Saint Jean-​Eudes

Saint Jean-Eudes avec les prêtres et les sœurs de sa congrégation. Peint en 1909 à l'occasion de la Béatification de St Jean-Eudes.

Fondateur de la Congrégation de Jésus et de Marie (Eudistes) (1601–1680).

Fête le 19 août.

Ce prêtre au cœur ardent et zélé fut, en plein xviie siècle, sus­ci­té par Dieu pour éta­blir et pro­mou­voir le culte litur­gique des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, pour for­mer les clercs dans les Grands Séminaires, pour renou­ve­ler l’esprit chré­tien dans le peuple par la pré­di­ca­tion des mis­sions. Il a fon­dé six Séminaires, prê­ché plus de cent mis­sions dans qua­torze dio­cèses de France, lais­sé de nom­breux ouvrages ascé­tiques et mys­tiques. Il se sur­vit dans les deux Instituts, celui des Eudistes et celui des Sœurs de Notre-​Dame de Charité, dont il est le Père et le légis­la­teur. Sa vie est bien connue grâce au Mémorial écrit par lui-même.

Naissance. – Education. – Vocation ecclésiastique.

Jean Eudes naquit le 14 novembre 1601, dans l’un des modestes hameaux du petit vil­lage de Ri, à une dou­zaine de kilo­mètres d’Argentan, au dio­cèse de Séez. Son père, Isaac Eudes, avait dû, seul sur­vi­vant de sa famille vic­time de la peste, renon­cer au sacer­doce : agri­cul­teur et méde­cin de cam­pagne, il réci­tait chaque jour son bré­viaire comme le curé et était d’une pié­té peu com­mune, ain­si d’ailleurs que sa femme, Marthe Corbin. Jean fut leur premier-​né, après trois ans de mariage, et l’aîné de sept enfants dont un, François Eudes, sei­gneur de Mézeray (1610–1683), devait être un his­torien connu. La nais­sance de Jean fut la réponse du ciel au vœu fait par ses parents d’aller en pèle­ri­nage à la cha­pelle de Notre-​Dame de Recouvrance, sise à quelque six lieues de Ri, dans la paroisse des Tourailles. Dès les pre­miers jours de sa vie, ce « fruit d’oraison plu­tôt que de nature » fut offert en recon­nais­sance à Marie dans son sanc­tuaire. L’enfant reçut de Dieu les plus beaux dons : un esprit vif, un cœur affec­tueux, une volon­té droite et éner­gique, sur­tout la crainte de Dieu et le goût de la pié­té. Il fit sa pre­mière Communion le jour de la Pentecôte, en 1613, la renou­vel­lant ensuite chaque mois. Dans sa qua­tor­zième année, il fit le vœu de vir­gi­ni­té per­pé­tuelle. Béni dans sa ver­tu, il le fut éga­le­ment dans son intel­li­gence qui s’ouvrait toute grande aux leçons de ses maîtres, les Pères Jésuites de Caen, et il rem­por­ta au col­lège royal du Mont, en huma­ni­tés, rhé­to­rique et phi­lo­so­phie, les plus brillants suc­cès, pen­dant les cinq ou six ans qu’il y resta.

Dans les dan­gers de la ville, Dieu pro­té­gea la pure­té de sa foi et de ses mœurs, fît croître sa pié­té. Aux envi­rons de 1618, Jean fut reçu dans la Congrégation de Notre-​Dame, dans laquelle Jésus lui fit de très grandes grâces par l’entremise de sa Mère. Fervent congré­ga­niste de la Sainte Vierge, il fut le modèle de ses condis­ciples, qui, dans leur admi­ra­tion, l’appelaient le « dévot Eudes ». Il la prit alors, non seule­ment pour sa Reine et sa Mère, mais pour son Epouse ; et, dans la confiance que la Sainte Vierge agréait son choix, il pas­sa une bague au doigt d’une de ses sta­tues : quelque temps après, il écri­vait le contrat de cette sainte alliance qu’il signait de son sang.

