Ce texte a été composé par Mgr Marcel Lefebvre en octobre 1964, alors que peu de schémas du Concile avaient été approuvés.
Il fait partie d’un ensemble de textes que nous avons mis en ligne sous le titre « Un évêque parle – Ecrits et allocutions de 1963 à 1975 ».
Il prouve aussi que, dès ce moment, on pouvait prévoir les conséquences de cet esprit néo-moderniste qui régnait au Concile, conséquences dont nous sommes les témoins atterrés aujourd’hui.
La Porte Latine du 19 mars 2017
« Vae mihi si non evangelizavero » [1]
Sans parler des voies inattendues par lesquelles les Pères du Concile se sont trouvés devant certains schémas dépourvus de racines dans le magistère de l’Eglise, nous voudrions dans les pages qui suivent faire écho à cette parole que les Pères du Concile n’ont pu oublier : « Caveamus ! »
Prenons garde de nous laisser influencer par un esprit absolument inconciliable avec celui que les Pontifes romains et les précédents Conciles se sont inlassablement efforcés de répandre chez les chrétiens. Ce n’est pas un esprit de progrès, c’est un esprit de rupture et de suicide.
Les déclarations de certains Pères à ce sujet sont instructives : les uns affirment qu’entre les déclarations du passé et celles des auteurs de certains schémas il n’y a pas de contradiction, parce que les circonstances se sont modifiées. Ce que le magistère de l’Eglise a affirmé il y a 100 ans valait pour ce temps et non pour le nôtre. D’autres trouvent un refuge dans le mystère de l’Eglise. D’autres estiment qu’un Concile a pour but de modifier la doctrine des Conciles précédents. D’autres enfin qu’un Concile étant au-dessus du magistère ordinaire, n’a pas à en tenir compte et se suffit à lui seul. Qu’on écoute d’ailleurs la voix de la presse libérale qui affirme qu’enfin l’Eglise a fini par admettre l’évolution du dogme.
Est-il possible de déceler le motif, du moins apparent, qui a permis à ces thèses révolutionnaires de prendre place officiellement à la barre du Concile ? Nous croyons pouvoir dire que c’est à la faveur d’un oecuménisme qui, se présentant d’abord comme catholique est devenu au cours même des Sessions un oecuménisme rationaliste.
Cet esprit d’oecuménisme non catholique a été le bélier dont des mains mystérieuses se sont servies pour tenter d’ébranler et de pervertir la doctrine enseignée dans l’Eglise depuis les temps évangéliques jusqu’à nos jours, doctrine pour laquelle le sang de tant de martyrs a été versé et coule encore aujourd’hui.
Aussi inconcevable que cela puisse paraître, cela est : on parlera toujours désormais dans l’histoire de l’Eglise de ces thèses contraires à la doctrine de l’Eglise qui sous prétexte d’oecuménisme ont été présentées aux Pères conciliaires de Vatican II.
Ainsi sur des points de doctrine spécifiquement catholiques on s’est efforcé de composer des schémas qui atténuent ou font même disparaître ce qui peut déplaire aux orthodoxes et surtout aux protestants.
Nous voudrions aborder quelques exemples des thèses nouvelles proposées. Il nous semble inutile de développer les thèses catholiques traditionnelles sur ces points. Cette doctrine est connue de tous, enseignée dans nos catéchismes, elle nourrit notre Liturgie, elle a fait l’objet des enseignements les plus fermes et les plus lumineux des Papes depuis un siècle.
Exprimer la douleur que ressentirent les Pères fermement attachés à la continuité de la doctrine, en écoutant l’exposé des nouvelles thèses fait par les rapporteurs officiels des Commissions, est chose impossible. Nous pensions aux voix des Papes dont les corps sont ensevelis dans le lieu même où nous nous trouvions. Nous pensions à l’immense scandale bientôt accompli par la manière dont la presse ferait écho à ces exposés.
La Primauté de Pierre
Venons-en d’abord à la Primauté de Pierre, qu’on veut mettre en échec par une collégialité mal définie et mal comprise, qui aboutit à un défi au simple bon sens”, alors qu’il eût été si beau et si profitable de montrer le rôle de l’Evêque dans l’Eglise par rapport à son troupeau particulier sous la vigilance de Pierre, et par ce troupeau auquel il se doit en justice, montrer comment il se doit par devoir de charité à l’Eglise universelle et d’abord aux Eglises qui lui sont proches, puis aux Eglises des missions, puis à l’Eglise entière, mais en dépendance immédiate de Pierre qui seul se doit en justice vis-à-vis de toutes les Eglises et de toute l’Eglise.
