Pape et docteur de l’Église (540–604). Il développa la liturgie romaine. Fête le 12 mars.
Vie résumée par l’abbé Jaud
C’est à bon droit que cet illustre Pape est appelé le Grand ; il fut, en effet, grand par sa naissance, – fils de sénateur, neveu d’une sainte, la vierge Tarsille ; – grand par sa science et par sa sainteté ; – grand par les merveilles qu’il opéra ; – grand par les dignités de cardinal, de légat, de Pape, où la Providence et son mérite l’élevèrent graduellement.
Grégoire était né à Rome. Il en occupa quelques temps la première magistrature, mais bientôt la cité, qui avait vu cet opulent patricien traverser ses rues en habits de soie, étincelants de pierreries, le vit avec bien plus d’admiration, couvert d’un grossier vêtement, servir les mendiants, mendiant lui-même, dans son palais devenu monastère et hôpital. Il n’avait conservé qu’un seul reste de son ancienne splendeur, une écuelle d’argent dans laquelle sa mère lui envoyait tous les jours de pauvres légumes pour sa nourriture ; encore ne tarda-t-il pas de la donner à un pauvre marchand qui, après avoir tout perdu dans un naufrage, était venu solliciter sa charité si connue.
Grégoire se livra avec ardeur à la lecture des Livres Saints ; ses veilles, ses mortifications étaient telles, que sa santé y succomba et que sa vie fut compromise. Passant un jour sur le marché, il vit de jeunes enfants d’une ravissante beauté que l’on exposait en vente. Apprenant qu’ils étaient Angles, c’est-à-dire du pays, encore païen, d’Angleterre : « Dites plutôt des Anges, s’écria-t-il, s’ils n’étaient pas sous l’empire du démon. » Il alla voir le Pape, et obtint d’aller prêcher l’Évangile à ce peuple ; mais les murmures de Rome forcèrent le Pape à le retenir.
Le Souverain Pontife étant venu à mourir, Grégoire dut courber ses épaules sous la charge spirituelle de tout l’univers. L’un des faits remarquables de son pontificat, c’est l’évangélisation de ce peuple anglais dont il eût voulu lui-même être l’apôtre.
Grégoire s’est rendu célèbre par la réforme de la liturgie et le perfectionnement du chant ecclésiastique. Il prêchait souvent au peuple de Rome, et lorsque la maladie lui ôtait cette consolation, il composait des sermons et des homélies qui comptent parmi les chefs-d’œuvre de ce grand docteur. Son pontificat fut l’un des plus féconds dont s’honore l’Église. Grégoire mourut le 12 mars 604. On le représente écoutant une colombe qui lui parle à l’oreille. Il est regardé comme le patron des chantres.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950
Version longue (La Bonne Presse)
Au VIeme siècle, dans la désolation de Rome, de l’Italie et d’une Europe où il semble qu’avec les Barbares les païens soient redevenus les maîtres, la Providence a ménagé l’entrée en scène d’un Pape qui, sans chercher à gouverner le monde, devait jouir d’un prestige exceptionnel de son vivant tandis que sa mémoire demeurerait en bénédiction.
La jeunesse de saint Grégoire. – Son entrée en religion.
Grégoire, appelé à si juste titre le Grand, naquit à Rome vers l’an 540. Son père, Gordien, était sénateur, mais il se voua dans la suite au service des pauvres. Sa mère, Sylvie, consacra aussi la fin de sa vie à la contemplation dans un petit oratoire, où elle s’était retirée. Arrière petit-fils du Pape Félix III (483–192) et neveu de la vierge Tarsilla qui mérita d’entendre à l’heure de sa mort les concerts des anges, et de voir Jésus-Christ venir au-devant de son âme bienheureuse, Grégoire apprit avec facilité les lettres divines et humaines ; du vivant de son père, il entra dans l’administration impériale et fut même, croit-on, préfet de Rome. Mais il aspirait à se retirer dans la solitude et à mener une vie toute de prière.
