Assise II – 21 janvier 2002 – Communiqué de Mgr Fellay

Le 21 jan­vier 2002, Mgr Bernard Fellay, Supérieur géné­ral de la Fraternité Saint-​Pie X, ren­dait public un com­mu­ni­qué sur la 2e réunion inter­re­li­gieuse d’Assise. Il y expo­sait, entre autres, les rai­sons de l’indignation des catho­liques atta­chés à la Tradition.

Le pape Jean Paul II appelle les grandes reli­gions du monde et en par­ti­cu­lier les musul­mans à une grande réunion de prière à Assise, dans l’es­prit de la pre­mière réunion qui s’y tint en 1986 pour la paix. Cet évé­ne­ment pro­voque notre pro­fonde indi­gna­tion et notre réprobation

Parce que cela offense Dieu en son pre­mier com­man­de­ment.
Parce que cela nie l’u­ni­ci­té de l’Eglise et de sa mis­sion sal­va­trice.
Parce que cela conduit les fidèles tout droit à l’er­reur de l’in­dif­fé­ren­tisme.
Parce que cela trompe les mal­heu­reux infi­dèles et adeptes d’autres religions.

Le pro­blème ne vient pas de l’ob­jet de la prière, la paix. Prier pour la paix d’une part, cher­cher d’autre part à éta­blir et affer­mir la paix entre les peuples et les nations est une bonne chose. La litur­gie catho­lique est rem­plie de très belles prières pour la paix. Et de tout cœur, nous les fai­sons nôtres. De plus, les anges ayant annon­cé lors de la nais­sance de Notre Seigneur Jésus-​Christ la paix pour les hommes de bonne volon­té, il est tout à fait conve­nable d’in­vi­ter les fidèles à implo­rer du vrai Dieu un bien si grand en cette époque de l’année.

La rai­son de notre indi­gna­tion vient de la confu­sion, du scan­dale, du blas­phème liés à l’in­vi­ta­tion venant du Vicaire de Notre Seigneur Jésus-​Christ, unique média­teur éta­bli entre Dieu et les hommes, adres­sée à d’autres reli­gions de venir prier à Assise pour obte­nir la paix.

On a affir­mé que pour évi­ter tout syn­cré­tisme, l’on ne prie­rait pas » « ensemble », mais que chaque reli­gion prie­ra dans des salles dis­tinctes du couvent fran­cis­cain de la ville d’Assise. Le Cardinal Kasper a même très jus­te­ment affir­mé que « les chré­tiens ne peuvent pas prier avec les membres des autres reli­gions. » (Osservatore Romano, 5 jan 2002) Cela ne suf­fit pas pour dis­si­per le ter­rible malaise et la confu­sion ; ce sont bien toutes sortes de reli­gions qui prie­ront « cha­cune de leur côté » pour obte­nir de ces prières pro­non­cées en même temps de divers lieux un même objet : la paix. Le fait que toutes aient été invi­tées dans la même ville à prier en même temps pour un même but montre bien une volon­té d’u­ni­té ; le fait de devoir se sépa­rer montre cepen­dant la contra­dic­tion et l’im­pos­si­bi­li­té du pro­jet. La dis­tinc­tion est fac­tice en l’oc­cur­rence, bien qu’elle empêche, Dieu soit loué, une com­mu­ni­ca­tio in sacris directe. Cependant, le carac­tère syn­cré­tique de l’o­pé­ra­tion n’é­chappe à per­sonne. On en arrive, par des paroles trom­peuses, à nier la criante réa­li­té. Les mots ne veulent plus rien dire : nous irons à Assise non pour prier ensemble, nous irons ensemble pour prier… pas de syn­cré­tisme… etc.

Autre chose est l’é­ta­blis­se­ment de la paix civile (poli­tique) entres les nations par le moyen de congrès, de dis­cus­sions, de mesures diplo­ma­tiques avec inter­ven­tion de per­sonnes influentes des diverses nations et reli­gions, autre chose est la pré­ten­tion d’ob­te­nir de Dieu le bien de la paix par la prière de toutes les (fausses) reli­gions. Cette der­nière démarche heurte de plein fouet la foi catho­lique et le pre­mier commandement.

Car il ne s’a­git pas ici de la prière indi­vi­duelle, de l’homme dans sa rela­tion per­son­nelle à Dieu, soit comme créa­teur, soit comme sanc­ti­fi­ca­teur, mais bien de la prière de diverses reli­gions comme telles, avec leur rite propre adres­sé à leur divi­ni­té propre. Or l’Ecriture Sainte, tant dans l’an­cien que dans le nou­veau Testament nous enseigne que Dieu ne tient pour agréable que la prière de Celui qu’Il a éta­bli comme seul Médiateur entre Lui et les hommes, et que cette prière ne se trouve que dans la vraie reli­gion. Les autres, en par­ti­cu­lier l’i­do­lâ­trie, sum­mum de toutes les super­sti­tions, il les tient en abomination.

