Saint Étienne

Martyre de saint Etienne, Cathédrale Notre-Dame de Fribourg im Breisgau, Allemagne

Diacre et pre­mier Martyr (+ 35)

Fête le 26 décembre.

Vie résumée

On ignore si saint Étienne fut dis­ciple de Jésus-​Christ ou s’il fut conver­ti par les pré­di­ca­tions des Apôtres ; mais il est cer­tain qu’il se fit promp­te­ment remar­quer par ses ver­tus, et méri­ta d’être le chef des sept diacres élus par les Apôtres pour les aider dans les fonc­tions secon­daires de leur minis­tère. Le récit de son élec­tion, de sa pré­di­ca­tion et de son mar­tyre lui attri­bue cinq plé­ni­tudes. Il était plein de foi, parce qu’il croyait fer­me­ment tous les mys­tères et qu’il avait une grâce spé­ciale pour les expli­quer. Il était plein de sagesse, et nul ne pou­vait résis­ter aux paroles qui sor­taient de sa bouche. Il était plein de grâce, mon­trant dans tous ses actes une fer­veur toute céleste et un par­fait amour de Dieu. Il était plein de force, comme son mar­tyre en fut la preuve élo­quente. Enfin il était plein du Saint-​Esprit, qu’il avait reçu au cénacle par l’im­po­si­tion des mains des Apôtres.

Tant de ver­tus ne tar­dèrent pas à pro­duire dans Jérusalem d’a­bon­dants fruits de salut. Étienne, éle­vé à l’é­cole de Gamaliel, dans toute la science des Juifs, avait même une auto­ri­té spé­ciale pour conver­tir les prêtres et les per­sonnes ins­truites de sa nation. Ses miracles ajou­taient encore au pres­tige de son élo­quence et de sa sain­te­té. De tels suc­cès exci­tèrent bien­tôt la jalou­sie ; on l’ac­cu­sa de blas­phé­mer contre Moïse et contre le temple.

Étienne fut traî­né devant le Conseil, répon­dit vic­to­rieu­se­ment aux attaques diri­gées contre lui, et prou­va que le blas­phème était du côté de ses adver­saires et de ses accu­sa­teurs. A ce moment le visage du saint diacre parut écla­tant de lumière comme celui d’un ange. Mais il avait affaire à des obs­ti­nés, à des aveugles. Pour toute réponse à ses paroles et au pro­dige céleste qui en confir­mait la véri­té, ils grin­çaient des dents contre lui et se dis­po­saient à la plus noire ven­geance. Afin de rendre leur conduite plus cou­pable, Dieu fit un nou­veau miracle ; le ciel s’en­tr’ou­vrit et le Saint, levant les yeux en haut, s’é­cria avec ravis­se­ment : « Je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » A ces mots ses enne­mis ne se contiennent plus ; ils poussent des cris de mort, entraînent le mar­tyr hors de la ville et le lapident comme un blas­phé­ma­teur. Étienne, calme et sou­riant, invo­quait Dieu et disait : « Seigneur, rece­vez mon esprit!… Seigneur, ne leur impu­tez point ce péché. » Saul, le futur saint Paul, était par­mi les bour­reaux. « Si Étienne n’a­vait pas prié, dit saint Augustin, nous n’au­rions pas eu saint Paul. »

Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’an­née, Tours, Mame, 1950

Version longue

Les Pères de l’Eglise, saint Augustin, saint Fulgence, saint Pierre Damien et d’autres n’ont pas trou­vé assez de louanges pour célé­brer Etienne, le pre­mier diacre et le pre­mier mar­tyr de l’Eglise, au nom pré­des­ti­né puisqu’en grec il signi­fie couronné.

Nous avons peu de détails sur les années de sa jeu­nesse. On croit qu’il était né d’une de ces familles juives qui habi­taient les pro­vinces de l’ancien empire grec.

L’école de Gamaliel.

Il y avait à Jérusalem quelques écoles de syna­gogues où l’on voyait accou­rir des pro­vinces une foule de jeunes gens dési­reux d’apprendre la loi de Moïse, les céré­mo­nies et les tra­di­tions des anciens dans la capi­tale même de la Judée.

Parmi ces écoles, se fai­sait sur­tout remar­quer celle du pha­ri­sien Gamaliel, l’homme le plus rai­son­nable qui se trou­vât dans le Sanhédrin, celui-​là même qui, au rap­port de saint Luc, était véné­ré de tout le peuple et qui fit relâ­cher les apôtres.