Ayant reçu de son direc­teur le conseil, qui pour lui était un ordre, d’entrer dans l’état ecclé­sias­tique, il décla­ra sa réso­lu­tion à ses parents, dès son retour à Ri. Mais ceux-​ci, oublieux de la pro­messe qu’ils avaient faite autre­fois à Notre-​Dame de Recouvrance, rêvaient pour leur fils d’un mariage fort avan­ta­geux : ils durent céder devant son éner­gique résis­tance. Jean reçut, en sep­tembre 1620, à Séez, la ton­sure et les ordres mineurs. Il retour­na à Caen étu­dier la théo­lo­gie et les autres sciences ecclé­sias­tiques. Là, voyant la dif­fi­cul­té de se sanc­ti­fier au milieu du monde, le jeune clerc, après avoir consul­té son confes­seur et vain­cu héroï­que­ment l’opposition des siens, sol­li­ci­ta et obtint son admis­sion dans la Société de l’Ora­toire de Jésus (1623), fon­dée en 1611 par un saint prêtre, Pierre de Bérulle.

Séjour à l’Oratoire.

Entré le 25 mars 1624 à la mai­son de la rue Saint-​Honoré, à Paris, où était éta­blie l’institution ou novi­ciat, Jean Eudes s’y for­ma, sous la direc­tion du P. de Bérulle, à la vie d’oraison et d’union à Jésus-​Christ, qui carac­té­ri­sait la Congrégation nou­velle, et, par elle, à toutes les ver­tus sacer­do­tales et reli­gieuses. Après une année des plus fer­ventes, où jeunes et anciens le regar­daient comme leur modèle, il se ren­dit à la rési­dence d’Aubervilliers, située presque aux portes de Paris, et s’y pré­pa­ra, sous les yeux de Notre-​Dame des Vertus, aux ordres sacrés et à la prê­trise, ini­tié par le célèbre P. Charles de Condren, au culte du Verbe incar­né. Prêtre le 20 décembre 1625, il célé­bra sa pre­mière messe la nuit de Noël, dans l’église de la rue Saint-​Honoré, et à l’autel de la Sainte Vierge. L’année sui­vante la mala­die lui impo­sa un repos relatif.

En 1627, il venait d’être admis défi­ni­ti­ve­ment dans l’Oratoire et se pré­pa­rait, à la mai­son de Paris, à la pré­di­ca­tion, lorsqu’une lettre de son père le sol­li­cite de se dévouer aux pes­ti­fé­rés, dans les contrées voi­sines d’Argentan. Il part avec la per­mis­sion de son supé­rieur, et, assis­té d’un bon curé qui consent à le loger, il par­court les vil­lages infec­tés, soi­gnant, confes­sant les malades et leur don­nant la com­mu­nion. Deux mois, sep­tembre et octobre, se passent dans ce minis­tère de cha­ri­té héroïque. Par une sorte de miracle, les deux prêtres échap­pèrent à la conta­gion. Le fléau ayant ces­sé, le P. Eudes, sur l’ordre de ses supé­rieurs, se ren­fer­ma dans la mai­son de l’Oratoire de Caen, pour se pré­pa­rer aux mis­sions. Cette pré­pa­ra­tion dura quatre ans, inter­rom­pue en 1631 par les soins dévoués qu’il don­na aux pes­ti­fé­rés de cette ville et par une nou­velle mala­die grave, qui le condui­sit aux portes du tombeau.

En 1632, il don­na, avec ses confrères, six mis­sions dans le dio­cèse de Coutances ; il y prê­cha, il y confes­sa avec tant d’onction victo­rieuse et péné­trante, que ses pre­miers essais pas­sèrent pour des coups de maître : il attei­gnait d’un bond à la per­fec­tion du mis­sionnaire. Aussi, après deux nou­velles années de retraite et d’études, le P. de Condren l’établit-il chef des mis­sions de l’Oratoire dans la Normandie. Les évêques de Bayeux, de Saint-​Malo, de Lisieux, l’employèrent suc­ces­si­ve­ment dans leurs dio­cèses de 1635 à 1641, et sa parole, qui entraî­nait les foules, obtint les résul­tats les plus conso­lants. A l’Avent de 1638, il com­men­ça dans l’église Saint-​Etienne de Caen une mis­sion dont les fruits furent plus grands qu’on ne sau­rait le dire. L’Avent de 1639 et le Carême de 1640, à Saint-​Pierre, eurent plus de suc­cès encore. Un jour même que le P. Eudes avait pro­fon­dé­ment remué son audi­toire par une vivante et effroyable pein­ture des châ­ti­ments divins, il l’invita, dans l’élan de son zèle, à tom­ber à genoux et à crier avec lui à haute voix ; « Miséricorde, mon Dieu, misé­ri­corde ! » Tous aus­si­tôt de s’age­nouiller d’un même mou­ve­ment et de répé­ter plu­sieurs fois ces paroles avec tant de com­ponc­tion que de toutes parts écla­tèrent les san­glots. La mis­sion de Rouen, en 1642, ne lui réser­va pas de moindres triomphes. A sa parole, on vit sou­vent l’auditoire fondre en larmes ; les confes­sion­naux, trois mois durant, furent assié­gés ; les conver­sions furent innom­brables : une mul­ti­tude de mau­vais livres et de tableaux de prix, mais déshon­nêtes, furent brû­lés publi­que­ment devant le mis­sion­naire. Les mis­sions prê­chées ensuite à Saint-​Malo et à Saint-​Lô conver­tirent beau­coup de huguenots.

