A côté des rois et des évêques, l’Eglise a accordé l’honneur des autels à des personnes de la plus humble condition, comme cette bergère († 1601) canonisée par Pie IX.
Fête le 15 juin.
Vie résumée
Germaine Cousin naquit à Pribrac, non loin de Toulouse. Sa courte vie de vingt-deux ans est une merveille de la grâce. Fille d’un pauvre laboureur, percluse de la main droite, scrofuleuse, elle fut, pour comble de malheur, privée de sa mère, à peine sortie du berceau. La petite orpheline devint l’objet de la haine et du mépris d’une belle-mère acariâtre et sans cœur ; la douleur, née avec elle, devait être sa compagne jusqu’à la mort. Cette pauvre ignorante fut instruite par Dieu même dans la science de la prière.
Bergère des troupeaux de la famille, elle passait son temps en conversations avec le Ciel ; le chapelet était son seul livre ; la Sainte Vierge était sa Mère, les Anges ses amis, l’Eucharistie sa vie. Souvent on la vit agenouillée dans la neige, traversant à pied sec le ruisseau voisin sans se mouiller, pour se rendre à l’église, où elle assistait chaque jour au Saint Sacrifice et communiait souvent, pendant que ses brebis paissaient tranquilles autour de sa quenouille plantée en terre. Charitable pour les pauvres, elle leur donnait son pauvre pain noir, ne vivant guère que de l’amour de Dieu ; et, un jour, le Ciel renouvela pour elle le miracle des roses devant les yeux de son impitoyable marâtre.
A sa mort, les Anges et les Vierges célestes chantèrent au-dessus de sa maison. Quarante ans plus tard, on trouva, comme par hasard, mais providentiellement, son corps intact avec un bouquet de fleurs fraîches, sous les dalles de l’église de sa paroisse. Elle est devenue une des grandes Thaumaturges et une des Saintes les plus populaires de la France.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950
Version longue (La Bonne Presse)
Vie triste et inutile selon le monde, que celle de cette jeune fille occupée exclusivement à la garde d’un troupeau, vouée du berceau à la tombe aux infirmités, à la pauvreté, aux mauvais traitements ; en réalité, vie rayonnante et souverainement bienfaisante par l’éclat des plus héroïques vertus de patience, de piété, de fidélité au devoir. Dieu lui-même écrivit le poème de la glorification posthume de l’humble pastourelle qui, par son corps miraculeusement conservé, son crédit tout-puissant au ciel, le culte public que l’Eglise lui rend, survivra dans le cours des siècles.
Une enfant vouée à la souffrance dès le berceau.
Germaine Cousin naquit vers l’an 1579 à Pibrac, petit village distant de trois lieues environ de la ville de Toulouse. Malgré les tentatives des protestants huguenots, les habitants, des cultivateurs, étaient restés inébranlablement attachés à la doctrine et aux prescriptions de l’Eglise. Leurs chaumières étaient placées sur les flancs et au pied d’un coteau dont le sommet était couronné par une modeste église. Au nord et au midi du mamelon, deux petites vallées, où coulaient le ruisseau de l’Aussonnelle et son affluent le Courbet. Au-delà des prairies s’étendait la forêt de Bouconne, assez rapprochée, semble-t-il, de la ferme de Laurent Cousin, le père de Germaine.
Contrairement à ce qu’on a dit, la famille de Laurent était l’une des principales du village. Son chef possédait une certaine aisance : propriétaire de plusieurs arpents de terre en bordure de la forêt, il vendait du bois et du charbon, était fermier des Clarisses de Levignac, tenait même à Toulouse une boutique de chaussures et d’habits. En 1573 et 1574, il remplit les fonctions de maire de sa commune. Quand il épousa en troisièmes noces, Marie Laroche, une veuve qui approchait de la soixantaine, il était déjà près de la tombe.
