Sainte Christine

Sainte Christine donne les idoles de son père aux pauvres pour en tirer de l'argent, par Massimo Stanzione, Musée National de Varsovie

Vierge et mar­tyre en Italie († vers 300)

Fête le 24 juillet.

Cette vierge mar­tyre reçut de bonne heure les hon­neurs du culte, du moins en Occident. Ses Actes, écrits par un auteur incon­nu, ne jouissent pas, dans toutes leurs par­ties, de la même créance chez les hagio­graphes ; cer­tains, par­mi ces der­niers, ne les consi­dèrent pas comme entiè­re­ment authen­tiques. Le surna­turel y éclate d’une façon sin­gu­lière. Qui n’admirera la foi coura­geuse de cette jeune fille fidèle à Jésus-​Christ mal­gré les fureurs de son père païen et les larmes de sa mère ! On aime à voir Jésus entou­rer sa fai­blesse de sa force divine et mettre pour ain­si dire à sa dis­po­si­tion ses anges et sa toute-puissance.

La jeune recluse.

On ne connaît pas de façon pré­cise le lieu de nais­sance de Chris­tine. Certains his­to­riens disent qu’elle était Romaine. Elle souf­frit le mar­tyre, selon ses Actes, dans la cité de Tyro ou Tur, située dans une île du lac de Bolsena ou Bolsène (Lacus Vulsianus), en Toscane. Ses parents étaient païens, et le père, nom­mé Urbain, gou­ver­nait la petite ville de Tur. La jeune fille avait reçu du ciel, avec une beau­té cor­po­relle très remar­quable, les plus belles qua­li­tés morales et les biens de la for­tune, en un mot tout ce qui rend heu­reux selon le monde. Cependant, Dieu lui avait fait un don bien plus pré­cieux encore, c’était celui de la foi. Christine sem­blait vouée par sa nais­sance à l’erreur, mais Dieu lui fit la grâce de connaître la reli­gion chré­tienne ; elle en recon­nut la véri­té et l’embrassa avec sin­cé­ri­té et cou­rage, mal­gré tous les périls qu’elle pré­voyait ; elle voua désor­mais à Jésus-​Christ tout son amour, déci­dée à lui être fidèle jusqu’à la mort.

Cependant, sa famille igno­rait encore ce chan­ge­ment. Urbain était fier de sa fille ; pour la déro­ber aux yeux du monde, et peut-​être aus­si pour la sous­traire au pro­sé­ly­tisme des dis­ciples du Christ qu’il détes­tait, il fit construire une espèce de tour, raconte la légende, y mit des dieux d’or et d’argent et y ren­fer­ma Christine et quelques ser­vantes, avec ordre d’offrir aux idoles de l’encens et des sacri­fices. La jeune recluse avait onze ans. Toutes ces précau­tions seraient bien inef­fi­caces pour rendre Christine ver­tueuse si elle était païenne, le culte des démons ne pou­vant que la rendre sem­blable à eux. Mais la jeune fille est chré­tienne ; voi­là la source de ses ver­tus, et elle ne craint pas la soli­tude, parce qu’elle reste en com­pa­gnie de son Sauveur et de son Dieu.

En effet, éle­vant ses pen­sées et ses regards vers le ciel, la pieuse chré­tienne s’entretenait en silence avec le céleste Roi de son âme, et le sup­pliait avec tout son cœur de lui don­ner tou­jours lumière, force et persévérance.

Sept jours s’étaient déjà écou­lés et les sta­tues des divi­ni­tés païennes n’avaient reçu aucun hom­mage. Les ser­vantes commen­cèrent à s’en inquié­ter. Elles dirent donc à leur maî­tresse : « Depuis sept jours nous sommes ici et nous n’avons offert aux dieux ni encens ni sacri­fices. Ils vont s’irriter et nous faire mou­rir. » D’ail­leurs, elles crai­gnaient encore plus la colère d’Urbain que celle de leurs dieux, et s’étonnaient que Christine, si obéis­sante dans les autres choses, n’obéît pas à son père en ce point.

