Patriarche de Constantinople, Docteur de l’Eglise (344?-407)
Fête le 27 janvier.
Jean, que son incomparable éloquence devait faire surnommer Chrysostome, c’est-à-dire Bouche d’or, naquit à Antioche, le 14 janvier, entre 344 et 347, de parents chrétiens et de noble condition. Le père, appelé Second, officier distingué de l’armée de Syrie, mourut prématurément, laissant dans les larmes sa jeune femme Anthusa et son unique enfant Jean, à peine sorti du berceau.
Veuve à l’âge de vingt ans, riche des dons de la nature et des grâces de la vertu, Anthusa refusa de convoler en de nouvelles noces, pour se consacrer au service de Dieu, à l’éducation de son fils et à la mémoire de son mari. Le fameux rhéteur païen Libanius d’Antioche, le plus célèbre professeur des belles-lettres de son siècle, ne put s’empêcher de dire un jour, en parlant d’elle : « Quelles femmes il y a parmi les chrétiens ! »
Confié à ce maître, Jean dépassa tous ses condisciples. Il reçut aussi des leçons de philosophie d’Andragatius ; et, à vingt ans, il débuta dans la carrière du barreau. Les discours du jeune avocat firent l’admiration de Libanius et de tous les amateurs d’éloquence.
Deux amis.
Par un regrettable abus, trop fréquent alors, Jean, quoique parvenu à l’âge adulte, n’était pas encore baptisé. Flatté par les applaudissements du monde, séduit par des rêves de gloire humaine, il aimait les théâtres, et sa vie, que Dieu voulait rendre si utile à son Eglise, semblait devoir s’écouler dans la vanité.
Heureusement, parmi les anciens condisciples du jeune orateur, il s’en trouvait un, plus cher et plus intime que tous les autres, qui se nommait Basile : c’était un chrétien non moins vertueux qu’aimable et instruit. « Vint un jour, dit Chrysostome, où Basile, ce bienheureux serviteur de Jésus-Christ, résolut d’embrasser la vraie philosophie de l’Evangile, la vie monastique… mais comme il était bon par excellence, il s’obstina à rester mon ami. » Peu à peu l’exemple et les exhortations de Basile déterminèrent Jean à s’instruire sérieusement de la religion chrétienne, et, vers 369, le jeune avocat reçut le baptême des mains de saint Mélèce, évêque d’Antioche.
Depuis ce jour, dit son historien Palladius, je défie qui que ce soit de prouver que Jean Chrysostome ait prononcé une parole de blasphème, de médisance ou de mensonge, se soit livré à un seul mouvement de colère, ou ait souffert qu’on tînt devant lui, même sous forme de plaisanterie, des propos injurieux contre le prochain.
Malgré de si rapides progrès dans la vertu, Basile n’était pas encore satisfait : il aurait voulu entraîner son ami à sa suite dans la voie parfaite des conseils évangéliques. Après bien des résistances, Jean, mesurant la vanité des choses de ce monde par la grande pensée de l’éternité, résolut de quitter Antioche pour aller se faire moine au désert. « Mais les touchantes instances de ma mère, dit-il, me privèrent du bonheur que Basile voulait me procurer… Elle me prit la main, me conduisit dans son appartement, et m’ayant fait asseoir près du lit où elle m’avait donné le jour, elle se mit à pleurer. Puis, en sanglotant, elle me dit des choses plus attendrissantes encore que ses larmes. Anthusa rappela au jeune homme la mort prématurée de son père, tout ce qu’elle avait sacrifié et souffert pour son éducation ; elle le supplia enfin avec tant d’instances de ne point la rendre veuve une seconde fois, en l’abandonnant, lui, son unique consolation en ce monde, que Jean se résigna à se faire, pour le moment, une solitude dans la maison paternelle, et à ne s’engager d’abord que dans les rangs du clergé séculier.
Il fut ordonné lecteur par saint Mélèce : c’était le plus important des Ordres mineurs. Pendant trois ans, il vécut dans l’intime société de ce prélat, modèle de douceur et de patience. Mélèce s’éprit d’une grande affection pour une si belle intelligence, et, prévoyant les destinées futures du nouveau clerc, il se plaisait à l’instruire dans les sciences sacrées. Celui-ci aidait Mélèce dans ses travaux et lui servait de secrétaire. Mais, en 370, l’empereur Valens, protecteur des ariens, envoya l’évêque d’Antioche en exil. Mélèce partit, laissant le troupeau fidèle à la garde du prêtre Flavien, Jean aida celui-ci avec un grand zèle dans ces tristes épreuves ; il gagna même à Jésus-Christ plusieurs de ses anciens condisciples, entre autres Maxime, qui fut plus tard évêque de Séleucie.