A la mort de Gordien, Grégoire put enfin exécuter son vœu le plus cher. Il fonda d’abord six monastères en Sicile et un autre à Rome, en s’inspirant sans doute de la règle de saint Benoît. C’est dans ce dernier couvent désigné sous le nom de Saint-André, et situé sur la pente du mont Caelius, qu’il prit l’habit monastique, à l’âge de trente et un ans, après avoir distribué aux pauvres ce qui lui restait de son patrimoine.
L’écuelle d’argent et le mendiant.
Le nouveau religieux n’avait conservé de tous ses biens qu’une écuelle d’argent, dans laquelle sa mère lui envoyait chaque jour des légumes cuits à l’eau pour sa nourriture.
Or, il arriva qu’un marchand vint le trouver à son monastère ; il lui raconta qu’il avait fait naufrage et perdu toute sa fortune. Grégoire aussitôt donna ordre de lui compter six pièces de monnaie. Mais le solliciteur ayant fait observer que cela était bien peu de chose, vu sa détresse, Grégoire fit aussitôt doubler la somme.
Deux jours après, le même marchand revint à la charge en arguant de son extrême pauvreté. Mais il ne restait plus d’argent au jeune moine. Toutefois, ne voulant pas renvoyer son visiteur les mains vides, il lui donna son écuelle d’argent. A la suite de cette action, Grégoire opéra un grand nombre de miracles. Car le marchand naufragé était un ange envoyé du ciel pour éprouver la charité du religieux.
Un des premiers actes de Pelage II, élu Pape en 579, fut de conférer à Grégoire le diaconat, ce qui, d’après l’usage des premiers siècles, lui donnait une importance considérable, et de l’envoyer à Constantinople pour y servir auprès de l’empereur les intérêts de Rome et de l’Italie, alors envahie par les Lombards. Son séjour en Orient se prolongea probablement jusqu’en 586.
Election au Souverain Pontificat. –« Regina Caeli ».
Lorsque Pélage II vint à mourir, emporté par la peste (janvier 590), la voix unanime du peuple, du clergé et du Sénat, demanda que le diacre Grégoire lui succédât.
Rome avait compté sans la modestie de l’élu qui, pour gagner du temps, déclara vouloir différer son acceptation jusqu’à l’arrivée de l’approbation impériale. En attendant, Grégoire se dévoua pour soulager les infortunes et combattre le fléau, il prescrivit des processions expiatoires pendant trois jours consécutifs ; mais le premier jour, quatre-vingts personnes moururent en une heure avant d’arriver à Sainte-Marie Majeure. Alors, comme pour faire violence au ciel, il prit dans ses mains l’image de la Mère de Dieu peinte par saint Luc, et nu-pieds, les épaules couvertes d’un sac de pénitent, il traversa toute la ville pour se rendre à la basilique de Saint-Pierre. La foule éplorée le suivit.
D’après la tradition, en arrivant sur le pont qui fait face au mausolée d’Adrien, on entendit dans les airs des chœurs angéliques chantant ces paroles :
« Regina caeli laetare Réjouissez-vous, ô Reine du ciel, alléluia ! parce que celui que vous avez mérité de porter, alléluia, est ressuscité, comme il l’a prédit, alléluia ! »
Pénétré d’allégresse et de reconnaissance, le peuple s’agenouilla, et Grégoire, les yeux fixés au ciel, s’écria :
« Ora pro nobis Deum, priez Dieu pour nous, alléluia ! »
En ce moment, un ange parut sur la cime du mausolée ; il tenait à la main un glaive qu’il rentrait dans le fourreau. Dès lors, la peste ne fit plus de victime.
Cet événement miraculeux grandit beaucoup le prestige de Grégoire. Mais celui-ci, non content d’écrire à l’empereur Maurice pour le conjurer de ne pas ratifier son élection, s’échappa de Rome sous un déguisement. On s’aperçut bientôt de sa disparition, et ce fut un deuil public. Durant trois jours tous les habitants jeûnèrent et remplirent les églises pour obtenir de Dieu la grâce de retrouver leur pasteur bien-aimé.