Comment d’ailleurs pré­tendre que des reli­gions qui ignorent le vrai Dieu pour­raient obte­nir de Lui quelque chose ? Saint Paul nous assure que ces faux dieux sont des anges déchus, des démons. « Ce qu’on immole, c’est à des démons et à ce qui n’est pas Dieu qu’on l’im­mole. Or je ne veux pas que vous entriez en com­mu­nion avec les démons. Vous ne pou­vez pas boire la coupe du Seigneur et la coupe des démons ; vous ne pou­vez par­ti­ci­per à la table du Seigneur et à la table des démons. » (I Co. 10 : 20–21)

Inviter ces reli­gions à prier, c’est les invi­ter à poser un acte que Dieu réprouve, qu’il condamne dans le pre­mier com­man­de­ment, un seul Dieu tu ado­re­ras. C’est induire en erreur les adeptes de ces reli­gions et les confor­ter dans leur igno­rance et leur malheur.

Plus grave encore : cette invi­ta­tion fait croire que leur prière pour­rait être utile, voire néces­saire pour obte­nir la paix. Le Dieu Tout Puissant a aus­si expri­mé, par la bouche de son apôtre Saint Paul ce qu’il en pense : « Ne for­mez pas d’at­te­lage dis­pa­rate avec les infi­dèles. Quel rap­port en effet entre la jus­tice et l’im­pié­té ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? Quelle entente entre le Christ et Bélial ? Quelle asso­cia­tion entre le fidèle et l’in­fi­dèle ? Quel accord entre le temple de Dieu et les idoles ? » (II Co. 6 : 14–16)

« On n’au­ra jamais le der­nier mot de la lutte des bons et des méchants à tra­vers les évé­ne­ments de l’his­toire, tant qu’on ne la ramè­ne­ra pas à la lutte per­son­nelle et irré­duc­tible à tout jamais entre Satan et Jésus-​Christ » écri­vait fort jus­te­ment Monseigneur Lefebvre. (Itinéraire spi­ri­tuel, Tradiffusion, Bulle, 1991, p 54) Cette véri­té fon­da­men­tale au sujet de la guerre et de la paix semble com­plè­te­ment oubliée dans la pers­pec­tive de l’es­prit d’Assise.

À un cer­tain moment de la jour­née, tous seront ras­sem­blés. Quand donc réson­ne­ra aux oreilles des par­ti­ci­pants l’ap­pel du pre­mier pape, Saint Pierre : « Aucun autre nom n’a été don­né sous le ciel par lequel on puisse être sau­vé » ? (Act 4, 12) Le même Jésus-​Christ unique Sauveur est aus­si l’u­nique paci­fi­ca­teur. Mais osera-​t-​on rap­pe­ler ces véri­tés élé­men­taires aux hôtes étran­gers au chris­tia­nisme ? La peur de les frois­ser fera omettre ou réduire à une simple foi sub­jec­tive (« pour nous chré­tiens, Jésus-​Christ est Dieu » etc.) cette néces­si­té abso­lue de la vrai paix.

Nous venons de le dire :

Non seule­ment il n’y a qu’un seul vrai Dieu, et ils sont « inex­cu­sables, ceux qui l’i­gnorent » (Rom. 1 :20), mais il n’y a aus­si qu’un seul média­teur (I Tim. 2 : 5), un seul ambas­sa­deur agréé auprès de Dieu, et qui inter­cède sans cesse pour nous (Heb. 7 : 25). Les reli­gions qui refusent Sa divi­ni­té expli­ci­te­ment, comme le Judaïsme et l’Islam sont vouées à l’é­chec dans leurs demandes à cause d’une erreur si fon­da­men­tale. « Qui est le men­teur, sinon celui qui nie que Jésus soit le Christ ? Le voi­là l’Antéchrist ! Il nie le Père et le Fils. Quiconque nie le Fils ne pos­sède pas non plus le Père. » (I Je. 2 : 22–23)

Malgré les appa­rences mono­théistes, nous n’a­vons pas le même Dieu, nous n’a­vons pas le même média­teur. Et seule l’é­pouse mys­tique du Christ (Eph. 5 : 32) a les pré­ro­ga­tives pour obte­nir de Dieu, au nom et par Notre Seigneur Jésus-​Christ, tout bien et en par­ti­cu­lier le bien de la paix. Telle est la foi de l’Eglise, ensei­gnée et crue en tous les âges et tous les temps. Il ne s’a­git nul­le­ment d’une ques­tion d’in­to­lé­rance ou de mépris du pro­chain, il s’a­git de la rigueur de la véri­té. « Nul ne peut venir au Père si ce n’est par moi. » (Je. 14 : 6)

Poser des actes et faire poser des actes qui n’ex­priment plus cela, c’est trom­per. C’est offen­ser Dieu, Celui en qui Il a mis toutes ses com­plai­sances (Mc. 9 :7), Notre Seigneur Jésus-​Christ, et Son Eglise sainte (Mt. 16 :18).

Comment ceux qui refusent cette média­tion, comme les juifs et les musul­mans le font expli­ci­te­ment en refu­sant sa divi­ni­té, pourraient-​ils être exau­cés ? Il faut en dire de même de ceux qui refusent ce rôle de média­trice à l’Eglise.

