Sainte Prisque

Sainte Prisque, par Adriaen Collaer, Anvers, ca. 1610. CC 1.0

Vierge et mar­tyre à Rome (+ 54 ou vers 270) 

Fête le 18 janvier.

Il est natu­rel – car le sur­na­tu­rel pos­sède une inex­pri­mable force attrac­tive à laquelle n’échappent point tota­le­ment même les scep­tiques qui le com­battent, – que la tou­chante et rayon­nante per­sonne de la jeune sainte Prisque, comme aus­si les actes drama­tiques de son sup­plice, pré­lude mer­veilleux d’une auréole immor­telle, aient cap­ti­vé et rete­nu un très grand nombre d’historiens. Sur elle ils ont écrit avec une admi­ra­tive com­plai­sance, et leurs louanges s’unissent à la glorifier.

Incertitudes chronologiques.

Ils se dépar­tagent lorsqu’il s’agit de l’époque de son bref mais héroïque pas­sage ici-​bas. S’ils conviennent qu’elle a souf­fert le mar­tyre sous l’empereur Claude, l’accord ne se fait point sur l’identité de cet empe­reur. Est-​ce Claude 1er, qui gou­ver­na en l’an 41 de Jésus-​Christ ? Est-​ce Claude II qui suc­cé­da à Gallien en l’an 268 ? Plusieurs penchent pour ce der­nier. Cependant, la ques­tion fort à fond dis­cu­tée, le car­di­nal Baronius ne juge pas hors d’apparence de tenir pour le pre­mier, pour­vu qu’au lieu de par­ler de la troi­sième année de son empire, on le fasse de la trei­zième. De leur côté, Baillet et Godescart se pro­noncent pour le règne de Claude II.

Mais là ne se bornent pas les diver­gences ou, tout au moins, les légi­times hési­ta­tions. L’âge de Prisque devient, lui aus­si, un sujet contro­ver­sé. Les uns ne lui donnent que 10 ans, les autres 11, la plu­part, avec le Bréviaire romain, 13. C’est dire qu’un cer­tain mys­tère demeure autour d’elle, comme si tant de mer­veilles de la puis­sance divine se vou­laient ceindre d’un nimbe inac­ces­sible à la curio­sité des hommes. Qu’il suf­fise donc, quoi qu’il en puisse être des cir­cons­tances, de rete­nir la réa­li­té de la sub­stance de l’histoire. Loin de méri­ter le nom de légende, elle enri­chit, dans sa sur­na­tu­relle splen­deur, les annales des pre­miers temps, des temps peut-​être les plus dou­lou­reu­se­ment sublimes de l’Eglise.

Le « pontifex maximus ».

Le pon­ti­fex maxi­mus, celui, du moins, qui, à l’époque de ce récit, se donne pour le pon­tife suprême et veut en assu­mer la pres­tigieuse auto­ri­té morale, exem­plaire, quant à la pré­ten­tion et à l’apparence, n’est autre que l’empereur en per­sonne. Il est le juge sans appel. Il s’appelle Claude. Les chré­tiens, pour lui, car ain­si le dit la loi, incarnent l’image effroyable des enne­mis poli­tiques les plus dan­ge­reux. Ne la pra­ti­quant d’aucune sorte en dépit de toutes les menaces, ils ne redoutent pas de s’élever contre la reli­gion d’Etat, la reli­gion aux dieux mul­tiples, aux dieux que l’on habille de toutes les fai­blesses, de tous les pen­chants de l’humanité, que l’on figure en or, marbre ou airain, et que l’on apaise ou remer­cie avec le sang des vic­times. Les chré­tiens ren­versent l’ordre établi.

