Jésuite, patron de la jeunesse (1568–1591)
Fête le 21 juin.
Vie résumée
Saint Louis de Gonzague naquit en l’an 1568, d’une famille princière d’Italie. Avant sa naissance, sa mère, en danger de mort, avait fait vœu de consacrer son enfant à Notre-Dame de Lorette, si elle obtenait une heureuse délivrance. Encore au berceau, s’il se présentait un pauvre, Louis pleurait jusqu’à ce qu’on lui eût fait l’aumône ; son visage respirait un tel air de vertu, que ceux qui le portaient dans leurs bras croyaient tenir un Ange.
A l’âge de cinq ans, il avait retenu et répété quelques paroles grossières qu’il avait entendues sortir de la bouche des soldats de son père, sans les comprendre ; il en fut repris et en montra tant d’horreur, qu’il pleura cette faute, la plus grande de sa vie, et qu’il en fit pénitence jusqu’à la mort. Le père de Louis, qui songeait à la fortune de son fils, l’envoya successivement chez plusieurs princes, en qualité de page ; mais Dieu, qui avait d’autres vues, voulait ainsi montrer ce jeune Saint aux cours d’Europe, pour leur faire voir que la piété est de toutes les conditions, et l’innocence de tous les âges. Dans ces milieux mondains où il vivait comme n’y vivant pas, ses progrès dans la sainteté furent surprenants.
A huit ou neuf ans, il fit le vœu de virginité perpétuelle ; sa délicatesse était si angélique, que jamais il ne regarda une femme en face, pas même sa mère ; jamais il ne permit à son valet de chambre de l’aider à s’habiller, et sa pudeur était si grande, qu’il n’osa même pas lui laisser voir le bout de ses pieds nus. Vers l’âge de onze ans, il fit sa Première Communion des mains de saint Charles Borromée.
A seize ans, il se décida à entrer dans la Compagnie de Jésus. Peu de vocations ont été aussi éprouvées que la sienne : son père fut pour lui, pendant quelques temps, d’une dureté sans pareille ; mais il dut enfin céder devant la Volonté de Dieu, et Louis entra au noviciat des Jésuites, à Rome. Il y parut dès les premiers jours comme un modèle digne d’être proposé aux plus parfaits ; on vit en lui un prodige de mortification, un ange de pureté, une merveille d’amour de Dieu. La seule vue de Louis dissipait chez les autres les plus violentes tentations de la chair. Jamais il n’avait ressenti la concupiscence charnelle, et malgré cela il était cruel pour son propre corps à l’égal des Saints les plus austères.
Obligé par ses supérieurs, pour cause de santé, à ne pas se laisser absorber dans la pensée de Dieu, il devait s’écrier souvent, emporté par l’amour au-delà de l’obéissance : « Éloignez-Vous de moi, Seigneur ! » Louis reçut du Ciel l’annonce de sa mort et fut bientôt victime de sa charité pendant la peste de Rome, l’an 1591.
Son premier miracle après sa mort fut la guérison de sa mère, à laquelle il apparut souriant et resplendissant de gloire. Ce fut le signal d’une dévotion qui fut récompensée par de nombreux prodiges.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950
Version longue (La Bonne Presse)
Au milieu de la vie toute matérielle et pleine de faste que menaient les cours européennes du xvie siècle, la Providence suscita, comme un reproche vivant, une victime volontaire d’expiation, un jeune Saint détaché de tous les biens de ce monde, pratiquant la sainte pauvreté, si pur qu’il a été choisi pour patron et modèle de la jeunesse ; si parfait que son entourage ne trouvait point en lui matière à la plus légère critique : modèle admirable, qui, s’il n’est pas absolument imitable, peut toujours, suivant le mot très juste de saint François de Sales, être suivi de près ou de loin par chacun de nous.
Naissance de saint Louis de Gonzague.
Cet angélique jeune homme eut pour père Don Ferdinand Gonzaga ou de Gonzague, des princes de Mantoue, marquis de Castiglione, prince du Saint-Empire, et pour mère Marthe Tana, fille de Balthazar Tana, comte de Santena et seigneur de Chieri en Piémont.
