Sainte Colette de Corbie

Statue d'un retable de l'église Sainte-Colette à Gand.

Vierge et réfor­ma­trice de l’Ordre des Clarisses (1381–1447)

Fête le 6 mars.

Le dimanche 13 jan­vier 1381, Robert Boëllet, char­pen­tier de l’abbaye de Corbie, et sa femme, Marguerite Moyon, tous deux sexa­gé­naires, voyaient com­blés des vœux que leur âge sem­blait rendre insen­sés, et que leur foi seule avait fait adres­ser au ciel ; dans leur mai­son de la rue de la Chaussée, il n’y avait place que pour la joie et la recon­nais­sance. Dieu leur avait don­né une fille, et on la rap­por­tait de l’église où elle venait de rece­voir au bap­tême le nom de Nicolette ou Colette, par recon­nais­sance envers saint Nicolas, évêque de Myre, à la puis­sante inter­ces­sion de qui ses parents avaient deman­dé la réa­li­sa­tion de leurs désirs.

Enfance mortifiée,

Dès les pre­miers signes de sa petite intel­li­gence, l’enfant leur don­nait tous les motifs de la joie la plus pure. Ses pre­miers actes sont de prier et d’aimer le pro­chain. Sa mère la fait par­ti­ci­per à sa pieuse cou­tume de médi­ter chaque jour la Passion du Sauveur ; son père lui inculque les habi­tudes cha­ri­tables qui le rendent par­ti­cu­liè­re­ment recom­man­dable. Et bien­tôt l’on voit que Dieu pré­pare cette enfant pour de grandes choses. A neuf ans, elle reçoit de Dieu révé­la­tion pleine et entière de l’esprit de l’Ordre séra­phique ; dès lors, elle unit la plus déli­cieuse inno­cence à la plus dure péni­tence : elle se ceint les reins de cordes gros­sières, glisse en secret dans son lit des branches d’arbres, et même, si elle peut, dort sur le plancher.

Guérison et croissance miraculeuses.

Qu’on ne s’étonne donc pas de voir dès lors appa­raître à chaque pas le sur­na­tu­rel dans la vie de cette enfant prédestinée.

Colette s’avisa un jour de tou­cher à la cognée pater­nelle. Mais ses petites mains laissent échap­per le dan­ge­reux ins­tru­ment qui lui fait à la jambe une plaie cruelle ; Colette, calme, confiante en Dieu, bande sa plaie, deman­dant à la Providence d’éviter à ses parents le cha­grin de la voir bles­sée ; et le len­de­main matin, une légère cica­trice indique seule l’endroit de la blessure.

Distribuer l’aumône aux pauvres, les accueillir, soi­gner les malades, voi­là les grandes joies de cette enfant de neuf ans ; avec cela, la contem­pla­tion, !a prière devant le taber­nacle, et sur­tout l’assistance à l’office cano­nial des Bénédictins : aller à l’office noc­turne est une joie qu’elle ne peut avoir que rare­ment ; mais son père com­prend bien qu’il n’a point une enfant ordi­naire et per­met à sa fille, alors âgée d’environ qua­torze ou quinze ans, de se rendre chaque nuit, à l’heure des Matines, dans l’église de l’abbaye.

Si la san­té de Colette résis­tait à ses aus­té­ri­tés, sa crois­sance sem­blait par contre arrê­tée ; sa taille exi­guë inquié­tait son père, à qui les voi­sins repro­chaient sans cesse de per­mettre à l’enfant des fatigues cor­po­relles qui la feraient cer­tai­ne­ment demeu­rer « naine ». Colette s’inquiète de ces pro­pos ; la voi­là qui se rend de Corbie à Notre-​Dame de Brebières, à Albert : peu lui importe d’être grande et belle aux yeux des hommes ; mais elle craint d’être entra­vée dans ses pieuses habi­tudes, elle redoute aus­si le cha­grin de ses parents. Et Dieu accorde à sa prière une crois­sance mira­cu­leuse ; en effet on peut encore consta­ter par les vêle­ments mêmes de la Sainte que sa taille était très au-​dessus de la moyenne.

Une vocation longtemps cherchée. – La recluse.

