Docteur de l’Église. Défenseur du culte des saintes images et dévot à la Vierge Marie. (VIIe siècle).
Fête le 27 mars.
Vie résumée par l’abbé Jaud
Saint Jean Damascène, ainsi nommé parce qu’il naquit à Damas, en Syrie, est le dernier des Pères grecs et le plus remarquable écrivain du huitième siècle.
Son père, quoique zélé chrétien, fut choisi comme ministre du calife des Sarrasins, et employa sa haute situation à protéger la religion de Jésus-Christ. Il donna comme précepteur à son fils un moine italien devenu captif, et auquel il rendit la liberté. Ce moine se trouvait être un saint et un savant religieux ; à son école, Jean développa d’une manière merveilleuse son génie et sa vertu.
A la mort de son père, il fut choisi par le calife comme ministre et comme gouverneur de Damas. Dans ces hautes fonctions, il fut, par la suite d’une vile imposture et d’une basse jalousie, accusé de trahison. Le calife, trop promptement crédule, lui fit couper la main droite. Jean, ayant obtenu que cette main lui fût remise, se retira dans son oratoire, et là il demanda à la Sainte Vierge de rétablir le membre coupé, promettant d’employer toute sa vie à glorifier Jésus et Sa Mère par ses écrits. Pendant son sommeil, la Sainte Vierge lui apparut et lui dit qu’il était exaucé ; il s’éveilla, vit sa main droite jointe miraculeusement au bras presque sans trace de séparation. Le calife, reconnaissant, à ce miracle, l’innocence de son ministre, lui rendit sa place ; mais bientôt Jean, après avoir distribué ses biens aux pauvres, se retira au monastère de Saint-Sabas, où il brilla par son héroïque obéissance.
Ordonné prêtre, il accomplit sa promesse à la Sainte Vierge en consacrant désormais le reste de ses jours à la défense de sa religion et à la glorification de Marie. Il fut, en particulier, un vigoureux apologiste du culte des saintes Images, si violemment attaqué, de son temps, par les Iconoclastes.
Ses savants ouvrages, spécialement ses écrits dogmatiques, lui ont mérité le titre de docteur de l’Église. Il a été, par sa méthode, le précurseur de la méthode théologique qu’on a appelée Scholastique. Ses nombreux et savants ouvrages lui laissaient encore du temps pour de pieux écrits.
Sa dévotion envers la Très Sainte Vierge était remarquable ; il L’appelait des noms les plus doux. A Damas, Son image avait occupé une place d’honneur dans le palais du grand vizir, et nous avons vu par quel miracle il en fut récompensé. Les discours qu’il a composés sur les mystères de Sa vie, et en particulier sur Sa glorieuse Assomption, font assez voir comment il était inspiré par Sa divine Mère. Ses immenses travaux ne diminuèrent point sa vie, car il mourut à l’âge de cent quatre ans.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950
Version longue (La Bonne Presse)
Au VIIeme siècle, un empereur hérétique de Constantinople, Léon l’Isaurien, ordonnait par un édit d’ôter des églises et des lieux publics les tableaux et statues sacrés qui y étaient exposés à la vénération des fidèles ; cet arrêt devait être sanctionné par des violences inouïes. De la persécution des iconoclastes ou briseurs d’images, on retrouvera plus tard l’esprit chez les Albigeois, les Vaudois et les Hussites.
A travers les siècles et jusqu’à nos jours, dans l’esprit des chrétiens et surtout en Orient, la tyrannie hérétique de Léon l’Isaurien évoque immédiatement le nom de saint Jean Damascène, principalement grâce à une légende dont nous dirons ce qu’il faut penser, hommage pourtant justifié, en ce sens que Jean de Damas fut avec saint Germain de Constantinople et Georges de Chypre à la tête des défenseurs des saintes icônes. Toutefois, c’est restreindre sa gloire légitime que de ne voir que cela en lui ; il est plus justement apprécié par l’Eglise orientale, qui le regarde à bon droit comme le meilleur de ses théologiens.