Les lettres de ratification venaient précisément d’arriver de Constantinople. Le soir, toute la population se répandit dans la campagne, cherchant le fugitif. Celui-ci s’était caché dans une caverne. Mais Dieu le fit découvrir au moyen d’une colonne de lumière qui paraissait au-dessus de lui et l’accompagnait partout où il allait.
Grégoire fut ramené en triomphe à la basilique vaticane, et le lendemain, 3 septembre 590, il fut couronné au milieu de l’allégresse générale. Maintenant, le sacrifice était fait ; il l’accepta courageusement malgré une santé débile et il ne tarda pas à faire sentir sa volonté de maintenir l’ordre matériel et moral et le respect de l’autorité.
L’apôtre de l’Angleterre.
Une tradition veut qu’au temps où il était encore moine à Saint-André, à Rome, Grégoire ait demandé au Pape Benoît Ier la permission d’aller prêcher l’Evangile en Angleterre, mais que le peuple l’ait empêché de quitter Rome. Ce désir lui aurait été inspiré par la vue de jeunes enfants originaires de ce pays, pauvres païens mis en vente sur un marché et dont l’allure franche, le regard clair lui auraient inspiré ce joli mot : « Ce ne sont pas des Angles, mais des anges. » (Non Angli sed angeli.)
Quoi qu’il en soit de l’authenticité de ce trait, un fait est réel : c’est le Pape Grégoire qui a donné à l’Angleterre le trésor de la foi en lui envoyant, au printemps de 596 le prieur du monastère de Saint-André, nommé Augustin, avec quarante de ses frères. Sans doute, au Concile d’Arles, en 314, on avait compté trois évêques de Grande-Bretagne, mais le pays était retombé dans le paganisme à la suite de l’invasion des Anglo-Saxons en 428.
Les missionnaires s’arrêtèrent en Provence, découragés devant les fatigues de la route, et Augustin revint à Rome, mais le Pape, loin d’admettre ses raisons, lui remit pour ses compagnons une lettre où il leur représentait fortement la volonté du Seigneur et les encourageait à la persévérance. Il les recommanda aussi à la protection des rois mérovingiens Thierry et Théodebert et de la reine Brunehaut.
Les religieux reprirent courage et abordèrent heureusement au royaume de Kent vers Pâques 697. Ils y furent très bien reçus, et firent connaître Jésus-Christ à Ethelbert, roi de Cantorbéry, et à une grande partie de ses sujets.
Sur la demande des missionnaires, Grégoire leur envoya des auxiliaires ; puis il conféra le pallium à Augustin, qu’il plaça à la tête de la nouvelle Eglise, en organisa la hiérarchie et mérita ainsi le titre glorieux d’apôtre de l’Angleterre. Quant au métropolitain, il mérita, lui aussi, de figurer au nombre des Saints ; la fête de saint Augustin de Cantorbéry se célèbre le 28 mai.
Réforme de la liturgie et du chant ecclésiastique.
L’action incessante que le Pontife exerçait sur les empires et les royaumes de la chrétienté naissante n’absorbait pas tout son temps. Il lui restait encore des loisirs pour réformer la liturgie, codifier le chant ecclésiastique et composer de nombreux ouvrages.
Il porta, dit Dom Guéranger, ses soins éclairés sur la liturgie de Rome, et par les perfectionnements qu’il y introduisit, prépara d’une manière sûre, pour un temps plus ou moins éloigné, son introduction dans toutes les provinces de l’immense patriarcat d’Occident.
Nous devons à celui qui est le premier Pape sorti du cloître l’usage de chanter le Kyrie eleison pendant la messe, l’introduction du Pater noster avant la fraction de l’hostie et l’Alleluia aux offices même en dehors du temps pascal. Il ne se borna pas à sanctifier les formules liturgiques et à les compléter ; il s’attacha aussi à donner aux cérémonies du culte une pompe extérieure qui les rendît plus efficaces encore pour l’instruction et l’édification du peuple.