Colette avait à peine dix-​huit ans que tout Corbie connais­sait sa sagesse et sa pié­té ; on s’empressait à la consul­ter et à l’entendre dis­cu­ter des choses célestes. C’est alors que Dieu la ren­dit entiè­re­ment libre par une dou­lou­reuse épreuve, la mort de ses parents, tous deux âgés de quatre-​vingts ans, qui se sui­virent dans la tombe, à quelques mois d’intervalle, l’an 1399. L’orpheline et sa petite for­tune étaient confiées à Dom Raoul de Roye, abbé de Corbie.

Le pre­mier soin de la jeune fille fut de deman­der à son tuteur la per­mis­sion d’entrer en reli­gion. Dom Raoul, tou­te­fois, ne vou­lut point accé­der à cette demande, une déci­sion aus­si grave exi­geant un temps de pro­ba­tion. A ce moment Dieu envoya à Colette celui qui devait être son pre­mier guide dans la vie reli­gieuse : le bien­heu­reux Jean Bassand, Célestin du couvent d’Amiens. La sain­te­té de sa vie, plu­sieurs miracles, la conser­va­tion de son corps véné­ré à Aquila, en Italie, le titre de bien­heu­reux dont l’a cou­ron­né l’Eglise, montrent bien à quelles mains sur­na­tu­rel­le­ment pré­pa­rées l’âme de Colette venait d’être confiée. Le P. Bassand n’hésita pas sur la voca­tion de sa péni­tente, mais, ne pou­vant décou­vrir alors la famille reli­gieuse dans laquelle Dieu la vou­lait, il lui recom­man­da la patience et la prière, et, en atten­dant, Colette fit, sur son conseil, le vœu de chas­te­té perpétuelle.

Bientôt Dom Raoul ayant lais­sé toute liber­té à Colette, celle-​ci s’empressa de dis­tri­buer ses biens aux pauvres et d’entrer dans la com­mu­nau­té des Béguines. Ce monas­tère de pieuses femmes, qui ne fai­saient point de vœux solen­nels et vivaient sou­mises à une clô­ture peu sévère et aux seules aus­té­ri­tés pres­crites à tous les chré­tiens, ne pou­vait plaire à un cœur épris de péni­tence et de renon­ce­ment. Elle le quitte donc bien­tôt, et, pous­sée par son amour des pauvres et des malades, elle entre chez les Bénédictines de l’hôpital de Corbie. Mais sans cesse elle sou­pi­rait après la péni­tence et la pau­vre­té de l’Ordre séra­phique ; il lui sem­bla même rece­voir d’en haut l’ordre de quit­ter cette seconde com­mu­nau­té. Elle n’hésita point et se ren­dit au monas­tère de Pont-Saint-Maxence.

Ici encore, nou­velle décep­tion : ce monas­tère pra­ti­quait la règle de sainte Claire, mais avec les adou­cis­se­ments de la règle dite des Urbanistes. Brisée de tris­tesse, mais atten­dant tou­jours avec confiance la volon­té de Dieu, Colette ren­tra à Corbie.

Mal accueillie de Dom Raoul, qui est per­sua­dé de la légè­re­té de sa voca­tion, tenue par le peuple pour une tête folle et une incons­tante, sans res­sources, pri­vée de l’appui du bien­heu­reux Jean, qui était pas­sé en Italie, elle ne déses­père point. La Providence eut pitié d’elle et per­mit qu’un pieux et zélé Franciscain, pas­sion­né pour le retour à la pri­mi­tive obser­vance, le P. Pinet, gar­dien du couvent d’Hesdin et cus­tode de Picardie, pas­sât à Corbie. Colette se confia à lui ; mais le bon reli­gieux ne vit point de couvent qui cor­res­pon­dît à son désir ; il lui conseilla, dès lors, de vivre en recluse, sous la règle du Tiers-​Ordre de Saint-​François. Ce genre de vie reli­gieuse char­ma Colette ; c’était en quelque sorte, sauf la soli­tude, la vie des pre­mières filles de sainte Claire qu’elle allait renouveler.