Enfance et éducation.
On ne connaît que fort peu de détails certains sur la vie de Jean. Il était né à Damas – d’où le nom de Damascène – avant la fin du VIIeme siècle, et probablement vers 675, d’une riche famille chrétienne, dans laquelle se transmettait par voie d’hérédité la charge de logothète, ou vraisemblablement de collecteur d’impôt près des chrétiens, pour le compte du calife de Damas. C’est donc à tort qu’un de ses biographes, le patriarche de Jérusalem, Jean VI (+970), prétend faire de Jean Damascène et de son père le grand vizir du calife. L’aïeul paternel du futur Saint portait le surnom, devenu héréditaire, de « Mansour », mot qui en arabe signifie « le victorieux », et son père s’appelait Serge. Ce dernier demeura au milieu des infidèles, un fervent chrétien. Il dépensait en œuvres de charité les immenses revenus de ses terres de Palestine, et surtout il profitait de sa situation pour racheter les captifs.
Et parmi ces derniers, si l’on en croit un biographe, se trouvait un religieux venu de Sicile, nommé Cosmas ou Cosme l’Ancien, très versé dans la philosophie, et parlant plusieurs langues.
Or, précisément, Serge Mansour cherchait depuis longtemps un homme capable de donner à son fils une éducation convenable. La Providence le comblait en lui faisant trouver un trésor d’érudition et de piété dans ce captif qu’on allait égorger. Il courut le demander au calife, qui n’y fit aucune objection. Cosme reçut la liberté, devint l’ami du père et le maître du fils, qui, sous sa direction apprit avec un succès prodigieux les linéaments de la belle méthode aristotélicienne qui sera si en faveur au moyen âge.
Quand l’éducation de Jean fut achevée, le moine dit à Serge :
– Vos vœux sont accomplis, la sagesse de votre enfant surpasse la mienne : Dieu complétera l’œuvre. Je vous prie de me laisser me retirer au désert, afin de vaquer à la céleste contemplation.
Serge fit la plus grande résistance, mais il dut céder aux vœux ardents du saint moine, qui se retira en Palestine, dans la laure [1] de Saint-Sabas.
Ainsi débute le récit du biographe Jean de Jérusalem ; nous ne le donnons qu’à titre d’information, car il n’est plus accepté par les historiens qui ont étudié d’une manière très scientifique la vie, les écrits et la doctrine de Jean Damascène.
Pour le même motif, nous ne nous arrêtons pas à l’opinion qui fait de Jean le grand-vizir du calife ; en réalité, il fut instruit dans les sciences religieuses par des prêtres, peut-être par un évêque (c’est un point qu’il est difficile de préciser). Peut-être hérita-t-il de la charge de son père, avant d’entrer à la laure de Saint-Sabas, l’une des plus célèbres de l’Orient, en 706, c’est-à-dire vers l’âge de trente et un ans. Il fut ordonné prêtre avant l’année 726.
L’hérésie iconoclaste. – Le « Traité des images ».
L’Orient chrétien devait être agité pendant plus d’un siècle (726–840) par l’hérésie iconoclaste, et particulièrement sous le règne de l’empereur Léon III l’Isaurien. Ce rustre couronné, ancien marchand de bestiaux, puis heureux soldat, était monté sur le trône de Constantinople en l’an 716. Arrivé au pouvoir au milieu d’une véritable anarchie, il venait de se révéler comme un homme d’Etat de premier ordre, et il peut être regardé comme le réorganisateur de l’Empire byzantin. Mais en proscrivant le culte des images, à quel mobile obéissait-il ? Avait-il gardé quelque sympathie, manifestée dans sa jeunesse, pour cette terrible secte des pauliciens, issue du manichéisme, qui avait mis à feu et à sang l’Asie Mineure, incendiant les églises d’Arménie et de Syrie, et détruisant partout les saintes icônes ? Plus vraisemblablement, il avait l’ambition, sorte d’empereur-sacristain, d’étendre au sanctuaire les réformes qu’il était fier d’avoir réalisées dans l’ordre social et militaire : à coup sûr, il ne prévoyait pas que ces querelles iconoclastes allaient séparer Constantinople de Rome, et rapprocher Rome de Charlemagne, le grand empereur d’Occident. Avant d’arriver aux mesures de violence, Léon l’Isaurien avait procédé peu à peu à l’épuration de l’épiscopat oriental ; il devait, après la persécution, qui commença à l’automne de 726, mettre en demeure saint Germain, patriarche de Constantinople, d’adhérer à l’hérésie ou de se retirer.
