Saint Alphonse de Liguori

Saint Alphonse de Liguori en prière devant le Saint Sacrement, par Franz Mayer, vitrail de la cathédrale de Carlow, Irlande.

Fondateur des Rédemptoristes, Évêque et Docteur (1696–1787)

Fête le 2 août.

La mis­sion de saint Alphonse de Liguori sur la terre a été d’évan­géliser les pauvres, de ravi­ver la dévo­tion envers la Sainte Vierge et le Saint Sacrement, de réfu­ter les faux phi­lo­sophes et de rani­mer la véri­table pié­té par­mi les fidèles, en écar­tant les obs­tacles que l’humeur sombre des jan­sé­nistes accu­mu­lait sur le che­min du ciel.

Parmi les dangers du monde.

Il venait de naître à Marianella, près de Naples, le 27 sep­tembre 1696, lorsqu’il fut pré­sen­té à un reli­gieux de la Compagnie de Jésus, saint François de Girolamo, qui le bénit et dit à sa mère :

– Cet enfant vivra jusqu’à l’âge de quatre-​vingt-​dix ans ; il sera évêque et fera de grandes choses pour Jésus-Christ.

Ses parents, aus­si recom­man­dables par leur pié­té que par leur noblesse, l’élevèrent chré­tien­ne­ment. Le mar­quis de Liguori, son père, capi­taine des galères de Naples, sous la domi­na­tion autri­chienne, était fort dévot. Quant à sa mère, elle n’avait d’autre préoc­cupation que celle de faire croître et gran­dir Jésus-​Christ au cœur de ses quatre fils et de ses trois filles.

Alphonse, l’aîné, fut celui qui répon­dit le mieux à sa sol­li­ci­tude. Jeune encore, il avait un amour sin­gu­lier pour Jésus-​Christ caché dans le taber­nacle et pour la Très Sainte Vierge ; ces deux dévo­tions devaient embau­mer sa vie de par­fums célestes.

De bonne heure, il se don­na à l’étude. Il excel­la dans tous les genres, mais plus par­ti­cu­liè­re­ment en lit­té­ra­ture et en musique : témoin les suaves et pieux can­tiques qu’il com­po­sa plus tard en l’honneur de Jésus et de Marie.

A l’âge de seize ans, il était reçu doc­teur en droit cano­nique et en droit civil. Son père l’engagea aus­si­tôt dans la car­rière du bar­reau, et il devint en peu de temps l’un des plus brillants avo­cats de Naples. Il pas­sa dix ans dans cet état, dix ans pen­dant les­quels Dieu vou­lut le pro­po­ser comme un modèle de pié­té vraie au milieu du monde, et mon­trer en même temps com­bien le monde est à craindre pour qui­conque veut se sauver.

Malgré ses efforts pour res­ter un chré­tien fervent, sa pié­té décli­nait insen­si­ble­ment ; son père le condui­sait, en effet, au théâtre et dans les socié­tés ; les idées, les attraits du monde, les paroles flat­teuses, à force de battre son âme, finirent par y faire brèche. Lui-​même avouait plus tard que, s’il eût per­sis­té davan­tage dans cet état dan­ge­reux, il serait tom­bé dans quelque lourde faute. Mais il fut assez vigi­lant et assez éner­gique pour évi­ter le péché mor­tel. Bientôt Dieu le tira pro­vi­den­tiel­le­ment de ce péril. Un de ses amis lui pro­po­sa, en 1722, de venir avec lui faire une retraite. Alphonse’ accep­ta volon­tiers et se livra à ces saints exer­cices avec tout le recueille­ment et le sérieux qu’ils com­portent. A la lumière de la grâce, le jeune avo­cat déplo­ra le refroi­dis­se­ment de sa pié­té, deman­da par­don à Dieu, et sor­tit ani­mé d’une ardeur toute nouvelle.

Le prin­ci­pal fruit de cette retraite fut une dévo­tion plus grande à la sainte Eucharistie, qui le déta­cha peu à peu du monde. Il assis­tait à la messe chaque matin, se confes­sait tous les huit jours, com­mu­niait plu­sieurs fois la semaine et fai­sait sa retraite chaque année. Chaque jour, il allait ado­rer Notre-​Seigneur dans l’église où se célé­braient les Quarante-​Heures, et c’était un spec­tacle si édi­fiant de voir ce jeune homme du monde, lon­gue­ment et sain­te­ment recueilli au pied de l’autel, les yeux fixés sur le Saint Sacrement, que des prêtres eux-​mêmes enviaient sa ferveur.