Le reclu­sage fut éle­vé entre deux contre­forts de l’église parois­siale Notre-​Dame (aujourd’hui Saint-​Etienne). Cette mai­son com­pre­nait un ves­ti­bule très exi­gu, qui ser­vait aus­si de par­loir ; la porte don­nant sur la rue était fer­mée : une grille en treillis de fer sépa­rait cette pre­mière pièce de la seconde, la cel­lule de la recluse ; enfin, de là on pas­sait dans l’oratoire où une petite fenêtre, munie d’une grille sur l’église, per­met­tait à la recluse de suivre les offices et de rece­voir la sainte Communion. Le 17 sep­tembre 1402, Colette entrait dans son reclu­sage. Elle allait y res­ter sept ans.

Vocation définitive. – Hésitation de sainte Colette.

Un signe du ciel.

Cependant, à peine la recluse a‑t-​elle pu goû­ter le bon­heur de cette sainte clô­ture que Dieu lui mani­feste clai­re­ment sa volon­té de la voir entre­prendre la réforme de l’Ordre fran­cis­cain, dans lequel s’était intro­duit un adou­cis­se­ment consi­dé­rable des obser­vances pri­mi­tives et de le rame­ner à la pau­vre­té et à la péni­tence de saint François et de sainte Claire. Colette se crut le jouet d’une illu­sion dia­bo­lique, car depuis long­temps l’esprit de ténèbres la per­sé­cu­tait ; mais, chose remar­quable, sa prière ardente et conti­nue ne fai­sait que rendre plus pres­sante la pen­sée qu’elle consi­dé­rait comme une ten­ta­tion. Privée de son guide spi­ri­tuel, le P. Pinet, qui vient de mou­rir, elle consulte les prêtres du voi­si­nage : tous croient à un appel divin ; elle seule hésite. Voilà qu’elle est frap­pée de mutisme et de céci­té ; après trois jours d’angoisses, elle s’abandonne à la volon­té de Dieu. Alors ses yeux voient à nou­veau, et sa bouche laisse échap­per un cri de sur­prise : le sol de la cel­lule est cou­vert d’arbrisseaux char­gés de fleurs et de fruits. Aussitôt une voix lui annonce que l’arbre le plus gros la désigne elle-​même, et que les arbris­seaux sont les figures des âmes ras­sem­blées par elle. On a des témoi­gnages authen­tiques et contem­po­rains de ce sur­na­tu­rel évé­ne­ment. Colette alors répète les paroles de la Vierge Marie : « Voici la ser­vante du Seigneur. »

Fondation des Clarisses réformées. – Apparitions célestes.

Bien loin de Corbie, mais cepen­dant aus­si dans les Etats du duo Philippe le Bon, en Franche-​Comté, vivait un Franciscain très zélé lui aus­si pour le retour à la pri­mi­tive obser­vance. Il com­men­çait à cette inten­tion un pèle­ri­nage en Terre Sainte ; mais, à Avignon, il fut avi­sé par une pieuse recluse, Marion Amente, de se rendre à Corbie, où il devait ser­vir de guide à une autre recluse des­ti­née à de grandes choses. Après avoir consul­té des prêtres éclai­rés, le P. Henri de Baume rebrous­sa che­min. C’était en juin 1406. Colette, sur­na­tu­rel­le­ment pré­ve­nue, le reçut avec joie. Sur son conseil, elle deman­da la per­mis­sion de sor­tir du reclu­sage, et, l’ayant obte­nue du car­di­nal légat Jean de Challand, elle par­tit aus­si­tôt pour Nice où se trou­vait Benoît XIII (Pierre de Lune), que la France, au temps du schisme d’Occident, consi­dé­rait comme le Pape légitime.

Benoît XIII accueillit avec faveur la réfor­ma­trice ; il la reçut pro­fesse de la pre­mière règle de sainte Claire, et lui confé­ra la digni­té abba­tiale. Colette se ren­dit alors chez le frère du P. Henri au châ­teau de Baume, à Frontenay, en Franche-​Comté. Trois com­pagnes qu’elle ame­na, les deux filles aînées de son hôte, et, un peu plus tard, la troi­sième, Perrine, sa future his­to­rio­graphe, for­mèrent le noyau de la com­mu­nau­té, gros­si bien­tôt de novices des familles les plus dis­tin­guées du pays. Il fal­lut dès lors son­ger à éta­blir le monas­tère en un lieu plus conve­nable que la mai­son d’un par­ti­cu­lier. Ce fut d’abord le châ­teau de Frontenay, que pos­sé­dait la com­tesse de Genève, Blanche de Savoie, puis le couvent presque délais­sé des Urbanistes de Besançon.