En terre musulmane, les Eglises melkites n’avaient rien à craindre de l’empereur chrétien ; elles restèrent fidèles au culte des saintes images, grâce à Georges de Chypre et à Jean de Damas. Soit dans son monastère de Saint-Sabas, soit à Jérusalem, celui-ci avait composé trois lettres, qui constituent un traité montrant combien est légitime (malgré les abus qui avaient pu s’introduire ici ou là) le culte ou mieux la vénération que nous témoignons aux images du Christ, de la Sainte Vierge ou des Saints, ainsi qu’aux reliques.
Nous empruntons au P. Jugie son exposé :
Jean parle avec éloquence du culte qui est rendu aux Saints dans l’Eglise catholique. Le culte qui s’adresse à une créature est motivé par une relation, un rapport de cette créature avec Dieu… Ce principe général s’applique à la fois au culte des Saints et de leurs reliques, et au culte des images en général. Nous vénérons les Saints à cause de Dieu, parce qu’ils sont ses serviteurs, ses enfants et ses héritiers, des « dieux » par participation, les amis dans Christ, les temples vivants du Saint-Esprit. Cet honneur rejaillit sur Dieu lui-même, qui se considère comme honoré dans ses fidèles serviteurs, et nous comble de ses bienfaits. Les Saints sont, en effet, les patrons du genre humain. Il faut bien se garder de les mettre au nombre des morts. Ils sont toujours vivants, et leurs corps mêmes, leurs reliques méritent aussi notre culte.
En dehors des corps des Saints, méritent aussi notre culte, mais culte relatif, qui remonte à Jésus-Christ ou à ses Saints, toutes les autres reliques et choses saintes, qu’il s’agisse de la vraie croix et des autres instruments de la Passion ou des objets et lieux consacrés par la présence ou le contact de Jésus-Christ, de la Sainte Vierge ou des Saints.
Ces mêmes principes trouvent leur application toute logique dans le culte rendu aux saintes images. Ce culte « présente pour les fidèles de multiples avantages : l’image est d’abord le livre des ignorants ; c’est une exhortation muette à imiter les exemples des Saints ; c’est enfin un canal des bienfaits divins ».
La légende de la mains coupée. – La Vierge à trois mains.
Cette légende est très célèbre ; nous ne la donnerons ici que pour mémoire. Donc l’empereur iconoclaste voit se dresser en face de lui un adversaire redoutable à la cour même des califes musulmans, c’est-à-dire hors de sa portée : c’est Jean le Damascène, le grand-vizir.
Léon III décide de se venger d’une manière hypocrite et cruelle : il fait remettre au calife une lettre écrite par un faussaire, signée du nom de Jean Mansour et invitant l’empereur de Byzance à s’emparer de Damas. On conçoit la colère du calife devant cette pièce à conviction, qui est pour lui la preuve d’une trahison. Aussitôt, il fait mander le grand-vizir et lui fait trancher la main droite. Le martyr supporte courageusement ce supplice, rentre dans son oratoire privé ; il se met en prière devant une image de la Très Sainte Vierge, suppliant la Mère de Dieu de lui rendre l’usage de sa main pour lui permettre de reprendre la plume. Alors il s’endort ; la Vierge de l’icône abaisse sur son chevaleresque défenseur un regard maternel et lui rend l’usage de sa main, autour de laquelle un mince liseré rouge persistera pour attester le prodige.