Mais qu’on juge de la thèse nouvelle qui contient deux affirmations :
- Tout, absolument tout pouvoir sur l’Eglise est donné à Pierre seul.
- Tout ce même pouvoir a été donné aussi à Pierre et aux Apôtres collectivement.
Si vraiment tout a été donné à Pierre seul, ce que les autres peuvent avoir avec lui, ils ne peuvent l’avoir que par lui. Si les Evêques avec Pierre ont une part au gouvernement universel, part que Pierre ne peut pas leur enlever, ou qui ajoute tant soit peu au pouvoir que Pierre possède seul, Pierre n’a plus pouvoir à lui seul. Qu’on ne parle pas de mystère ! La contradiction est flagrante. Pierre dans ce cas n’a plus que la plus grande partie du pouvoir, ce qui est condamné par Vatican I : « Si quelqu’un dit que le Pontife romain n’a que les « potiores partes » et non toute la plénitude du pouvoir suprême, qu’il soit anathème. »
Après Pierre on s’attaque à la Curie, qu’on considère comme le secrétariat du Pape, alors qu’elle est la partie la plus noble de l’Eglise particulière de Rome, Eglise dont la foi est indéfectible et qui est Mère et Maîtresse de toutes les Eglises. C’est vers elle que tous les regards des Pères doivent être tournés, c’est chez elle qu’ils sont certains de trouver la vérité. Hélas, pourquoi faut-il que l’Eglise Maîtresse de Vérité se taise ou peu s’en faut ? D’où la lumière nous viendra-t-elle si les Pères conciliaires de l’Eglise de Rome sont muets ? D’autre part intercaler entre l’Evêque de Rome et son Eglise le corps épiscopal de l’Eglise universelle d’une manière institutionnelle reviendrait à enlever à l’Eglise de Rome son titre de Mère et Maîtresse de toutes les Eglises. Ceci ne veut nullement contredire la possibilité pour le Souverain Pontife de consulter plus fréquemment les Evêques et de modifier, s’il le juge bon, certaines modalités ou structures de la Curie.
Mais le dessein de ceux qui veulent créer une institution juridique nouvelle conformément à une collégialité qui serait sans cesse en exercice, pourrait bien être de faire de cette nouvelle institution le corps électoral du Souverain Pontife. Or, il est inconcevable que le Pape ne soit pas élu par son clergé, étant donné qu’il doit d’abord être Evêque de Rome pour devenir le Successeur de Pierre.
La Vierge Marie
C’est avec une impudence incroyable, en dépit du désir explicite du Saint-Père, que le schéma proposé supprime le titre de Marie Mère de l’Eglise ; les œcuménistes regrettent que la Vierge Marie y soit nommée Médiatrice. On peut espérer cependant que la dévotion des Pères à Marie rétablira l’honneur que le Concile doit à la Vierge Marie, en la proclamant solennellement Mère de l’Eglise et en consacrant le monde à Son Cœur Immaculé.
L’Eucharistie
Au sujet de l’Eucharistie, bien que ce sujet n’ait pas été traité ex professa, on aura remarqué deux allusions qui tendent à diminuer l’estime de la présence réelle de Notre-Seigneur. On met l’Ecriture et l’Eucharistie sur un pied d’égalité en fin du schéma de l’Ecriture Sainte. Comment ne pas penser à tous ces évangiles qui désormais ont remplacé l’Eucharistie sur les autels principaux de nos Eglises. D’autre part on dit des protestants qu’ils n’ont pas « la pleine réalité de l’Eucharistie » ! De quelle Eucharistie s’agit-il ? Certainement pas d’une Eucharistie catholique, car la présence réelle est ou n’est pas !…
La Révélation
Dans tous les schémas de la Révélation, on cherche à minimiser la valeur de la Tradition au profit de l’Ecriture. On reproche exagérément aux fidèles et aux prêtres de ne pas avoir une assez grande dévotion à la Sainte-Ecriture. En effet l’Ecriture a été destinée à la communauté du peuple de Dieu dans ses chefs et non précisément à chaque individu isolément, comme le prétendent les protestants. C’est pourquoi l’Eglise, comme une Mère, donne le lait de la doctrine à ses enfants en faisant une heureuse présentation de l’Ecriture dans la Liturgie, dans le catéchisme, dans l’homélie du Dimanche. Combien il est dans l’ordre de la nature que nous ayons des personnes autorisées pour nous enseigner, pour nous présenter l’Ecriture. C’est ce que Notre-Seigneur a voulu. Nous n’avons rien à emprunter aux protestants dont l’histoire a suffisamment prouvé que l’Ecriture a elle seule ne peut ni maintenir l’unité ni préserver de l’erreur.