– Et pour­quoi cette crainte ? reprend vive­ment la jeune fille. Vos dieux sont aveugles, ils ne me ver­ront pas ; ils sont sourds, ils n’entendront pas mes prières. Pour moi, je n’offre de sacri­fices qu’au seul vrai Dieu qui a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’elle renferme.

Effrayées de ce lan­gage, les ser­vantes se jettent à ses genoux : – Nous vous en prions, écoutez-​nous, lui disent-​elles. Vous êtes de noble nais­sance ; votre père est pré­fet de la cité, pour­quoi adorez-​vous un Dieu que vous ne voyez pas ? Si votre père le savait, il nous accu­se­rait de vous avoir appris une reli­gion impie et nous por­te­rions la peine de sa fureur.

– Le démon vous a séduites, répond Christine, venez vous jeter avec moi dans les bras de ce Dieu du ciel, don­nez vos cœurs à Jésus-​Christ et il vous déli­vre­ra du démon.

La fille de Dieu consolée par un ange.

Sur ces entre­faites, Urbain vint pour voir sa fille et ado­rer les dieux. Il trouve la porte fer­mée ; il frappe, il appelle, mais Chris­tine, absor­bée dans la prière, ne l’entend pas. Elle a les yeux levés au ciel, elle contemple son Dieu. Enfin, on ouvre les portes à Urbain, on lui apprend que Christine est chré­tienne et méprise les dieux.

Le pré­fet, irri­té, court auprès de l’enfant et lui dit :

– Eh quoi ! ma fille, est-​il pos­sible que vous soyez aveu­glée au point d’adorer un Dieu qui n’a pu se sau­ver lui-​même ? Sacrifiez aux dieux, sinon ils vous feront mourir !

– Vos dieux n’ont aucun pou­voir sur moi ; répon­dit Christine ; je suis fille de ce Dieu du ciel à qui j’offre mes sacrifices.

Le pré­fet Urbain menace sa fille sainte Christine de la faire mou­rir si elle ne sacri­fice pas aux idoles

Urbain se reti­ra dans une grande colère. Alors pré­voyant des luttes ter­ribles, l’enfant sup­plia Jésus de venir à son aide et aus­si­tôt un ange lui appa­rut et lui dit : « Le Seigneur a enten­du votre prière, soyez cou­ra­geuse, vous aurez à com­battre contre trois juges. Si vous rem­por­tez la vic­toire, vous serez cou­ron­née. » En disant ces mots, le mes­sa­ger céleste fit le signe de la croix sur le front de la jeune fille.

Sainte Christine brise les statues des idoles. – Son père se fait son bourreau.

Le soir venu, la jeune Christine, indi­gnée de voir tout autour d’elle ces sta­tues d’idoles, bri­sa toutes celles qu’elle put et fit dis­tri­buer les frag­ments de métal pré­cieux aux chré­tiens indigents.

Quelques jours après, Urbain reve­nait vers sa fille ; mais quelle n’est pas sa fureur en appre­nant ce que sa fille avait fait et com­mandé. Aussitôt il appelle les bour­reaux, fait souf­fle­ter et battre de verges l’innocente vic­time. On déchire avec des griffes de fer son corps déjà san­glant, sa chair vole en lam­beaux, mais la jeune vierge, invin­cible dans sa foi, s’adresse au magis­trat et lui dit :

– Voici que ceux qui me frappent sont fati­gués, vos idoles ne peuvent donc leur don­ner de la force ?

Urbain, hon­teux de se voir vain­cu par son enfant, la fait jeter en pri­son, retourne chez lui et refuse de boire et de manger.

La mère de Christine, infor­mée de ce qui s’était pas­sé, vint auprès de sa fille et lui dit : « Ma fille, ayez pitié de votre mère, et ne la faites pas mou­rir de dou­leur ; vous êtes mon unique enfant, tout ce que j’ai est à vous. » Ni les larmes ni les sup­pli­ca­tions de la mère païenne ne purent vaincre le cou­rage de la jeune mar­tyre. Pourtant, elle aimait bien sa mère, mais elle savait qu’il faut aimer Jésus-​Christ encore davan­tage, et qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes.