Fondation de la Congrégation de Jésus et Marie.

Une des plus grandes peines du P. Eudes, c’était de voir que les heu­reux résul­tats obte­nus par lui et ses col­la­bo­ra­teurs dans les mis­sions ne duraient pas, faute de pas­teurs pieux et ins­truits pour les main­te­nir. Sans doute, les entre­tiens qu’il y fai­sait aux ecclé­siastiques et les exer­cices qui les accom­pa­gnaient, pro­dui­saient un grand bien, mais ne suf­fi­saient pas pour gué­rir le mal.

Ce qu’il fal­lait, c’étaient des Séminaires, où les clercs se prépare­raient à la récep­tion des saints ordres et se for­me­raient aux ver­tus et aux fonc­tions de leur état. Ainsi pen­saient saint Vincent de Paul, M. Olier et bien d’autres : ain­si pen­sa le P. Eudes, et il réso­lut de fon­der de tels éta­blis­se­ments. Cette réso­lu­tion, il eut quelque temps l’espoir de la réa­li­ser dans l’Oratoire. Dieu ne le per­mit pas. Alors, sur les conseils de saints pré­lats, de doctes reli­gieux et d’un grand nombre de per­sonnes fort éclai­rées, encou­ragé par la parole d’une pieuse fille, célèbre par ses états mys­tiques, Marie des Vallées, Jean Eudes déci­da de quit­ter l’Oratoire et d’insti­tuer une Congrégation nou­velle. Mandé à Paris par Richelieu, reçu avec hon­neur, écou­té avec atten­tion, approu­vé dans ses vues, il eut la joie de rece­voir, au com­men­ce­ment de décembre 1642, les lettres patentes du roi auto­ri­sant sa future Congrégation. De retour à Caen, il dis­po­sa tout pour son établissement.

Saint Jean Eudes et le car­di­nal de Richelieu.

Dans une pen­sée mys­tique, il avait choi­si la date du 25 mars 1643 pour la nais­sance de sa Société, parce qu’il se pro­po­sait d’y con­tinuer les tra­vaux et les fonc­tions du Verbe incar­né, et d’honorer par­ti­cu­liè­re­ment son union intime avec sa sainte Mère. Voulant que, ce jour-​là, com­men­çât, pour lui et ses com­pa­gnons, la vie toute dédiée au Fils de Dieu que le nou­vel Institut devait mener sous les aus­pices de Marie, il effec­tua sa sor­tie de l’Oratoire dès le 24 au matin. A treize kilo­mètres de Caen, vers la mer, s’élève un antique sanc­tuaire consa­cré à la Sainte Vierge, sous le vocable de Notre-​Dame de la Délivrande, lieu de pèle­ri­nage célèbre et fré­quen­té ; il y condui­sit ses col­la­bo­ra­teurs, au nombre de cinq, dès la pre­mière heure de leur réunion, pour s’y consa­crer à Jésus et à Marie, eux et leurs suc­ces­seurs. Après quoi, il les ins­tal­la dans leur nou­velle demeure, confiant dans la Providence et le secours de Marie.

Le P. Eudes don­na à son œuvre le nom de Congrégation de Jésus et Marie, qui, dans sa pen­sée, équi­va­lait à celui de Congrégation des Noms et des Cœurs de Jésus et de Marie. Ce nou­vel Institut, pure­ment sécu­lier comme l’Oratoire, avait pour but pre­mier et prin­cipal, la for­ma­tion de prêtres pieux et zélés par le moyen des Séminaires et des retraites ecclé­sias­tiques : après cette œuvre des œuvres venait celle des mis­sions parois­siales. Il était pla­cé d’une façon spé­ciale sous l’égide des Cœurs de Jésus et de Marie.