L’abbesse fut triom­pha­le­ment reçue en cette ville le 14 mars 1410 et, cinq jours après, la Providence récom­pen­sait la pié­té des Bisontins en accor­dant à Colette le pou­voir de gué­rir mira­cu­leu­se­ment une femme qui endu­rait des dou­leurs into­lé­rables. Et pen­dant que Satan redou­blait ses per­sé­cu­tions contre la sainte abbesse, le ciel la récréait de conso­lantes appa­ri­tions : Une fois, c’est un ange qui lui apporte la fameuse orai­son : « Que l’heure de la nais­sance d’un Dieu homme soit bénie », puis c’est sainte Anne ; saint Jean l’Evangéliste qui lui pré­sente un anneau de fian­çailles mys­tiques (anneau qui dis­pa­rut en 1677, lorsque les hugue­nots sac­ca­gèrent la ville de Gand) ; un ange encore qui lui offre une croix d’or ornée de pierres pré­cieuses et conte­nant un frag­ment de la vraie Croix.

La Sainte à cette époque ne por­tait qu’une pauvre robe tout usée et allait tou­jours nu-​pieds ; son lit était une botte de paille, avec un mor­ceau de bois pour oreiller ; sept fois par jour, elle se don­nait la dis­ci­pline et por­tait un rude cilice. Enfin, tous les ven­dre­dis, de midi à 3 heures, elle endu­rait d’inexplicables dou­leurs qui lui fai­saient res­sen­tir les souf­frances de la Passion du Sauveur. Elle por­tait une cein­ture de fer si ser­rée que la chair avait crû par-dessus.

Mais cet amour de la souf­france était visi­ble­ment béni de Dieu . deux ans après son arri­vée à Besançon, Colette res­sus­ci­tait un enfant de quinze ans, Jean Boisot, d’une des pre­mières familles de la cité.

La réforme des Frères Mineurs. – Nouvelles fondations de Clarisses.

Il y avait six ans que Colette avait com­men­cé son œuvre pour le second Ordre fran­cis­cain ; elle crut devoir entre­prendre une réforme ana­logue pour le pre­mier Ordre, celui des Frères Mineurs. L’observance de la règle de saint François était res­tée en hon­neur chez cer­tains reli­gieux ; un siècle avant sainte Colette, en Italie, ces reli­gieux s’étaient grou­pés, et ce qu’on appe­la dès lors l’Observance devint bien­tôt la branche la plus nom­breuse de l’Ordre fran­cis­cain. Il est vrai que la sainte abbesse dési­rait plu­tôt s’appuyer sur les Conventuels, chez qui la règle de la pau­vre­té était moins stricte, sans doute parce qu’elle jugeait la réforme plus urgente chez eux. Après un effort infruc­tueux à Besançon, elle réus­sit à gagner le couvent de Dole ; telle fut l’origine d’une réforme, dite des Colettans, qui fut en 1617 réunie par Léon X à d’autres branches, et com­prise avec celles-​ci dans la « Régulière Observance ».

Rentrée à Besançon, Colette laisse sa charge abba­tiale à la Mère de Toulongeon, et repart pour éta­blir le deuxième couvent de filles, celui d’Auxonne, construit dans les limites de la plus stricte pau­vre­té par la duchesse de Bourgogne, Marguerite de Bavière. Ce voyage est célèbre par l’extase en laquelle fut ravie la sainte abbesse, depuis Besançon jusqu’à son entrée à Dole et de Dole à Auxonne.

La réforme des Clarisses s’étendait chaque jour davan­tage. Dès l’an 1415, la duchesse de Bourgogne fon­dait le couvent de Poligny, qui devint la rési­dence ordi­naire de la réfor­ma­trice, jusqu’en l’an 1422. C’est durant ce temps et lors d’un voyage à Auxonne qu’elle eut la conso­la­tion de rece­voir la visite de saint Vincent Ferrier (avril 1417). En juin sui­vant, après des mis­sions en Lorraine, le grand apôtre Dominicain retrou­vait Colette à Poligny et rece­vait de Dieu, conjoin­te­ment avec l’abbesse, la révé­la­tion de la fin pro­chaine du grand schisme d’Occident. Les deux Saints écri­virent une lettre col­lec­tive qui fut pré­sen­tée aux Pères du Concile par l’archevêque de Besançon, et le 11 novembre de la même année, l’Eglise uni­ver­selle accueillait avec allé­gresse l’élection de Martin V, qui mit fin au schisme. Le 4 juillet les deux Saints se retrouvent à Besançon : Vincent prê­cha six fois en l’église des Clarisses. Au cours de ce séjour Colette eut la révé­la­tion que le zélé mis­sion­naire mour­rait en France avant deux ans ; l’événement jus­ti­fia cette pro­phé­tie (1419).

