Saint Longin

Statue de Saint Longin, par le Bernin, dans la Basilique Saint-Pierre-de-Rome

Témoin de la Passion du Christ et mar­tyr (Ier siècle). Le cen­tu­rion qui per­ça le côté de Notre-​Seigneur Jésus-Christ.

Fête le 15 mars.

Le jour de son entrée triom­phale à Jérusalem, Jésus annonce à la foule qui l’entoure et sa mort pro­chaine et les consé­quences de cette mort. « Et moi, dit-​il, quand j’aurai été éle­vé de terre, je tire­rai à moi tous les hommes. » Saint Jean note, en deux endroits de son Evangile, qu’il disait cela pour indi­quer de quelle mort il allait mou­rir, du sup­plice cruel et désho­no­rant de la croix. Les fruits salu­taires de la san­glante immo­la­tion du Sauveur se mani­festent dans la conver­sion d’un des deux lar­rons, dans les sen­ti­ments de com­pas­sion, d’estime, de regrets, qui s’implantent dans l’âme des spec­ta­teurs du drame du Calvaire non pré­ve­nus par l’esprit de secte ni aveu­glés par la haine. Au spec­tacle des évé­ne­ments extra­or­di­naires qui accom­pagnent la mort du Juste, leurs cœurs s’ouvrent à la grâce rédemp­trice et leurs yeux aux clar­tés de la foi.

C’est ce qui arri­va au cen­tu­rion et, selon la tra­di­tion, au sol­dat, qui, de sa lance ou de sa jave­line, ouvrit le côté de Jésus ; une invo­ca­tion des lita­nies du Sacré Cœur, « Cœur de Jésus per­cé par la lance », rap­pelle ce geste. On a don­né à ce sol­dat le nom de Longin ou Lonchin. Par une étrange coïn­ci­dence, c’est ain­si éga­lement que le cen­tu­rion a été dénom­mé. Ces deux témoins de la mort du Christ, et aus­si, selon la tra­di­tion, de sa résur­rec­tion, ont cru en lui, ont prê­ché son Evangile et, comme lui, ont scel­lé leur témoi­gnage et leur pré­di­ca­tion de leur sang par le martyre.

La parole du centurion et le geste du soldat au Calvaire.

Les trois Evangiles synop­tiques racontent les phé­no­mènes extraor­dinaires qui pré­cé­dèrent ou sui­virent la mort de Jésus-​Christ sur la croix. De la sixième à la neu­vième heure (de midi à trois heures du soir), il y eut des ténèbres sur toute la terre. Avant de rendre le der­nier sou­pir, le Sauveur pousse un grand cri, comme celui d’un homme encore en pleines forces. Au moment de sa mort, le rideau du temple se déchi­ra en deux, du haut en bas ; la terre trem­bla ; les rochers se fen­dirent, les tom­beaux s’ouvrirent et beau­coup de justes dont les corps y repo­saient ressuscitèrent.

Auprès de la croix se tenait, avec des sol­dats, l’officier romain qui avait sur­veillé l’exécution de la sen­tence de Pilate, c’est-à-dire le cru­ci­fie­ment des trois condam­nés. C’était un cen­tu­rion ou com­mandant d’une cen­tu­rie, sub­di­vi­sion de la légion romaine et com­prenant une cen­taine de sol­dats. Les faits mira­cu­leux qui se pro­duisent dans la nature à l’occasion du tré­pas de Jésus, ce grand cri impos­sible à expli­quer chez un cru­ci­fié, font une impres­sion de ter­reur et de crainte sur le cen­tu­rion et sur ceux qui étaient avec lui. L’officier païen recon­naît que tout ce qui se pas­sait n’était pas natu­rel, il com­prend qu’une telle mort ne pou­vait être celle d’un scé­lé­rat ; de là, sur ses lèvres, cette excla­ma­tion dont saint Luc dit qu’elle visait à glo­ri­fier Dieu, Vérité suprême : « Assu­rément, cet homme était un juste. » Dans sa pen­sée, Jésus de Nazareth ne men­tait pas quand il affir­mait – affir­ma­tion qui fut taxée de blas­phème et qui lui valut la mort – être le Fils de Dieu. Les san­hé­drites avaient repro­ché à leur vic­time ses pré­ten­tions à la filia­tion divine ; cepen­dant, de telles affir­ma­tions appa­rais­saient jus­ti­fiées à ce témoin impar­tial du sup­plice, de l’agonie du Crucifié, et il concluait que « cet homme était vrai­ment le Fils de Dieu », comme il l’avait pro­cla­mé au risque de sa vie et de son hon­neur. Saint Augustin dit que le cen­tu­rion, dans sa foi encore impar­faite, ne don­na pas à l’expression « Fils de Dieu » la plé­ni­tude du sens qu’elle ren­ferme. Il l’avait tant de fois enten­due depuis quelques heures, qu’il lui don­nait néan­moins la signi­fi­ca­tion sur­na­tu­relle et divine que les Juifs y avaient atta­chée en en fai­sant à la charge du Christ un crime capital.