Urbain l’appelle de nou­veau à son tri­bu­nal et lui dit : « Christine, ado­rez les dieux, sinon je ne vous appel­le­rai plus ma fille. – Je suis l’enfant de Dieu, répli­qua la chré­tienne, car c’est de lui que je tiens mon âme et la vie divine : mon corps seul vient de vous. »

A ces mots, le gou­ver­neur ne peut conte­nir son indi­gna­tion ; il appelle les bour­reaux et leur ordonne de nou­veau de battre de verges la jeune fille. Bientôt ses membres, encore tout meur­tris des fla­gel­la­tions pré­cé­dentes, se déchirent sous la fureur des coups ; les plaies s’ajoutent aux plaies, la chair est à nu. le sang coule de par­tout. Soutenue par une force divine, l’héroïque enfant sou­rit au milieu de cet affreux sup­plice qui ne peut la vaincre ; puis, s’inclinant avec calme, elle ramasse sans s’émouvoir un lam­beau de chair ensan­glan­tée qui vient de tom­ber à terre et le pré­sente à ce père déna­tu­ré pour qu’il repaisse ses yeux de cet hor­rible spectacle.

Mais cet homme cruel n’en fut pas atten­dri ; peut-​être le lâche craignait-​il de perdre sa place et sa magis­tra­ture s’il par­don­nait à une chré­tienne. Il veut en finir par un sup­plice offrant quelque chose de nou­veau : il fait donc atta­cher la vic­time à une roue, qu’il fait arro­ser d’huile et entou­rer d’un grand feu.

A la vue des flammes qui l’environnent comme un vête­ment de dou­leur, la jeune mar­tyre s’écrie : « Seigneur, mon Dieu, ne m’abandonnez pas dans ce com­bat, mais éten­dez votre main et que vos saints anges éteignent ce feu afin que je n’en reçoive aucune atteinte, »

Le feu res­pec­ta ses membres endo­lo­ris, et les flammes, se por­tant sur les spec­ta­teurs, en consu­mèrent plu­sieurs, racontent les Actes. Et comme Urbain lui deman­dait d’où lui venait ce secours surhu­main, la vierge répon­dit : « C’est de Jésus-​Christ que me vient cet appui ; c’est lui qui m’a appris à souf­frir, lui, la lumière des aveugles, la vie des morts, la joie des affli­gés. C’est en son nom que je triomphe de la puis­sance de Satan votre père. »

Christine fut de nou­veau jetée en pri­son. Trois anges lui appa­rurent, la gué­rirent de ses plaies et nour­rirent son corps d’un ali­ment spirituel.

Sainte Christine marche sur les eaux. – Mort subite d’Urbain. Le juge Dion.

Pendant la nuit, cinq hommes, envoyés secrè­te­ment par le pré­fet, s’emparèrent de la jeune fille, lui atta­chèrent une pierre au cou et la pré­ci­pi­tèrent dans le lac. Mais, ô mer­veille ! Christine reste sur les flots et s’avance tran­quille­ment sur le rivage. Une belle cou­ronne lui orne le front, une étole de pourpre est sus­pen­due à son cou et des anges marchent devant elle. Pendant qu’on rame­nait la vaillante chré­tienne en pri­son, son mal­heu­reux père expi­rait au milieu des souf­frances les plus atroces.

Urbain eut pour suc­ces­seur Dion, païen cruel et per­sé­cu­teur des chré­tiens comme lui. Mis au cou­rant de la pro­cé­dure sui­vie jus­qu’alors envers la pri­son­nière, il fit com­pa­raître cette der­nière et essaya de l’in­ti­mi­der : « Christine, ma chère enfant, lui dit-​il, tu es de noble famille ; quelle erreur t’aveugle donc et te pousse à aban­don­ner nos dieux pleins de misé­ri­corde pour ado­rer un Dieu cru­ci­fié ! Offre des sacri­fices à nos divi­ni­tés, sinon je serai for­cé de te livrer aux sup­plices, et ton Dieu ne pour­ra t’arracher de mes mains. – Esprit immonde ! repar­tit vive­ment Christine, oh oui ! le Christ que tu méprises m’arrachera de tes mains. »

Le juge irri­té, ordon­na de la plon­ger dans un réci­pient en fer rem­pli d’huile bouillante mêlée de poix, mais Dieu veillait sur sa chère petite ser­vante : elle fit le signe de la croix et ne res­sen­tit aucune dou­leur de ce bain natu­rel­le­ment mortel.