Dans son Sacramentaire, Grégoire avait réglé l’ensemble de l’office divin et doté la liturgie de plusieurs admirables prières qui en font encore l’ornement. Il voulut en outre ordonner avec les paroles le chant qui est destiné à en compléter la signification. Il considérait que la musique sacrée n’est pas seulement un accessoire appelé à relever la splendeur du culte, mais qu’elle en fait partie intégrante ; qu’elle doit s’unir aux paroles pour constituer avec elles une expression plus complète et plus forte de la prière· D’autres Pontifes, comme saint Damase et saint Gélase, animés des mêmes sentiments, avaient fait pour cette partie de la liturgie des travaux considérables ; Grégoire devait perfectionner leur œuvre. Il publia dans ce but son Antiphonaire où il a rassemblé les mélodies admirables composées par ses devanciers ; lui-même en a ajouté un grand nombre de manière à compléter le cycle liturgique, et il a livré ce travail à la tradition qui l’a longtemps gardé avec le respect dû à un pareil compositeur. Ces mélodies, communément désignées sous le nom de chant grégorien, après avoir ravi le moyen âge, ont depuis lors rallié les suffrages des grands maîtres de la musique.
Lorsque, au début du XXeme siècle, Pie X fut élu Pape, l’un de ses premiers gestes fut pour rétablir « les saintes mélodies dont la composition fut attribuée par la tradition ecclésiastique de plusieurs siècles à saint Grégoire le Grand », et le même Pape déclarait que le chant grégorien est le chant propre de « l’Eglise romaine ».
Une vieille légende rapporte que Grégoire eut un jour une vision. L’Eglise lui apparut sous la forme d’une vierge magnifiquement parée, qui écrivait des chants et rassemblait en même temps une foule d’anges sous les plis de son manteau. Sur ce manteau était représenté tout l’art musical avec toutes les formes des tons, des notes, des nuances, des mètres et des figures diverses ; Grégoire pria Dieu de lui donner la faculté de se rappeler tout ce qu’il voyait, et à son réveil une blanche colombe vint se poser sur son épaule et lui dicta à l’oreille les merveilleuses compositions dont le Pontife a enrichi l’Eglise.
Pour conserver le chant qu’il avait si bien organisé, ce Pape réorganisa à Rome, près de Saint-Pierre et de Saint-Jean de Latran, deux écoles (Schola cantorum) où les enfants destinés au chœur étaient soigneusement formés au chant sacré. Grégoire présidait lui-même à leur éducation, et son zèle était si ardent que, même au milieu des pires atteintes de la maladie, il se faisait transporter près de ses jeunes élèves. Couché sur un lit, il donnait sa leçon, et il tenait à la main une baguette pour reprendre ceux qui manquaient. De cette école sortirent plus tard les chantres qui, sous Charlemagne, vinrent enseigner aux clercs gaulois les suaves mélodies grégoriennes.
D’autre part, estimant que pour les prêtres et les diacres remplissant l’office de cantores, la préoccupation de la musique passait parfois avant le ministère de la prédication, le Pontife décréta que la fonction de chantres serait réservée à des clercs d’un rang moins élevé. On ne peut qu’admirer les idées claires de ce Pontife qui était un homme d’action.
Saint Grégoire docteur de l’Eglise.
Les nombreux écrits de Grégoire, son zèle à défendre la doctrine catholique justifient le titre de docteur attribué au grand Pape, encore que, selon la remarque de Mgr Batiffol, « il ait moins été un spéculatif qu’un homme de discipline et qu’il ait édifié plutôt qu’éclairé l’Eglise ».