Jean et Basile, ces deux parfaits amis, s’encourageaient l’un l’autre dans le chemin de la sainteté, quand, vers 373, le bruit se répandit tout à coup dans Antioche que deux villes voisines les avaient choisis pour évêques. Jean, comprenant tout le bien que Basile pourrait faire à la tête d’un diocèse, l’envoie aussitôt chercher ; mais lui-même s’enfuit et se cache, pendant que l’on s’empare de son ami pour le sacrer évêque de Raphanée. Basile se plaignit vivement à Chrysostome de ce qu’il appelait sa trahison. A cette occasion, Jean composa son beau traité du Sacerdoce ; l’auteur y développe, d’une manière admirable, la grandeur et les devoirs d’une si auguste fonction, dont il se croyait indigne.
Moine et prêtre.
Jean venait d’échapper à l’épiscopat, mais tout faisait présager que ses admirateurs reviendraient à la charge, il n’hésita pas à courir au désert. Ce n’était pourtant pas sans craintes et sans révoltes de la nature que le fugitif prenait la courageuse détermination d’aller rejoindre les solitaires du mont Casius. Anthusa avait-elle cédé à ses instances ? Jean ne nous en dit rien, ce qui laisse supposer que sa mère était morte lorsqu’il quitta Antioche, en 374 ou 375, pour se retirer dans les montagnes encerclant la ville.
– Je me demandais à moi-même, raconte-t-il naïvement, comment je ferais pour avoir mon pain frais tous les jours ; je m’effrayais à la pensée qu’il me faudrait peut-être n’avoir d’autre huile à manger que celle dont on se servirait pour ma lampe. Et comment me réduire à n’avoir d’autre alimentation que de détestables légumes ? On me forcera peut-être à quelque dur travail, bêcher la terre, fendre du bois, porter de l’eau, et toutes les viles fonctions d’un mercenaire.
Mais, en dépit des effrois de la nature, Jean venait embrasser la règle religieuse avec une volonté si sincère, si énergique, si loyale, que, dès le premier soir de son séjour au monastère, Dieu remplit son âme de célestes consolations. Il ne souhaita plus qu’une chose : achever sa vie dans cette sainte retraite.
Nul n’a aimé la vie religieuse avec autant d’enthousiasme que Chrysostome. Avec quel amour il en chante les beautés dans son livre intitulé : Comparaison d’un roi et d’un moine ! L’empereur Valens ayant ajouté à tous ses crimes un décret qui ordonnait d’enrôler dans ses armées les moines catholiques, Jean protesta avec une éloquente indignation dans ses trois livres Contre les ennemis de la vie monastique ; il déclarait aux parents que nulle école ne valait le monastère pour former les jeunes gens à la vie chrétienne et surtout à la vie sacerdotale.
Depuis quatre ans, il était le modèle des moines du mont Casius par son assiduité à la prière, à la méditation des Ecritures, à la pénitence et au travail, quand ses frères voulurent le choisir pour abbé. Jean refusa et se retira dans une grotte voisine, d’où il ne sortait que le dimanche. C’est là qu’il acheva d’apprendre toute la Bible par cœur. Mais en même temps, il s’y livra à des austérités au-dessus de ses forces. Au bout de deux ans, une grave maladie d’estomac, compliquée de rhumatismes dus à l’humidité de sa caverne, l’obligea à venir se faire soigner à Antioche.
Dès qu’il fut un peu rétabli, Mélèce, revenu de l’exil, s’empressa de l’attacher à son Eglise en lui conférant, en 381, l’ordre du diaconat ; cinq ans après, l’évêque Flavien, successeur de Mélèce, élevait Jean Chrysostome au sacerdoce.
Pendant douze années consécutives, le nouveau prêtre fut l’apôtre de la ville d’Antioche. Une grande partie des admirables discours qu’il nous a laissés, entre autres ses homélies sur l’Evangile de saint Matthieu et sur les Epîtres de saint Paul, datent de cette période féconde de sa vie sacerdotale.