« C’est aux dieux que tu dois cette pro­tec­tion, lui dit Dion, ils veulent te sau­ver la vie. – Non, c’est à mon Dieu, répli­qua Chris­tine, à mon Dieu qui te jet­te­ra dans les enfers si tu le per­sé­cutes dans les chrétiens. »

Dans sa rage, le païen ordonne de lui cou­per les che­veux, de mettre ses habits en pièces et de l’exposer ain­si aux moque­ries et aux insultes de la popu­lace. Mais le peuple, chez qui l’héroïsme de cette enfant pro­vo­quait l’admiration, se récria ; les femmes sur­tout mani­fes­taient hau­te­ment leur indi­gna­tion, Christine en ren­dit grâce à Dieu et pria son divin Epoux de lui conti­nuer son appui pen­dant ses combats.

Dion et ses faux dieux. – Le feu dompté. Résurrection d’un magicien.

Quelque temps après. Dion fit conduire Christine au temple d’Apollon. Aussitôt que la vierge en eut fran­chi le seuil, la sta­tue de l’idole tom­ba de son pié­des­tal et se bri­sa. Frappés de ce miracle, un grand nombre de païens – les divers his­to­riens donnent des chiffres dif­fé­rents – crurent au vrai Dieu. Dion, épou­van­té et sur­tout furieux de ce qui arri­vait, fut frap­pé comme Urbain par la jus­tice divine.

Un autre magis­trat, plus féroce encore s’il est pos­sible, du nom de Julien, lui suc­cé­da. Il avait lu les actes du pro­cès de la jeune mar­tyre ; dési­reux de connaître cette enfant extra­or­di­naire, il se la fit amener.

« Magicienne, lui dit-​il, adore les dieux, sinon je te fais mou­rir. – Vos paroles, répon­dit Christine, ne pour­ront jamais me faire chan­ger. – Eh bien ! qu’on chauffe une four­naise pen­dant trois jours et qu’on y jette cette chré­tienne ! » dit le juge.

Ses ordres furent exé­cu­tés à la lettre, et la pauvre enfant fut pré­ci­pi­tée dans le four embra­sé. Mais aus­si­tôt un ange des­cend du ciel dans la four­naise, prend la mar­tyre par la main et avec elle chante la gloire du Dieu des chré­tiens. Les sol­dats entendent des voix har­mo­nieuses ; effrayés, ils en portent la nou­velle au pré­fet. Celui-​ci fait ouvrir la four­naise, et Christine en sort pleine de force et de vie après y avoir demeu­ré pen­dant cinq jours.

Julien ne savait plus que faire pour se débar­ras­ser de cette jeune fille vic­to­rieuse de tous les sup­plices. Soudain, une pen­sée diabo­lique lui vient à l’esprit ; et, s’adressant à ses sol­dats : « Amenez-​moi un magi­cien, leur dit-​il, et qu’il jette dans la pri­son de cette impie des ser­pents, des aspics et des vipères ! »

Le magi­cien fît ce qui lui était ordon­né. Il s’efforça d’exciter les ani­maux veni­meux par ses incan­ta­tions ; mais le suc­cès ne répon­dit pas à ses espé­rances. Les rep­tiles vinrent auprès de la jeune fille, sans lui faire aucun mal ; mais par contre, ils se jetèrent sur le magi­cien et lui infli­gèrent des mor­sures mor­telles. A cette vue Christine se mit à genoux et dit aux ser­pents : « Au nom de mon Seigneur Jésus, allez cha­cun en votre lieu et ne faites de mal à per­sonne. » Puis elle se mit en prières pour obte­nir de Jésus qu’il redon­nât la vie au mal­heu­reux magi­cien, vic­time de son obéis­sance aux ordres cruels du per­sé­cu­teur. Elle fut exau­cée ; mal­gré le venin, le magi­cien recou­vra la vie et les forces ; il ren­dit grâces au Dieu de Christine.

