre de l’encens à nos dieux.
– J’obéis aux préceptes du Christ, et nul n’a le droit de me contraindre à les violer, répondit l’intrépide témoin de la foi ; après avoir étudié successivement dans toutes vos écoles de philosophie, j’ai embrassé la foi des chrétiens, car c’est la seule vraie, quoiqu’elle ait autant d’adversaires qu’il y a d’esclaves de l’erreur.
– Misérable ! interrompit le païen, comment oses-tu te vanter de professer une pareille doctrine ?
– Oui, je me fais gloire de partager la religion de ceux qui n’adorent qu’un seul Dieu créateur de l’univers, et professent que Jésus-Christ son Fils unique est venu sur la terre, selon les prédictions des prophètes, pour sauver tous les hommes dont il sera le juge au dernier jour du monde.
– Dis-moi où se tiennent vos assemblées.
– Nous nous réunissons partout où nous pouvons ; notre Dieu est en tout lieu, et l’on ne saurait le circonscrire dans les limites d’un espace quelconque ; bien qu’il soit invisible, il remplit l’immensité de la terre et des cieux, nous l’adorons partout, et partout nous chantons sa grandeur et sa gloire.
Cette réponse ne satisfit pas le préfet, qui aurait été heureux de surprendre d’un seul coup de filet tous les prêtres et tous les fidèles de l’Eglise de Rome.
– Je veux savoir, dit-il, où les chrétiens se rassemblent dans cette ville.
Mais Justin, loin de trahir ses frères, s’accusa lui-même :
– J’habite près des thermes de Timotinum ; tous ceux qui ont
voulu venir m’y trouver ont reçu de moi la communication de la doctrine, seule véritable, que je professerai jusqu’à la mort.
Rusticus s’adressa ensuite à chacun des autres accusés et leur demanda s’ils étaient chrétiens. Tous confessèrent courageusement leur foi.
Alors, s’adressant de nouveau à Justin, il lui dit :
– Ecoute-moi donc, philosophe dont on vante la sagesse et l’éloquence, crois-tu sérieusement que tu monteras au ciel, quand je t’aurai fait meurtrir le corps de coups de fouet, et trancher la tête ?
– Si tels sont les supplices que vous me réservez, j’espère obtenir la récompense accordée à tous ceux qui ont confessé la foi du Christ, et j’ai la certitude que la grâce divine les conservera éternellement dans les joies célestes.
– Ainsi tu t’imagines vraiment que tu iras au ciel ?
– Je ne me l’imagine pas, je le sais d’une science certaine, et je n’ai pas à cet égard le moindre doute.
– Cessons tous ces discours, dit le préfet irrité ; il s’agit du point capital : sacrifiez tous aux dieux ; si vous n’obéissez pas de bonne volonté, les tortures vous y contraindront.
Justin prit la parole pour ses frères.
– Loin de redouter tes supplices, dit-il, nous ambitionnons la gloire de les souffrir pour le nom de Jésus-Christ Notre-Seigneur ; ce sera notre immortel honneur devant le tribunal de ce Juge suprême, quand le monde entier comparaîtra devant lui.
Les six autres martyrs firent entendre une même réponse :
– Nous ne sacrifierons jamais à vos idoles.
Rusticus rendit alors la sentence en ces termes :
– Pour n’avoir pas voulu sacrifier aux dieux, ni obéir aux édits de l’empereur, ces rebelles sont condamnés, selon les termes de la loi, à subir d’abord la peine de la flagellation, et ensuite à être décapités.
Les saints confesseurs furent conduits au lieu ordinaire des exécutions ; chemin faisant, ils chantaient les louanges du Seigneur. « Après qu’on les eut flagellés, ajoutent les Actes des Martyrs, la hache du licteur trancha leur tête, et leur âme s’envola dans le royaume du Christ Notre-Seigneur, à qui soit honneur et gloire dans les siècles des siècles. »
C’était vers l’an 165 ou 166, dans les premières années du règne de Marc-Aurèle, cet empereur qui se disait philosophe et qui chaque jour faisait son examen de conscience !
L’Eglise latine célèbre la fête de saint Justin le 14 avril, et l’Eglise grecque le 1er juin. Léon XIII a étendu cette fête à l’Eglise universelle en 1882. Saint Justin est le patron des âmes droites, sincères, vaillantes.
A. E. A.
Sources consultées. – P. M.-J. Lagrange, Saint Justin (Collection Les Saints). – G. Bardy, Saint Justin (dans le Dictionnaire de Théolopie catholique). – (V. S. B. P., n° 316.)