Avec une fermeté et une netteté admirables, avec une richesse d’éloquence inépuisable, avec une fougue extraordinaire de langage, il exposa tous les grands points de la morale évangélique ; il se fit l’avocat infatigable des pauvres ; il attaqua sans faiblesse l’orgueil, le luxe, la mollesse d’une société frivole et avide de plaisirs.
La sédition de 387
L’épisode le plus connu de la prédication de Chrysostome à Antioche est celui qui eut pour origine la sédition de 387.
A propos d’un nouvel impôt levé par l’empereur Théodose le Grand, la ville se révolta, maltraita les officiers du prince et traîna ses statues dans la boue. Le premier moment d’effervescence passé, ce fut une consternation générale à la pensée des châtiments terribles par lesquels l’empereur allait punir la cité coupable.
On n’entendait partout que gémissements. Déjà plusieurs avaient été jetés en prison. Tous tremblaient, beaucoup fuyaient. L’évêque Flavien partit pour Constantinople, afin d’aller implorer la clémence impériale. Mais il avait été devancé auprès de Théodose par les deux hauts-commissaires Césaire et Hellébique, qui avaient reçu pleins pouvoirs pour réprimer la sédition. Les mesures de rigueur que ceux-ci prirent, dès leur arrivée à Antioche, furent fort dures. Ils consentirent, grâce à l’intervention des moines descendus des montagnes environnantes, à suspendre l’exécution des sentences capitales. Mais la ville rebelle n’était point pour autant délivrée de ses craintes. Outre que l’avenir restait incertain, Césaire et Hellébique avaient fait jeter en prison tous les sénateurs qui n’avaient pas fui ; le titre de métropole de la province de Syrie, avec les avantages attachés à ce titre, avaient été enlevés à Antioche et transférés à sa rivale Laodicée. Le théâtre, le cirque et les thermes avaient été fermés, et c’était peut-être la privation à laquelle les habitants se montraient le plus sensibles.
Pendant tout le temps que dura l’absence de Flavien et qui coïncide à peu près avec le Carême de 387, Chrysostome réunit le peuple au pied des autels et prononça sa série célèbre de 21 homélies, généralement connues sous le nom d’Homélies sur les statues, par lesquelles il soutint tous les cœurs dans le repentir et la prière, dans le calme et l’espérance. Enfin, l’évêque arriva, porteur du pardon de Théodose ; la foule le porta en triomphe.
Saint Jean Chrysostome patriarche de Constantinople.
Dans tout l’empire, on parlait de la vertu et de l’éloquence du prêtre d’Antioche. L’an 397, mourut Nectaire, évêque de Constantinople, et l’on se réunit pour lui choisir un successeur. A peine Eutrope, ministre de l’empereur Arcadius, eut-il prononcé le nom de Jean Chrysostome, que le clergé et le peuple l’acclamèrent d’une seule voix.
Restait à arracher à la population d’Antioche son prédicateur bien-aimé : une émeute terrible était à craindre ; d’autre part, comment vaincre les humbles résistances de l’élu ? On recourut à la ruse. Astérius, comte d’Orient, vint, sans escorte, trouver Jean dans sa demeure, et l’invita à l’accompagner dans une promenade aux environs de la ville : il avait à l’entretenir de divers sujets. Chrysostome le suivit sans méfiance ; un pèlerinage dans quelque oratoire de martyr semblait devoir être le but de la promenade. Une fois hors de la ville, Astérius fit monter son compagnon dans son char. Alors, fouettant vigoureusement ses chevaux, le comte conduisit son prisonnier jusqu’à la ville de Parga, où il le remit aux officiers de l’empereur.
Jean fut amené à Constantinople ; le ministre Eutrope y avait convoqué un grand nombre d’évêques, entre autres le patriarche d’Alexandrie, Théophile, qui, malgré ses propres répugnances (il avait espéré obtenir le siège vacant pour une de ses créatures), sacra l’élu de Dieu, au milieu de l’allégresse universelle. C’était le 26 février 398.
Les difficultés étaient immenses pour un évêque, dans la capitale de l’Orient. Le nouveau pontife s’appliqua tout d’abord à ramener le clergé aux pures et austères vertus de sa sublime vocation ; il s’informait de la conduite de chacun de ses prêtres, il avertissait, corrigeait et, au besoin, chassait de l’Eglise.
