Sermon de Mgr Lefebvre – 5e dimanche après l’épiphanie – Ordres mineurs – 8 février 1987

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Rendons grâces à Dieu, de par­ti­ci­per aujourd’hui à cette céré­mo­nie d’ordination, vous par­ti­cu­liè­re­ment mes chers amis, qui allez être l’objet des grâces du Bon Dieu ce matin. Réjouissez-​vous. En effet, dans le sémi­naire, les jours d’ordination sont des jours de joie, de joie spi­ri­tuelle, de joie profonde.

En effet, si vous êtes venus au sémi­naire, c’est bien pour deve­nir prêtre, pour mon­ter un jour à l’autel, pour offrir les saints Mystères et y faire par­ti­ci­per les fidèles et vous y ache­mi­ner len­te­ment, mais sin­cè­re­ment. Et cette jour­née d’ordination est en même temps la marque et la preuve de l’élection dont vous êtes l’objet de la part du Bon Dieu. Vous avez été choi­sis, bap­ti­sés comme les autres fidèles, vous avez pour­tant été choi­sis, appe­lés pour deve­nir prêtre.

Et c’est pour­quoi cette ordi­na­tion va confir­mer votre voca­tion, votre appel de la part de Dieu. C’est une conso­la­tion pour vous et en même temps la source d’une réso­lu­tion tou­jours plus fer­vente, tou­jours plus forte de vous don­ner com­plè­te­ment au Bon Dieu, d’adhérer tou­jours plus pro­fon­dé­ment, plus tota­le­ment à la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ, de lui être com­plè­te­ment sou­mis, de l’aimer de toute votre âme, de l’imiter, de le revê­tir : Induat te Dominus novum homi-​nem : Que le Seigneur vous revête de l’homme nou­veau créé à l’image de Dieu. Revêtez Jésus-Christ.

Voilà la signi­fi­ca­tion géné­rale de cette céré­mo­nie. Pour vous, mes bien chers frères, réjouissez-​vous aus­si, l’Église conti­nue. En assis­tant à ces ordi­na­tions, votre joie est grande, parce que l’avenir est assu­ré, l’avenir de vos âmes. Vous avez besoin de prêtres ; vous avez besoin du Saint Sacrifice de la messe ; vous avez besoin des grâces du sacre­ment de bap­tême pour vos enfants ; du sacre­ment de péni­tence pour vous-​même, du sacre­ment de l’Eucharistie. Sans prêtres l’Église ne peut pas conti­nuer ; l’Église ne peut pas per­sé­vé­rer. Alors, de voir que par ces ordi­na­tions, l’Église conti­nue les bonnes tra­di­tions, ce doit être pour vous une grande source de réjouis­sance et de consolation.

Il est bien ins­truc­tif, mes chers amis, de relire les docu­ments anciens et je vous invite à le faire, comme j’ai eu l’occasion de le faire moi-​même ces jours-ci.

Relisant les actes de saint Clément – ce n’est pas d’aujourd’hui saint Clément, suc­ces­seur de saint Pierre – il a vécu au pre­mier siècle. Il a été, disent les his­to­riens, contem­po­rain de saint Jean. Il aurait vécu, lui aus­si, une cen­taine d’années. Et ses actes sont très instructifs.

Sans doute, il y a quelque doute sur l’originalité de cer­tains des actes, mais cepen­dant on situe les consti­tu­tions apos­to­liques qui sont dites de saint Clément, à son époque et qui auraient été écrites par lui-​même. Et ces consti­tu­tions apos­to­liques, parlent des ordres mineurs, au pre­mier siècle, parlent des por­tiers, des exor­cistes, des lec­teurs, des ministres. Il n’est pas fait men­tion expli­ci­te­ment des aco­lytes, mais on peut pen­ser que ces ministres sont des aco­lytes, des sous-diacres.

Par consé­quent, on peut dire en véri­té, que l’origine de ces ordi­na­tions remonte à l’époque apos­to­lique, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Comment a‑t-​on pu aban­don­ner ces ordi­na­tions ! Saint Clément lui-​même com­pare ces divers ordres de la hié­rar­chie clé­ri­cale, il les com­pare à l’ordre du monde. Le monde est ordon­né. Chaque créa­ture a sa place dans l’ordre pro­vi­den­tiel et il com­pare aus­si la hié­rar­chie à l’ordre qui existe dans une armée. Il y a toute une gra­da­tion par­mi les chefs mili­taires et cha­cun s’efforce de rem­plir sa charge à l’échelon qui lui est réser­vé. Et c’est pour­quoi, il invite aus­si cha­cun des ordres à bien accom­plir la tâche qui lui convient, qui lui échoit, sans cher­cher à vou­loir accom­plir des actes qui ne sont pas de son ordre. Et l’atmosphère qui règne dans cette des­crip­tion, les conseils que saint Clément donne aux évêques, aux prêtres, aux diacres et à tous les ordres de la hié­rar­chie, est rem­plie d’une foi profonde.

