Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
Excellences, chers membres de la famille, frères et sœurs de Mgr Lefebvre, mes bien chers frères et amis
Nous voici réunis autour de la dépouille mortelle de notre Père bien-aimé, de notre fondateur et supérieur général pendant de longues années. Autour de cet évêque fidèle à sa mission de docteur et pasteur de l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique, de ce missionnaire infatigable. De ce Père d’une nouvelle génération de prêtres. De ce Sauveur du Saint Sacrifice de la messe dans son rite romain authentique et vénérable. De ce combattant du règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ. « Voici le Grand-Prêtre qui durant sa vie a plu à Dieu et fut trouvé juste. Nul ne s’est trouvé semblable à lui pour observer la loi du Très-Haut ».
Nous voici réunis, dis-je, dans la douleur profonde, comme des orphelins, dans les larmes et dans les gémissements. Mais aussi dans l’espérance chrétienne et l’admiration en face d’une telle vie chrétienne sacerdotale et épiscopale.
Mes confrères et moi-même, vous remercions, chers fidèles, d’être venus des quatre coins du monde pour rendre un dernier hommage à cet homme extraordinaire de notre siècle.
Détails des dernières semaines et des derniers jours du cher défunt.
Le soir de la fête de saint Thomas d’Aquin, le 7 mars. Monseigneur célébrait à Ecône la messe pour les Amis et Bienfaiteurs du Valais. Il a donné ensuite une conférence sur la situation de l’Eglise et sur notre devoir dans le combat et les labeurs pour les institutions chrétiennes. Il se plaignait de douleurs du ventre et ne participait pas au repas.
Le jour suivant, il offrait pour la dernière fois le Saint Sacrifice, sur nos autels et malgré des douleurs sensibles il partait aussitôt pour Paris à une réunion des responsables de la Tradition.
En route son état de santé s’avérait alarmant. Après avoir passé la première partie de la nuit de vendredi à samedi dans un hôtel, il revenait à l’aube à Ecône avec M. Borgeat, son chauffeur. Sur sa propre demande il est hospitalisé à l’hôpital de Martigny. Les médecins supposaient d’abord une infection intestinale et le mettaient à la diète, prescrivant des infusions. Le lundi 11 mars, dans l’après-midi, je lui rendis visite. il était plein d’humour et les douleurs avaient diminué un peu. Je trouve injuste, dit-il à l’infirmière, que l’on ne me donne rien à manger et malgré tout je paye le même prix de pension. Vous faites une affaire avec moi ! Et se tournant vers moi, il dit avec un sourire, j’ai demandé à M. l’abbé Simoulin de bien préparer le caveau. Si je pouvais mourir comme ma sœur Jeanne, ce serait une belle mort. Et dans ce contexte, il me disait : Je vous appellerai, faisant sans doute allusion à ses derniers moments.
Je lui donnais les dernières nouvelles de la Fraternité, qu’il écoutait avec grand intérêt. C’était avant tout le projet d’une nouvelle maison généralice que je lui exposais, avec les raisons favorables à ce projet.
« Que Dieu bénisse ce projet », ce fut sa conclusion. C’est sur ces paroles que je l’ai quitté.
Au soir de ce même jour, M. l’abbé Simoulin, sur la demande de Monseigneur lui-même, lui donna l’extrême-onction.
Avec le scanner, les médecins diagnostiquèrent le 15 mars, une tumeur importante. Une opération s’avérait nécessaire. Le dimanche de la Passion, il put encore s’unir sacramentellement une dernière fois à la Victime de nos autels. L’opération se fit dans la matinée du 18 mars et se déroula tout à fait normalement. Trois grands kystes furent enlevés. Les analyses subséquentes révéleront leur nature cancéreuse. Quelques jours plus tard des problèmes cardiaques se manifestaient. C’est pourquoi notre patient fut gardé aux soins intensifs.
Le samedi précédant le dimanche des Rameaux, il confirmait à M. l’abbé Simoulin qu’il offrait ses souffrances pour la Fraternité et pour l’Eglise. Ce furent pratiquement ses dernières paroles.
Le dimanche des Rameaux, la fièvre montait à 40 degrés. Seuls les antibiotiques les plus forts arrivaient à la maîtriser. Monseigneur restait conscient, mais il perdit au cours de la journée du dimanche, la faculté de s’exprimer. Le soir, l’abbé Simoulin le visitait encore une fois vers 19 heures. Son état était très inquiétant. Et à 23 heures, l’hôpital prévenait Ecône que Monseigneur venait de subir une attaque, probablement embolie pulmonaire.