Germaine, l’enfant prédestinée, fut le fruit de ce dernier mariage de « maître Laurent ». Elle parut dès les premiers instants de sa vie comme vouée à la souffrance : fort chétive, elle était, de plus, percluse de la main droite et atteinte de scrofules, douloureuses infirmités qu’elle portera dans le tombeau et qui serviront un jour à identifier son corps. Encore au berceau, elle perdit son père, puis, trois ou quatre ans après sa naissance, sa pieuse mère, Armande de Rajols, femme d’Hugues Cousin, demi-frère de Germaine et héritier de la maison et des biens paternels, eut tout naturellement la charge d’élever l’orpheline avec ses propres enfants ; bien qu’elle fût la belle-sœur de la fillette, elle se montra envers celle-ci dure et brutale comme une marâtre. Au lieu de lui donner la compassion, les soins, le dévouement qu’appelait tout naturellement l’état maladif et disgracié de Germaine, elle la prit en aversion, la délaissa, l’écarta le plus possible des autres membres de la famille, la traitant comme une étrangère. Son mari, soit par une coupable indifférence à l’égard de sa petite sœur, soit par une lâche timidité, abandonna l’enfant qu’il aurait dû protéger.
Les anges gardiens de l’orpheline
Une vieille domestique, Jeanne Aubian, au service des Cousin depuis de longues années, servit à l’orpheline de seconde mère : elle la protégea, soigna ses plaies scrofuleuses, continua l’éducation religieuse déjà commencée par Marie Laroche, prépara par ses pieux conseils le grand jour de la première Communion. L’instruction et la formation chrétiennes de la fillette furent continuées et perfectionnées par l’abbé Guillaume Carrié, prêtre zélé qui remplissait, à la grande satisfaction de tout le village, les fonctions de curé de Pibrac, sans cependant en avoir le titre ni les honoraires, car la commune appartenait depuis le xiiie siècle à l’Ordre de Malte et relevait pour l’administration paroissiale du grand prieur de Toulouse. Sous la sage direction de son pasteur, la petite Germaine, fidèle aux grâces divines, devint un modèle de piété, de modestie, de douceur et de patience. Martyrisée dans son cœur qui ne pouvait distribuer aux siens les trésors de tendresse qui le remplissaient, elle n’avait pas au moins à comprimer les élans de son amour candide mais généreux pour Jésus et pour la Sainte Vierge.
Dès qu’elle parut d’âge à servir, c’est-à-dire aux environs de ses neuf ans, en dépit de son triste état de santé, elle fut commise, hiver et été, à la garde des brebis, sur les lisières de la forêt de Bouconne. C’était un moyen de la tenir tout le jour éloignée de la maison paternelle et de lui faire gagner le morceau de pain noir qu’on lui donnait avec parcimonie chaque matin pour sa nourriture quotidienne. De plus en plus, sa belle-sœur la traitait comme une étrangère, une pauvresse, une contagieuse. Elle ne pouvait approcher des autres enfants de la famille sans recevoir des reproches sévères, voire des coups. Pas de place pour elle au foyer. Elle devait rester seule dans un coin de la maison ou près du troupeau. La nuit, elle prenait son repos sur un botte de paille au fond de l’étable ou sur un tas de sarments placés au fond d’un couloir, sous l’escalier.
Toujours souffrante, avec des plaies mal soignées, misérablement nourrie et vêtue, elle était obligée de vivre dans les champs et les bois, exposée à toutes les rigueurs des saisons. Quand, le soir, épuisée de fatigue, elle rentrait à la maison qui était cependant la sienne, bien souvent elle n’était accueillie que par les injures ou les reproches de sa terrible belle-sœur : il n’y avait que froideur, dureté et mépris pour la jeune fille, dans lame de ceux qui remplaçaient ses parents. Les voisins et les autres habitants de Pibrac n’avaient pas non plus beaucoup de compassion et d’égards pour la pauvre bergère. Comme elle était d’ordinaire silencieuse, supportant tout avec patience, sans répondre aux railleries ou aux provocations, on se moquait d’elle comme d’une simple ou d’une idiote, on la tournait en ridicule. On la surnommait parfois « la bigote », à cause de sa dévotion et de ses pratiques religieuses. Certaines gens la poursuivaient et la tourmentaient, d’autant plus à l’aise que personne ne prenait la défense de la victime et qu’elle-même souffrait sans jamais se plaindre.
Les vertus et la piété de la bergère de Pibrac.