La Vérité de l’Eglise
La Vérité de l’Eglise a évidemment des conséquences qui gênent les protestants et hélas aussi un certain nombre de catholiques imbus de libéralisme. Désormais le nouveau dogme qui prendra la place de celui de la Vérité de l’Eglise sera la dignité de la personne humaine et le bien suprême de la liberté : deux notions qu’on évite de définir clairement. D’où il suit, d’après nos novateurs, que la liberté de manifester publiquement la religion de sa conscience devient un droit strict de toute personne humaine qu’aucune personne au monde ne peut interdire. Que la religion soit vraie ou non, qu’elle entraîne à sa suite des vertus ou des vices, peu leur importe. La seule limite sera un bien commun qu’on se garde bien de définir !… Il deviendrait donc nécessaire de réviser les accords entre le Vatican et certaines nations qui accordent très justement d’ailleurs un statut préférentiel à la religion catholique. L’Etat devrait être neutre en matière de religion. Bien des constitutions d’Etat seraient à réviser non seulement dans les Etats de religion catholique. Et ont-ils songé, ces nouveaux législateurs de la nature humaine, que le Pape est lui aussi chef d’Etat !… L’invitera-t-on à laïciser le Vatican ? Il s’ensuivrait que les catholiques n’auraient plus le droit de travailler à établir ou à rétablir un Etat catholique. Ils auraient le devoir de maintenir l’indifférentisme religieux de l’Etat. Pie IX a appelé cela « du délire » à la suite de Grégoire XVI et encore une « liberté de perdition » (Quanta Cura.Saec. 1864).
Léon XIII a fait sur ce sujet une encyclique admirable « ». Mais tout cela était pour leur temps et non pour mil neuf cent soixante-quatre !
La liberté telle qu’elle est désirée par ceux qui en font un bien absolu est chimérique. S’il est vrai qu’elle est souvent restreinte dans l’ordre moral, combien plus dans l’ordre d’un choix intellectuel. Dieu a admirablement pourvu aux déficiences de la nature humaine par les familles dont ils nous a entourées : la famille qui nous a donné le jour et doit nous éduquer ; la patrie dont les dirigeants doivent faciliter le développement normal des familles vers la perfection matérielle, morale et spirituelle ; l’Eglise par ses diocèses dont l’Evêque est le Père, et dont les paroisses forment autant de cellules religieuses où les âmes naissent à la vie divine et s’alimentent à cette vie par les sacrements. Définir la liberté par l’absence de coaction c’est détruire toutes les autorités placées par Dieu au sein de ces familles pour faciliter un bon usage de la liberté qui nous a été donnée pour rechercher spontanément le Bien et éventuellement pour y suppléer comme c’est le cas pour les enfants ou assimilés.
La Vérité de l’Eglise est la raison d’être de son zèle à évangéliser, de son prosélytisme, et par conséquent la raison profonde des vocations missionnaires, des vocations sacerdotales et religieuses qui demandent générosité, sacrifice, persévérance dans les afflictions et les croix.