Son école comp­tait près de mille dis­ciples, à la tête des­quels se dis­tin­guait, par son zèle, sa science et la pure­té de sa vie, un jeune Cilicien du nom de Saul, que Dieu devait ensuite conver­tir mira­culeusement, pour en faire l’Apôtre des Gentils. Cette école devait don­ner encore deux de ses dis­ciples à l’Eglise nais­sante : saint Barnabé et saint Etienne. Gamaliel lui-​même se conver­tit plus tard et mou­rut saintement.

Ce fut donc auprès de ce rab­bi qu’Etienne étu­dia les Saintes Ecri­tures, avec Saul, que l’on croit avoir été son cousin.

Il devint dans la suite dis­ciple de Jésus, comme le pensent saint Augustin et saint Epiphane ; d’autres disent qu’il fut gagné par les pré­di­ca­tions de Pierre, aus­si­tôt après la des­cente de l’Esprit-Saint.

Ce qui est cer­tain, c’est qu’il se fit bien vite remar­quer par la plé­ni­tude de sagesse et de zèle qui était en lui.

Election des sept diacres.

En ce temps-​là, le nombre des dis­ciples crois­sant dans l’Eglise nais­sante de Jérusalem, il s’éleva un mur­mure par­mi les Juifs nés hors de Palestine, et que l’on nom­mait Hellénistes (Juifs de Grèce), contre les Juifs nés en Judée et qui s’appelaient Hébreux. Les pre­miers se plai­gnaient que les veuves de leur nation étaient mépri­sées dans le minis­tère quo­ti­dien, ou parce qu’on ne leur don­nait point d’intendances aus­si consi­dé­rables qu’aux autres veuves dans l’assis­tance des pauvres, car d y avait des veuves choi­sies pour prendre soin des per­sonnes de leur sexe et qu’on appe­lait dia­co­nesses, ou parce qu’on ne les trai­tait pas aus­si bien que les autres dans la dis­tribution des aumônes.

C’est pour­quoi les douze apôtres, ayant réuni les dis­ciples, leur dirent : « Il n’est point conve­nable que nous aban­don­nions la pré­dication de la parole de Dieu pour nous occu­per du ser­vice des tables. Choisissez donc, ô frères, par­mi vous, après mûr exa­men, sept hommes de bon témoi­gnage, pleins du Saint-​Esprit et pleins de sagesse, que nous met­trons à la tête de cette œuvre. Et pour nous, nous nous adon­ne­rons tout spé­cia­le­ment à la prière et au minis­tère de la parole. »

Cette pro­po­si­tion plut à toute l’assemblée, et les dis­ciples élurent Etienne, homme plein de foi et de l’Esprit-Saint, Philippe, Prochorus, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, pro­sé­lyte d’Antioche.

Ils les pré­sen­tèrent ensuite aux apôtres, qui, après avoir prié, leur impo­sèrent les mains. Telle fut la pre­mière ordi­na­tion des diacres dans la Sainte Eglise.

Les cinq plénitudes de saint Etienne.

Les ver­tus d’Etienne lui méri­tèrent d’être ain­si choi­si le pre­mier, et l’Esprit-Saint lui-​même, par la voix de saint Luc, a pris soin de nous les faire connaître. Le texte sacré lui attri­bue, en effet, cinq plénitudes.

II était plein de foi, parce qu’il croyait avec fer­me­té tous les mys­tères de la foi, et qu’il avait un don par­ti­cu­lier pour les expli­quer et persuader.

Il était plein de sagesse, aus­si per­sonne ne pou­vait résis­ter aux paroles qui sor­taient de sa bouche.

Il avait encore la plé­ni­tude de la grâce, car il était fort agréable à Dieu, il pos­sé­dait tous les dons gra­tuits, et cette grâce se répan­dait au dehors ; elle parut sur­tout lorsque ses enne­mis l’accusèrent devant le Sanhédrin.

Il était aus­si plein de force, et son glo­rieux mar­tyre en fut la preuve la plus frappante.

Enfin, il avait la plé­ni­tude de l’Esprit-Saint qu’il avait reçu, au jour de la Pentecôte, ou plus tard, par l’imposition des mains des apôtres.

Saint Augustin ajoute à tant de dons et de mérites la grâce de la vir­gi­ni­té : car, dit-​il, mal­gré sa jeu­nesse et la beau­té de ses traits, les apôtres n’hésitèrent pas à lui don­ner l’intendance des veuves.

Ses succès excitent la jalousie.