Alphonse refuse de se marier et revêt l’habit ecclésiastique.

Le rang qu’occupait la famille de Liguori et la bien­veillance que lui témoi­gnait le roi de Naples, les talents et les ver­tus d’Alphonse, ins­pi­rèrent aux pre­mières familles de s’allier avec lui. Deux brillants pro­jets de mariage se pré­sen­tèrent suc­ces­si­ve­ment, à la grande joie de son père. Mais Alphonse, qui déjà son­geait à se con­sacrer à Dieu, sut les écar­ter avec autant de pru­dence que de fermeté.

Un évé­ne­ment ache­va de lui mon­trer sa voie. En 1723, il fut char­gé de plai­der une grosse affaire contre le grand-​duc de Toscane. Il emploie un mois entier à étu­dier toutes les pièces ; puis, se croyant assu­ré du suc­cès, il se pré­sente devant le tri­bu­nal et plaide avec une élo­quence qui sou­lève de longs applau­dis­se­ments. L’assistance croit sa cause gagnée, et le pré­sident ne songe plus qu’à pro­non­cer en sa faveur, quand l’avocat de la par­tie adverse mon­trant, avec un sou­rire, une des pièces du pro­cès, signale au brillant ora­teur une cir­cons­tance essen­tielle qui lui a com­plè­te­ment échap­pé et qui ren­verse par la base toute sa thèse.

L’honorable jeune homme, dont la loyau­té avait tou­jours été si sin­cère, est comme frap­pé de la foudre :

– Pardonnez, Messieurs, dit-​il en rou­gis­sant, je me suis trom­pé, j’ai tort.

Et il sort en disant :

– Monde trom­peur, je t’ai connu, tu n’es plus rien pour moi.

Le dimanche 28 août 1723, pen­dant qu’il soi­gnait, selon sa chari­table habi­tude, les malades de l’hospice des Incurables, la salle lui parut tout à coup envi­ron­née de lumière et il crut entendre une voix qui lui disait :

– Que fais-​tu encore dans le monde ?

– Seigneur, j’ai trop résis­té ! répondit-​il. Me voi­ci, faites de moi ce qu’il vous plaira.

En sor­tant de l’hôpital, il entra dans la pre­mière église qu’il ren­contra ; c’était l’église des Pères de la Merci ; le Saint Sacrement était expo­sé. Alphonse se pros­terne devant la divine Victime et s’offre de nou­veau à Dieu sans réserve. Comme gage de son sacri­fice, il détache son épée et va la sus­pendre à l’autel de la Sainte Vierge. Son direc­teur, le P. Pagano, de l’Oratoire, l’encourage dans sa résolution.

Restait à triom­pher des résis­tances de sa famille. Elles furent longues et ardentes ; son père sur­tout parais­sait dis­po­sé à ne jamais céder ; il employa tous ses amis à détour­ner son fils de sa voca­tion. On conçoit tout ce que dut souf­frir le cœur si res­pec­tueux et si aimant d’Alphonse au milieu de ces luttes pénibles.

Le mar­quis finit par céder. Il exi­gea seule­ment que son fils n’entrât pas dans la Congrégation de l’Oratoire et conti­nuât d’habiter la mai­son paternelle.

Etudes théologiques et ordination.

Alphonse aban­don­na pour tou­jours sa tenue de gen­til­homme le same­di 23 octobre 1723. Il n’avait pas atten­du jusque-​là pour se livrer avec ardeur aux études théo­lo­giques. La promp­ti­tude de son intelli­gence, les règles sévères et minu­tieuses qu’il se tra­ça pour le fidèle emploi de ses heures lui per­met­taient de trou­ver encore du temps pour des œuvres de cha­ri­té et d’apostolat. C’était un spec­tacle éton­nant et édi­fiant de voir ce jeune homme dis­tin­gué, qui avait renon­cé à un si brillant ave­nir, par­cou­rir les rues pour ramas­ser les enfants, les conduire dans l’église et s’appliquer à leur apprendre, avec autant d’humilité que de dévoue­ment, les pre­miers élé­ments de la doc­trine chrétienne.