Il est dit d’ailleurs que la pré­oc­cu­pa­tion de ces évêques, était sur­tout d’affirmer la foi catho­lique de leurs clercs et de leurs fidèles et de faire en sorte que leur foi soit d’une telle vigueur, d’une telle pro­fon­deur, qu’ils soient prêts pour la gar­der à sup­por­ter tous les tour­ments. C’est le mot qui est employé : à subir tous les tour­ments. Car de fait, la per­sé­cu­tion sévis­sait par­tout et par consé­quent il fal­lait que par­mi ceux qui adhé­raient à Notre Seigneur Jésus-​Christ par le bap­tême et par la foi, il fal­lait les pré­pa­rer au mar­tyre. C’est dans cette atmo­sphère que gran­dis­sait l’Église. C’est dans cette atmo­sphère que s’organisait l’Église, mais il semble bien que c’est Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même qui a dû don­ner des indi­ca­tions très pré­cises sur la manière d’ordonner l’Église et sur la manière d’ordonner les céré­mo­nies dans l’Église. Car les dis­cours de saint Clément sur les céré­mo­nies litur­giques, sont déjà pra­ti­que­ment les céré­mo­nies que nous accom­plis­sons nous-​mêmes. Elles n’ont fait que se pré­ci­ser et que s’affirmer au cours des siècles. Cela, mes chers amis, doit pour nous être un grand encou­ra­ge­ment, de pen­ser que nous com­mu­nions à tra­vers les siècles, à tous ceux qui ont reçu comme vous, les ordinations.

Dans quel esprit les ont-​ils reçues ? Quels ont été leurs sen­ti­ments, après avoir reçu ces grâces ? Quelle a été leur foi ; leur cha­ri­té, leur dévo­tion ? Nous devons essayer de retrou­ver cette fer­veur, cette fer­veur pri­mi­tive et de bien com­prendre les ordi­na­tions que nous rece­vons. Elles ont une impor­tance très grande, parce que le but que vous vou­lez atteindre en rece­vant ces ordi­na­tions, mes bien chers amis, c’est de par­ti­ci­per au grand mys­tère de Notre Seigneur Jésus-​Christ, au mys­tère de l’autel. Et par consé­quent, il n’y a rien de petit ; il n’y a rien de mineur. On dit les ordres mineurs, mais ils ne sont pas mineurs si on les regarde dans la lumière de l’autel, dans la lumière de la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ ; dans la lumière du Sacrifice de Notre Seigneur ; dans la lumière de sa Rédemption.

Alors soyez ani­més de cet esprit. Et vous aurez, par consé­quent, peu à peu, à accom­plir les céré­mo­nies qui cor­res­pondent à vos ordres. Faites-​le tou­jours avec un grand esprit de foi. Faites-​le – je dirai – avec exac­ti­tude, avec intel­li­gence et avec onction.

Faites-​le avec exac­ti­tude. Reproduisez ce qui a été fait au cours des siècles. N’essayez pas d’inventer quelque chose. N’essayez pas d’ajouter ; n’essayez pas de retran­cher. N’ayez pas cet esprit des nou­veau­tés ; n’ayez pas cet esprit per­son­nel. Ayez l’esprit de l’Église. Vous êtes des hommes d’Église et par consé­quent vous devez repro­duire ce que l’Église a fait, ce qu’elle a tou­jours fait, ce qu’elle fera toujours.

Toutes les céré­mo­nies, quelles qu’elles soient, céré­mo­nie du Saint Sacrifice de l’autel, sont des céré­mo­nies publiques ; ce ne sont pas des céré­mo­nies pri­vées, elles ne dépendent pas de nous. Ce ne sont pas nos céré­mo­nies ; ce ne sont pas des dévo­tions pri­vées. Nous n’avons par consé­quent pas à nous deman­der ce qu’il faut faire, ce que nous dési­rons faire, ce que nous sou­hai­tons faire, ce que nous dési­rons faire, ce que nous sou­hai­tons faire, mais ce que l’Église fait, ce que l’Église veut faire.