À plu­sieurs reprises, la jour­née d’Assise a été jus­ti­fiée par Jean-​Paul II.

Un argu­ment pro­vient pré­ci­sé­ment de la prière. « Toute prière authen­tique vient du Saint Esprit qui habite mys­té­rieu­se­ment dans chaque âme « . Pour autant qu’on donne un sens cor­rect au mot « authen­tique », on peut admettre la pre­mière par­tie de la phrase. Mais il est évident qu’on ne peut pas alors appe­ler authen­tique la prière du boud­dhiste devant l’i­dole de boud­dha, celle du sor­cier fumant le calu­met de la paix ou de l’animiste.

N’est authen­tique que la vraie prière s’a­dres­sant au vrai Dieu. C’est un abus que de qua­li­fier d’au­then­tique la prière s’a­dres­sant au démon. Et la prière du ter­ro­riste fana­tique avant de s’é­cra­ser contre la tour de Manhattan : « Allah est grand », devra-​t-​elle être décla­rée authentique ?

N’était-​il pas convain­cu de faire le bien, n’était-​il donc pas sin­cère ? Il est clair que la vision pure­ment sub­jec­tive ne suf­fit évi­dem­ment pas pour qu’une prière devienne authentique.

Quant à la deuxième par­tie de la phrase : « le Saint Esprit habite mys­té­rieu­se­ment dans chaque âme », ou dans tout homme, est cer­tai­ne­ment fausse. Le mot « mys­té­rieu­se­ment » peut être trom­peur : dans la théo­lo­gie catho­lique, comme dans l’é­cri­ture sainte, l’ha­bi­ta­tion du Saint Esprit est direc­te­ment liée à la récep­tion de la grâce sanc­ti­fiante. L’une des pre­mières paroles du bap­tême intime l’ordre au démon de quit­ter l’âme pour lais­ser la place au Saint Esprit. Cela indique bien que le Saint Esprit n’ha­bi­tait pas dans cette âme.

Une fausse pro­po­si­tion est donc à la base de la jus­ti­fi­ca­tion de la jour­née inter­re­li­gieuse d’Assise.

Dans la ligne du dia­logue, qui intime de regar­der l’in­ter­lo­cu­teur très posi­ti­ve­ment, il est prô­né qu’il y a beau­coup de bien dans les autres reli­gions, et que, vu que le bien ne peut venir que de Dieu, Dieu est à l’œuvre dans les autres reli­gions. C’est un sophisme qui repose sur la non dis­tinc­tion entre l’ordre natu­rel et l’ordre sur­na­tu­rel. Car il est évident que lorsque l’on parle d’une action de Dieu dans une reli­gion, on entend une œuvre de salut. C’est-​à-​dire Dieu qui sauve par sa grâce. Sa grâce sur­na­tu­relle. Alors que le bien dont il est fait men­tion dans les autres reli­gions, (au moins non chré­tiennes) n’est qu’un bien natu­rel ; Dieu agit alors en tant que créa­teur, qui donne l’être à toute chose, et non en tant que sau­veur. La volon­té du concile Vatican II de dépas­ser la dis­tinc­tion entre l’ordre de la grâce et l’ordre natu­rel porte ici ses fruits les plus désas­treux. On arrive à la plus grande des confu­sions, celle qui fait pen­ser que n’im­porte quelle reli­gion peut obte­nir fina­le­ment les plus grands biens du bon Dieu. C’est une immense trom­pe­rie, une erreur grotesque.

Elle rejoint le plan maçon­nique d’é­ta­blir un grand temple de fra­ter­ni­té uni­ver­selle au-​dessus des reli­gions et des croyances, « l’u­ni­té dans la diver­si­té » si chère au Nouvel Âge et au glo­ba­lisme mon­dial. « Notre inter-​confessionnalisme nous a valu l’ex­com­mu­ni­ca­tion reçue en 1738 de la part de Clément XI. Mais l’Eglise était cer­tai­ne­ment dans l’er­reur, s’il est vrai que le 27 octobre 1986 l’ac­tuel Pontife a réuni à Assise des hommes de toutes les confes­sions reli­gieuses pour prier ensemble pour la paix. Et que cher­chaient d’autre nos frères quand ils se réunis­saient dans les temples, sinon l’a­mour entre les hommes, la tolé­rance, la soli­da­ri­té, la défense de la digni­té de la per­sonne humaine, se consi­dé­rant égaux, au-​dessus des cre­do poli­tiques, des cre­do reli­gieux et des cou­leurs de la peau ? » (Grand Maître Armando Corona, de la Grande loge de l’Equinoxe de Printemps, Hiram - organe du Grand Orient d’Italie – Avril 1987)
Une chose est cer­taine : il n’y a pas mieux pour pro­vo­quer la colère de Dieu.

C’est pour­quoi, bien que dési­rant hau­te­ment la paix du Seigneur, nous n’au­rons abso­lu­ment aucune part à cette jour­née du 24 jan­vier à Assise. Nullam par­tem.

+ Bernard Fellay – Menzingen, le 21 jan­vier 2002

FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.