L’étonnement des spec­ta­teurs fut à son comble. Mais le magis­tral, aveu­glé par la haine de la reli­gion chré­tienne, repro­cha à la jeune fille d’user à son tour de malé­fices et lui ordon­na de sacri­fier enfin aux dieux. Sur son refus, le bour­reau lui fit à la poi­trine des inci­sions pro­fondes et fort dou­lou­reuses pour une enfant.

Sainte Christine supplie Dieu de la laisser mourir.

Julien, voyant avec dépit qu’aucun genre de sup­plice n’ôtait la vie à la cou­ra­geuse mar­tyre, la fit mettre de nou­veau en pri­son. Elle y conver­tit quelques femmes qui vinrent la visiter.

Quelque temps après, Julien la fît venir de nou­veau devant son tri­bu­nal. « Christine, c’est fini, dit-​il, vous allez mou­rir si vous ne vous conver­tis­sez aux dieux. – Eh quoi ! vous n’êtes pas encore en repos ? Jamais je ne renie­rai ma foi. – Bourreaux, coupez-​lui la langue. » En enten­dant cet ordre du monstre, Christine s’écria : « Mon Seigneur, jetez les yeux sur votre ser­vante et faites qu’elle achève enfin sa course. »

Une voix du ciel reten­tit alors : « Christine, disait-​elle, venez jouir du repos éter­nel, venez rece­voir la récom­pense de la confes­sion de votre foi. »

On cou­pa la langue à la bien­heu­reuse vierge. Elle la reçut dans ses mains et la jeta à la face de son per­sé­cu­teur. Julien, frap­pé aux yeux devint aveugle. Enfin, la jeune fille fut atta­chée à un poteau ; son corps fut cri­blé de flèches jusqu’à ce que la vie s’en échap­pât. C’était, selon les Martyrologes anciens, le 24 juillet. L’année du mar­tyre est incon­nue. Des récits hagio­gra­phiques indiquent les débuts du ive siècle, durant la per­sé­cu­tion de Dioclétien : cette date n’a rien de bien cer­tain. Par contre, le lieu de la mort, la loca­li­té de Tur, sur le lac de Bolsena, n’est pas contes­té. Un copiste du Mar­tyrologe hie­ro­ny­mien a confon­du la loca­li­té tos­cane avec la ville de Tyr en Phénicie.

Culte et reliques.

Les pré­cieuses dépouilles de sainte Christine, recueillies d’abord par un de ses proches furent ensuite, dit-​on, por­tées à Palerme, où elles furent en grande véné­ra­tion. De suaves odeurs s’échappaient de son tom­beau et il en décou­lait une huile mira­cu­leuse. C’est seu­lement au xie siècle, par les soins de la com­tesse Mathilde, qu’elles seraient reve­nues à Bolsena et auraient été dépo­sées dans un hypo­gée chré­tien voi­sin de cette ville. Quoi qu’il en soit, il est cer­tain qu’une grande par­tie en a été volée. D’autre part, Je tom­beau de la mar­tyre y a été décou­vert en 1880 ; le sar­co­phage avait été bri­sé ; à l’intérieur se trou­vait un vase funé­raire en marbre, affec­tant la forme d’un cof­fret et por­tant une ins­crip­tion très abré­gée qui per­mit néan­moins d’identifier son conte­nu. L’inscription paraît dater du viiie siècle.

Les Petits Bollandistes rap­portent que son corps (une par­tie pro­bablement), fut enle­vé par deux pèle­rins et appor­té près de Béthune, sur les paroisses réunies d’Ecque (La Pugnoy) et La Beuvrière. C’est là que mou­rut le second de ces pèle­rins, après avoir avoué au prêtre du lieu les cir­cons­tances de son lar­cin. Alors on bâtit une église et on fon­da un monas­tère pour hono­rer digne­ment de si pré­cieuses reliques, et on appe­la des reli­gieux de l’abbaye de Charroux pour les gar­der et les vénérer.