Au cours de sa mission à Constantinople, il combattit les erreurs du patriarche Eutychius, touchant la résurrection des corps. Il eut à ce sujet une conférence avec lui en présence de l’empereur Tibère II, et celui-ci, convaincu par les arguments de Grégoire, condamna au feu un opuscule du patriarche sur la matière controversée. A quelque temps de là, Eutychius, sur son lit d’agonie, disait aux assistants, en leur montrant sa main amaigrie : « Je confesse que nous ressusciterons dans cette chair. » Ce fut dans ces sentiments qu’il mourut, complètement revenu à la foi orthodoxe.
Devenu Pape, Grégoire ramena de l’arianisme à la saine doctrine une multitude de Lombards et de Wisigoths. Il rétablit la juridiction dans l’Eglise d’Afrique et y porta le dernier coup aux donatistes. Il combattit vigoureusement les simoniaques en Gaule et convertit les schismatiques de l’Istrie, enfin, il ranima les arts et les sciences et les tourna à la gloire de l’Eglise de Jésus-Christ.
Grégoire prêchait lui-même à son peuple, car il attachait une importance particulière à cette partie du ministère pastoral. Lorsque la maladie lui ôtait cette consolation, il faisait prononcer en public par quelque autre clerc des sermons qu’il avait lui-même composés. Ceux qui nous ont été conservés sont d’une simplicité toute paternelle, d’un style familier, susceptibles d’être compris par tous.
Parmi ses ouvrages il faut surtout remarquer les Commentaires sur le livre de Job, sur le Cantique des cantiques, sur le prophète Ezéchiel et sur les Evangiles ; un Pastoral traitant des devoirs de l’évêque, un Sacramenaire, que nous avons déjà cité, et quatre livres de Dialogues, où l’auteur rapporte les miracles arrivés de son temps ; le deuxième donne la vie de saint Benoît, qui était mort depuis un demi-siècle seulement.
Deux apparitions récompensent la charité de saint Grégoire.
Grégoire voulut un jour laver les pieds d’un pèlerin. Mais, pendant qu’il prenait l’aiguière et le bassin, le pauvre disparut, et la nuit suivante Notre-Seigneur apparut à son serviteur : « Vous me recevez ordinairement en mes membres, dit-il, mais hier c’est moi-même que vous avez reçu. »
Une autre fois, il ordonna à son aumônier d’inviter douze pauvres à dîner. Or, il s’en trouva treize à table. Le Pontife demanda pourquoi on avait dépassé le nombre qu’il avait fixé.
L’aumônier, tout confus, regarde les pauvres, et, les comptant, n’en trouve que douze : Grégoire était seul à voir le treizième. Soupçonnant quelque mystère en cela, il considérait attentivement ses convives : or, il en remarqua un qui paraissait tantôt sous la figure d’un jeune homme, tantôt sous celle d’un vieillard.
Quand le repas fut terminé, il permit aux douze autres de partir, et prenant le treizième par la main, il le conduisit dans sa chambre. Là il le supplia de lui dire qui il était :
– Pourquoi, répondit le mystérieux personnage, voulez-vous savoir mon nom, qui est admirable ? Rappelez-vous ce marchand infortuné à qui vous fîtes autrefois donner douze écus et l’écuelle d’argent que vous possédiez. Croyez bien que c’est pour cette bonne œuvre que Dieu a voulu que vous fussiez successeur de saint Pierre, dont vous êtes le fidèle imitateur, par votre charité.
– Comment savez-vous cela ?
– Parce que je suis l’ange même que Dieu avait envoyé pour vous éprouver. Mais ne craigniez point, je veille sur vous et Dieu m’a envoyé pour vous protéger jusqu’à la fin.
Il est favorisé d’un miracle eucharistique.
Un jour Grégoire célébrait la messe dans l’église de Saint-Pierre : il distribuait la communion aux assistants, lorsqu’une femme s’approcha pour communier avec les autres. Mais lorsque le Pontife proféra ces paroles : « Que le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ garde votre âme pour la vie éternelle », cette femme se mit à rire avec un air d’incrédulité.
Grégoire lui retira le pain eucharistique et le remit au diacre pour le reporter sur l’autel et l’y garder jusqu’à ce que la communion des fidèles fût achevée. Après quoi le Pontife dit à cette femme :
– Pourquoi, je vous prie, avez-vous ri au moment de communier ?