Tant de ver­tus réunies ne tar­dèrent pas à por­ter d’heureux fruits dans Jérusalem. Par son zèle, la parole de Dieu se répan­dait de plus en plus dans la Ville Sainte, et le nombre des dis­ciples allait tou­jours croissant.

Etienne, en effet, pour confir­mer la doc­trine sainte qu’il annon­çait, fai­sait des pro­diges et de grands miracles par­mi le peuple, et atti­rait une foule de Juifs à la foi de Jésus-Christ.

Poussés par l’envie et par un faux zèle pour la loi, qu’ils s’imagi­naient être détruite par l’Evangile, quelques membres de diverses syna­gogues dites des Affranchis, des Cyrénéens, des Alexandrins, des Ciliciens et des Asiatiques, se mirent à dis­cu­ter avec Etienne et à vou­loir le confondre. Ils employèrent toute leur sub­ti­li­té pour détruire la doc­trine du saint diacre, mais ils furent tou­jours vain­cus, sans pou­voir jamais répondre à ses argu­ments, ni résis­ter à la sagesse et à l’Esprit Saint qui par­lait par sa bouche.

Accusé et conduit devant le Sanhédrin.

La honte d’avoir été confon­dus les por­ta aux extré­mi­tés les plus indignes. Alors, ils subor­nèrent des misé­rables pour dire qu’ils l’avaient enten­du pro­fé­rer des paroles de blas­phème contre Moïse et contre Dieu.

Ils exci­tèrent ain­si le peuple, les Anciens et les Scribes, et, se jetant à l’envi sur lui, ils l’enlevèrent et le condui­sirent avec vio­lence devant le Conseil.

En même temps, ils pro­dui­sirent les faux témoins qui dirent : « Cet homme ne cesse point de pro­fé­rer des paroles de blas­phème contre le Temple et contre la Loi. Nous l’avons, en effet, enten­du dire que Jésus de Nazareth détrui­ra ce lieu et chan­ge­ra les tra­di­tions que nous a lais­sées Moïse. »

Et tous ceux qui sié­geaient dans le Conseil, ayant jeté les regards sur Etienne, virent son visage écla­tant de lumière, comme celui d’un ange.

Réponse de saint Etienne.

Contrairement à son Maître qui avait gar­dé le silence devant ses juges, Etienne prit alors la parole, et, s’oubliant lui-​même, il ne se pré­oc­cu­pa que de défendre la véri­té et de pro­cla­mer la gloire de Jésus-​Christ. Pourquoi Etienne ne garda-​t-​il pas lui aus­si le silence ? Parce que, fait remar­quer saint Augustin, « son Seigneur même avait dit : Ce que je vous enseigne dans les ténèbres, publiez-​le au grand jour ; et ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-​le sur les toits. »

Il com­men­ça à remettre devant les yeux de l’assemblée toutes les grâces que leur nation avait reçues de Dieu depuis Abraham jusqu’à Jésus-​Christ. Il leur rap­pe­la la pro­phé­tie de Moïse tou­chant le Messie ; il leur remit en mémoire toutes les ingra­ti­tudes et toutes les révoltes de leurs pères.

On l’avait trai­té de blas­phé­ma­teur contre Moïse et contre le Temple ; mais Etienne réfu­ta vic­to­rieu­se­ment ces calom­nies, et il prou­va que le blas­phème et l’impiété n’étaient pas de son côté, mais du côté de ses accu­sa­teurs, dignes fils de leurs pères. « Têtes dures et inflexibles, leur dit-​il dans une sainte indi­gna­tion contre leur incré­du­li­té, cœurs et oreilles incir­con­cis, vous résis­tez tou­jours au Saint-​Esprit, et vous êtes tels que furent vos pères. Quel est le pro­phète que vos pères n’aient point per­sé­cu­té ? Ils ont mis à mort ceux qui leur pré­di­saient la venue du Juste que vous venez de tra­hir, et dont vous avez été les meur­triers. Vous avez reçu la loi par le minis­tère des anges, mais vous ne l’avez point gardée. »

A ces paroles, ils entrèrent dans une rage qui leur ron­geait le cœur, et ils grin­çaient des dents contre lui.

Saint Etienne voit les cieux ouverts.

Alors, le ciel s’ouvrit, comme pour encou­ra­ger le saint ath­lète de Jésus-​Christ, et Etienne, tout rem­pli de l’Esprit-Saint, levant les yeux au ciel, vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à sa droite ; et dans sa joie et son admi­ra­tion, il s’écria : « Voici que je vois les cieux ouverts, et le Fils de l’homme qui est debout à la droite de Dieu. »

Ses enne­mis, en enten­dant ces paroles, pous­sèrent des cris de mort ; ils se bou­chèrent les oreilles et se ruèrent tous sur lui.