La marquise de Gonzague, femme très pieuse, avait demandé à Dieu un fils qui fût un bon serviteur de Jésus-Christ. Sa prière fut entendue. Toutefois, la mère et l’enfant paraissaient voués à la mort, de l’avis des médecins, lorsque la marquise voua le cher petit être à Notre-Dame de Lorette. Elle fut aussitôt exaucée et l’enfant vint au monde, plein de vie, le 9 mars de l’an 1568, au château de Castiglione delle Stiviere, diocèse de Brescia, en Lombardie. Il fut procédé, dès le 20 avril, aux cérémonies qui devaient s’ajouter à l’ondoiement qui lui avait été conféré d’urgence, et il reçut le nom d’Aluigi ou Luigi (en latin Aloysius), nom que le français a traduit « Louis », tout comme le mot latin Ludovicus.
Admirables dispositions dès les premières années.
La pieuse mère, regardant dès lors ce fils comme un dépôt sacré, prit un soin extrême de lui inspirer de bonne heure les sentiments de la plus tendre piété. Depuis le jour de sa naissance, elle lui faisait ébaucher, en lui tenant le bras, le signe de la croix. L’enfant montra bientôt lui-même qu’il était vraiment l’objet d’une adoption et d’une protection toute particulière du ciel ; il était encore au berceau, et déjà sa tendresse pour les pauvres, la compassion qu’il témoignait à la vue de leurs misères étonnait tout le monde. Son visage, empreint d’une angélique douceur, respirait un tel air de piété, que ceux qui le portaient entre leurs bras croyaient tenir un ange, à la seule vue duquel ils se sentaient intérieurement animés à la vertu.
La marquise était ravie de voir ces inclinations de son fils pour la piété, mais le père eût mieux aimé lui voir de l’ardeur pour les armes. Il le prit avec lui pour aller faire à Casal une revue de ses troupes, afin que l’enfant, alors âgé de cinq ans, se trouvant en contact avec les mœurs militaires, pût prendre une humeur guerrière. Le mauvais exemple des gens de guerre fit quelque impression sur lui. Il en retint des paroles un peu libres qu’il répétait sans les comprendre, mais son gouverneur l’en ayant repris aussitôt, il en eut horreur et évita désormais ceux qui les prononçaient.
Le marquis de Gonzague éprouvait une déception en voyant persister, chez l’héritier du nom, une attitude qu’il estimait convenir plutôt à un homme d’Eglise. Il avait plus de satisfaction avec son deuxième fils, Rodolphe, d’un caractère batailleur. Don Ferdinand les emmena l’un et l’autre à Florence, où ils logèrent dans un palais mis à leur disposition par le grand-duc de Toscane, François de Médicis, sous la surveillance d’un gouverneur chargé de diriger un train de maison important. Les deux enfants allaient à la cour les jours de fête et ils y jouèrent avec deux jeunes princesses, dont l’une, Marie, devait un jour être reine de France.
La séparation fut pénible pour la marquise, trop occupée par ses plus jeunes enfants pour accompagner les deux aînés dans un Etat dont le souverain lui-même menait une vie corrompue. Bien loin de se laisser influencer par un air si contagieux, le jeune Louis, âgé de neuf ans, fit des progrès surprenants dans la sainteté. La prière et l’étude lui tenaient lieu de tous les divertissements. Pour triompher plus facilement du démon, du monde et de sa propre nature, il se mit sous la sauvegarde de la Très Sainte Vierge, et fit entre ses mains, en l’église de l’Annonciation, le vœu de virginité perpétuelle. Cet acte héroïque lui attira tant de grâces que, depuis, il ne ressentit aucun mouvement contraire à la pureté. Sa délicatesse, d’ailleurs, pour cette admirable vertu, allait jusqu’à l’excès. Tout jeune qu’il était, il se fit une loi de ne jamais regarder une femme en face, pas même sa mère.
Qu’on veuille bien remarquer que Louis était, comme son père, « d’un tempérament sanguin, vif et irritable », par conséquent un être de chair tout comme nous, mais sanctifié par la grâce, dompté par une volonté énergique et une mortification de tous les instants.
L’affaiblissement de sa santé lui servit de prétexte pour rentrer avec son frère dans la maison familiale d’où le marquis était absent, ayant été nommé gouverneur du Montferrat, à Casal.
Ni sa ferveur ni même son état de santé ne nuisaient à ses études, et la connaissance des auteurs classiques, notamment Sénèque et Plutarque, ajoutait à la maturité extraordinaire de son jugement. Il ne se désintéressait pas non plus de son prochain, enseignait le catéchisme et s’efforçait de faire cesser les querelles.
Première Communion. – Mortifications. – Protection du ciel.