Jésus avait expi­ré vers 3 heures du soir. On pou­vait craindre que son corps ne fût aban­don­né ou jeté dans une fosse com­mune avec les cadavres des deux mal­fai­teurs. Ses amis et sur­tout la Sainte Vierge vou­laient lui don­ner une sépul­ture décente. Il fal­lait se hâter à cause du sab­bat et tout ter­mi­ner avant le cou­cher du soleil. Pour dis­po­ser du corps d’un sup­pli­cié, la per­mis­sion du gou­ver­neur était néces­saire. Joseph d’Arimathie, membre riche et consi­dé­ré du san­hé­drin, mais homme juste et bon, qui avait été ins­truit par Jésus et qui n’avait pas pris part à la condam­na­tion du Sauveur par le Grand Conseil, péné­tra auprès de Pilate et lui deman­da le corps de Jésus. Pilate, sur­pris par ce décès rapide, fit appe­ler le cen­tu­rion qui avait pré­si­dé à l’exécution pour être sûr de la chose. Sur son témoi­gnage, la per­mis­sion fut aus­si­tôt don­née ; le corps du Fils de Dieu fut lais­sé à la dis­po­si­tion de Joseph, qui prit sans tar­der les mesures néces­saires en vue de la sépulture.

Mais, de leur côté, les Juifs se pré­oc­cu­paient de faire obser­ver la pres­crip­tion de la loi ordon­nant d’ensevelir un homme mort de la pen­dai­son le jour même de son sup­plice. Chez les Romains, le cadavre res­tait sur le gibet. L’agonie des cru­ci­fiés était d’ordinaire assez longue ; pour hâter leur mort et per­mettre leur sépul­ture avant le cou­cher du soleil, on avait l’habitude, à Jérusalem au moins, de rompre les jambes des condam­nés. Ce jour-​là sur­tout, la hâte s’imposait : c’était la pré­pa­ra­tion du sab­bat, et de quel sab­bat ! La Pâque allait se célé­brer le soir même, et la fête des Azymes serait le len­de­main, un samedi.

C’est pour­quoi les notables juifs allèrent trou­ver Pilate et lui deman­dèrent de faire bri­ser les jambes des trois sup­pli­ciés et d’en­lever, de faire dis­pa­raître les cadavres. Pilate ne sou­le­va aucune objec­tion. Il don­na les ordres néces­saires. Les sol­dats, peut-​être sous la conduite du même cen­tu­rion, vinrent, bri­sèrent, probable­ment à coups de mas­sue, les jambes des deux lar­rons qui vivaient encore. S’étant ensuite appro­chés de Jésus, et le voyant déjà mort, ils res­pec­tèrent son corps pour ce motif. L’un d’eux, cepen­dant, afin d’en être plus sûr et d’y pour­voir par le coup de grâce, si l’on se trom­pait, lui per­ça le côté (pro­ba­ble­ment le côté gauche, celui du cœur, pour que l’expérience fût concluante) avec la pointe de fer de sa lance. La plaie, très large, puisque saint Thomas pour­ra y mettre sa main, lais­sa échap­per aus­si­tôt du sang et de l’eau, élé­ments sym­bo­liques de la rédemp­tion, du bap­tême et de l’Eglise, la nou­velle Eve selon les inter­pré­ta­tions des Pères. Saint Jean, qui seul relate l’épisode du coup de lance et l’extraordinaire phé­no­mène qui en fut la consé­quence, insiste pour qu’on ajoute foi à son témoi­gnage : il a vu le fait de ses yeux, il l’affirme en pre­nant à témoin Celui qui connaît toute véri­té, Dieu. Dans ce fait, il aper­çoit la réa­li­sa­tion de deux pro­phé­ties rela­tives au Messie et la preuve indu­bi­table de la réa­li­té de la mort du Sauveur, con­dition pré­re­quise à la réa­li­té de sa résurrection.