Toute la communauté du séminaire se rassemblait alors à la chapelle. L’abbé Simoulin se rendit à l’hôpital et pria au chevet de Monseigneur les paroles des agonisants. Monseigneur était dans le coma. Vers 1 H 15 le lundi, le téléphone sonnait à la Maison généralice. M. l’abbé Laroche nous annonçait que Monseigneur était à ses derniers instants.
Tandis que la communauté de la maison se rassemblait à la chapelle, je partais immédiatement à Martigny où j’arrivais à 3 H l5. Monseigneur était ranimé artificiellement. Les fonctions du corps se mouraient peu à peu. Vers 3 H 30, le médecin constatait la mort. Dans un dernier service d’amour, j’ai fermé les yeux de notre Père bien-aimé.
Une profonde et authentique imitation de Notre Seigneur Jésus-Christ
Si nous jetons un regard sur cette vie très riche, on ne peut que le voir dans une profonde et authentique imitation de Notre Seigneur Jésus-Christ, dans les différentes étapes de sa vie, spécialement dans son sacerdoce et dans son Sacrifice sur le Calvaire.
Les trois ministères de l’Homme-Dieu peuvent se résumer à trois devises qui ont rayonné comme des phares sur le chemin de sa vie :
- Credidimus caritati : Nous avons cru à l’amour.
- Instaurare omnia in Christo : Tout renouveler dans le Christ.
- Accepi quod et tradidi vobis : Je vous ai transmis ce que j’ai reçu moi-même.
Premièrement : Tradidi vobis quod et accepi (1 Co 11,23), ou le munus docendi : le ministère de l’enseignement. Monseigneur vécut complètement plongé dans la lumière de la foi, où il puisait la doctrine de ses conférences innombrables. Et ses entretiens spirituels étaient des sermons. Il était pénétré du mystère de la Sainte Trinité et de l’action du Saint-Esprit dans l’Eglise et dans les âmes.
Toute sa vie était orientée vers les mystères de Jésus-Christ, les mystères du Verbe incarné, du Seigneur et Sauveur crucifié et ressuscité. Du Souverain Prêtre du Nouveau Testament et de la Victime de nos autels. La très Sainte Vierge Marie, avec le dogme de sa maternité divine, de son Immaculée Conception, de sa préservation de tout péché et de sa virginité perpétuelle, de son Assomption au Ciel avec son âme et son corps, était pour lui le seul chemin vers le mystère du Seigneur.
L’épouse mystique du Christ, la Sainte Eglise avec le Pontife romain, valaient à ses yeux, plus que toute autre chose au monde. Dans la lumière de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin, il puisait les vérités de la foi ; il les aimait ; il les exposait durant toute la durée de son ministère sacerdotal et épiscopal. Sous la direction du grand docteur de l’Eglise, il composait encore sa dernière œuvre, son Itinéraire spirituel. La fidélité était pour lui un devoir suprême considérant les paroles de l’Evangile : Celui qui change, ne serait-ce qu’un iota ou un trait de la loi de foi sera le plus petit dans le royaume des Cieux. Il ne se voyait que comme l’écho, le reflet, le porte-parole de l’Eglise et des conciles, ainsi que de la doctrine des papes. C’est par sa bouche que Pie VI, a de nouveau condamné la Révolution française et les soi-disant Droits de l’homme. C’est à travers lui, que Pie IX, de nos jours, a de nouveau élevé la voix pour rejeter la liberté religieuse, comme une iniquité, comme il l’a fait dans l’encyclique Quanta cura. C’est par lui que le Syllabus a repris vie de nos jours pour mettre au pilori 1’aggiornamento de l’Eglise, son adaptation aux erreurs contemporaines et à l’esprit du siècle.
Les grandes encycliques de Léon XIII se trouvaient sur ses lèvres, comme si ce pape lui-même nous parlait. Mais c’est spécialement saint Pie X, qui par lui, dans les années 70–80, a jeté l’anathème contre un modernisme et un nouveau « Sillon » qui sèment aujourd’hui de bien plus grands ravages que sous le pontificat même de saint Pie X.