Devant le Sanhédrin saint Etienne voit les cieux ouverts.

Le martyre.

Et l’ayant entraî­né hors de la ville, à quelque dis­tance de la porte du Nord, appe­lée aujourd’hui porte de Damas, ils se mirent à le lapi­der, selon qu’il était ordon­né dans la Loi.

Les faux témoins dépo­sèrent leurs vête­ments aux pieds du jeune Saul, appe­lé plus tard à une écla­tante conver­sion sur le che­min de Damas, et jetèrent les pre­mières pierres contre le martyr.

Or, pen­dant qu’ils le lapi­daient, Etienne, debout, invo­quait Dieu et disait : « Seigneur, rece­vez mon esprit. » Le saint diacre, dit saint Augustin, « se tenait debout afin d’exprimer la confiance qu’il res­sen­tait en lui-​même pour avoir bien lut­té, bien com­bat­tu, pour n’avoir pas flé­chi devant l’ennemi, pour avoir mépri­sé la peur, dédai­gné la chair, vain­cu le monde et le démon ».

Puis, s’étant mis à genoux, il s’écria à haute voix : « Seigneur, ne leur impu­tez point ce péché. » Après ces paroles, Etienne s’en­dormit dans le Seigneur.

C’était le 26 décembre, et pro­ba­ble­ment de l’an­née 35 de l’ère chrétienne.

C’est ain­si que les Actes des Apôtres nous rap­portent la glo­rieuse mort du pre­mier mar­tyr, qui méri­ta à l’Eglise le grand Paul, apôtre des Gentils, car, dit saint Augustin, si Etienne n’avait pas prié, l’Eglise n’aurait pas eu saint Paul.

Après sa mort, des hommes crai­gnant Dieu prirent soin de son corps, et firent ses funé­railles en grande pompe.

La mémoire de saint Etienne fut si hono­rée des pre­miers fidèles que les apôtres saint Pierre et saint Paul, nous dit le Pape saint Clément, ordon­nèrent de fêter le jour de son martyre.

Martyre de saint Etienne. Image tirée d’un caté­chisme italien.

Révélation du lieu de sa sépulture.

Le ven­dre­di 3 décembre de l’an 415, sous les empe­reurs Honorius et Théodose le Jeune, saint Innocent Ier étant Pape, un prêtre véné­rable, nom­mé Lucien, dor­mait dans le bap­tis­tère de l’église de Caphargamala. C’était sa cou­tume de pas­ser ain­si la nuit, pour gar­der les vases sacrés de l’église. Vers la troi­sième heure, il vit appa­raître un vieillard majes­tueux, qui le tou­cha avec une verge d’or et l’appela par trois fois, puis il ajouta :

– Pars pour Jérusalem, et dis à Jean, qui en est évêque, de venir ouvrir les tom­beaux où les restes illustres de plu­sieurs grands Saints gisent sans honneur.

– Seigneur, qui êtes-​vous, deman­da Lucien, et quels sont les Saints dont vous parlez ?

– Je suis, répondit-​il, le doc­teur juif Gamaliel, qui ai éle­vé l’apôtre du Christ, Paul. A l’orient du tom­beau où repose mon corps, se trouve aus­si celui d’Etienne, que les Juifs lapi­dèrent hors de la porte sep­ten­trio­nale de Jérusalem sur la route de Cédar. Son corps res­ta là, expo­sé pen­dant plu­sieurs jours, sans que les oiseaux ni les bêtes osassent y tou­cher. J’avais aimé, durant sa vie, ce ministre de Jésus-​Christ, je par­ta­geais désor­mais sa foi, et vou­lais avoir part à son héri­tage. J’allai donc trou­ver les fidèles de Jérusalem, et je les enga­geai à se rendre secrè­te­ment au lieu où gisait son corps ; ils purent s’en sai­sir et, le pla­çant sur mon char, ils le trans­por­tèrent à vingt milles de Jérusalem, dans ma mai­son de cam­pagne qui porte encore mon nom (Caphargamala signi­fie « vil­la de Gamaliel »). Là, nous fîmes pen­dant qua­rante jours les funé­railles solen­nelles, et je le mis dans mon propre tom­beau. Nicodème, qui venait voir Jésus de nuit, est à côté, dans un autre cer­cueil. Les Juifs, ayant su qu’il avait été bap­ti­sé par les dis­ciples du Christ, le chas­sèrent de la ville. Je le reçus dans ma mai­son où il ter­mi­na ses jours, et je l’ensevelis à côté d’Etienne. J’enterrai encore dans le même tom­beau mon fils Abibas, qui mou­rut avant moi, à l’âge de vingt ans, après avoir reçu, comme moi, le bap­tême de la main des apôtres. Et plus tard, mon corps fut dépo­sé près du sien.