Longin le centurion et son homonyme Longin l’homme à la lance.

Quelques auteurs ont iden­ti­fié ce sol­dat, qui perce de sa lance le côté de Jésus, avec le cen­tu­rion qui, une ou deux heures aupara­vant, affir­mait à haute voix la filia­tion divine et l’innocence du Crucifié. A ce moment, cet homme n’avait encore qu’une foi fort impar­faite : c’est par huma­ni­té, par res­pect envers le corps du Christ, pour accom­plir l’ordre reçu de hâter la mort, si elle n’avait pas encore fait son œuvre, qu’il se sert de la lance.

Selon une gra­cieuse légende du moyen âge, le sang du Sauveur jaillit alors sur son visage, gué­rit ses yeux malades : manière naïve de dire que la foi ouvrit com­plè­te­ment les yeux de son âme quand lui-​même ouvrit le cœur du Fils de Dieu sur la croix. Par contre, les Bollandistes, avec beau­coup d’autres hagio­graphes, dis­tinguent le cen­tu­rion du sol­dat qui don­na le coup de lance. Saint Jean parle, en effet, d’un sol­dat et non du cen­tu­rion ; témoin ocu­laire, l’évan­géliste ne pou­vait guère faire erreur sur le rang ou la digni­té mili­taire du per­son­nage qu’il a vu agir.

Les Evangiles synop­tiques ne nous ont pas, mal­heu­reu­se­ment, conser­vé le nom de ce cen­tu­rion, ni saint Jean celui du sol­dat qui ouvrit de sa lance le côté du Seigneur. A ce der­nier on don­na, assez com­mu­né­ment dans la suite des siècles, le nom de Longin, nom qui rap­pelle l’arme, la lance, dont il se ser­vit, et qui vient du mot grec log­hè, qui signi­fie « lance ». Longin, ce fut dans la tra­di­tion hagio­gra­phique, pour la plu­part des auteurs, l’homme, le sol­dat, dont la lance a per­cé le côté de Jésus.

Il se trouve aus­si que le cen­tu­rion porte le même nom chez beau­coup d’historiens ou dans des docu­ments qui parlent de lui. C’est ain­si qu’il est dénom­mé, d’abord dans un écrit apo­cryphe du iie siècle, sorte de compte ren­du du pro­cès et de la mort de Jésus, et que l’on appelle l’Evangile de Nicodème ou les Actes de Pilate ; plus tard, dans les livres litur­giques grecs, dans les mar­ty­ro­loges, dans les Vies des Saints publiées dans le haut moyen âge.

D’un autre côté, le même per­son­nage, sur­tout si on l’identifie avec le cen­tu­rion pré­po­sé à la garde du tom­beau du Christ, reçoit des appel­la­tions dif­fé­rentes, par exemple celle de Pétronius dans l’Evangile de Pierre, Evangile apo­cryphe et légen­daire anté­rieur au IIIe siècle.

Bien plus, cer­taines Eglises d’Asie ou d’Europe ont pré­ten­du iden­ti­fier avec les deux Longin de l’ère apos­to­lique tel ou tel mar­tyr ou Saint de leur région, au nom plus ou moins semblable.

Distinctions nécessaires.

L’historien moderne doit, semble-​t-​il, ne pas confondre en un seul deux Saints du nom de Longin, Longinus, dont on a fait abu­sivement Longils et Longis : le pre­mier est le cen­tu­rion, le second le sol­dat qui perce d’un coup de lance le côté de Jésus (il n’y a pas lieu d’insister ici au sujet du saint Longin, évêque en Cappadoce et mar­tyr, de qui la qua­li­té d’évêque n’est pas abso­lu­ment indis­cu­table : c’est un mar­tyr des pre­miers temps du chris­tia­nisme, mais il a vécu après les deux autres martyrs).