La source miraculeuse. – Résurrection d’une religieuse.

Au mois d’octobre 1417, le couvent de Poligny est ache­vé ; on s’aperçoit alors que l’eau y fait défaut ; le mer­cre­di de la qua­trième semaine du Carême de i4i8, Colette fît mira­cu­leu­se­ment jaillir une source qui existe encore aujourd’hui et sert à l’alimentation du couvent. Comme auprès de saint François, les ani­maux accou­raient près de l’abbesse et vivaient avec elle ; on cite en par­ti­cu­lier diverses anec­dotes rela­tives à une gen­tille alouette et à un agneau blanc qui est res­té le signe dis­tinc­tif de sainte Colette dans l’iconographie.

Durant les sept années que la réfor­ma­trice pas­sa à Poligny, Dieu se plut à mul­ti­plier les miracles par son inter­mé­diaire : déli­vrances de pri­son­niers, gué­ri­sons de malades, voca­tions éclai­rées surnaturellement.

La grande dévo­tion de Colette était la réci­ta­tion du bré­viaire. Ses sta­tuts nous montrent par leurs sévères pres­crip­tions quel prix elle atta­chait au soin et à la pié­té dans son accom­plis­se­ment. Chaque jour elle réci­tait aus­si le cha­pe­let, l’office des morts et quelques suf­frages tou­jours tirés du bréviaire.

Elle jeû­nait toute l’année, excep­té les dimanches, et obser­vait l’abstinence per­pé­tuelle, comme ses filles en ont conser­vé l’usage ; mais à ces pra­tiques de péni­tence, elle joi­gnait d’autres mor­ti­fi­ca­tions, se conten­tant sou­vent pour son repas d’un peu de pain, et anni­hi­lant par une grande quan­ti­té d’eau le goût du vin qu’on l’obligeait pour sa san­té à accepter.

La sévé­ri­té de la clô­ture n’est pas moins grande. Les reli­gieuses ne parlent aux gens du dehors qu’à tra­vers une plaque de tôle per­cée de trous et munie de pointes de fer. L’amour de la pau­vre­té paraît chez Colette aus­si écla­tant que chez le glo­rieux patriarche Franciscain ; il s’est conser­vé tel, après cinq siècles, chez les Colettines.

Parmi les miracles de la sainte abbesse, les contem­po­rains émer­veillés ont pu comp­ter trois morts res­sus­ci­tés. La vie dite de sainte Elisabeth de Bavière, écrite vers 1450 et conser­vée manus­crite à la Bibliothèque vati­cane, en a fait un cha­pitre spé­cial. Trois témoins ocu­laires nous res­tent de la vie et des ver­tus de la Sainte : le bien­heu­reux Henri de Baume, dont les manus­crits, long­temps éga­rés depuis leur trans­port à Rome sous Benoît XIV, sont aujourd’hui à la Bibliothèque natio­nale à Paris ; Pierre de Vaux et Perrine de Baume, dont les manus­crits ont été publiés d’après les ori­gi­naux encore conservés.

Sainte Colette res­sus­cite une de ses reli­gieuses morte en état de péché.

Fondations en France, en Savoie et en Belgique.

La mort tra­gique du duc Jean Sans-​Peur, assas­si­né au pont de Montereau, le 10 sep­tembre 1419, déci­da la duchesse Marguerite à accom­plir la fon­da­tion d’un qua­trième couvent, celui de Seurre. C’est en se ren­dant dans cette ville que, à l’admiration des habi­tants des vil­lages voi­sins, Colette et ses com­pa­gnons tra­ver­sèrent, en mar­chant sur les eaux, les flots débor­dés de la rivière du Doubs.