Par consé­quent, refaire cela avec fidé­li­té, avec fidé­li­té à l’Église. D’ailleurs pour y retrou­ver aus­si l’esprit de l’Église. Et c’est pour cela qu’il faut le faire avec intel­li­gence. Tous ces sym­boles, tous ces actes qui ont été faits, qui par­fois peuvent paraître un peu sur­an­nés, un peu déce­vants, un peu mys­té­rieux, incom­pré­hen­sibles, désuets peut-​être, ne le croyez pas. C’est que nous ne les avons pas com­pris ; c’est que nous ne les avons pas étu­diés. Pourquoi l’Église les a accom­plis ; pour­quoi l’Église les a faits. Peu à peu, à mesure que l’on pénètre l’esprit de la litur­gie, l’esprit des sym­boles, l’esprit des mys­tères, on s’aperçoit que bien au contraire, toutes ces céré­mo­nies sont mer­veilleuses. Il n’y a pas de petites choses. Elles excitent toutes notre foi et elles expriment aus­si tou­jours notre foi et notre cha­ri­té envers Dieu et envers notre prochain.

Alors appro­fon­dis­sez, étu­diez ces céré­mo­nies ; étu­diez la litur­gie afin de l’aimer, telle que l’Église l’a faite au cours des siècles.

Et enfin avec onc­tion. L’onction est l’expression de la foi vive, d’une foi ani­mée par la cha­ri­té. L’onction est déjà – je dirai – le résul­tat de cette fidé­li­té à l’Église, de cette intel­li­gence à ce que l’Église a fait, mais avec l’esprit de foi, avec la grâce sur­na­tu­relle, avec la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Songeons que c’est Notre Seigneur Jésus-​Christ qui agit par nous, que nous ne sommes que ses ins­tru­ments, soit en mon­tant à l’autel, soit en évan­gé­li­sant et en sanc­ti­fiant le Corps mys­tique de Notre Seigneur Jésus-​Christ : les fidèles. Nous ne sommes que des instruments.

Alors, cette onc­tion repré­sente bien Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même Christus onc­tus. Christ veut dire : oint. Il est l’onction même ; Notre Seigneur Jésus-​Christ est l’onction même, qui signi­fie aus­si toute l’expression de l’Esprit Saint, l’animation par l’Esprit Saint.

Alors en accom­plis­sant ces céré­mo­nies, soyez sous l’influence de l’Esprit Saint. Soyez rem­pli de cette onc­tion dont Notre Seigneur Jésus-​Christ est la source.

Voilà, mes chers amis, dans quelles dis­po­si­tions, dans quel esprit vous devez rece­voir ces ordi­na­tions et deman­der au Bon Dieu, de les rem­plir avec un esprit de foi, avec amour, avec dévotion.

Ne consi­dé­rez pas ces ordres mineurs, comme une simple for­ma­li­té à accom­plir, pour pas­ser à un ordre supé­rieur. Non. Ce sont déjà de grandes grâces. Ce sont déjà des fonc­tions impor­tantes parce qu’elles touchent l’apostolat que Notre Seigneur Jésus-​Christ a vou­lu vous confé­rer, a vou­lu vous don­ner et (qui) repré­sentent pour vous un état de sain­te­té, un esprit de foi qui doit cor­res­pondre aux grâces que vous allez recevoir.

Demandez, mes chers amis, à saint Joseph, à la très Sainte Vierge Marie, qui ont entou­ré Notre Seigneur pen­dant trente ans, demandez-​leur de vous com­mu­ni­quer les dis­po­si­tions qu’ils avaient lorsqu’ils ser­vaient Notre Seigneur Jésus-​Christ, pen­dant trente années de leur vie. Quelles étaient les pen­sées de la très Sainte Vierge, de saint Joseph, lorsqu’ils ser­vaient Notre Seigneur, lorsqu’ils étaient avec Lui, lorsqu’ils vivaient avec Lui. Car c’est cela que vous serez plus tard. Vous vivrez aus­si avec Notre Seigneur Jésus-​Christ de longues années – nous le sou­hai­tons – mais pour cela, il faut que vous pré­pa­riez cette vie avec Notre Seigneur par ces dis­po­si­tions que la très Sainte Vierge Marie et saint Joseph vous com­mu­ni­que­ront cer­tai­ne­ment, si vous le leur deman­dez avec insistance.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.