Les Grecs disent que Longin, le cen­tu­rion, fut mar­ty­ri­sé à Andrales ou Sandrales, près de Thyane, en Cappadoce ; ils l’honorent dans leur litur­gie à la date du 16 octobre. De son côté, le Martyrologe romain com­mé­more, à la date du 15 mars, la pas­sion, à Césarée de Cappadoce, de Longin, sol­dat, que l’on croit être celui qui ouvrit de sa lance le côté du Seigneur. Selon quelques his­to­riens ecclé­sias­tiques, le mar­tyr fêté chez les Latins le 15 mars serait le même que celui que les Grecs célèbrent le 16 octobre, c’est-à-dire le cen­tu­rion dont parlent les Evangiles synoptiques.

Quoi qu’il en soit, nous connais­sons la vie et le mar­tyre de Longin, cen­tu­rion ou sol­dat, sur­tout par les rela­tions que Siméon le Métaphraste et le Ménologe grec nous pré­sentent. Les faits qu’elles contiennent ont été pui­sés dans des ouvrages anté­rieurs ; nous allons en don­ner un aper­çu ; rap­pe­lons que tous ne méritent pas la même créance et que tous n’ont pas l’approbation de l’Eglise.

Saint Longin, témoin courageux de la résurrection et apôtre de l’Evangile, d’après le récit de Siméon.

La tra­di­tion rap­porte que Longin fut, avec d’autres sol­dats, pré­posé à la garde du tom­beau du Sauveur ; il put, en consé­quence, consta­ter les grands miracles qui se pro­dui­sirent au moment de la résur­rec­tion. Les Juifs vou­lurent, à prix d’argent et avec de belles pro­messes, lui faire décla­rer que, tan­dis que les gardes dor­maient, les dis­ciples de Jésus étaient venus déro­ber son corps et que ce der­nier n’était pas res­sus­ci­té. Longin, indi­gné, refu­sa de rendre un faux témoi­gnage : har­di­ment, il publia la véri­té et témoi­gna en faveur de la résur­rec­tion du Christ. Ses enne­mis, déçus et furieux, réso­lurent de se défaire de ce témoin sin­cère et impos­sible à subor­ner. Longin en fut aver­ti : avec deux autres sol­dats, il quit­ta l’armée, puis se fît ins­truire et bap­ti­ser par les apôtres. Après avoir pas­sé quelque temps dans la com­pa­gnie des chré­tiens de Jérusalem, il quit­ta, avec ses deux com­pa­gnons, cette ville et se reti­ra à Césarée ou dans une autre loca­li­té de la Cappadoce, son pays natal probablement.

Là, il orga­ni­sa son nou­veau mode d’existence : ses jour­nées étaient consa­crées au tra­vail des mains, à la prière et à la prédi­cation de la foi chré­tienne. Ses exemples de ver­tu, sa bon­té et sa patience, atti­raient les païens ; il leur fai­sait le récit des faits extra­or­di­naires dont il avait été le témoin à Jérusalem, il leur par­lait des ensei­gne­ments don­nés par le Christ, des miracles que Jésus avait accom­plis. Il eut le bon­heur, pen­dant son séjour en Cappadoce, d’en conver­tir un très grand nombre et peut-​être d’établir dans cette région plu­sieurs com­mu­nau­tés de fidèles. Les Juifs, assez répan­dus en Cappadoce, voyaient avec dépit les suc­cès apos­to­liques de ce sol­dat, témoin ocu­laire de la mort et de la résur­rection de Jésus qu’ils haïs­saient. Ceux de Jérusalem per­sua­dèrent à Pilate d’écrire à l’empereur pour lui deman­der la condam­na­tion à mort des trois sol­dats déser­teurs de l’armée impé­riale et, de plus, enne­mis des divi­ni­tés romaines. Ils envoyèrent en même temps à Rome de l’argent pour obte­nir plus sûre­ment ce qu’ils dési­raient. Si nous en croyons tou­jours les hagio­graphes orien­taux, l’empereur répon­dit favo­ra­ble­ment à la double requête et char­gea Pilate de recher­cher et de faire mou­rir les trois sol­dats consi­dé­rés comme traîtres à leurs serments.