Depuis 1960, aucun évêque ne s’est trouvé pour insister comme il l’a fait sur la doctrine de l’encyclique Quas primas du pape Pie XI, sur le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Personne n’a combattu les communistes avec une énergie comparable à la sienne. Selon les directives de l’encyclique Divini Redemptoris, où Pie XI les désigne comme les ennemis par excellence de la chrétienté, et où il rejette comme impossible toute collaboration avec eux.
La même chose pour la franc-maçonnerie . Avec attention il a écouté les mises en garde du pape Pie XII, dans Humani generis contre la nouvelle philosophie. Et il a de nouveau transmis ses avertissements.
Si l’Eglise, dans les documents des papes et dans les conciles, est l’oracle de Dieu vivant – et elle l’est – nous devons désigner Monseigneur Lefebvre comme un témoin fidèle de la Révélation de Dieu Trine au XXème siècle.
C’est pour ce témoignage qu’il a vécu. C’est pour ce témoignage qu’il a souffert. C’est pour ce témoignage qu’il est mort.
Témoin en grec se dit : martyr. Rendant fidèlement témoignage, il a dû nécessairement entrer en contradiction avec l’esprit du concile, ainsi qu’avec les textes conciliaires qui contredisent la doctrine constante de l’Eglise. Il avait alors à faire un choix : ou être fidèle à la doctrine de l’Eglise dans son épanouissement glorieux et sa fertilité en institutions chrétiennes pendant deux millénaires ; ou rompre cette fidélité et s’aligner sur le concile et les erreurs post-conciliaires.
C’est la grâce de Dieu qui le fit choisir sans hésitation la première solution, avec Mgr de Castro Mayer, l’autre témoin fidèle. Deo gratias ! Si aujourd’hui, partout dans le monde, sur tous les continents, une nouvelle génération d’apôtres et de témoins de la foi, travaillent dans de vrais séminaires, prieurés, maisons de retraite, écoles, couvents et monastères, si nous voyons des groupes de jeunesse catholique et des familles avec de nombreux enfants réunis autour de l’autel du Sacrifice de l’Agneau immolé, c’est en grande partie les fruits de la foi de cet homme. Une foi à transporter les montagnes. Le petit grain de sénevé devenu un grand arbre, dans les rameaux duquel les oiseaux du Ciel viennent habiter.
Deuxièmement : Credidimus caritati (1 Jn 4,16) : Nous avons cru à la charité. Le munus sanctificandi : le ministère de sanctifier. A quel amour avons-nous cru ? A l’Agneau immolé, crucifié de Notre Seigneur Jésus-Christ, Lui-même Prêtre et Victime du Sacrifice. Laissons parler Monseigneur lui-même. A la date du 4 juin 1981, il écrit aux membres de la Fraternité les mots suivants déjà une fois relatés ce jour-là :
« Toute l’Ecriture est tournée vers la Croix, vers la Victime rédemptrice et rayonnante de gloire et toute la vie de l’Eglise est tournée vers l’autel du Sacrifice et par conséquent sa principale sollicitude est la sainteté du sacerdoce (…) L’esprit de l’Eglise est orienté vers les choses divines, sacrées. Elle forme celui qui donne les choses sacrées, « sacerdos », c’est-à-dire « sacra » dans celui qui accomplit les actions saintes et sacrées, « sacrifiaium » c’est-à-dire « sacrum faciens » . Elle lui met dans les mains « consacrées » les dons divins et sacrés « sacramenta », les sacrements.
L’Eglise consacre, donne un caractère sacré aux baptisés, aux confirmés, aux rois, aux vierges, aux chevaliers, aux églises, aux calices, aux pierres d’autel, et toutes ces consécrations sont faites dans le rayonnement du Sacrifice de Notre Seigneur et en la personne de Jésus Lui-même « .
Et dans son homélie de son jubilé d’or, le 23 septembre 1979 à Paris, il expose ceci :
« La notion du sacrifice est une notion profondément chrétienne et profondément catholique. Notre vie ne peut pas se passer du Sacrifice, dès lors que Notre Seigneur Jésus-Christ, Dieu lui-même, a voulu prendre un corps comme le nôtre et nous dire : « Suivez-moi si vous voulez être sauvé », et qu’il nous a donné l’exemple de la mort sur la Croix, qu’il a répandu son Sang (…) Voilà tout le mystère de la civilisation chrétienne.