Le fon­da­teur éta­blit, de 1643 à 1670, six Séminaires : à Caen, Coutances, Lisieux, Rouen, Evreux, Rennes ; et com­bien de pré­lats le sol­li­ci­tèrent de leur accor­der la même faveur ! Après sa mort, ses fils en eurent à Avranches, Valognes, Dol, Senlis et Blois. Dans la fon­da­tion de ceux qu’on appe­la « les Eudistes » et dans l’établis­sement des Séminaires, l’apôtre ren­con­tra beau­coup de dif­fi­cul­tés, d oppo­si­tions, de contra­dic­tions, sus­ci­tées par la jalou­sie, le vice, l’esprit jan­sé­niste, la haine ; sa ver­tu héroïque, sa prière, triom­phèrent de tout. Ses nou­velles œuvres ne l’empêchèrent pas d’évan­géliser les villes et les cam­pagnes. Tout en pla­çant au-​dessus de toute autre fonc­tion les exer­cices des Séminaires, il enga­gea ses confrères à par­ta­ger ses tra­vaux apos­to­liques. On le vit donc par­cou­rir avec eux la Normandie et une par­tie de la Bretagne, le Perche et le pays char­train, l’Ile-de-France, la Brie, la Champagne, la Bourgogne et la Picardie, atti­rant les foules et pro­dui­sant, de 1643 à 1676, dans plus de quatre-​vingts mis­sions, des conver­sions mer­veilleuses. Le P. Eudes avait le tem­pé­ra­ment ardent et auda­cieux, le zèle brû­lant d’amour sur­na­tu­rel, les qua­li­tés et les dons qui font le vrai mis­sion­naire. Ses contem­po­rains saluaient en lui un maître de la chaire sacrée, gagnant les esprits et les cœurs par sa parole sainte, forte, long­temps médi­tée devant Dieu et venant d’un cœur débor­dant de cha­ri­té. Courageusement, il dénon­çait les vices, extir­pait les cou­tumes scan­da­leuses, ne ména­geait pas, même aux grands et aux riches, la véri­té libé­ra­trice. Sa dou­ceur et sa com­passion au confes­sion­nal res­sem­blaient à celles du divin Pasteur : après avoir fou­droyé les crimes, il avait pitié du pécheur.

L’Institut de Notre-​Dame de Charité du Refuge.

Au cours de ses mis­sions, le P. Eudes avait eu la joie de rame­ner à Dieu plu­sieurs péche­resses fameuses, et, sur leur demande, il les avait réunies dans la mai­son d’une femme cha­ri­table, puis, en 1641, dans un local plus vaste et mieux appro­prié. Furieux, le démon souf­fla le décou­ra­ge­ment et la jalou­sie par­mi les direc­trices qui, sauf une, quit­tèrent le Refuge. Le fon­da­teur pria les Visitandines de Caen de lui don­ner quelques reli­gieuses pour gou­ver­ner les repen­ties et for­mer leurs futures direc­trices. Elles lui accor­dèrent, en 1644, trois de leurs Sœurs, dont la Mère Patin, femme d’un grand mérite. Avec son concours il posa les fon­de­ments de l’Ordre de Notre-​Dame de Charité, sous la règle de saint Augustin. Aux trois vœux de pau­vre­té, de chas­te­té et d’obéissance, les reli­gieuses de cet Ordre ajou­te­raient le vœu spé­cial de se consa­crer à la conver­sion des filles et des femmes tom­bées ou expo­sées à de cou­pables éga­re­ments. Cet hôpi­tal pour les âmes fut une créa­tion auda­cieuse, fort com­bat­tue, et éprou­vée de mul­tiples façons.