Infirmités, souffrances du corps et du cœur, privations de toutes sortes, mauvais traitements de la part de sa famille, injures et moqueries de la part de ses concitoyens, Germaine Cousin ne connut guère que cela dans sa courte existence : elle ne vécut qu’avec la douleur sous ses formes multiples et, cependant, elle vécut joyeuse et contente de souffrir. « Dieu le veut ainsi », disait-elle. Jamais une impatience, un murmure, une plainte, un sentiment de tristesse, de l’aigreur ou de l’aversion contre ceux qui la maltraitaient ou la méprisaient, le témoignage des contemporains est formel sur ce point. Elle ne manifesta aucune jalousie parce que les enfants d’Hugues Cousin lui étaient injustement préférés au foyer paternel : elle les aimait tendrement et cherchait à leur rendre de petits services. Sans cesse elle montrait à la maison un visage toujours calme et souriant. Dieu lui avait donné la grâce d’estimer et d’aimer la pauvreté, l’humiliation, les souffrances.
La petite bergère aimait si tendrement le Sauveur qu’elle se réjouissait de pouvoir lui ressembler par l’abandon, le dénuement, les douleurs et la persécution ; elle se gardait bien de lui demander la délivrance de ces maux : Dieu lui avait enseigné le prix inestimable du sacrifice et la nécessité de la réparation pour le péché. Son amour envers la sainte Eucharistie était d’autant plus ardent que son cœur était plus pur : il fallait bien aussi réparer les sacrilèges profanations commises par les huguenots dans diverses églises de la région. Germaine avait le bonheur de communier assez souvent ; elle s’y préparait par la confession fréquente et l’assistance presque quotidienne à la messe.
Elle célébrait les fêtes mariales avec une dévotion particulière, les sanctifiant par la pratique d’une vertu spéciale ou quelques œuvres de pénitence., La récitation du chapelet était la prière habituelle et favorite de la jeune fille, sa protection contre les assauts du démon, la source intarissable de lumières et de consolations. Au premier coup de l’Angelus, elle se mettait à genoux, en quelque endroit qu’elle se trouvât, dans la boue, dans la neige, sur l’herbe humide. Cette jeune vierge, d’une piété si tendre et si intense, était continuellement absorbée en Dieu, au point non seulement de fuir tout ce qui pouvait troubler son recueillement, comme les conversations bruyantes, les jeux et les amusements puérils ou frivoles des enfants de son âge, mais encore de ne trouver de vrais délices que dans la contemplation de Dieu, la prière et les visites à Jésus présent au tabernacle.
Les miracles de la quenouille et du ruisseau torrentiel.
La vie d’une bergère est rude et monotone. Par tous les temps, de bon matin, Germaine conduisait ses brebis dans les prés voisins de la forêt. Au pied d’un arbre, où une croix rustique était suspendue, elle faisait sa prière, filait sa quenouille. Quand la cloche annonçait l’heure de la messe, l’irrésistible impulsion de son amour pour Jésus l’arrachait à son troupeau. Elle plantait sa quenouille dans l’herbage et, confiant les animaux à la garde du divin Pasteur, elle se hâtait vers l’église pour assister au Saint Sacrifice.
Sans doute, remarque Louis Veuillot, une telle conduite eût été blâmable en beaucoup d’autres, et ceux-là ont une dévotion mal entendue qui, pour la satisfaire, négligent les devoirs de leur état. Mais de la part de Germaine ce n’était qu’une obéissance prompte et abandonnée à l’inspiration de Dieu. Elle savait qu’aucun accident n’arriverait à son troupeau et que le bon Dieu le garderait en son absence.
Et c’est ce qui arrivait. Les bêtes laissées seules couraient plus d’un péril. Pourtant jamais de brebis égarées ou bien dévorées par les loups de la forêt ; jamais le moindre dommage causé aux pâturages ou aux champs voisins. La quenouille fixée en terre repoussait les carnassiers rôdeurs, maintenait le troupeau dans le pacage. Sans doute, la conduite de la bergère exposait celle-ci aux reproches et aux menaces de sa belle-sœur, mais elle ne fut pas modifiée car Dieu l’inspirait, et d’ailleurs, dans le village, pas de brebis plus florissantes et plus belles que celles de Germaine Cousin.
Pour arriver jusqu’à l’église, la fille de maître Laurent devait traverser un ruisseau, le Courbet ; en temps de sécheresse, elle le passait à gué ou en utilisant quelques grosses pierres. A l’époque des pluies ou des orages, le filet d’eau devenu torrent offrait en dehors des passerelles une barrière quasi infranchissable pour l’enfant.