Le témoignage du sang. – Une aveugle guérie. Les reliques de saint Longin.

Le gou­ver­neur romain envoya donc en Cappadoce des émis­saires char­gés de décou­vrir la retraite des condam­nés et de leur tran­cher la tête en exé­cu­tion du res­crit impé­rial. La Providence per­mit qu’après d’infructueuses recherches, les envoyés de Pilate dussent s’adresser à Longin lui-​même pour avoir des renseignements.

Le dis­ciple du Christ ne se fît pas connaître : il pro­mit d’aider ses visi­teurs à retrou­ver Longin. Quand il eut appris le but de leur voyage en Cappadoce, son âme tres­saillit de joie à la pen­sée de la cou­ronne du mar­tyre que Dieu lui des­ti­nait. Il aver­tit ses deux com­pa­gnons du sort qui leur était réser­vé ain­si qu’à lui-​même. Pour leur don­ner le temps de venir le rejoindre, il don­na aux sol­dats envoyés à sa recherche une cor­diale et géné­reuse hos­pi­ta­li­té dans son humble demeure. Le troi­sième jour, il se fit connaître à eux. Ces der­niers refu­sèrent d’abord de le croire, et devant la triste réa­li­té ils ne pou­vaient se résoudre à faire mou­rir celui qui s’était mon­tré si accueillant et si confiant envers eux. Longin les encou­ra­gea à exé­cu­ter les ordres reçus. « Vous ne me ren­drez pas mal­heu­reux en me don­nant la mort, leur dit-​il. Pourquoi ne pas vou­loir me mettre en pos­ses­sion des biens éter­nels qui m’attendent ? Par la mort, vous allez m’ouvrir les portes de la vie éter­nelle ! » Il se fit appor­ter un habit blanc pour solen­ni­ser la fête des noces célestes aux­quelles il se voyait invi­té. Il exhor­ta ses deux compa­gnons à la per­sé­vé­rance, et, après les avoir embras­sés, il indi­qua le lieu où il vou­lait être inhu­mé. En cet endroit même, les trois témoins et apôtres de la foi au Christ eurent la tête tran­chée. On ne connaît pas exac­te­ment le jour et l’année de leur martyre.

Saint Longin se fait connaître aux sol­dats comme étant celui qu’ils recherchent.

Les bour­reaux por­tèrent, selon l’ordre reçu, la tête de Longin à Pilate qui la fit mettre, pour satis­faire la haine des Juifs, sur une des portes de Jérusalem. On la jeta ensuite à la voi­rie. Par l’intermédiaire d’une pauvre femme aveugle qui, aver­tie par Dieu et par saint Longin, retrou­va la vue au contact du chef sacré qu’elle avait recueilli, la relique revint en Cappadoce. Selon la légende hagio­gra­phique, elle fut dépo­sée dans un vil­lage nom­mé Sardial qui était le lieu de nais­sance de saint Longin.

On a pré­ten­du que le Saint avait été enter­ré dans l’île Barbe, située dans la Saône, un peu au-​dessus de Lyon. Il y avait là, jadis, une abbaye célèbre, peut-​être la plus ancienne de France. Le tom­beau avec l’inscription rela­tive à Longin était très proba­blement, mal­gré la teneur fau­tive de l’épitaphe, celui d’un saint local por­tant le nom de Longin.

La ville de Mantoue, en Italie, affir­mait aus­si qu’elle pos­sé­dait le corps de saint Longin. Cette tra­di­tion, d’une Eglise par­ti­cu­lière, peut s’expliquer de la même manière, ou encore par la pos­ses­sion d’une relique impor­tante du martyr.

De ses reliques, on en trouve, en effet, dans plu­sieurs églises. Ainsi, la basi­lique vati­cane conserve l’un des bras, l’église de Saint-​Augustin, à Rome, les deux fémurs du mar­tyr. Dans l’église Saint-​Marcel de la même ville, sous l’autel de la cha­pelle dédiée à un Crucifix mira­cu­leux, sont pla­cés les osse­ments des saints mar­tyrs Jean, Blastus, Diogène et Longin, soldat.

Chapelles et autels commémoratifs. – Le patron des chevaliers et des militaires. – Le protecteur des aveugles.