Ses vête­ments étaient humbles et com­muns ; il jeû­nait tous les same­dis au pain et à l’eau en l’honneur de la Sainte Vierge ; il usait du cilice et de la dis­ci­pline, enfin il s’appliquait à mor­ti­fier ses sens en toute occa­sion. Il eut à souf­frir le dédain et les moque­ries de ses anciens col­lègues du bar­reau ; mais la prière deve­nait de plus en plus la vie de son âme, elle sou­te­nait son cou­rage et il mar­chait avec ardeur à la suite de Jésus crucifié.

Le 21 décembre 1726, il fut ordon­né prêtre par le car­di­nal Pignatelli, arche­vêque de Naples. Il des­cen­dit du saint autel, brû­lant du désir de se vouer au salut des âmes.

En chaire. – La joie d’un père.

On peut dire qu’à par­tir de ce jour sa vie ne fut plus qu’une prédi­cation conti­nuelle et une per­pé­tuelle exhor­ta­tion à la ver­tu. Dieu seul sait le nombre d’âmes qu’il a conver­ties ou affer­mies dans la vie chré­tienne ou pous­sées dans les voies de la perfection.

La foule ne se ras­sa­siait point de l’entendre. On le deman­dait dans toutes les paroisses et toutes les com­mu­nau­tés. Des prêtres, des magis­trats, des gen­tils­hommes, des dames de haut rang se pres­saient à ses ser­mons, aus­si bien que les ouvriers, les pauvres femmes et les gens du peuple. Sa parole, pleine de digni­té, mais en même temps claire, simple, vive, entraî­nante, à la por­tée de tout le monde, brû­lante de convic­tion et d’amour, était tou­jours com­prise et ne res­tait jamais sans fruit. « Un pré­di­ca­teur, disait-​il plus tard, qui ne prêche pas Jésus cru­ci­fié, se prêche lui-​même, viole son minis­tère et ne fait aucun profit. »

Le mar­quis de Liguori, pas­sant un jour devant une église où l’on prê­chait les Quarante-​Heures, eut la dévo­tion d’y entrer. Alphonse était en chaire. Le père fut presque fâché de l’y aper­cevoir : lui qui avait tant aimé les dis­cours de son fils avo­cat n’avait pas encore eu le cou­rage d’assister à un ser­mon de son fils prêtre. Il res­ta cepen­dant. Bientôt une douce onc­tion, une péné­trante lumière entrent dans son âme ; ce père ter­rible est désar­mé ; il se sent ému, il pleure. Après le ser­mon, il va rejoindre son fils, l’embrasse en l’arrosant de ses larmes :

– Ô mon fils, dit-​il, vous m’avez fait connaître Dieu ; Alphonse, je vous bénis mille fois d’avoir embras­sé une si sainte car­rière et je vous demande par­don de la peine que je vous ai cau­sée, en m’opposant si long­temps à la volon­té de Dieu !

Après un ser­mon de saint Alphonse, son père se récon­ci­lie avec lui

Le directeur de conscience.

Le saint mis­sion­naire n’obtenait pas des résul­tats moins conso­lants au confes­sion­nal. La haute idée qu’il conce­vait d’un minis­tère qui demande tant de qua­li­tés émi­nentes l’avait d’abord effrayé, et il fal­lut que le car­di­nal Pignatelli lui enjoi­gnît, en ver­tu de la sainte obéis­sance, d’user des pou­voirs qu’il lui avait accor­dés. Alphonse obéit et fit un bien immense.

« Plus une âme, disait-​il ensuite, est enfon­cée dans le vice et enga­gée dans les liens du péché, plus il faut tâcher, à force de bon­té, de l’arracher des griffes du démon, pour la jeter dans les bras de Dieu. »

C’est ce qu’il pra­ti­quait lui-​même, et l’ascendant qu’il exer­çait sur les pauvres pécheurs était tel qu’il ne se vit jamais dans la doulou­reuse obli­ga­tion d’en ren­voyer un seul sans l’avoir récon­ci­lié avec Dieu. Il leur mon­trait les moyens de sor­tir du péché, les rem­plis­sait de confiance dans la misé­ri­corde de Dieu et dans les mérites de Jésus-​Christ, et arri­vait tou­jours à leur ins­pi­rer un sin­cère repentir.