Or, un matin qu’elle se rendait à la messe, Germaine rencontra cette barrière mouvante et dangereuse. Des paysans la regardaient venir de loin, prêts à s’amuser de la déconvenue de « la bigote » ; tout absorbée dans le recueillement et la pensée de Dieu, la jeune fille marchait d’un pas tranquille, et nullement inquiète de l’obstacle placé sur sa route. Sans ralentir et sans hésiter, elle posa le pied sur les eaux torrentielles ; aussitôt le courant s’immobilisa ; un couloir s’ouvrit entre deux murs liquides ; Germaine y passa sans mouiller seulement le bas de sa robe, de son allure coutumière à la fois calme et rapide, comme si du miracle elle n’avait rien vu : on croit communément que plus d’une fois Dieu suspendit le cours du torrent pour ne pas interrompre la prière de la pieuse vierge. Les paysans moqueurs furent saisis de crainte devant le prodige qui venait de se produire sous leurs yeux.
Un modèle de charité : des fleurs miraculeuses dans un tablier.
La pauvre bergère de Pibrac aimait Dieu de toute son âme : à cause de cela elle aimait sincèrement les enfants et leur rendait tous les services possibles. Si elle ignorait tout des sciences humaines et profanes jusqu’à la lecture, elle connaissait fort bien le catéchisme et les obligations du chrétien. On la voyait réunir les petits pâtres ou les enfants des alentours pour leur apprendre les vérités de la religion, les prières usuelles ; elle leur recommandait d’aimer Dieu, de fuir le péché, de se garder des mauvaises compagnies. A l’aumône du pain spirituel, la catéchiste joignait celle du pain corporel : n’ayant même pas le nécessaire pour elle-même, elle partageait encore avec les miséreux le maigre morceau de pain qu’elle recevait chaque jour pour sa subsistance. Il est à croire que Jésus devait multiplier ce pain, tant la charitable jeune fille soulageait d’indigents. Sa belle-sœur la soupçonna et l’accusa de voler à la maison le pain donné en aumône. Elle la surveilla. Avertie un jour d’hiver que Germaine avait quitté la métairie avec des restes de pain dans son tablier, elle la rejoignit au pâturage, bien décidée à la corriger sévèrement à coups de bâton. Quelques habitants avaient entendu les accusations et les propos menaçants de cette femme en colère. Ils la rejoignirent bien vite afin de l’empêcher de maltraiter l’orpheline. Cette dernière essuya les reproches les plus violents de sa terrible belle-sœur qui finalement, comme preuve convaincante qu’elle disait vrai, déplia violemment le tablier recéleur. Au grand étonnement de tous, il en tomba des fleurs belles et fraîches ; jamais on n’en avait vu de pareilles et la saison des fleurs était passée depuis longtemps.
Une fois de plus, le miracle avait justifié la vertu de l’humble et pauvre bergère On en parla beaucoup dans Pibrac. Il valut à Germaine une déférence plus affectueuse de la part de ses compatriotes et un traitement plus humain dans la maison fraternelle : Hugues et sa femme lui offrirent dès lors au foyer domestique la place qu’on lui avait refusée jusque-là, mais la jeune fille voulut conserver et son emploi et le misérable réduit qui lui servait de chambre.
L’envol d’une âme virginale pour le ciel.
Maintenant que son éminente vertu était reconnue, Germaine aurait moins à souffrir ; mais précisément c’était un signe que sa destinée et sa mission sur la terre étaient accomplies. L’heure de la délivrance et de la joie dans la récompense avait sonné. La bergère de Pibrac mourut comme elle avait vécu, tout simplement. C’était au mois de juin de l’an 1601. Un soir, après avoir rentré son troupeau, elle se coucha sur les sarments. Le lendemain matin, on ne l’aperçut pas à l’heure coutumière : on la trouva morte ; pendant la nuit, elle s’était endormie dans le Seigneur. Elle avait vingt-deux ans environ. Un prêtre en voyage, passant aux environs de Pibrac, la nuit où Germaine mourut, vit au-dessus de la métairie des Laurent Cousin un cortège lumineux qui remontait au ciel après s’être arrêté sur la ferme et y avoir pris l’âme rayonnante de la bergère. A la même heure, deux moines abrités non loin de là dans les restes d’un vieux castel virent un spectacle à peu près semblable.