Ce n’est pas qu’ils ne se montrent point res­pec­tueux de l’autorité. Tout empe­reur et tout-​puissant qu’il soit, Claude aurait mau­vaise grâce à mécon­naître, au fond de soi-​même, leur scru­pu­leuse atten­tion pour rendre à César ce qui lui appar­tient. Bien au contraire. Ils ont seule­ment à ses yeux un tort impar­don­nable : ils refusent d’adopter d’autre croyance que la leur en un seul Dieu, dont Je Fils, Dieu et homme, a été, affirment-​ils, cru­ci­fié pour la rédemp­tion du monde. Par là, ils dressent une bar­rière entre l’Etat, vivant et agis­sant dans la per­sonne et par­lant par la bouche de l’empe­reur, c’est-à-dire de Claude, gar­dien de la sau­ve­garde de l’Etat, de ses pré­ro­ga­tives abso­lues, de son intro­mis­sion tyran­nique dans tous les domaines.

Claude fera donc ce qu’il estime de son devoir de faire. Il se donne, d’ailleurs, des atti­tudes recher­chées, habi­le­ment étu­diées, de conscien­cieux modèle. Champion des tra­di­tions et des cou­tumes, le voi­ci, lui-​même, sacri­fiant aux idoles, dans le temple d’Apollon. Appliqué à s’ériger en exemple, il entend bien que tons l’imitent et le suivent. Les vaines immo­la­tions ache­vées, Claude, dans la litière qui le ramène au palais, tourne et retourne ses pen­sées et ses des­seins impé­rieux. La clé­mence effleura-​t-​elle ou maîtrisa-​t-​elle les mou­ve­ments de son cœur auto­ri­taire ? Est-​ce par un édit lan­cé en per­ma­nence ou par une mesure d’exception qu’il ordon­na aus­sitôt de pour­suivre et de frap­per les chré­tiens qui s’opposeraient à faire hom­mage, comme lui et après lui, à Apollon ? Nul. à cause de l’époque incer­taine dont il est par­lé, ne le sau­rait dire. Quoi qu’il en soit, la sol­da­tesque fouille les coins et les quar­tiers de Rome aus­si bien que la cam­pagne et s’empare des chrétiens.

La rencontre de Claude avec sainte Prisque. – Convoitise et premières cruautés.

Dans une église où elle fait orai­son, on trouve et on arrête Prisque, dont le père, par trois fois déjà, avait été hono­ré de la charge de consul. Rayonnante, sans pareille, est sa beau­té par­faite, image can­dide et sublime de son âme. Sur l’heure, elle est conduite au palais sous bonne escorte. Lorsqu’elle paraît devant lui, Claude est ému, émer­veillé. Son émo­tion, son éton­ne­ment admi­ra­tif ne naissent que d’humaines convoi­tises. Tout de suite, en son esprit comme en son cœur, il songe à don­ner à la pré­ve­nue le rang d’impératrice. Il entend bien ne l’épouser que lorsqu’au préa­lable elle aura immo­lé aux divi­ni­tés. Prisque, avec une angé­lique et ferme man­sué­tude, lui répond :

– J’immolerai sans ver­ser le sang à mon Dieu et Seigneur Jésus.

Très joyeux, car il ne com­prend pas encore, il ordonne que la vierge soit menée au temple d’Apollon afin d’adorer cette idole. L’héroïque enfant, d’une façon plus que jamais ardente, ne cesse d’affirmer qu’elle ne flé­chi­ra le genou que devant le seul et vrai Dieu qui a fait le ciel et la terre, et devant son Fils unique, Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Ce disant, elle élève vers le ciel ses yeux fer­vents de prière et d’amour, cl au moment où elle cesse de par­ler la terre tremble, l’idole est mise en pièces, un quart du temple s’écroule, ense­ve­lis­sant sous ses décombres un grand nombre de païens et de prêtres. Le démon qui habi­tait l’idole se lamente et s’enfuit dans les airs, répan­dant la ter­reur au milieu d’un hor­rible fra­cas. Claude, fou de colère et de peur, s’enfuit, puis il com­mande que Prisque soit jetée en pri­son et rude­ment souf­fle­tée, mais ce sont ses bour­reaux qui éprouvent des tour­ments de damnés.

Nouvelles et vaines persuasions. – Nouveaux prodiges.