La compréhension du sacrifice de sa vie dans la vie quotidienne, l’intelligence de la souffrance chrétienne, ne plus considérer la souffrance comme un mal, comme une chose insupportable ; mais partager ses souffrances et sa maladie avec les souffrances de Notre Seigneur Jésus-Christ, en regardant la Croix, en assistant à la Sainte Messe qui est la continuation de la passion de Notre Seigneur sur le Calvaire.
Comprendre la souffrance, alors la souffrance devient une joie (…) et unie à celle de tous les martyrs, unie à celles de tous les saints, de tous les catholiques, de tous les fidèles qui souffrent dans le monde (…) elle devient un trésor inexprimable (…) pour la conversion des âmes, pour le salut de notre propre âme. Beaucoup d’âmes saintes, chrétiennes, ont même désiré souffrir, ont désiré la souffrance pour s’unir davantage à la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ (…)
Voilà les hommes qu’a produits la grâce de la Messe, qui assistaient à la Messe tous les jours, communiaient avec ferveur et qui sont devenus des modèles et des lumières autour d’eux sans compter beaucoup de chrétiens et chrétiennes transformés par la grâce.
J’ai pu voir (en Afrique) ces villages de païens devenus chrétiens se transformer non seulement, je dirai spirituellement et surnaturellement, mais se transformer physiquement, socialement, économiquement, politiquement, se transformer parce que ces personnes, de païennes qu’elles étaient, étaient devenues conscientes de la nécessité d’accomplir leur devoir, malgré les épreuves, malgré les sacrifices, de tenir leurs engagements et en particulier les engagements du mariage. Et alors, le village se transformait peu à peu sous l’influence de la grâce du Saint Sacrifice de la messe (…)
Des âmes aussi, se sont consacrées alors à Dieu, des religieux, des religieuses, des prêtres se donnaient à Dieu.
(…) Voilà le fruit de la Sainte Messe ».
Et dans son Itinéraire spirituelde 1989, il relate un rêve dans lequel Dieu lui a fait entrevoir un jour dans la cathédrale de Dakar l’image suivante :
« Devant la dégradation progressive de l’idéal sacerdotal, transmettre dans toute sa pureté doctrinale, dans toute sa charité missionnaire le sacerdoce catholique de Notre Seigneur Jésus-Christ, tel qu’il l’a transmis jusqu’au milieu du XIXème siècle ».
Dieu Lui-même, par le choix du jour de décès a imposé le sceau d’authenticité à une telle action sacrificielle pour la sauvegarde du Saint Sacrifice de la messe et le renouveau du sacerdoce catholique : Mgr Lefebvre meurt dans les heures matinales du 25 mars, fête de l’Annonciation, en ce jour où Notre Seigneur Jésus-Christ s’incarne dans le sein de la Mère très sainte et très pure, et sa nature humaine à ce moment est ointe pour être Souverain Prêtre éternel du Nouveau Testament. A partir de cette entrée dans le monde, tout son regard est tourné vers l’autel sacrificiel de la Croix et la réfection de nos âmes par le fruit de ce sacrifice. Monseigneur s’éteint le premier jour de la Semaine sainte, au moment donc où Notre Seigneur se prépare à son Sacrifice et où dans le Temple IL tient encore les grands discours qui l’opposent aux Pharisiens au sujet de sa mission.
Comme Notre Seigneur on a traîné notre Père bien-aimé devant les tribunaux ecclésiastiques et civils, devant Anne et Caïphe, devant Pilate et Hérode et c’est encore sur son lit de mourant qu’on l’a condamné soi-disant pour racisme, lui qui pendant presque trente ans a travaillé comme missionnaire en Afrique noire. « Par sa mort le juste est arraché de devant la face de l’iniquité ».
La nuit voile encore la terre quand il expire à 3 H 30 à l’hôpital. Mais peu après la lumière du nouveau jour transparaît à travers les brumes matinales. Le sacrifice est consommé et sa mort devient un triomphe et une victoire. L’éclat de la Résurrection nimbe de lumière le deuil et les funérailles d’aujourd’hui.
L’Eglise ne célèbre-t-elle pas à chaque lundi où il n’y a pas de fête, la messe votive de la Sainte Trinité qui commence avec ces paroles :
« Louée soit la très Sainte Trinité et son Unité indivisible, remercions-la parce qu’elle nous a fait miséricorde ».