Ce fut à cette époque que saint Charles Borromée, archevêque de Milan et allié à la famille de Gonzague, passant par Castiglione qui relevait de sa province ecclésiastique, vit pour la première fois le jeune Louis. Le grand évêque découvrit avec admiration les trésors de grâce renfermés dans cette âme angélique. Louis n’avait point encore reçu la sainte Communion ; saint Charles la lui donna de ses propres mains, au mois de juillet 1580. Depuis lors, l’enfant communia ordinairement tous les dimanches et, selon le conseil de saint Charles, il consacrait les trois jours qui précédaient sa communion à s’y préparer et passait les trois jours suivants en actions de grâces.
Toute sa vie, il eut une dévotion ardente pour l’adorable Sacrement de l’autel ; il passait des heures entières au pied du tabernacle et ne se lassait point d’entendre la sainte messe : plus tard, il en servit jusqu’à cinq par jour.
Il n’avait encore que treize ans, et déjà il jeûnait trois fois la semaine ; ses repas étaient d’ailleurs si restreints qu’ils ne pouvaient suffire à expliquer d’une façon naturelle la conservation même de sa vie. A cette rigoureuse abstinence, il ajoutait la discipline jusqu’au sang ; il glissait adroitement une planche dans son lit.
En 1580, le marquis de Gonzague fit venir à Casai sa femme ainsi que Louis et Rodolphe. En route, le second carrosse, où les enfants avaient pris place avec leur gouverneur, fut entraîné par les eaux du Tessin et brisé : les voyageurs ne furent sauvés que par un miracle.
Saint Louis à la cour d’Espagne. – Vocation religieuse.
L’année suivante, le marquis et la marquise emmenèrent trois de leurs six enfants en Espagne, à la suite de l’impératrice Marie, fille de Charles Quint et veuve de Maximilien II ; bientôt Louis et Rodolphe furent donnés pour pages au jeune infant Diégo, fils de Philippe IL Il semblait que Dieu voulût ainsi montrer un Saint à plusieurs cours de l’Europe, pour faire voir que la piété est de toutes les conditions et l’innocence de tous les âges.
Après un an de séjour en Espagne, étant alors âgé de seize ans, Louis jugea que le moment était venu de mettre à exécution son projet d’entrer dans un Ordre religieux. Mais, comme il n’avait point encore fait son choix, il eut recours à la Sainte Vierge, son refuge ordinaire, et, le jour de l’Assomption 1583, il reçut la sainte Communion au collège des Jésuites de Madrid, avec une dévotion et une préparation extraordinaires, afin d’apprendre ce que Dieu demandait de lui. Pendant son action de grâces, il entendit au fond de son cœur une voix distincte qui lui ordonnait d’entrer dans la Compagnie de Jésus.
Epreuves que rencontre sa vocation.
Le jeune homme résolut d’obéir le plus promptement possible à l’avis du ciel, mais de rudes combats l’attendaient. La marquise de Gonzague s’entremit près de son mari pour lui annoncer la décision de Louis ; l’accueil fut rude, Don Ferdinand accusant sa femme de vouloir dépouiller l’aîné au bénéfice de Rodolphe ; Louis ne reçut pas meilleur accueil et son père s’emporta jusqu’à le menacer de le faire battre par ses gens.
Le vénérable François de Gonzague, Général d’une branche des Frères Mineurs et cousin du marquis, étant venu à Madrid, fut sollicité par le père d’examiner la vocation du jeune homme. Deux heures d’entretien le convainquirent de sa réalité ; il réussit à faire tomber, après quelques jours, les préventions paternelles et obtint que Louis aurait toute liberté d’entrer dans la Compagnie de Jésus lorsqu’il serait de retour en Lombardie.
Cette parole était-elle sincère ? On peut se le demander. En effet, le marquis ne pouvait se résigner à laisser partir son fils et s’efforçait toujours de gagner du temps par des promesses qu’il ne tenait pas. Ainsi, une fois de retour en Italie, Louis dut faire un long voyage, en compagnie de son frère Rodolphe ; il obéit, mais attesta son désir d’une vie plus parfaite par la grande simplicité de ses vêtements noirs et par le choix des personnes de qui il acceptait l’hospitalité : à Pavie, il va voir Frédéric Borromée, le futur archevêque de Milan ; à Turin, il loge chez son parent, le cardinal della Rovere, plutôt qu’à la cour de Savoie. Les deux voyageurs étaient de retour en septembre 1584 à Castiglione. En cette ville, la vocation de Louis fut attaquée, à l’instigation du marquis, successivement par un religieux, un évêque, l’archiprêtre, lequel d’ailleurs fut obligé de déclarer que l’appel de Dieu était réel. Don Ferdinand ne cède pas pour cela, et chasse de sa présence son fils qui lui adresse de nouvelles instances. Apprenant que Louis se donne la discipline, et étant alors aux prises avec la goutte, il se fait rouler dans un fauteuil près de son fils, pour qui il a au fond de l’affection et du respect, et promet d’écrire le jour même à leur parent, le cardinal Scipion de Gonzague, en vue d’une démarche près du Général de la Compagnie de Jésus, le P. Aquaviva, allié de la famille.