Dès le len­de­main, l’empereur sié­geait et fai­sait com­pa­raître une seconde fois devant lui la ser­vante du Seigneur. Irrité de plus en plus, parce qu’il la retrou­vait, tel un roc, tou­jours inébran­lable dans sa foi, il décré­tait qu’elle fût dépouillée de ses vête­ments et bat­tue de verges. Il avait comp­té, pauvre païen aveu­glé, sans Celui qui revêt les prai­ries de fleurs écla­tantes. Prisque fut pour­vue d’une parure mer­veilleuse, parure de clar­té sans égale qui la fit briller comme le soleil. A mesure que les hommes char­gés de son sup­plice mul­ti­pliaient leurs coups de lanières, sa chair d’autant s’épanouis­sait d’une céleste blan­cheur. Les yeux des gens, venus pour un atroce et san­glant spec­tacle, étaient, du coup, offus­qués par tant d’i­nef­fable lumière.

L’empereur, lui, redou­blait de cour­roux. Sa proie lui échap­pait, mais il espé­rait en être fina­le­ment maître. Une femme, une enfant encore, ne point céder, en défi­ni­tive, aux invites et injonc­tions de son abso­lu sou­ve­rain ! Audace, gageure, absurde témé­ri­té. La rai­son du plus fort serait, devait être la meilleure. La rigueur de châti­ments plus bar­bares, c’est-à-dire plus effi­caces, ne s’imposait-​elle pas ? Claude, rumi­nant sa ven­geance, écou­la, l’oreille char­mée, les conseils d’un cer­tain Liménius, un de ses parents, flat­teur vil et cour­tisan. Sur l’avis de cet homme, il fit enduire le corps de Prisque avec de la graisse fon­due, afin qu’elle per­dît ce lustre et cette beau­té qui sus­ci­taient l’admiration des yeux qui la regar­daient. L’effet eut un suc­cès contraire à la pen­sée et à l’es­poir du misé­rable. Au lieu d’une odeur fétide, ce lini­ment exha­la un par­fum très doux dont les païens eux-​mêmes per­çurent l’exquise sen­teur incon­nue. On juge de la cou fusion de Claude. Perdant tout cou­rage et tout contrôle de soi, il se reti­ra d’un pas de fuyard. Puis, sa colère exas­pé­rée le rejoi­gnant bien­tôt, il com­mit à son pré­fet le soin de faire déchi­rer le corps de la jeune fille avec des ongles de fer. Cela accom­pli, Prisque, tou­jours envi­ron­née de la même clar­té, fut recon­duite en sa pri­son dans l’injurieux état de nudi­té où elle se trouvait.

Dernières épreuves. – Mort de sainte Prisque.

Alors le pré­fet s’en va rendre compte à l’empereur de la mis­sion qu’il avait reçue de lui. Les ongles de fer, non seule­ment n’ont pu arra­cher à la patiente un demi-​mot du consen­te­ment espé­ré, mais encore ils l’ont lais­sée plei­ne­ment indemne et vivante. De même les coups d’épée ajou­tés de surcroît.

– Saine et sauve, dit en conclu­sion le pré­fet, je viens de la voir assise sur un trône par­mi une étin­ce­lante auréole de lumière.

– Donnez-​la aux bêtes, répon­dit l’empereur.

Au matin sui­vant, après des exhor­ta­tions et des menaces tou­jours vaines, on la reti­ra de son cachot pour l’exposer dans l’amphithéâtre aux fureurs mons­trueuses d’un lion affa­mé. Chaque jour, selon la cou­tume, on jetait à cet ani­mal – et cela, comme ce qui va suivre, rap­pelle le récit biblique de Daniel dans la fosse aux lions – six bre­bis en pâture. Depuis trois jours, le fauve en avait été sevré, au cas échéant de quelque repré­saille contre les chré­tiens. Il fit son entrée écu­mant et féroce, mais, dès qu’il aper­çut sa proie, il oublia sa cruau­té natu­relle et se cou­cha à ses pieds avec la tendre doci­li­té d’un agneau. C’en était trop. Sur un signe fol­le­ment cour­rou­cé de l’empereur, l’on se sai­sit de Prisque pour l’étendre sur un che­va­let, on lui tor­tu­ra bras et jambes, et on la jeta dans un bra­sier. Sur elle, le feu n’eut pas plus de prise que les autres tour­ments. Elle fut alors rame­née dans sa geôle, dont Claude, en per­sonne, scel­la la porte de son sceau.