Dès lors, l’heureux miraculé renonce au monde et va s’enfermer dans la solitude de Saint-Sabas, où il continuera d’écrire à la louange de Marie.
On nous a même conservé le texte apocryphe d’une prétendue prière en vers, que Jean aurait adressée à la Sainte Vierge pour demander la restitution de sa main coupée.
La légende est très belle, mais elle est sans fondement, car elle ne concorde en aucune manière avec les quelques données précises et certaines de la biographie de l’illustre moine.
Une autre tradition, dont l’existence est tenace en Orient, s’ajoute à la précédente : contre l’icône miraculeuse, Jean avait suspendu en ex-voto une main d’argent, de même qu’en certaines régions de la France on a offert et peut-être offre-t-on encore des figurines de cire représentant têtes, mains ou jambes, correspondant à des parties du corps pour lesquelles les fidèles ont obtenu la guérison. L’icône avec son ex-voto fut conservée comme une relique précieuse sous le nom de « Vierge Damascène » ou de « Vierge à trois mains ». Quelle que soit son origine, cette image a une histoire que raconte ainsi le P. Joseph Goudard :
Au XIIIeme siècle, elle fut remise par le supérieur de la laure à saint Sabas. métropolite de Serbie et grand serviteur de Notre-Dame, dans un de ses deux pèlerinages en Terre Sainte. De retour dans son pays, le prélat en fît don à son frère, Etienne, roi de Serbie, de la dynastie des Némanya, lui recommandant de la garder et de l’honorer d’un culte spécial comme un très précieux trésor de famille. Plus tard, après l’extinction des Némanya, l’icône fut transférée au Mont Athos, la montagne de Marie, et déposée au monastère de Kilandar. Cette « Vierge Damascène » a eu une très grande célébrité, en Orient. Les peintres la prirent pour modèle, et telle est l’origine de ces curieuses peintures où la Sainte Vierge est représentée avec trois mains. Les Serbes allèrent plus loin ; ce titre de « Vierge à triple main », ils en ont fait le vocable de plusieurs de leurs églises cathédrales réputées « thaumaturges » encore aujourd’hui, telles Notre-Dame d’Uskub, Notre-Dame de Skoplie, etc.
Saint Jean docteur.
Jean Damascène fut à la fois philosophe, théologien, orateur ascétique, historien, exégète, poète même. Le principal de ses écrits dogmatiques est la Source de la connaissance. Il comprend trois grandes divisions. La première, appelée Dialectique, met sous les yeux du lecteur ce qu’il y a de meilleur dans la philosophie grecque ; la deuxième, tout historique, est un clair résumé des hérésies apparues dans l’Eglise jusqu’à celle des iconoclastes : l’auteur y expose et réfute tout au long le mahométisme. La troisième partie comprend son grand ouvrage bien connu, Exposition de la foi orthodoxe. Il y parle de Dieu, de ses œuvres, de ses attributs, de sa Providence, de l’incarnation, des Sacrements ; sur chaque vérité il résume l’Ecriture et la Tradition.
Il est vraisemblable que ce dernier écrit fut composé au monastère de Saint-Sabas. Le texte nous en a été conservé dans une traduction arabe. Cet ouvrage est d’une grande importance pour l’histoire de la théologie ; malgré ses lacunes, il est le fidèle écho des enseignements des Pères grecs qui ont précédé son auteur, et on a dit qu’il représente la première Somme théologique digne de ce nom. Le mystère de l’Incarnation est celui sur lequel Jean Damascène s’étend le plus longuement ; sa théologie mariale, soit dans ce traité soit en d’autres ouvrages, est irréprochable : ici encore, interprète de l’enseignement des autres théologiens byzantins, il expose d’une manière admirable les vues les plus orthodoxes sur l’Immaculée Conception et la virginité perpétuelle de Marie, son rôle de corédemptrice du genre humain par sa libre coopération au plan divin ; son Assomption, sa royauté sur les créatures, sa médiation universelle et sa maternité de grâce.