Lui-même donnait l’exemple d’une vie tout apostolique. Sa pauvreté était celle d’un moine. Tout mets un peu recherché était banni de sa fable ; il ne mangeait qu’une fois le jour et ne prenait jamais de vin, sauf au temps des grandes chaleurs. Il ne donnait au sommeil que trois ou quatre heures par nuit. Le pontife avait une foi très vive au sacrement de l’Eucharistie, et saint Nil nous apprend qu’il vit parfois des anges entourer l’autel pendant le saint sacrifice.
Il réorganisa la pieuse Société de ces veuves consacrées au Seigneur qui, sous le titre de diaconesses, s’occupaient d’œuvres de zèle et de charité. Il mit à leur tête sainte Olympie, dont on disait à Constantinople : « L’impératrice Eudoxie reçoit les adulations de l’univers, mais la veuve Olympie entend les soupirs et les bénédictions de l’univers. » D’une haute noblesse, et veuve à vingt-trois ans, Olympie avait refusé de se remarier pour consacrer sa vie et sa fortune au service de Dieu et des pauvres. Ses aumônes étaient prodigieuses. C’est elle qui fournissait les secours nécessaires aux missionnaires que l’évêque de Constantinople envoyait en Phénicie, en Syrie, chez les Goths et chez les Scythes.
Grâce à elle et à d’autres âmes généreuses, grâce à ses propres largesses, Jean Chrysostome multiplia dans la ville impériale les asiles de charité et secourut des milliers d’indigents.
Le zélé pontife prêchait plusieurs fois par semaine et quelquefois sept jours de suite, malgré sa santé presque toujours débile. Le peuple quittait les cirques et les théâtres pour se presser autour de sa chaire. On ne se lassait pas de l’entendre ; souvent on l’interrompait, malgré lui, par des acclamations et des battements de mains. La piété refleurit dans Constantinople, et l’on vit des âmes généreuses s’élever, sous la direction de leur premier pasteur, à une haute perfection. Il y eut des conversions nombreuses, même parmi les hérétiques et les païens. Afin de combattre les ariens, Chrysostome composa des cantiques populaires, qui eurent un grand succès.
Le ministre Eutrope, tombé du faîte des honneurs et sur le point d’être massacré par la foule furieuse, se réfugia dans l’église, où l’évêque le sauva d’une mort immédiate en apaisant le peuple par ses deux homélies restées fameuses Sur la disgrâce d’Eutrope.
Un général goth, nommé Gainas, à qui l’empereur avait confié son armée, parut sur les hauteurs de Chalcédoine, à la tête de milliers de barbares, menaçant de mettre Constantinople au pillage, si on ne lui livrait trois des principaux patriciens de la capitale, qu’il voulait faire périr. La cour aux abois ne pouvait opposer aucune résistance. Chrysostome s’offrit pour accompagner les trois prisonniers ; il toucha le cœur du général, qui fit agenouiller devant lui ses enfants et fit grâce aux patriciens.
Dans une autre circonstance, ce même Gainas réclamait impérieusement une des églises de Constantinople pour les hérétiques ariens, ses coreligionnaires. L’empereur, n’osant refuser, priait Chrysostome de la désigner ; mais le saint évêque résista seul au général barbare et ne consentit jamais à livrer une église catholique aux sectateurs de l’hérésie.
Persécution. – Exil et mort.
Cependant, la liberté apostolique avec laquelle Chrysostome reprenait les vices des grands ne pouvait manquer de lui attirer des ennemis. L’impératrice Eudoxie, femme d’Arcadius, avide de richesses, ayant dépouillé injustement plusieurs de ses sujets, entre autres la veuve Théognoste, dont elle vola la vigne, les victimes supplièrent l’évêque d’intercéder en leur faveur. Jean Chrysostome osa adresser des remontrances paternelles à l’impératrice ; celle-ci s’en montra profondément irritée.