C’est ain­si qu’une mul­ti­tude de gens de toutes les classes de la socié­té, dont beau­coup avaient scan­da­li­sé la ville par leur mau­vaise conduite, furent rame­nés par ses soins à la pra­tique de la chas­te­té et des autres ver­tus chrétiennes.

Les péni­tences qu’il don­nait le plus ordi­nai­re­ment étaient de reve­nir se confes­ser au bout d’un cer­tain temps ; de se confes­ser et de com­mu­nier sou­vent, d’assister chaque jour à la messe, en y médi­tant sur les souf­frances de Jésus-​Christ. Sans impo­ser d’une manière obli­ga­toire cer­taines macé­ra­tions cor­po­relles, il déployait tous ses efforts pour enga­ger ses péni­tents à mor­ti­fier leurs sens et les ame­ner à se sou­mettre d’eux-mêmes avec géné­ro­si­té aux expia­tions nécessaires.

« Par la médi­ta­tion, disait-​il, vous ver­rez vos défauts comme dans un miroir ; par la mor­ti­fi­ca­tion vous les cor­ri­ge­rez : il n’y a point de vraie orai­son sans mor­ti­fi­ca­tion, et point de mor­ti­fi­ca­tion sans esprit d’oraison. De tous ceux que j’ai connus qui étaient vrais péni­tents, il n’y en a point qui n’aient été fort zélés pour ces deux exercices. »

Il encou­ra­geait vive­ment à la visite quo­ti­dienne du Saint Sacrement : « Quelles délices, avait-​il cou­tume de dire, quelles délices que d’être pros­ter­né devant le saint autel, d’y par­ler fami­liè­re­ment à Jésus ren­fer­mé pour l’amour de nous dans l’auguste Sacrement ; de lui deman­der par­don des déplai­sirs qu’on lui a don­nés, de lui expo­ser ses besoins comme un ami fait à son ami, de lui deman­der son amour et l’abondance de ses grâces ! » Qui n’a lu le pré­cieux petit livre qu’il a com­po­sé sous ce titre : Visites au Saint Sacrement ?

Dans son zèle, il ima­gi­na de réunir le soir, après leur tra­vail, les gens de la plus humble classe de la socié­té, pour leur apprendre les élé­ments de la reli­gion. Des prêtres dévoués, de pieux laïques s’unirent à lui pour cette bonne œuvre. Ces réunions eurent lieu d’abord dans cer­tains car­re­fours, puis dans des salles par­ti­cu­lières, enfin dans des églises et des cha­pelles. Cette œuvre, imi­tée de ce qu’avait fait à Rome saint Philippe Néri, eut les plus conso­lants résul­tats et sur­vé­cut à notre saint mis­sion­naire. Naguère encore, on comp­tait à Naples près de quatre-​vingts réunions sem­blables, ayant cha­cune de cent trente à cent cin­quante per­sonnes. Il y a tou­jours un prêtre qui pré­side ; des ins­truc­tions, des chants, des prières et ensuite des confes­sions : tel en est le pro­gramme habituel.

Fondation de la Congrégation du divin Rédempteur.

Un moment, l’intrépide mis­sion­naire son­gea à par­tir pour les pays infi­dèles et à por­ter la foi jusqu’en Chine. Son direc­teur n’ayant pas recon­nu en ce pro­jet la volon­té de Dieu, Alphonse y renonça.

Une sainte reli­gieuse de Scala, Sœur Marie-​Céleste Costarosa, que le Seigneur favo­ri­sait de grâces sur­na­tu­relles, affir­mait que le 3 octobre 1731, veille de la fête de saint François d’Assise, Notre-​Seigneur lui était appa­ru, ayant à sa droite le Poverello et Liguori à sa gauche. Mise en pré­sence de ce der­nier, elle lui dit :

– Dieu vous appelle à fon­der une Congrégation de mis­sion­naires, qui pro­cu­re­ront des secours spi­ri­tuels aux âmes de ceux qui sont le plus dépour­vus d’instruction religieuse.

Ces paroles jetèrent l’âme d’Alphonse dans une grande frayeur. Il se mit à prier avec ardeur pour connaître la volon­té de Dieu, et il res­ta enfin per­sua­dé que le Seigneur récla­mait de son zèle cette entre­prise : ce fut la plus grande et la plus féconde de toutes ses œuvres.