L’Exposition de la foi orthodoxe fut mise à contribution souvent d’une façon inavouée par les théologiens byzantins ; elle fut traduite en paléoslave, vers la fin du IXeme siècle, par les soins de Jean, exarque de Bulgarie ; en Russie, elle a été imprimée plusieurs fois. Les Byzantins ont surnommé Jean Damascène Chrysorrhoas (qui roule de l’or), et ce nom dit assez toute l’admiration que la postérité a vouée à sa personne et à ses travaux.
Saint Jean Damascène poète et musicien.
Jean est considéré comme l’auteur d’un grand nombre de chants, savants et populaires, dont on voit quelques-uns cités dans les anthologies de musique religieuse, anciennes et modernes. En tels d’entre eux la Très Sainte Vierge est chantée d’une manière heureuse ; il a composé aussi des tropaires dans lesquels il demande pour les défunts le repos éternel, ce qui est très important pour l’histoire de la croyance au purgatoire.
On a même voulu faire du moine de Saint-Sabas l’organisateur du chant liturgique grec, l’inventeur de la notation musicale qui porte son nom, l’auteur de l’Octoekos, livre liturgique d’un charme et d’une fraîcheur antiques, qui sous huit tons musicaux contient des tropaires et des canons sur la Résurrection, la Croix, la Vierge.
Le P. Pargoire déclare toutefois que s’il a jeté les bases du célèbre recueil, « Jean le Moine » ne l’a certainement pas bâti seul, ni tout d’une pièce, car d’autres, même au IXeme siècle, apporteront leur pierre à cet édifice. D’autre part, un historien de la musique byzantine, le P. Joannès Thibaut, affirme que « le Canon musical nous est une preuve que Jean Damascène connaissait son art à la perfection, et qu’il était, suivant l’expression consacrée, un musicien dans l’âme. »
De toute manière, il est prudent d’unir au nom de Jean Damascène celui de saint Cosme ou Cosmas de Maiuma, son ami, dont le talent de compositeur est hors de contestation.
Pour mémoire encore, enregistrons une autre tradition touchante : la Vierge Marie « venant doucement gourmander l’archimandrite de la laure, homme austère qui saisissait difficilement la portée apostolique des livres et surtout de la poésie.
– Pourquoi, lui dit Notre-Dame, pourquoi empêches-tu cette source de donner ses eaux limpides, lesquelles, en coulant sur le monde, emporteront les hérésies ?
Comme on peut le voir, la trame de la vie de Jean Damascène est aussi ténue que possible, au moins dans la mesure où nous la connaissons. On pourrait même se demander pourquoi l’Eglise le vénère comme Saint. Comme s’il répondait précisément à cette question, le P. Jugie remarque judicieusement :
Sa sainteté, on la voit transparaître dans ses œuvres. Le ton d’humilité sincère avec lequel il parle de lui-même en plusieurs endroits de ses écrits, allant jusqu’à se traiter d’homme ignorant, son amour pour Jésus-Christ, sa tendre dévotion à Marie, son dévouement pour l’Eglise qui lui a fait composer tous ses ouvrages, tout cela nous montre que le docteur de Damas appartient à la race des grands Saints qui ont illustré l’Eglise à la fois par leur science et par leur vertu.
Mort de saint Jean Damascène. – Au Concile de Nicée.
On sait qu’à la laure de Saint-Sabas Jean de Damas fit admettre son propre neveu, Etienne le Thaumaturge, lui-même honoré comme Saint. La date de la mort de ce dernier est connue : 31 mars 794 ; grâce à elle, des déductions d’une logique impeccable ont permis de connaître la date de la mort de Jean Damascène, qui correspond à l’année 749, ou à la rigueur à 748 ; le 4 décembre est de tradition ; il n’y a pas de raison sérieuse de ne pas l’admettre plutôt que le 16 mai, ainsi qu’on l’a fait autrefois.