Ce zèle, ce feu qui veut embraser le monde est gênant pour les protestants. On fera un schéma sur l’Eglise dans le monde qui évitera soigneusement de parler d’évangélisation. Toute la cité terrestre pourra se construire sans qu’il soit question des prêtres, des religieux ou religieuses, des sacrements, du Sacrifice de la Messe, des institutions catholiques : écoles, œuvres spirituelles et corporelles de charité !…
Dans cet esprit un schéma sur les Missions devient bien difficile à faire. Les novateurs pensent-ils de cette façon remplir les séminaires et les noviciats ? La Vérité de l’Eglise est encore la raison d’être des écoles catholiques. Avec le nouveau dogme on insinue qu’il vaudrait mieux fusionner avec d’autres écoles pourvu que celles-ci observent le droit naturel (sic). Evidemment il n’est plus question de Frères ou de Soeurs enseignants !… Et l’Encyclique admirable de Pie XI sur l’éducation de la jeunesse c’était pour mil neuf cent vingt-neuf, et non pour mil neuf cent soixante-quatre !…
La doctrine sociale de l’Eglise
La doctrine sociale de l’Eglise, elle aussi gêne l’oecuménisme. C’est pourquoi on nous dira « que la distribution de la propriété est laissée à la sagesse des hommes et aux institutions des peuples, étant donné qu’aucune partie de la terre et qu’aucun bien n’a été donné par Dieu à un homme en particulier ». Ainsi la doctrine encore affirmée par Jean XXIII de la propriété privée comme droit essentiel à la nature humaine n’aurait son fondement que dans un droit positif ! La lutte des classes, des nations serait nécessaire au progrès, et à l’évolution continuelle des structures sociales. Le bien commun serait une notion qui est en continuelle évolution et « personne n’étant universel, personne n’aurait une vision complète du bien commun » dont on donne cependant une nouvelle définition : « la liberté et la plénitude de la vie humaine ».
Que deviennent tous les enseignements des Papes sur la doctrine sociale de l’Eglise : « Rerum novarum », « Quadragesimo anno », « Pacem in terris » ? Nous sommes en mil neuf cent soixante-quatre. Mais alors qu’on veuille bien nous dire ce que deviendront les enseignements de mil neuf cent soixante-quatre en mil neuf cent soixante-quatorze…
Ces exemples suffisent amplement à prouver que les commissions ont une majorité de membres imbus d’un oecuménisme qui non seulement n’est plus catholique selon leur propre affirmation mais ressemble étrangement au modernisme condamné par saint Pie X et dont le Pape Paul VI nous affirme dans son Encyclique « Ecclesiam suam » qu’il en constate la reviviscence. Mais voici que la presse libérale s’est emparée de ces thèses avant qu’elles soient proposées, depuis qu’elles sont passées dans les schémas et surtout depuis que certaines de ces thèses, apparemment les mêmes que les premières ont eu une majorité importante dans la salle conciliaire. La victoire est obtenue, la voie est ouverte pour tous les dialogues, c’est-à-dire pour eux à toutes les compromissions. Enfin finie la « papolâtrie » et le régime monarchique de l’Eglise, finis le Saint-Office et l’Index, les consciences elles aussi enfin libérées, etc…
Que devons-nous faire devant ce déchaînement, devant cette tempête ?
1. Garder indéfectible notre foi, notre attachement à ce que l’Eglise nous a toujours enseigné, ne pas nous émouvoir, ni nous décourager. Notre-Seigneur met à l’épreuve notre foi, comme il l’a fait pour les Apôtres, comme elle a été éprouvée chez Abraham. Il faut pour cela que nous ayons vraiment l’impression que nous allons périr. Ainsi la Victoire de la Vérité sera vraiment celle de Dieu et non la nôtre.
2. Etre objectif. Reconnaître les aspects positifs qui se manifestent dans les désirs des Pères conciliaires, désirs qui malheureusement et comme à leur insu ont été utilisés pour établir des textes juridiques qui servent à des thèses auxquelles la plupart des Pères eux-mêmes n’ont pas songé.
Ces désirs on peut essayer de les définir comme suit : Désir profond de collaboration plus grande pour une plus grande efficacité de l’apostolat : collaboration entre pasteurs et collaboration avec le Pasteur Suprême. Qui peut condamner un semblable désir ?
Désir de manifester aux frères séparés et au monde entier leur grande charité afin que tous viennent à Notre-Seigneur et à Son Eglise.
Désir de donner à l’Eglise une plus grande simplicité, dans sa Liturgie, dans le comportement habituel des pasteurs et en particulier des évêques, dans une formation des clercs qui les préparent plus directement au ministère pastoral. Tendance motivée par la crainte de ne plus être écouté ni compris par l’ensemble du peuple fidèle.
Ces désirs légitimes et si opportuns pouvaient parfaitement se manifester dans d’admirables textes et orientations adaptés à notre temps sans la collégialité mal fondée et mal définie ; sans la liberté religieuse fausse ; sans la déclaration sur les Juifs inopportune ; sans un semblant de mise en échec de l’autorité du Pape en refusant le titre de Mère de l’Eglise à la Vierge Marie et sans calomnier la Curie romaine.