Trois autres monas­tères du même genre furent éta­blis du vivant du pieux fon­da­teur à Rennes, Hennebont et Guingamp ; quatre autres après sa mort, à Vannes, La Rochelle, Tours et Paris. Depuis la Révolution fran­çaise, l’Ordre a pris une exten­sion qu’il n’avait point connue jusque-​là. Il a fran­chi les fron­tières de la France pour essai­mer en plu­sieurs pays de l’Europe et de l’Amérique. La mai­son d’Angers même, éri­gée en géné­ra­lat, sous l’inspiration de Dieu, par Marie de Sainte-​Euphrasie Pelletier, en 1835, forme une branche pros­père de l’Ordre, qui, sous le nom de Notre-​Dame de Charité du Bon-​Pasteur d’Angers, couvre de ses éta­blis­se­ments les cinq par­ties du monde.

Dévotion aux Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie.

La dévo­tion du P. Eudes aux Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie datait de sa jeu­nesse ; on en trouve des traces mani­festes dans l’un de ses ouvrages, publié en 1637. Lorsqu’il ins­ti­tua sa Con­grégation, il com­men­ça à y orga­ni­ser le culte du Sacré-​Cœur par cer­taines prières quo­ti­diennes comme l’Ave Cor Sanctissimum, et des fêtes annuelles. Ainsi en fut-​il chez les reli­gieuses de Notre-​Dame de Charité, plus spé­cia­le­ment vouées au Cœur de Marie, tan­dis que ses prêtres l’étaient au Cœur de Jésus. Ce culte ne demeu­ra point confi­né dans ses com­mu­nau­tés : il le répan­dit au dehors dans ses mis­sions, par des pré­di­ca­tions, des prières, la publi­cation d’opuscules, l’organisation de fêtes.

En 1648, il fit célé­brer à Autun, avec l’approbation de l’évêque, la pre­mière fête publique du Très Saint Cœur de Marie, et cette fête se pro­page rapi­de­ment dans les dio­cèses et les com­mu­nau­tés reli­gieuses, à tel point qu’en 1672 Jean Eudes peut affir­mer qu’on la solen­nise dans toute la France. Elle est même approu­vée en 1668, avec l’office et la messe que le P. Eudes avait com­po­sés, par le car­di­nal de Vendôme, légat a latere, dont tous les actes furent confir­més par le Pape Clément IX ; et, en 1674 et 1675, Clément X, par six Brefs, recon­nut et con­sacra l’existence des confré­ries des Cœurs de Jésus et de Marie éta­blies dans les Séminaires. Le 29 juillet 1672, le fon­da­teur pres­crit à toutes les mai­sons de son Institut de célé­brer le 20 octobre la fête du Sacré Cœur de Jésus, que déjà la mai­son de Rennes fêtait avec un admi­rable office de sa com­po­si­tion. Cette solen­ni­té pas­sa dans les monas­tères et les dio­cèses où anté­rieu­re­ment avaient été adop­tés la fête et l’office du Cœur de Marie. C’est en toute jus­tice que les Pontifes romains ont appe­lé le P. Eudes l’auteur, le père, le doc­teur, l’apôtre, le pro­mo­teur et le pro­pa­ga­teur du culte litur­gique des Cœurs de Jésus et de Marie ; car, avant les révé­la­tions de Paray-​le-​Monial, il a tra­vaillé de toutes manières à répandre cette dévo­tion si com­bat­tue par les jan­sé­nistes. Dans les paroisses où il donne une mis­sion, il orga­nise ordi­nai­re­ment des confré­ries sous le vocable du Cœur de Jésus et du Cœur de Marie. Mais comme dans ces confré­ries l’on rece­vait toutes sortes de per­sonnes, pour­vu qu’elles ne fussent pas de vie scan­da­leuse, il ins­ti­tua pour celles qui, tout en res­tant au milieu du monde, dési­raient y pra­ti­quer la per­fec­tion évan­gé­lique, une pieuse union dite Société du Cœur de la Mère admi­rable, dans laquelle, sous forme de bon pro­pos, le céli­bat était gar­dé. Des filles et de pieuses veuves en for­mèrent tou­jours le prin­cipal contin­gent. De nos jours, cette Société est encore pros­père en Bretagne et en Normandie, où elle est connue, par ana­lo­gie avec les Tiers-​Ordres anciens, sous les noms de Tiers-​Ordre du Sacré-​Cœur, de Notre-​Dame de Charité et aus­si des Eudistes.

Opposition au jansénisme. – Ecrits ascétiques : la mort.