Troisièmement : Instaurare omnia in Christo.(Ep l,l0).Tout restaurer dans le Christ. Le « munus regendi », le pouvoir de gouverner. Avec toute l’Eglise, Monseigneur Lefebvre confessait Dieu comme Créateur, Rédempteur, Seigneur et fin ultime de toutes choses.
La deuxième Personne de Dieu Un et Trine est devenue homme. Et donc tout doit être ordonné vers Notre Seigneur Jésus-Christ, tout doit être résumé en Lui, tout consiste en Lui et tout doit être restauré en Lui. Et la lumière de la foi illumine l’intelligence. Que la lumière et la grâce du Christ fortifient la volonté, que les mariages, les familles, les écoles et les Etats se soumettent à sa loi. Mais d’une façon particulière le Christ a posé cette loi de charité dans son Eglise avec son sacerdoce et sa vie religieuse. La vie et l’enseignement de Monseigneur Lefebvre sont par conséquent christocentriques et, parce que 1’on a méprisé ses avertissements qui, pour le dire encore une fois, ne sont que l’écho des avertissements des papes, tout s’écroule, tout se dissout, la fumée de Satan est entrée dans l’Eglise et les forces anti-chrétiennes détruisent les institutions chrétiennes. Laissons encore une fois la parole à Monseigneur :
« Le résultat de ce concile est bien pire que celui de la Révolution ; les exécutions et les martyrs sont silencieux, des dizaines de milliers de prêtres, de religieux et religieuses abandonnent leurs engagements, les autres se laïcisent, les clôtures disparaissent, le vandalisme envahit les églises, les autels sont détruits, les croix disparaissent les séminaires et les noviciats se vident.
Les sociétés civiles encore catholiques se laïcisent sous la pression des autorités romaines : Notre Seigneur n’a plus à régner ici-bas ! l’enseignement catholique devient œcuménique et libéral, la Grégorienne à Rome devient mixte, saint Thomas n’est plus à la base de l’enseignement » (Itinéraire spirituel, p.7).
Il n’y a qu’une seule solution aux problèmes du genre humain, spécialement pour notre temps : de tout ramener au Christ en qui seul il y a tranquillité dans l’ordre, dans l’ordre de la Création et dans l’ordre de la Rédemption. « Pax Christi in regno Christi » : « La paix du Christ dans le royaume du Christ ».
Monseigneur souffrait des injustices qui lui étaient faites personnellement, des humiliations de son honneur foulé aux pieds ; Il souffrait de quelques-uns de ses fils prêtres qui lui disaient : « Cette doctrine est dure, qui peut l’entendre ? » (Jn 6,61) et qui se retiraient et n’allaient plus avec lui. Il souffrait encore mille fois plus à cause de l’Eglise, il souffrait pour l’Eglise. A vrai dire, le Christ « souffrait en lui pour accomplir dans son Corps mystique l’œuvre de la Rédemption » (Col. 1,34).
Continuer son œuvre avec courage et confiance, sans dévier ni à droite, ni à gauche, du chemin tracé
Il y a deux conséquences qui semblent devoir être tirées de cette vie et de cette mort : une première pour nous, chers confrères, chers séminaristes, chers frères, chères sœurs, chers fidèles. Le meilleur hommage que nous pouvons rendre au cher défunt est celui de continuer son œuvre avec courage et confiance, sans dévier ni à droite, ni à gauche, du chemin tracé. Que Notre Dame, que Monseigneur invoquait dans toutes ses prédications et conférences, nous obtienne de son divin Fils en cette heure, l’esprit de fidélité afin que nous puissions transmettre tout ce que Monseigneur nous a transmis. Qu’en cela consiste notre honneur. Lisez par conséquent sa Déclaration du 21 novembre 1974, qui définit exactement l’esprit de la Fraternité dans la crise de la foi d’aujourd’hui. Lisez la lettre de Monseigneur adressée aux quatre évêques qu’il a consacrés, lettre d’où il ressort exactement leur place par rapport à la hiérarchie de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. En ce qui concerne la juridiction vis-à-vis des laïcs, c’est une juridiction exceptionnelle et de suppléance pour le salut des âmes, en raison de la faiblesse ou de la défaillance de l’autorité.