Le temps était venu où la réforme des Clarisses, flo­ris­sante dans les Etats du duc de Bourgogne, allait péné­trer presque simul­ta­né­ment en France et en Savoie. Dès l’an 1422, Colette fonde les cou­vents de Moulins et de Decize ; en 1423, celui d’Aigueperse ; c’est là qu’elle reçut comme novice une fille de l’ancien roi de Naples, Jacques de Bourbon. Le couvent du Puy fut éta­bli en 1425. Colette passe alors dans le duché de Savoie où elle fonde les monas­tères de Vevey et d’Orbe. L’ancien roi de Naples l’appelle dans ses Etats du Languedoc où une fon­da­tion à Castres, une autre à Lézignan et la réforme des Urbanistes de Béziers mar­que­ront son pas­sage (1427–1428). En 1429, elle était de nou­veau à Moulins, où elle ren­con­tra, croit-​on, sainte Jeanne d’Arc.

C’est alors seule­ment que la réfor­ma­trice semble avoir écrit ses consti­tu­tions, que le Ministre géné­ral des Frères Mineurs approu­va en 1434. Le car­di­nal Cesarini, légat d’Eugène IV au Concile, et le Concile de Bâle les approu­vèrent de nou­veau. Ce fut la der­nière joie du P. Henri de Baume, qui mou­rut en odeur de sain­te­té à Besançon en 1439, et qui fut rem­pla­cé comme Père spi­ri­tuel par le P. Pierre de Vaux. Les épreuves cepen­dant n’étaient point finies. Saint Jean de Capistran vint, en effet, à Besançon en 1442 avec la mis­sion de réduire les familles fran­cis­caines à une seule obser­vance. Il lais­sa cepen­dant vivre la réforme accom­plie par Colette.

La réforme des Clarisses pénètre dans le nord de la France et en Flandre. En 1442, Colette fonde les cou­vents d’Hesdin et de Gand ; en 1445, celui d’Amiens. Le 6 décembre 1446, la réfor­ma­trice est à Gand ; elle annonce sa mort pro­chaine, et le lun­di 6 mars 1447, elle s’éteint dou­ce­ment, en cette der­nière ville, de la mort des Saints.

Mort de sainte Colette. – Son culte.

Aussitôt la véné­ra­tion publique écla­ta, et, six ans après, on com­men­çait les infor­ma­tions cano­niques sur la sain­te­té de vie, les ver­tus et les miracles de la ser­vante de Dieu. En 1472, la cause était pré­sen­tée en cours de Rome ; les évé­ne­ments en retar­dèrent la marche ; mais le culte public n’en conti­nua pas moins. Après la peste de 1469, l’af­fluence devint si grande auprès du tom­beau de la réfor­ma­trice qu’il fal­lut y éri­ger une sorte d’abri, puis, en 1536, trans­fé­rer le corps dans une cha­pelle de l’église du couvent. De Gand, ses restes furent trans­por­tés à Arras, en 1677, pen­dant la guerre des Gueux, de nou­veau à Gand sept ans après, puis à Poligny en 1783.

En 1604, les Colettines de Gand, puis tous les Franciscains de Belgique, purent célé­brer, le 6 mars, la fête de la bien­heu­reuse Colette ; en 1722, cette per­mis­sion fut éten­due aux Clarisses de Besançon et de Poligny. De nou­veau intro­duite en 1789, sous Clément XII, la cause abou­tit le 24 mai 1807, sous le pon­ti­fi­cat de Pie VII, à la cano­ni­sa­tion solen­nelle de « la petite ancelle (ser­vante) du Seigneur ». Enfin Pie X, en 1909, éten­dait sa fête à tous les dio­cèses de la France et de la Belgique, ain­si qu’à leurs colonies.

A. Pidoux de Maduère.

Sources consul­tées. – Alphonse Germain, Sainte Colette de Corbie (Paris, 1901). – A. Pidoux, Sainte Colette (Collection Les Saints, 1906). – R. P. Ubald d’Alençon, Les vies de sainte Colette écrites par le P. Pierre de Vaux et Sœur Perrine de Baume (Paris, 1911). – E. Sainte-​Marie Perrin, La belle vie de sainte Colette de Corbie (Paris, 1921). – (V. S. B. P., nos 159, 678, 1432 et 1621).