Ce ne sont pas les Pères du Concile dans leur ensemble qui ont désiré ces textes tels qu’ils ont été rédigés, selon une doctrine nouvelle, mais bien un groupe de Pères et de periti qui ont profité des désirs très légitimes des Pères pour faire passer leurs doctrines.
Les schémas, grâce à Dieu, ne sont pas encore rédigés dans la forme définitive. Le Pape ne les a pas encore approuvés en séance publique. D’ailleurs le Concile a affirmé ne vouloir définir aucun dogme nouveau, mais être un Concile pastoral et œcuménique. L’Eglise de Rome seule indéfectible parmi toutes les Eglises particulières demeure ferme dans la foi : les Cardinaux dans leur majorité n’approuvent pas ces nouvelles thèses. Les Pères conciliaires qui ont une tâche importante dans l’Eglise romaine, ainsi que la plupart sinon la presque totalité des théologiens romains ne se rangent pas du côté des novateurs. Ceci est capital, car c’est en cette Eglise de Rome Maîtresse de Vérité que doivent s’unir les fidèles du monde entier, c’est saint Irénée qui l’affirmait déjà.
3. Affirmer notre foi publiquement sans défaillance : dans la presse, dans nos conversations, dans nos correspondances ; et être prêts à obéir au Pape, lui demeurant indéfectiblement attachés.
4. Prier et faire pénitence. Prier la Vierge Marie, Mère de l’Eglise, car Elle est au cœur de tous ces débats et Elle a toujours vaincu les hérésies. C’est en Elle que les Pères conciliaires se retrouveront unanimes comme des enfants autour de leur Mère. C’est Elle qui veille sur le Successeur de Pierre et qui fera en sorte que Pierre soit toujours celui qui confirme ses frères dans la foi, dans la foi qui fut celle des Apôtres et de Pierre en particulier et de tous ses Successeurs.
Il faut faire pénitence pour mériter le secours de la grâce de Notre-Seigneur ; pénitence dans l’accomplissement du devoir d’état sans défaillance, sans abandon, sans découragement, malgré l’ambiance infernale de licence, d’impudicité, de mépris de l’autorité, d’irrespect envers soi-même et envers le prochain.
Ayons confiance, Dieu est tout puissant et II a donné à Notre-Seigneur tout pouvoir au ciel et sur la terre. Cette toute puissance serait-elle moindre en mil neuf cent soixante-quatre qu’en mil huit cent soixante-dix au dernier Concile et dans tous les autres Conciles ? Notre-Seigneur n’abandonnera pas les promesses de perpétuité qu’il a faites à la Sainte-Eglise catholique et romaine.
« Confidite, ego sum, nolite timere » (Marc, VI, 50)
Ô Marie, Mère de l’Eglise, montrez-vous notre Mère.
Le 11 octobre 1964, en la Fête de la Maternité de la Vierge Marie.
+ Marcel Lefebvre
Note complémentaire du 5 juin 1970
De ce texte nous n’avons rien modifié et nous pensons qu’il nous faut aujourd’hui réfléchir particulièrement sur la réalité qu’exprimé le titre : on ne peut, en effet, nier que dans tous les domaines s’est opéré dans l’Eglise un dangereux glissement vers le protestantisme :
– Le plus grave est celui qui concerne la foi par la rédaction des nouveaux catéchismes, depuis celui de Hollande jusqu’au fonds commun de la nouvelle catéchèse italienne, en passant par celui de France, d’Allemagne et spécialement l’invraisemblable catéchisme canadien. Tous se ressentent de la doctrine qui nous a été soumise dans le premier schéma de « l’Eglise dans le monde », qui, il faut le dire, n’est pas catholique. La foi, la Parole de Dieu, l’Esprit, le Peuple de Dieu sont expliqués à la manière moderniste et protestante, c’est-à-dire rationaliste. La Révélation est remplacée par la conscience qui sous le souffle de l’Esprit s’exprime par le Prophétisme. Ce prophétisme qui appartient à tout le peuple de Dieu s’exprime particulièrement dans la Liturgie de la Parole. Le baptême et les sacrements sont plus des expressions de la Foi que causes de la grâce et des vertus. Mais nous n’en finirions pas si nous voulions signaler tous les dangers que portent en eux tous ces catéchismes, qui tous se réfèrent à Vatican II Et certes, on peut trouver dans le Concile et particulièrement dans le document « Gaudium et Spes » des phrases équivoques et tout un esprit qui est issu du premier schéma.