Des ecclé­sias­tiques ne tar­dèrent pas à se grou­per sous sa direc­tion à Scala pour don­ner des mis­sions parois­siales, sur­tout au peuple des cam­pagnes, alors très délais­sé (1732). Mais la nou­velle Congré­gation se fon­da au milieu d’obstacles et de contra­dic­tions sans nombre. Alphonse fut d’abord désap­prou­vé de la plu­part de ses amis.

Son vieux père fon­dit en larmes à la nou­velle qu’Alphonse allait s’éloigner de Naples, et essaya par tous les moyens de l’y rete­nir. Ses pre­miers com­pa­gnons l’abandonnèrent, à l’exception de deux.

Au milieu de tant de dif­fi­cul­tés, Alphonse recou­rut à son refuge ordi­naire, la Sainte Vierge. De nou­velles recrues lui arri­vèrent en foule, et au bout de trois ans l’Institut comp­tait déjà quatre maisons.

Former ses com­pa­gnons aux ver­tus reli­gieuses et à l’apostolat des mis­sions fut la grande sol­li­ci­tude du fon­da­teur. A leur tête, il évan­gélisa beau­coup de dio­cèses et accom­plit un bien incalculable.

En arri­vant en vue du lieu où devait se don­ner la mis­sion, il réci­tait les lita­nies de la Sainte Vierge et d’autres prières. Il se ren­dait ensuite à l’église prin­ci­pale ; après avoir ado­ré le Saint Sacrement, il mon­tait en chaire et adres­sait un cha­leu­reux appel à la popu­la­tion, pour l’inviter à bien pro­fi­ter des exer­cices spi­ri­tuels qui allaient suivre. Ceux-​ci duraient de quinze à trente jours. Outre les ins­truc­tions géné­rales, il y avait des réunions et des exhor­ta­tions spé­ciales pour les dif­fé­rentes caté­go­ries de per­sonnes, pour les hommes, pour les femmes mariées et les veuves, pour les jeunes filles, pour les jeunes gens, et aus­si pour les enfants, à qui les mis­sion­naires fai­saient le caté­chisme chaque jour, matin et soir. Notre géné­ra­tion est habi­tuée à voir un pro­gramme ana­logue sui­vi dans toutes les mis­sions ; mais il n’en était pas de même au temps de saint Alphonse, sauf des excep­tions tou­jours trop peu nombreuses.

Le soir des trois pre­miers jours, les Pères allaient dans les rues les plus fré­quen­tées, le Crucifix à la main, invi­tant les habi­tants à son­ger à leurs fins der­nières et à venir aux ins­truc­tions. Trois fois, durant la mis­sion, au cours de ses ser­mons sur le péché, sur le scan­dale et sur l’enfer, le saint pré­di­ca­teur se fla­gel­lait du haut de la chaire, avec une grosse corde. Les audi­teurs, sai­sis d’émotion, lui criaient de ces­ser, en pro­met­tant une conver­sion sincère.

La plus douce conso­la­tion du bon mis­sion­naire était de prê­cher sur la Sainte Vierge. Un jour qu’il par­lait sur son sujet favo­ri, à Foggia, en pré­sence d’une grande foule, un rayon étin­ce­lant par­tit d’un tableau de Marie et vint illu­mi­ner d’une clar­té céleste le visage du pré­di­ca­teur, qui fut ravi en extase et s’éleva de plu­sieurs cou­dées au-​dessus de terre. Le peuple, témoin de cette mer­veille, criait : « Miracle ! Miracle ! » Des péche­resses, qui se trou­vaient pré­sentes, furent sai­sies d’un tel repen­tir qu’elles se mirent à déplo­rer publi­quement leurs fautes ; elles quit­tèrent le monde et consa­crèrent le reste de leur vie à la pénitence.

Le 21 février 1749 fut un jour de grande joie pour le fon­da­teur. Benoît XIV approu­va la Congrégation des Rédemptoristes, qui n’a ces­sé de tra­vailler avec suc­cès au salut des âmes et qui se trouve répan­due aujourd’hui dans l’ancien et le nou­veau monde.

Episcopat de saint Alphonse.