– C’est parce que le pain eucharistique que vous m’avez présenté est le même que j’ai pétri et apporté à l’oblation·
Grégoire, se tournant alors vers le peuple, lui demanda d’unir ses prières à celles du clergé pour conjurer le Seigneur de dissiper l’incrédulité de cette femme, puis il revint à l’autel.
En ce moment l’Hostie se transfigura ; tous les assistants purent contempler le corps radieux de Jésus-Christ, et la femme revint de son incrédulité, à la vue du prodige. Puis, le Pontife ayant fait une seconde prière, l’Hostie reprit la forme du pain.
Comment Dieu sauva Grégoire d’un accident.
La fermeté de Grégoire à défendre la pureté des mœurs mit souvent sa vie en danger. Un jour il excommunia un chevalier romain qui, étant tombé en adultère, avait répudié sa femme légitime. Le misérable, voulant se venger, eut recours aux magiciens· Ceux-ci lui promirent qu’un jour que le Pontife irait par la ville, ils feraient entrer un esprit malin dans le corps de son cheval, afin que l’animal, désarçonnant son cavalier, lui marchât sur le corps et le fît périr.
Un démon se saisit effectivement du cheval et lui fit faire des bonds si étranges que personne ne réussit à le maîtriser. Mais Grégoire, découvrant par une inspiration divine d’où venait le mal, fit le signe de la croix et chassa le démon du corps de l’animal. Quant aux magiciens, en punition de leur malice, ils perdirent la vue corporelle ; mais cet accident leur ouvrit les yeux de l’âme : conscients de la grandeur de leur crime, ils renoncèrent à tout commerce avec le démon et demandèrent le baptême.
Le Pontife le leur donna, sans néanmoins leur rendre la vue, de crainte de les voir retourner à leurs maléfices et à la lecture des livres d’enchantement et de magie ; soucieux de leurs véritables intérêts, il préféra les mettre à la charge de l’Eglise plutôt que de leur donner un sujet de se perdre.
Mort de saint Grégoire.
Dès avant de devenir Pape, Grégoire avait passé par des crises de goutte et de gastralgie qui duraient des mois et avaient été pour lui un long apprentissage de la mort, après laquelle il soupirait comme après un remède. En décembre 603, il écrivait à la reine Théodelinde : « Vos envoyés m’ont trouvé malade quand ils sont arrivés, et à leur départ ils m’ont laissé à toute extrémité. Si, avec le secours de Dieu, je guéris, je répondrai ponctuellement à toutes vos demandes. »
L’auguste vieillard n’eut pas à écrire d’autre lettre à la reine, il mourut le 12 mars 604. Le jour même son corps dut être porté du Latran à la basilique de Saint-Pierre, où il fut enterré sous le portique, à gauche, en attendant que Grégoire IV ordonnât le transfert de la dépouille dans l’intérieur de la basilique. La tombe primitive fut décorée d’une épitaphe en vers dont le texte a été conservé. Le poète y a noté non sans justesse quelques traits de la vie de saint Grégoire, ses aumônes, ses écrits, la conversion de l’Angleterre, et il termine en saluant le grand Pape du nom de « consul de Dieu ». « Mot magnifique, conclut Mgr Batiffol, et qui restera. Rome, qui n’avait plus de consuls, en avait retrouvé un avec saint Grégoire ; elle saluait dans sa tombe le consul de Dieu. »
Le 1er septembre 1831, Grégoire XVI a institué un Ordre civil et militaire en l’honneur de saint Grégoire le Grand.
A. H. L.
Sources consultées. – Mgr Pierre Batiffol, Saint Grégoire le Grand (Collection Les Saints, Paris, 1928). – Card. I. Schuster, Liber Sacramentorum, t. Ier, La Sainte Liturgie (Bruxelles, 1926). – (V. S. B. P., n’ 212.)