Saint Longin est hono­ré à des époques bien dif­fé­rentes de l’année litur­gique, tant chez les Orientaux des dif­fé­rents rites que dans les Eglises par­ti­cu­lières d’Italie, de France, de Palestine. Son culte est fort ancien. Plusieurs ora­toires ou autels lui ont été dédiés à Jéru­salem, à Rome et en d’autres lieux. Ainsi, la pre­mière des trois cha­pelles com­mé­mo­ra­tives de la Passion, se trou­vant dans le Saint-​Sépulcre à Jérusalem, lui est consacrée.

Dans la basi­lique vati­cane, la cou­pole qui domine l’autel de la Confession est sou­te­nue par quatre pilastres dont le bas est orné de quatre sta­tues colos­sales, et par­mi elles se trouve celle de saint Longin repré­sen­té sous les traits d’un sol­dat romain. Le taber­nacle pla­cé au-​dessus de l’autel dédié à saint Longin contient une par­tie de la Sainte Lance. Cet objet était véné­ré à Jérusalem dans le por­tique du Saint-​Sépulcre. De là il pas­sa à Antioche, et ensuite, en 1429, à Constantinople. Baudoin II don­na la pointe à saint Louis : on la gar­dait dans la Sainte-​Chapelle, à Paris, avec les autres instru­ments de la Passion ; elle fut per­due pen­dant la Révolution. En 1492, le sul­tan Bajazet envoya l’autre par­tie de la lance au Pape Innocent VIII ; c’est celle qu’on vénère encore à Saint-​Pierre du Vatican.

Au moyen âge, on ne man­qua pas de don­ner à saint Longin la qua­li­té de che­va­lier romain, et sous ce titre il fut très hono­ré par tous les hommes qui por­taient l’épée. Plusieurs pein­tures et sculp­tures de cette époque le repré­sentent à che­val, le casque en tête, le bras armé d’une longue lance. Cette atti­tude ne cor­res­pond pas à la réa­li­té et s’explique par les dimen­sions gigan­tesques que l’on attri­bue par­fois, sans rai­son aucune, à la croix. Le sol­dat qui ouvrit le côté du Christ était au pied de la croix ; sa lance était un dard, arme assez courte, propre à l’infanterie romaine.

Sur d’autres pein­tures, Longin est à genoux et dans une pos­ture si res­pec­tueuse que la foi semble déjà née dans son cœur. Certains artistes lui font por­ter la main gauche à ses yeux, pen­dant que de la droite il dirige sa lance vers le corps de Jésus : c’est là une allu­sion évi­dente à la légende de sa gué­ri­son cor­po­relle, que nous avons rap­por­tée, et à sa conver­sion. Dans un tableau du Louvre, Longin porte un vase de cris­tal conte­nant quelques gouttes de sang, celui du Sauveur, qu’il aurait recueilli en par­tie après le coup de lance. La ville de Mantoue se glo­ri­fiait de pos­sé­der, avec le corps de Longin, les gouttes de sang qu’il avait recueillies et conser­vées : ce reli­quaire du Saint Sang figure sur plu­sieurs mon­naies anciennes de la même cité.

Selon quelques auteurs, avant sa décol­la­tion il aurait eu les yeux cre­vés, c’est pour­quoi on trouve des images et des tableaux le repré­sentant dans la pos­ture d’un condam­né à mort avec les yeux arra­chés. A cause de ce sup­plice, de la vue que lui-​même aurait recou­vrée mira­cu­leu­se­ment et qu’il fit recou­vrer par le contact de sa tête à une pauvre femme aveugle, saint Longin, patron et pro­tec­teur des gens d’armes, est aus­si invo­qué pour les maux d’yeux.

F. C.

Sources consul­tées. – Acta Sanctorum, t. II de mars (Paris et Rome, 1860). – Mgr Paul Guérin, Les Petits Bollandistes, t. III (Parie, 1897). – Tillemont, Mem. hist. eccl., t. I (Paris, 1683). – Dom Paul Piolin, Supplément aux Vies des Saints, t. I (Paris, 1880). – Mgr Gaume, Biographies évan­gé­liques, t. I (Lyon). – (V. S. B. P., n° 110.)