Pour lui infli­ger un sur­croît d’ignominie, peut-​être aus­si pour lui ôter un voile natu­rel qui pro­té­geait sa pudeur, on lui avait rasé les cheveux.

La tête entiè­re­ment rasée, sainte Prisque est livrée aux fauves. Mais ceux-​ci lui pro­diguent leurs caresses.

La fin du cal­vaire était proche. Chacun put entendre les chants de pieuse allé­gresse que, du fond de sa réclu­sion, l’héroïne du Christ fai­sait mon­ter vers les cieux. Au troi­sième jour, l’empereur ordon­na un grand sacri­fice de tau­reaux dans un temple où Prisque fut, au préa­lable, enfer­mée. Tous la trou­vèrent assise au milieu des anges, dans l’éclat d’une beau­té sur­hu­maine et trans­fi­gu­rée. L’idole qu’ils allaient ado­rer tom­ba en poussière

Devant l’inefficacité de son pou­voir inhu­main et bar­bare, Claude, pour ache­ver cette longue page écrite en carac­tères de sang, fit tran­cher la tête vir­gi­nale hors de la porte d’Ostie, le 19 jan­vier de l’an de Notre-​Seigneur 54, selon que l’affirment cer­tains auteurs autorisés.

L’origine de l’église Sainte-Prisque.

A Rome, sur l’Aventin, s’élève l’église Sainte-​Prisque. Sinon confuse, son ori­gine est, en quelque manière, demeu­rée un sujet de recherches et de dis­cus­sions pro­fi­tables Là, dit-​on, il y avait, dans les pre­miers temps de l’histoire romaine, un autel consa­cré par Evandre – per­son­nage légen­daire qui pas­sait pour avoir civi­li­sé le Latium – à Hercule, et que rem­pla­ça, dans la suite, un temple de Diane que le P. Berthier et d’autres archéo­logues ont vou­lu situer à l’église Sainte-​Sabine. D’autres auteurs, tels que Borsari, Nardini, Canino, se montrent sans hési­ta­tion de l’opinion oppo­sée. Quoi qu’il en soit, l’Aventin ne tire point tout son renom et sa plus grande gloire de ce dont l’imagination et la reli­gion païenne l’ont peu­plé. Hormis les des­crip­tions ingé­nieuses ou même par­fois géniales que leur exis­tence mytho­lo­gique a pu ins­pi­rer ou sug­gé­rer, on se sou­cie peu ou point de Diane, d’Hercule, des satyres et des faunes, quand bien même Numa Pompilius, dési­reux de connaître le secret du ton­nerre, eût réus­si, comme le disait la fable, à cap­ter ces der­niers pour les enivrer de nec­tar. D’autres et com­bien plus émou­vants sou­ve­nirs, d’autres tra­di­tions, d’autres croyances histo­riques où règne le plus sou­vent une réelle véra­ci­té, se ren­contrent, se retrouvent, revivent sur cette col­line que saint Pierre habi­ta, où il prê­cha, où il bap­ti­sa tant de néo­phytes et peut-​être aus­si la toute jeune Prisque, la future martyre.

Le « titre » de Sainte-Prisque.

Il est fait men­tion, vrai­sem­bla­ble­ment pour la pre­mière fois, du « titre » ou église de Prisque (titu­lus Priscae), à la fin du ve siècle, dans les signa­tures du synode romain de 499, et, à la même époque, dans l’épitaphe d’un prêtre de cette église, du nom d’Adéodat. C’est pour­quoi cer­tains cri­tiques ont pré­ten­du que l’origine du titu­lus sem­blait due, d’après ces textes, à quelque dame illustre nom­mée Prisca ; celle-​ci aurait, selon la cou­tume, don­né son nom à sa fon­da­tion, et aurait été hono­rée par la suite avec l’appella­tion de sainte, ce qui expli­que­rait que l’église fût deve­nue le titu­lus sanc­tae Priscae dans les ins­crip­tions de synode de 595.

