« Dieu est visible à l’œil nu. Ce qui manque, c’est la nudité. »
Cette réflexion d’un chartreux ne signifie pas que l’union à Dieu comportera une vision sensible. Elle veut dire que cette contemplation suppose un amour total, qui ne souffre pas les affections parasites que nous pouvons nourrir pour une foule de choses créées. « Qu’importe que l’oiseau soit retenu par un fil léger ou une corde ? Le fil qui le retient a beau être léger, l’oiseau y reste attaché comme à la corde, et tant qu’il ne l’aura pas rompu, il ne pourra voler. » [1]
Tous les efforts que nous nous imposons ne visent pas seulement à perdre des habitudes de péché, mais encore à acquérir la liberté intérieure de notre âme qui nous permette d’aimer Dieu pleinement.
C’est ce que suggère l’expression de « vie intérieure » : vivre, c’est accomplir des opérations spontanées, à la différence des êtres inanimés qui sont le simple jouet des lois physiques. Dans la mesure où nous nous laissons mener par nos attachements, nous ne sommes que feuilles mortes. Au contraire, plus nous sommes détachés de tout, plus notre offrande à Dieu est significative : on ne donne vraiment que ce qu’on possède pleinement.
Les grands auteurs spirituels promeuvent une ascèse sévère ; on est effrayé devant la vie de saint Jean de la Croix ou devant celle des Pères du désert. Mais l’ascèse doit être adaptée. Les grands réformateurs du Carmel au 16e s. vivaient dans le milieu espagnol ardent et belliqueux de l’époque, et lui recommandent une mortification physique vigoureuse. Saint François de Sales s’adresse à des femmes du monde, maîtresses de maison habituées à commander et à soigner les détails. Il leur recommande humilité et renoncement à leurs goûts.
Quelle ascèse convient à notre époque ? Sans doute la hardiesse à s’afficher comme chrétien, puisque le monde cache de moins en moins son hostilité contre la foi, et même contre la nature et le bon sens. En outre, la réaction contre l’individualisme que favorise le confort. Et surtout maintenir une vie intérieure malgré l’étourdissante profusion de l’information.
Abbé Nicolas Cadiet
- Saint Jean de la Croix, La Montée du Carmel, livre I c.11.[↩]