Tout en se pla­çant par­mi les modé­rés et les sages, par­mi ceux qui, for­te­ment atta­chés à la doc­trine tra­di­tion­nelle de l’Eglise et aux consti­tu­tions pon­ti­fi­cales, savaient, au besoin, agir et par­ler, mais évi­taient d’ordinaire les chocs d’opinions et les com­bats de paroles tant recher­chés par d’autres, le P. Eudes fut un enne­mi décla­ré du jan­sé­nisme, et son oppo­si­tion lui atti­ra les plus cruelles per­sé­cu­tions. Ce serait un trop long cha­pitre que de les raconter.

On ne peut non plus insis­ter sur cette foi vive, lumi­neuse, qui éle­vait son esprit au-​dessus de la terre, pour lui faire regar­der toutes choses en Dieu et en Jésus-​Christ ; sur cette inébran­lable espé­rance, qui, au milieu des orages, lui ser­vait d’ancre ferme et sûre ; sur cette cha­ri­té ardente qui le consu­mait jour et nuit pour Dieu et pour ses frères, et lui don­nait le cou­rage d’entreprendre et de mener à bonne fin, pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, des tra­vaux que l’humaine fai­blesse aurait à peine osé concevoir.

Parler et agir ne suf­firent pas au P. Eudes : il vou­lut encore, par sa plume, pro­mou­voir l’esprit chré­tien par­mi les fidèles, l’esprit sacer­do­tal par­mi les prêtres : de là de nom­breux et remar­quables ouvrages, selon l’expression de Léon XIII. Le contrat de l’homme avec Dieu par le saint bap­tême n’est pas un des moindres dans son petit volume. Vie et royaume de Jésus dans les âmes chré­tiennes, Méditations sur l’humilité, Entretiens de l’âme chré­tienne avec son Dieu, Mémorial de la Vie ecclé­sias­tique, Prédicateur apos­to­lique, Bon confes­seur, Cœur admi­rable de la très sacrée Mère de Dieu (ouvrage ache­vé peu de jours avant sa mort) ; voi­là les prin­ci­paux, par­mi ceux qui ont été imprimés.

Plus Jean Eudes appro­chait de la tombe, plus l’épreuve et la croix, com­pagnes insé­pa­rables de sa vie, devinrent lourdes et meur­trissantes. Maladies et deuils d’amis dévoués, médi­sances et calom­nies col­por­tées par les jan­sé­nistes ou même par des per­sonnes consa­crées à Dieu, manœuvres mal­hon­nêtes pour le perdre à Rome et le des­ser­vir auprès du roi, libelle dif­fa­ma­toire lan­cé dans le public, dou­lou­reuses infir­mi­tés des der­nières années, rien ne lui fut épar­gné. En 1680 il don­na sa démis­sion de Supérieur géné­ral. Après avoir adres­sé aux siens ses der­nières volon­tés et recom­man­da­tions, il reçut le Viatique à genoux sur le pavé de sa chambre et mou­rut dans les trans­ports d’une ardente cha­ri­té, à l’âge de soixante-​dix-​neuf ans, le 19 août.

Son corps fut inhu­mé dans l’église du Séminaire de Caen. En 1810, ses restes furent por­tés dans l’église Notre-​Dame de la Gloriette, cha­pelle de l’ancien col­lège du Mont ; une par­tie du corps fut confiée au monas­tère de Notre-​Dame de la Charité à Caen.

Les pro­cès cano­niques, com­men­cés en 1868, abou­tirent à la béati­fication (25 avril 1909) sous Pie X, et ensuite à la cano­ni­sa­tion par Pie XI, le 31 mai 1925. Sa fête, éten­due à l’Eglise uni­ver­selle en mai 1928, est fixée au 19 août. Le 18 février 1932, la sta­tue en marbre de saint Jean Eudes, fon­da­teur des Eudistes et des Sœurs de Notre-​Dame de la Charité, a été pla­cée à Saint-​Pierre de Rome.

A. F. C.

Sources consul­tées. – P. Emile Georges, Eudiste, Saint Jean Eudes (Arras, 1929). – P. Charles Lebrun, Eudiste, Saint Jean Eudes et la dévo­tion au Sacré Cœur (Paris, 1929) ; « Le bien­heu­reux Jean Eudes », dans Dictionnaire de théo­lo­gie catho­lique (Paris, 1912). – Henri Joly, Le véné­rable Père Eudes (Collection « Les Saints », Paris, 1907). – (V. S. B. P., nos 1258, 1259 et 1525.)