Le prêtre deman­da alors :

– Mais où pourrons-​nous trou­ver votre sépulcre ?

– Au milieu du champ qui se nomme main­te­nant Delagabria (les hommes de Dieu).

Après ces mots, la vision dis­pa­rut. Le prêtre Lucien sem­bla se réveiller alors comme d’un songe, et il se mit à prier avec ferveur.

Craignant qu’un excès de cré­du­li­té ne le fît trai­ter d’imposteur, Lucien, pour s’assurer que cet aver­tis­se­ment venait de Dieu, deman­da dans sa prière que cette vision se renou­ve­lât une deuxième et une troi­sième fois, et, pour méri­ter cette faveur, il jeû­na plu­sieurs jours.

Le ven­dre­di sui­vant, le vieillard lui appa­rut de nou­veau dans les mêmes cir­cons­tances ; il lui repro­cha de n’être pas allé voir l’évêque de Jérusalem, puis lui mon­tra de quelle façon étaient dis­po­sés les corps dans le tom­beau, en lui fai­sant voir quatre cor­beilles pla­cées régu­liè­re­ment. Il y en avait trois d’or et une d’argent. Des trois pre­mières, l’une était pleine de roses rouges ; elle figu­rait le mar­tyr Etienne ; les deux autres étaient pleines de roses blanches, qui repré­sentaient saint Nicodème et saint Gamaliel. La cor­beille d’argent, rem­plie de fleurs odo­ri­fé­rantes, figu­rait l’innocence du jeune Abibas.

Après cela, la vision dis­pa­rut. Lucien vou­lut encore attendre un autre signe, et le ven­dre­di sui­vant, 17 décembre, Gamaliel lui appa­rut une troi­sième fois, mais l’indignation écla­tait sur son visage. Après cette der­nière vision, Lucien par­tit pour Jérusalem.

L’évêque Jean, en enten­dant ces choses, pleu­ra de joie et com­manda au prêtre Lucien de com­men­cer les fouilles.

Invention et translation des reliques de saint Etienne.

Dès le len­de­main, Lucien réunit ses fidèles dans l’église de Caphargamala ; puis, après le chant des hymnes, on se diri­gea en pro­ces­sion vers le champ indi­qué. Un véné­rable moine du nom de Migetius, à qui Gamaliel était éga­le­ment appa­ru, indi­qua le lieu pré­cis du tom­beau. Les chré­tiens se mirent à fouiller à cet endroit, et bien­tôt l’on vit appa­raître trois cer­cueils. Le pre­mier por­tait pour ins­crip­tion un nom syriaque écrit en grec, Celiel, ce qui signi­fie Etienne ou Couronné ; le second por­tait de même Nasuam, ce qui veut dire Nicodème ou Victoire du peuple. Le troi­sième, qui ren­fer­mait deux corps, por­tait l’ins­crip­tion Abibas et Gamaliel.

L’évêque de Jérusalem, aver­ti, vint aus­si­tôt avec les évêques de Sébaste et de Jéricho, au bourg de Caphargamala.

Dès qu’on eut ouvert le cer­cueil de saint Etienne, la terre se mit à trem­bler. En même temps, il s’exhala un par­fum très agréable qui frap­pa tous les assis­tants. Soixante-​treize malades de tout genre qui se trou­vaient dans la foule furent gué­ris à l’instant.

Les évêques, après avoir bai­sé les reliques du pro­to­mar­tyr, les enfer­mèrent dans une châsse pré­cieuse. Puis on pro­cé­da, au chant des psaumes et des hymnes, à leur trans­la­tion à Jérusalem. A ce moment, une pluie bien­fai­sante com­men­ça à tom­ber et mit fin à la longue séche­resse qui déso­lait la contrée.