Une deuxième conséquence s’en suit, pour les responsables dans l’Eglise. Monseigneur Lefebvre a durant toute sa vie témoigné de son amour pour le Saint-Siège ; il ne voulait servir que le pape et les évêques et il l’a fait de triple manière :
- Premièrement : Où serait l’Eglise aujourd’hui, si le Paul de notre temps, n’avait pas résisté à Pierre, résistance qui a évité beaucoup d’autres malheurs. En outre Monseigneur Lefebvre par son action exemplaire a sauvé l’honneur de l’Eglise qui, par son essence même, est l’image du Dieu immuable.
- Deuxièmement : Au milieu de tant de contradictions et d’hostilité, il a réussi à maintenir et à éveiller de nouveau, dans un petit cercle de prêtres et de fidèles, l’esprit authentique de Jésus-Christ. C’est ainsi qu’il a tracé le chemin qui peut seul conduire à la guéri son et au renouveau de l’Eglise : c’est l’esprit de sainteté qui découle de la Croix du Christ.
- Troisièmement : Il a en effet formé une petite élite qui est à la disposition du Saint-Siège et des évêques ; mais permettez-moi de préciser : elle est à leur disposition en excluant tout compromis et toute concession vis-à-vis du concile Vatican II et des réformes qui en découlent. Tant que l’esprit de destruction soufflera dans les évêchés et dans les dicastères romains, il n’y aura aucune harmonisation ou accord possibles. Nous voulons travailler à la construction de l’Eglise et non pas à sa démolition. On lit dans les journaux que Rome aurait attendu jusqu’à la fin le « repentir » de Monseigneur. De quoi peut se repentir un homme qui a accompli son devoir jusqu’au bout en préservant ou en redonnant à l’Eglise les moyens qui sont absolument nécessaires à la sainteté ? N’était-ce pas une bonne œuvre de lui donner des pasteurs catholiques, elle qui est occupée par des mercenaires, des voleurs et des larrons ? « Et pour cette bonne œuvre vous lapidez votre frère » (Jn 10,32).
En cette heure, nous supplions Rome et les évêques : abandonnez l’œcuménisme funeste, la laïcisation de la société et la protestantisation du culte divin, retournez à la sainte tradition de l’Eglise, même si vous scellez le tombeau que vous avez creusé à la vraie Sainte Messe, au catéchisme du concile de Trente et au titre de Roi universel de Jésus-Christ, par mille décrets et excommunications : la vie ressuscitera du tombeau fermé. « Jérusalem, convertis-toi au Seigneur ton Dieu ! « Un signe essentiel d’une telle conversion et d’un tel retour pourrait être une fois fermé le tombeau de Monseigneur Lefebvre, l’ouverture officielle d’un procès d’information pour constater le degré héroïque de ses vertus. Nous ses fils, nous sommes les témoins privilégies de ses mérites, de la force de sa foi, de son amour brûlant de Dieu et du prochain, de sa résignation dans la volonté de Dieu, de son humilité et de sa douceur, de sa vie de prières et d’adoration, de sa haine du péché et son horreur de l’erreur.
Personne ne s’est approché de lui, sans repartir meilleur ; il a rayonné la sainteté et il l’a créée instrumentalement dans son entourage. Un jour un vieux prêtre observateur critique de la scène d’aujourd’hui, me disait : « Monseigneur Lefebvre est la charité ».
Tournons-nous en cette heure vers la très Sainte Vierge Marie, Mère de Miscéricorde, Mère du Souverain Prêtre, afin qu’elle recommande l’âme de son serviteur fidèle à son Fils divin et la Lui présente.
L’œuvre de Mgr Lefebvre sur cette terre est accomplie. Maintenant commence son ministère d’intercesseur dans l’éternité. Il a donné tout ce qu’il avait à donner : sa doctrine d’évêque, son action de missionnaire infatigable, le miracle d’une nouvelle génération de prêtres, un exemple dans la souffrance, et les quatre évêques auxiliaires, dispensateurs du Saint-Esprit sur l’Eglise et les âmes. Dieu lui a demandé une dernière chose : sa vie.
Puisqu’il aimait les siens, il les aima jusqu’au bout : in finem.
« Ecce Sacerdos magnus, qui in diebus suis placuit Deo, et inventus est justus. Non est inventus similis illi, qui conservaret legem Excel si »
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit .Ainsi soit-il.
Ecône, le 2 avril 1991