Alphonse de Liguori espé­rait finir hum­ble­ment sa vie au milieu de ses fils spi­ri­tuels ; il se féli­ci­tait d’avoir échap­pé aux responsa­bilités de l’épiscopat, lorsqu’il reçut, en mars 1762, des Lettres de Clément XIII, le nom­mant évêque de Sainte-​Agathe-​des-​Goths, petite ville entre Bénévent et Capoue. Sa sur­prise ne fut éga­lée que par sa dou­leur. Il écri­vit au Souverain Pontife pour le sup­plier de vou­loir bien agréer son humble refus. Le Pape lui ren­voya, par le car­di­nal Negroni, son secré­taire, l’ordre for­mel d’accepter.

– Que la volon­té de Dieu soit faite ! dit Alphonse. Il exige le sacri­fice du reste de ma vie, il faut me sou­mettre. Le Pape ordonne, je dois obéir, Dieu me chasse de la Congrégation pour mes péchés !

Il en tom­ba gra­ve­ment malade. A peine réta­bli, il fut sacré à Rome, dans l’église Sainte-​Marie de la Minerve, le 20 juin 1762. Reçu avec enthou­siasme dans son dio­cèse, il y parut comme un nou­veau saint Charles Borromée ; il réfor­ma le Séminaire et le cler­gé, fon­da des confré­ries, fît refleu­rir la fré­quen­ta­tion des sacre­ments. Il visi­tait chaque année la moi­tié de son dio­cèse. Sa cha­ri­té pour les pauvres allait jusqu’à le réduire lui-​même à la men­di­ci­té. Un jour, en ren­trant à sa demeure, il est entou­ré d’un groupe de pauvres gens :

– Mes enfants, leur dit-​il, je n’ai plus rien, j’ai ven­du ma voi­ture, mes mules et tout ce que j’avais ; je n’ai plus d’argent et je ne trouve plus per­sonne qui veuille m’en prêter.

Et il pleu­ra avec eux.

Saint Alphonse vend ses biens pour sub­ve­nir aux pauvres.

Épreuves finales. – Mort. – Docteur de l’Église.

Après treize ans d’épiscopat, il réus­sit à faire agréer sa démis­sion par le Pape Pie VI et ren­tra au couvent de Pagani, à cinq lieues de Naples, joyeux de retrou­ver ses frères en reli­gion et de rou­vrir son cla­ve­cin, dont il s’était inter­dit de jouer depuis treize ans.

Ses der­nières années furent trou­blées par des per­sé­cu­tions, des humi­lia­tions, des ten­ta­tions, des scru­pules ; enfin, Dieu lui ren­dit la paix et il mou­rut en bénis­sant ses reli­gieux en pleurs, le 1er août 1787, âgé de plus de quatre-​vingt-​dix ans, selon la pré­dic­tion de saint François de Girolamo. Ses restes véné­rés reposent à Pagani.

Moins d’un an après la mort de saint Alphonse s’ouvrit le pro­cès infor­ma­tif ten­dant à sa béa­ti­fi­ca­tion, et dès le 4 mai 1796 fut ren­du le décret d’introduction de la cause, qui le décla­rait véné­rable ; béa­ti­fié le 6 sep­tembre 1816, le fon­da­teur des Rédemptoristes a été cano­ni­sé par Grégoire XVI le 26 mai 1839.

Saint Alphonse de Liguori, jeune encore, avait fait le vœu de ne jamais perdre un moment. Aussi, a‑t-​il trou­vé le temps d’écrire un grand nombre de solides ouvrages de pié­té, de théo­lo­gie morale ou de contro­verse reli­gieuse, qui conti­nuent encore aujourd’hui son apos­to­lat. Pie IX en a pro­cla­mé l’excellence en confé­rant à leur auteur, par Bref du 7 juillet 1871, le titre glo­rieux de Docteur de l’Eglise universelle.

A. L.

Sources à consul­ter. – Tannoia, Mémoires (tra­duc­tion fran­çaise en 3 volumes in‑8°, 1842). – Vie de saint Alphonse de Liguori, par le car­di­nal Villecourt (4 vol. in‑8°, 1863) ; par le R. P. Berthe (2 vol. in‑8°, 1900) ; par le baron J. Angot des Rotours (Collection Les Saints, 1903). – (V. S. B. P., nos 97 et 650.)