Sans dis­cu­ter la valeur de ce récit, il est bon de rap­pe­ler que Palerme, en Sicile, ain­si que la loca­li­té de Tur conservent aus­si des reliques de leur céleste patronne. Il y a plus d’un demi-​siècle on décou­vrit, sur les indi­ca­tions de M. H. Stefenson, le tom­beau et le cime­tière dit de sainte Christine à Bolsena. Le tom­beau por­tait une ins­crip­tion remon­tant au xe siècle.

Le Martyrologe romain, à la date du 24 juillet, rap­pelle les divers sup­plices que la vierge chré­tienne eut à subir à Tur, en Toscane. Le même jour, au Bréviaire romain, on fait mémoire de la Sainte. Cette fête, simple dans le Bréviaire de 1550, a été lais­sée telle par saint Pie V ; à son ori­gine, elle est propre au calen­driers occiden­taux ; avant le ixe siècle, l’Orient chré­tien semble l’avoir ignorée.

Le dio­cèse de Saint-​Flour se glo­ri­fie d’honorer d’un culte spé­cial cette aimable Sainte. La paroisse Sainte-​Christine de Saint-​Flour solen­ni­sait sa fête d’une manière toute par­ti­cu­lière. Dès la veille, à la chute du jour, le curé de la paroisse, revê­tu de l’étole et de la chape, entou­ré de ses vicaires et de l’élite de ses parois­siens, allait proces­sionnellement, au chant du Veni Creator, bénir un immense bûcher dres­sé sur la grande place de la paroisse : tou­chant sou­ve­nir du sup­plice du feu infli­gé à la Sainte. Dès que la flamme pétillait, le Te Deum, enton­né par le célé­brant, s’échappait de toutes les poi­trines. Trois fois la pro­ces­sion fai­sait le tour du feu de joie avant de ren­trer à l’église. La popu­la­tion tout entière pre­nait part à ces céré­mo­nies renou­ve­lées du moyen âge. Les paroisses voi­sines elles-​mêmes s’ébranlaient et accou­raient prê­ter leur concours à ces fêtes. Trois jours de suite, tout tra­vail était sus­pen­du dans la paroisse. Le dimanche de la solen­ni­té, nou­velle pro­ces­sion, nou­veaux chants ; béné­dic­tion et dis­tri­bu­tion solen­nelles de rameaux à tous les assis­tants. La sta­tue de la glo­rieuse patronne était por­tée en triomphe par les prin­ci­paux per­son­nages de la paroisse, tan­dis que le célé­brant offrait à la véné­ra­tion des fidèles les reliques pré­cieuses de sainte Christine. Mais, vers la fin du xixe siècle, ces céré­mo­nies, ayant don­né lieu à quelques abus, ont été à peu près com­plè­te­ment sup­pri­mées. Le dimanche de Quasimodo et le dimanche qui suit le 24 juillet, la paroisse de Viserny (Côte‑d’Or) a aus­si cou­tume de por­ter en pro­ces­sion une châsse antique conte­nant des osse­ments de la vierge mar­tyre de Tur.

L’iconographie repré­sente ordi­nai­re­ment sainte Christine tenant un ser­pent ou une flèche, ou bien ayant près d’elle des idoles bri­sées, ou enfin mar­chant sur les eaux avec les anges. Plusieurs artistes se sont aus­si ins­pi­rés des dif­fé­rents sup­plices que la mar­tyre eut à endu­rer : c’est ain­si qu’on la voit liée à une grosse pierre et jetée dans un lac, ou encore tenant une roue.

F. P.

Sources consul­tées. – Acta Sanctorum, t. V de juillet (Paris, 1868). – Mgr Paul Guérin, Les Petits Bollandistes, t. IX (Paris, 1885). – J.-B. de Rossi, Bulletin d’ar­chéo­lo­gie chré­tienne, édi­tion fran­çaise par l’abbé L. Duchesne, IIIe série (Rome et Paris, 1880). – (V. S. B. P., n° 389.)