Il est ques­tion de l’église de l’Aventin au Liber Pontificalis, dans la Vie du Pape Hadrien qui refit la toi­ture, et dans celle du Pape Léon III, où le titre de Sainte-​Prisque reçoit le nom de deux titres, « Aquilée et Prisque », ou « Priscille ». Il s’agit là de deux époux chré­tiens, Grecs de natio­na­li­té et amis de saint Paul, dont l’Apôtre parle dans l’Epître aux Romains et dans la seconde Epître à Timo­thée. Ce serait une erreur de croire que cette der­nière déno­mi­na­tion soit l’effet d’une simple confu­sion de noms com­mise par tel ou tel scribe dis­trait. Il importe, plu­tôt, d’en cher­cher la rai­son dans ce que, comme on le redi­ra, la mai­son de sainte Prisque sur l’Aventin fut habi­tée au viiie siècle par des Grecs, qui intro­dui­sirent en cette église le culte de leurs compatriotes.

On ne sau­rait donc assez insis­ter sur le fait que la demeure de sainte Prisque ou, à tout le moins, celle d’Aquilée et Prisque, qui avait reçu le pre­mier évêque de Rome et le pre­mier Pape, avait ser­vi de lieu d’assemblée pri­vée (eccle­sia domes­ti­ca), au temps des persé­cutions. La paix reve­nue, elle avait été trans­for­mée en basi­lique. Ainsi l’enseigne la plus ancienne tra­di­tion. Dans le cata­logue de Pietro Natale, il est rap­por­té que le Pape saint Eutychien, qui gou­verna l’Eglise de 275 à 283, connut par révé­la­tion l’endroit où la jeune Prisque avait été ense­ve­lie. Avec des fidèles, il gagna la route d’Ostie et rame­na la pré­cieuse dépouille sur l’Aventin. Prisque fut, dès lors, hono­rée comme la pro­to­mar­tyre de l’Occident.

Transformations et embellissements. – Profanation.

En 772, le Pape Hadrien, ain­si qu’il a été dit, res­tau­ra l’église Sainte-​Prisque, et, en l’an 1003, ce monu­ment fut embel­li par Jean XVII ou XVIII. Ce Pontife y pla­ça le corps de sainte Prisque, pré­cé­dem­ment dépo­sé par Eutychien dans l’oratoire.

A l’aube du moyen âge, elle fut envi­ron­née d’une abbaye célèbre, puisqu’elle comp­tait par­mi les vingt-​deux abbayes pri­vi­lé­giées. Des moines Basiliens grecs en furent les hôtes et les des­ser­vants jus­qu’à l’époque où Alexandre II, en 1063, leur don­na pour suc­ces­seurs les Bénédictins de l’abbaye de Vendôme. Après nombre de vicis­si­tudes et de chan­ge­ments d’occupants, église et monas­tère tom­baient en ruines, étaient déserts en 1414. Ce fut Calixte III qui, en 1455, les res­tau­ra et refit le marbre de l’abside. Le temps, hélas ! n’était plus où la basi­lique pos­sé­dait deux entrées, était par­ta­gée en trois nefs aux qua­torze colonnes antiques qui, aujourd’hui, se trouvent enser­rées dans le mur des pilastres.

Le car­di­nal Benoît Giustiniani, Génois de nais­sance, la répa­ra en 1600, sur les des­sins de Charles Lombard d’Arezzo, y ajou­ta la façade, renou­ve­la la Confession et l’autel sou­ter­rain, qui était con­sacré, pense-​t-​on, à saint Pierre.

En outre, le même car­di­nal éri­gea d’abord une col­lé­giale avec six cha­noines et un archi­prêtre, mais ce ne fut point de longue durée ; peu de temps après, il y appe­la les Augustins de Sainte-​Marie du Peuple, aux­quels il fit don de l’église, du monas­tère et de son jar­din. Aux Augustins suc­cé­dèrent les Sœurs Augustines de Sainte-​Marie. Clément XII, en 1734, rédui­sit l’église au rang de la sta­ture actuelle.