En même temps, le courageux pontife accueillait avec bonté les quatre principaux supérieurs des monastères de Nitrie en Egypte, injustement persécutés et chassés par l’indigne patriarche d’Alexandrie, Théophile. Or, peu après la fondation de Constantinople qu’on aimait à nommer la « Nouvelle Rome », le Concile général de Nicée avait formellement déclaré que l’évêque de l’ancienne Rome, successeur du Prince des Apôtres, restait toujours le premier des patriarches et le chef de l’Eglise. Innocent Ier, qui occupait alors la chaire de saint Pierre, ordonna qu’un Concile se réunirait à Constantinople, sous la présidence de ses légats, assistés de Jean Chrysostome, et que Théophile irait y répondre de sa conduite envers les moines de Nitrie.
Théophile, de concert avec Eudoxie, en profita pour perdre Chrysostome. A leur descente du navire, les légats du Pape furent arrêtés secrètement et envoyés en exil. Un conciliabule réuni, en 403, au palais du Chêne, près de Chalcédoine, sous la présidence de Théophile, cita le patriarche de Constantinople lui-même pour répondre à une série d’accusations calomnieuses. Jean, avec raison, refusa de s’y rendre. On le déclara coupable et indigne de l’épiscopat.
A la nouvelle que son évêque bien-aimé allait être envoyé en exil, Constantinople se souleva et, pendant trois jours, défendit héroïquement son pasteur. Celui-ci, pour éviter l’effusion du sang, se livra lui-même aux soldats qui l’embarquèrent de nuit pour l’Asie.
Mais le lendemain, apprenant son départ, le peuple se précipita en masse vers le palais impérial en poussant des cris d’indignation. L’impératrice, éperdue, s’écria toute en pleurs : « C’en est fait de nous ! Qu’on ramène Jean, ou l’empire nous échappe ! » Et elle écrivit de sa propre main à l’exilé pour le supplier de revenir.
Au lendemain de son retour triomphal, Chrysostome écrivit au Pape saint Innocent Ier pour le prier de déclarer nulle la sentence portée contre lui par Théophile ; le clergé de Constantinople fit de même, pendant que Théophile envoyait, de son côté, les actes de son faux concile. Le Pape, après avoir examiné le procès et interrogé quatre évêques venus exprès d’Orient, répondit à Chrysostome et au clergé de Constantinople pour condamner tout ce qu’avait fait le conciliabule du Chêne.
Mais à l’arrivée de ces lettres, Chrysostome n’était plus à Constantinople. Exilé de nouveau le 20 juin 404 par la haine de l’impératrice et de ses autres ennemis, il avait été traîné à Cucuse, à l’extrémité de la Cappadoce, sur les frontières de la petite Arménie, où il parvint soixante-dix jours après avoir traversé le Bosphore.
Du fond de son exil le proscrit paraissait encore trop redoutable. Dans l’espoir de lasser sa constance, ses ennemis lui assignèrent pour nouvelle résidence Pityonte, petite ville perdue sur la côte orientale de la mer Noire, au nord de la Colchide. Le 13 septembre 407, comme l’évêque arrivait à Comane, sous la garde de deux soldats, il s’arrêta, pour y passer la nuit, dans un oratoire dédié au martyr Basilisque. Ce Saint lui apparut et lui dit : « Courage, mon frère, demain nous serons ensemble. » Le lendemain, Chrysostome tomba épuisé sur la route et expira le même jour, après avoir reçu la sainte Communion.
En 438, le 27 janvier, les restes du glorieux confesseur de la foi furent triomphalement rapportés à Constantinople et déposés dans l’église des Apôtres. Ce fut le fils d’Eudoxie, Théodose II, qui accorda cette réparation solennelle à celui que sa mère avait proscrit. Le corps du Saint, apporté par les Croisés après la prise de Constantinople, repose aujourd’hui en la basilique de Saint-Pierre de Rome, sous l’autel du chœur du Chapitre. On sait qu’en cette même église la chaire du Prince des apôtres est soutenue par les statues de quatre Docteurs de l’Eglise ; saint Jean Chrysostome, qui est l’un des quatre grands Docteurs de l’Eglise grecque, a été choisi pour représenter l’Orient avec saint Athanase, tandis que saint Ambroise et saint Augustin représentent l’Eglise d’Occident.
La fête est de rite double depuis saint Pie V. Pie X a nommé, le 8 juillet 1908, saint Jean Chrysostome patron des orateurs sacrés.
A. H. L.
Sources consultées. – Aimé Puoch, Saint Jean Chrysostome (Collection Les Saints). – (V. S. B. P., nos 18 et 677.)