– Après le magistère, c’est le ministère sacerdotal qui lui aussi est attribué à tout le Peuple de Dieu. C’est en vertu de ce ministère que le Peuple de Dieu constitue l’Assemblée Eucharistique et accomplit le culte communautaire dont le prêtre est le Président et bientôt le délégué élu. Son caractère sacerdotal et son célibat n’ont plus de raison d’être. On ne peut nier que les réformes liturgiques prêtent leur concours à cette orientation. Tous les commentaires de ces réformes s’expriment à la manière protestante en minimisant le rôle du prêtre, la réalité du Sacrifice et la présence réelle et permanente de Notre-Seigneur dans l’Eucharistie.
– Enfin le gouvernement attaché par Notre-Seigneur au Sacerdoce devient le pouvoir royal du Peuple de Dieu, c’est-à-dire la « démocratisation » de l’autorité dans l’Eglise par la Collégialité entendue à la manière du Cardinal Suenens, par les Synodes nationaux dans lesquels toutes les institutions de l’Eglise sont soumises aux votes du Peuple de Dieu, prophète, prêtre et roi. Ainsi dans les trois pouvoirs confiés au Sacerdoce par Notre-Seigneur, s’introduit le virus protestant, rationaliste, naturaliste et libéral. Ces pouvoirs destinés à diviniser et à humaniser les personnes recréées à l’Image de Dieu par Notre-Seigneur, minés par le virus du rationalisme déshumanisent et livrent les personnes et les Sociétés à tous les vices de l’humanité déchue.
Nous devons donc à tout prix lutter pour la sauvegarde du Sacerdoce tel que Notre-Seigneur l’a institué, dans l’intégrité de son magistère, de son ministère et de son gouvernement. Nous devons enseigner la foi de toujours, adorer l’Eucharistie et vénérer le Saint-Sacrifice de la Messe comme l’enseignent l’Ecriture et la Tradition, respecter la personne de nos prêtres, de nos évêques et du Vicaire de Jésus-Christ parce qu’ils portent en eux le Sacerdoce et la Mission de Notre-Seigneur Jésus-Christ et non parce qu’ils sont délégués du Peuple de Dieu. Les Synodes nationaux se préparent après celui de Hollande et de Copenhague. S’ils ont les mêmes effets, il y aura bientôt autant de nouvelles sectes protestantes. Nous en sommes avertis par l’opposition des conclusions de ces Synodes aux directives du Saint-Siège. L’heure est très grave. Le choix qui s’impose aux Hollandais et aux Danois fidèles risque de s’imposer demain pour nous. Déjà il s’impose pour les catéchismes et pour certaines formes du culte liturgique, pour les orientations de certains Evêques ou groupes d’Evêques contraires à celles du Successeur de Pierre, par exemple au sujet de la morale familiale et du célibat sacerdotal.
Rappelons que Pierre a la charge de tous les Pasteurs et de tous les agneaux et qu’en cas de contradiction entre la foi de notre Pasteur et celle de Pierre, nous n’avons pas à hésiter, nous devons garder celle de Pierre. Pierre nous a mis en garde contre le catéchisme hollandais et donc contre tous les nouveaux catéchismes qui en sont plus ou moins issus. Pierre nous a dicté la morale familiale. Pierre nous a affirmé son Credo. Pierre nous a prescrit le maintien du célibat sacerdotal. Nos Pasteurs n’ont pas le droit de minimiser ces enseignements du Pasteur des Pasteurs.
Rappelons aussi que des autorisations accordées dans le domaine de la Liturgie ne signifient pas des obligations : ainsi en est-il de la Messe face au peuple, de la concélébration, de la communion sous les deux espèces, de la communion debout, de la réception de la Sainte-Eucharistie dans la main.
Cette attitude de vigilance est rendue nécessaire par tous les scandales dont nous sommes les témoins dans l’Eglise elle-même. Nous ne pouvons nier les faits, les écrits, les discours, qui tendent à l’asservissement de l’Eglise de Rome et à son anéantissement comme Mère et Maîtresse de toutes les Eglises et qui tendent à faire de nous des protestants. Résister à ces scandales, c’est vivre sa foi, la garder pure de toute contagion, garder la grâce dans nos âmes ; ne pas résister c’est se laisser lentement mais sûrement intoxiquer et devenir protestants inconsciemment.
En la fête du Sacré-Cœur de Jésus, Rome, le 5 juin 1970.
- I Cor., IX, 16[↩]