En 1709, dans le petit jar­din avoi­si­nant, on trou­va une plaque de basalte par­se­mée d’hiéroglyphes. Non loin de là, sous Pie VI, fut décou­verte, en 1776, une ancienne mai­son romaine ornée de pein­tures et d’autres orne­ments chrétiens.

Parmi les car­di­naux titu­laires de Sainte-​Prisque, deux furent éle­vés au Souverain Pontificat : Jacques Fournier, qui devint Benoît XII, et régna de 1334 à 1342, et Jean de Médicis, le futur Pie IV, qui fut Pape de 1559 à 1565.

En même temps que toutes les églises et palais de Rome, à com­mencer par Saint-​Pierre et le Vatican, Sainte-​Prisque fut pro­fa­née en 1798, par les sol­dats du Directoire, lors de la fameuse expé­di­tion com­man­dée par le géné­ral Berthier. Comme au temps des Barbares ou plus récem­ment en 1527, par les troupes du traître conné­table de Bourbon que flé­trit Bayard mou­rant, la ville fut livrée à un abo­minable pillage ; les vases sacrés et les objets de valeur furent enle­vés, les orne­ments sacer­do­taux brû­lés pour en extraire l’or et l’argent.

Le culte.

Après ce qui vient d’être dit, il paraît bien super­flu de vou­loir démon­trer la dévo­tion mil­lé­naire envers sainte Prisque. Quelques-​unes de ses reliques ont été rap­por­tées en France par Galon, soixante-​troisième évêque de Paris, en l’an 1108 ; Jean, comte de Soissons et sei­gneur de Chimay, en Hainaut, apporte encore d’autres osse­ments en 1281 : ces der­niers périrent dans l’incendie de la ville de Chimay, lorsque les Français la sac­ca­gèrent, en 1552, au début de la der­nière cam­pagne contre Charles-Quint.

Les Actes de sainte Prisque ont une res­sem­blance éton­nante avec ceux de sainte Martine, en sorte qu’on lui donne aus­si pour attri­but l’aigle qui défend son corps, le lion qui se couche à ses pieds, l’épée avec laquelle on lui tran­cha la tête.

Le nom de sainte Prisque ne se trouve ni dans le mar­ty­ro­loge hié­ro­ny­mien ni dans le texte authen­tique du mar­ty­ro­loge de Bède, mais on le ren­contre dans la série des mar­ty­ro­loges de Florus, d’Adon, et dans le mar­ty­ro­loge romain.

Erection en paroisse de Sainte-​Prisque sur l’Aventin.

En ver­tu d’une nulle du 18 jan­vier 1934, Pie XI sup­pri­ma les deux paroisses de Sainte-​Marie in Cosmedin et de Saint-​Nicolas in Carcere et éri­gea en église parois­siale le vieux sanc­tuaire de Sainte-​Prisque, alors remis en état depuis peu de temps. Le ter­ri­toire de la nou­velle paroisse repré­sen­tait une par­tie de celui des deux sup­pri­mées, le reste étant dis­tri­bué entre les paroisses Sainte-​Marie in Campitelli, Saint-​Marc et les Saint-​Côme-​et-​Damien. Les reli­gieux Augustins qui occu­paient déjà l’église et le couvent voi­sin étaient char­gés d’assurer le minis­tère paroissial.

La paroisse Sainte-​Prisque fut inau­gu­rée le 4 février. Ce fut l’occasion de rap­pe­ler les sou­ve­nirs reli­gieux de l’Aventin, riche en églises, dont cha­cune pou­vait pré­tendre au titre de centre paroissial.

La dési­gna­tion de Sainte-​Prisque recon­naît pour ain­si dire la prio­ri­té de la vieille tra­di­tion qui situe en cet endroit la demeure de saint Pierre.

Dominique Roland-​Gosselin.

Sources consul­tées. – Acta Sanctorum, t. Il de jan­vier (Paris et Rome, 1863). – Mgr Paul Guérin, Les Petits Bollandistes, t. I (Paris, 1897). – Sainte-​Prisque sur l’Aventin (dans l’Osservatore Romano des 18 et 31 jan­vier 1934.)