L’histoire de cette décou­verte et de cette trans­la­tion, écrite en grec par le prêtre Lucien lui-​même et tra­duite en latin par le prêtre espa­gnol Avit, pro­dui­sit une pro­fonde sen­sa­tion dans toute l’Eglise, et par­tout l’on sol­li­ci­ta la faveur de pos­sé­der quelques par­celles des reliques du glo­rieux saint Etienne. Déjà, la ville d’Ancône pos­sé­dait une des pierres qui avaient ser­vi à la lapi­da­tion du saint diacre : elle avait été appor­tée dans cette ville par un chré­tien témoin du martyre.

Miracles de saint Etienne à Mahon et à Hippone.

A l’époque de l’invention des reliques de saint Etienne, Paul Orose, prêtre espa­gnol, pas­sa en Afrique pour confé­rer avec saint Augustin, puis à Jérusalem pour consul­ter saint Jérôme. Il fut le pre­mier, qui appor­ta aux pays d’Occident des reliques du bien­heu­reux Etienne. Le prêtre Avit lui en don­na quelques par­celles pour l’évêque de Braga, en Lusitanie. Mais les Goths l’empêchèrent de pas­ser en Espagne, et il lais­sa les reliques à Mahon, prin­ci­pale ville de l’île Minorque. Sévère, évêque de l’île, s’y ren­dit afin de rece­voir ce tré­sor sacré et d’ouvrir des confé­rences avec les Juifs, fort nom­breux en cette ville. La pré­sence de ces reliques opé­ra un pro­dige éton­nant. En 418, dans l’espace de huit jours, cinq cent qua­rante Juifs se conver­tirent et deman­dèrent le baptême.

En 424, l’Eglise d’Hippone reçut une por­tion des reliques du pre­mier mar­tyr. Saint Augustin nous raconte dans ses écrits un grand nombre de miracles dont il fut le témoin oculaire.

A Césarée, dans l’Algérie actuelle, il y avait une famille consi­dérable de dix enfants. Le fils aîné se livra aux plus détes­tables excès, et s’emporta même jusqu’à lever sur sa mère une main par­ri­cide. Tous ses frères et sœurs, pré­sents à cette scène de vio­lence inouïe, ne firent rien pour pro­té­ger leur mère. Alors, celle-​ci, déses­pé­rée de tant d’ingratitude, lan­ça sur tous ses enfants une malé­dic­tion solen­nelle. A l’instant, le fils aîné fut pris d’un trem­ble­ment con­vulsif dans tout le corps. Dans l’espace d’une année, tous les autres enfants reçurent le même châ­ti­ment. Ils allèrent cacher leur honte dans d’autres pays, cher­chant leur gué­ri­son près des grands sanc­tuaires. Le second fils l’obtint, à Ravenne, par l’intercession du diacre saint Laurent. Le sixième et le sep­tième de ces enfants, Paul et sa sœur Palladie, vinrent à Hippone en 425. Le jour de Pâques, Paul se tenait debout, les mains appuyées sur la grille qui entou­rait la memo­ria du bien­heu­reux Etienne, lorsque subi­te­ment il fut gué­ri. Saint Augustin adres­sa la parole au peuple, et, mon­trant Paul, il dit : « Au lieu d’entendre un récit, vous assis­tez à un miracle ; au lieu d’un par­che­min, vous voyez la face rayon­nante d’un miraculé. »

Le mar­di de Pâques, il fit pla­cer Paul et Palladie sur les degrés de la chaire afin que le peuple les vît, le pre­mier, déjà gué­ri, mais la sœur encore agi­tée. Puis, les ayant fait reti­rer, il prê­cha sur le res­pect des enfants envers leurs parents, et la modé­ra­tion des parents envers leurs enfants. Mais, au milieu de son ser­mon, des cris de joie s’élevèrent dans l’église. Palladie venait à son tour d’être guérie.

Le reste du corps fut appor­té de Constantinople à Rome sous le pon­ti­fi­cat de Pelage Ier, vers 560, et dépo­sé dans le tom­beau de saint Laurent, au Campo Verano ; la fête de cette seconde trans­la­tion est le 7 mai.

Quant à l’invention et à la pre­mière trans­la­tion à Jérusalem, l’Eglise les célèbre le 3 août.

En France.

La France a voué une grande dévo­tion à saint Etienne ; sans comp­ter les cha­pelles et églises, treize cathé­drales le recon­naissent pour leur patron, et plu­sieurs, depuis l’époque des pre­miers prédica­teurs de la foi dans les Gaules.

A. R.

Sources consul­tées. – Actes des Apôtres (chap. vi-​vii). – Saint Augustin, Œuvre » ora­toires. – (V. S. B. P., n° 253.)