Un conciliabule hérétique réuni, le 10 février 753, au palais impérial de Hiéria, près de Chalcédoine, avec le bienveillant appui de Constantin Copronyme, enregistrait avec une joie apparente la mort des trois défenseurs des saintes images, saint Germain, Georges de Chypre et saint Jean Damascène, par une formule demeurée célèbre : « La Trinité a fait disparaître les trois. » Reprenant cette phrase et la rectifiant d’une manière heureuse, le VIIeme Concile œcuménique, réuni à Nicée en 787 et qui condamna l’hérésie des iconoclastes, déclara : « La Trinité a glorifié les trois » : la sixième session de ce même Concile entendit l’éloge de saint Jean Damascène ; la septième proclama sa « mémoire éternelle ».
Les reliques et le souvenir. – Docteur de l’Eglise.
Le corps de saint Jean Damascène fut conservé pendant au moins quatre siècles dans la laure de Saint-Sabas ; plus tard, il fut transporté à Constantinople. Certains Martyrologes latins semblent faire allusion à cette translation en inscrivant au 6 mai la mention suivante : « A Constantinople, déposition de Jean Damascène, de sainte mémoire, docteur insigne. »
Le couvent de Saint-Sabas conserve deux tableaux qui représentent le Saint. Sur le premier, on voit un vieillard à cheveux blancs, la figure rayonnante de beauté et de majesté, penché sur un parchemin, écrivant et chantant les louanges de Marie, telles que les a conservées la liturgie de l’Eglise grecque. Sur le second, qui couronne l’entrée du tombeau de saint Jean, on voit un moine étendu sur son lit funèbre ; sur sa poitrine, il a les mains jointes, contre lesquelles on a déposé une petite icône de Marie portant l’Enfant Jésus ; la multitude des moines entoure le corps, qui semble plutôt reposer après une dure journée de travail.
Son souvenir n’est pas près de disparaître à Damas, sa ville natale :
De temps immémorial on montrait dans le quartier chrétien, non loin de la porte dite Bab Tourna, une ruine sainte, un ouakf dépendant de la grande mosquée et connu de toute la ville sous le nom de maison de saint Jean Damascène. En 1878, après de longues démarches, les Jésuites l’obtinrent des musulmans et la transformèrent en un sanctuaire aujourd’hui très fréquenté. (J. Goudard.)
Dans l’Eglise grecque, les deux dates du 29 novembre et du 4 décembre ont été retenues concurremment pour la célébration de la fête de saint Jean Damascène ; c’est le 4 décembre qui l’a emporté. Léon XIII, le 9 août 1890, a étendu l’office du Saint, sous le rite double, à l’Eglise universelle, fixant au 27 mars la célébration de la fête. Saint Jean Damascène a été proclamé docteur de l’Eglise après décret de la Congrégation des Rites, le 19 du même mois.
A. P. et A. D.
Sources consultées. – P. Martin Jugie, A. A., Saint Jean Damascène, dans Dictionnaire de théologie, de Vacant-Amann (Paris, 1924) ; Remarques sur de prétendus discours inédits de saint Jean Damascène, dans Echos d’Orient (Paris, 1914). – J. Pargoire, A. A., L’Eglise byzantine, de 727 à 847 (Paris, 1905). – P. Joannès Thibaut, A. A., La musique byzantine, dans Echos d’Orient (Paris, 1898). – P. Simeon Vailhé, A. A., Date de la mort de saint Jean Damascène, dans Echos d’Orient (Paris, 1906). – P.-M. Asaf, La dévotion à Marie au moyen âge (693‑1453), dans Notre-Dame (Paris, 1914). – P. Joseph Goudard, S. J., La Sainte Vierge au Liban (Paris, 1906). – (V. S. B. P., n° 78.)
- Habitation de moines solitaires, composée de cellules rangées en rond, séparées les unes des autres, avec une église au milieu.[↩]