Toute la paroisse assista aux funérailles. Dans le cercueil, on donna à la jeune fille une parure virginale : sur sa tête, on mit une couronne tressée d’épis de seigle et d’œillets, dans ses mains jointes, un cierge en forme de croix ; on enveloppa le corps d’un drap blanc piqué de feuilles vertes et de fleurs des champs. La bière ne portait aucun signe distinctif, aucune inscription : la tombe, probablement celle où maître Laurent avait été inhumé par privilège, se trouvait à l’intérieur de l’église paroissiale, en face de la chaire. On y déposa le corps de Germaine, qu’on couvrit d’une dalle. Les fidèles ne tardèrent pas à oublier la douce et vertueuse bergère : son souvenir disparut peu à peu, à mesure que mouraient les contemporains ou les membres de la famille.
La résurrection d’un souvenir : un tombeau glorieux, les honneurs des autels.
Dieu n’oubliait pas, et il avait fixé la date de la résurrection miraculeuse du souvenir. En 1644, le fossoyeur de Pibrac soulève la dalle située près de la chaire, dans l’église, car une parente des Cousin, Endoualle, a demandé à être enterrée là, à l’emplacement réservé à sa famille. Or, avec sa bêche, Guillaume Cassé, tout surpris, heurte et érafle le visage d’une morte dont le corps repose presque à fleur à terre. Dégagé, ce corps à l’aspect d’un cadavre fraîchement enfoui : les membres sont intacts, réunis, entourés de chair encore molle à plusieurs endroits ; la langue est desséchée ; le cou porte des cicatrices résultant de plaies, la main droite est un peu difforme ; les linges et le linceul sont bien conservés ainsi que les fleurs et les épis de seigle, aussi frais qu’au jour de la moisson. Tous les anciens de la paroisse retrouvent dans cette morte Germaine Cousin qu’ils connurent jadis et qui fut enterrée à cet endroit quarante-trois ans plus tôt. Ils racontent sa vie et parlent de ses vertus que Dieu lui-même semblait attester par la conservation de ses restes mortels.
Le corps fut placé debout, près de la chaire, afin que tout le monde pût le voir. On le déposa ensuite en une caisse de plomb, dans la sacristie, où on le vénéra pendant plus d’un demi-siècle : il y fut l’instrument ou l’occasion de miracles nombreux et éclatants. Sous la Terreur, on le jeta dans une fosse avec de la chaux vive ; quand on le replaça à la sacristie en 1795, les chairs avaient disparu, mais la peau continuait à recouvrir les os et le corps restait entier. On le vénère aujourd’hui dans une châsse précieuse. Près de deux siècles après les enquêtes canoniques faites en 1661 et 1699, le procès de canonisation fut repris avec succès, à la demande de la population et d’une trentaine d’évêques, aux environs de 1842. La cause fut introduite à Rome, sous Grégoire XVI, le 25 juin 1845. Dès lors, la marche du procès est rapide : déclaration de l’héroïcité des vertus en 1850 ; approbation des miracles en 1853 ; béatification, le 7 mai 1854, sous le pontificat de Pie IX. Le même Pape canonisa la servante de Dieu le 29 juin 1867, en même temps que saint Josaphat Kuncewicz, les martyrs de Gorcum, saint Paul de la Croix, saint Léonard de Port-Maurice et sainte Marie-Françoise des Cinq-Plaies. Cette canonisation, la plus importante des deux seules cérémonies de ce genre que devait voir le pontificat de Pie IX, revêtit un éclat exceptionnel, car elle se fit en présence de plus de quatre cents évêques réunis à Rome pour célébrer le dix-huitième centenaire de la mort du Prince des apôtres.
Le culte de la bergère de Pibrac n’est pas limité aux divers diocèses (Toulouse, Audi, Montauban, etc.) de la région Sud-Ouest de la France ; il s’épanouit aussi en diverses autres régions ou nations ; en Chine, en Amérique, en Afrique, à Ceylan. Non loin de l’église paroissiale de Pibrac on a construit une basilique en rapport avec l’affluence considérable des pèlerinages : la maison natale de sainte Germaine Cousin rappelle aux visiteurs la pauvreté, la patience et l’humilité héroïques de la fille de maître Laurent.
F. Carret.
Sources consultées. – Mgr Paul Guérin, Les Petits Bollandistes, t. VII (Paris, 1897). – François Veuillot, Sainte Germaine Cousin (Paris, 1927). – Louis et François Veuillot, Sainte Germaine Cousin, collection Les Saints (Paris). – Ghan. P. Subercaze, Sainte Germaine de Pibrac (Toulouse). – (V. S. B. P., n° 71.)