Mais c’était encore un leurre : le jeune homme fut envoyé à Milan à la fin de 1584, pour traiter une affaire importante, ce qu’il fît avec une maturité admirable ; obligé de prolonger son séjour dans la capitale lombarde, il y suivit les cours du collège Brera, dirigé par les Jésuites, heureux de pouvoir parfois jouer au Frère portier.
Il quitta Milan en juillet 1585 ; le père se dédit encore. Mais Louis fit un jour une démarche si ferme que le marquis dut céder ; et comme il s’agissait de l’aîné de ses fils, toute la famille de Gonzague, qui comptait plusieurs branches, fut convoquée à Mantoue en vue d’un acte de renonciation à l’héritage paternel, qui était soumis à l’approbation de l’empereur.
La lecture de l’acte, par lequel Louis conférait tous ses droits à son frère Rodolphe, eut lieu le 2 novembre 1585. Louis s’était fait faire en secret une soutane, et c’est dans cette tenue qu’il parut au dîner, ce qui excita une nouvelle crise de désespoir de son père. Le 4 novembre il partit, accompagné de Rodolphe et de plusieurs des gens de sa maison ; son frère le quitta bientôt, et Louis continua sa route avec son escorte par Bologne, Lorette, où il accomplit le vœu que sa mère avait fait lors de sa naissance, vœu qui avait été commué par le Pape Grégoire XIII. Le 21 novembre, il arrivait à Rome, et ii descendit chez le cardinal Scipion de Gonzague, qui avait parlé de lui au Pape Sixte-Quint. Le 25, il fut présenté au P. Pescatore, maître des novices Jésuites et recteur de Saint-André au Quirinal. Le nouveau novice n’avait pas encore dix-huit ans accomplis.
Ferveur et sainteté du jeune novice.
Les progrès surprenants que Louis fit dans cette école du noviciat étonnèrent les plus parfaits. On n’eut besoin que de modérer sa ferveur et de mettre des bornes à l’immense désir qu’il avait de faire pénitence.
Détaché de tout, indifférent à la noblesse de sa famille, aux honneurs dont ses alliés étaient l’objet, il recherchait en tout la plus mauvaise part, les besognes les plus humbles, par exemple celles d’aide-réfectorier ou d’aide-infirmier ; à Milan, il fut tout joyeux de se voir confier l’office de détruire les toiles d’araignées, et quand venait un grand personnage, il se présentait la tête de loup en main.
A la fin de sa vie, ce jeune novice d’origine princière n’avait plus en propre qu’une Bible et deux pauvres images !
De Saint-André, il passa quelque temps au Gesù, où les Pères s’édifiaient en sa compagnie ; puis il reprit sa place au noviciat, toujours en oraison, se mortifiant dans la mesure où on le lui permettait, se désolant parfois de ne pas se trouver de péchés véniels. Emmené à Naples pour sa santé, il y reprit ses mortifications avec l’assentiment de son supérieur, et contracta un érysipèle qui le fît revenir à Rome.
Le jeune novice prononça ses vœux le 25 novembre 1587, anniversaire de son entrée à Saint-André ; tonsuré le 25 février 1588 à Saint-Jean de Latran, Louis reçut les ordres mineurs en quatre fois, du 28 février au 28 mars suivant.
Saint Louis ange de paix.
L’amour du prochain le tira de la solitude religieuse, en septembre 1589, pour le conduire dans sa famille. Sur le conseil de saint Robert Bellarmin, futur cardinal, et qui était son confesseur, il accepta, en effet, d’aller apaiser un grave différend survenu entre le marquis de Castiglione, son frère, et le duc de Mantoue, au sujet du fief de Solferino. Arrivé à Castiglione, le « saint P. Aluigi », comme on l’appelait, fut reçu comme un ange du ciel.
Louis réussit à réconcilier les deux antagonistes. Il lui restait à remplir une autre mission, non moins délicate, consistant à rendre public, afin d’éviter tout scandale, et à faire accepter par toute la famille de Gonzague un mariage secret contracté par Rodolphe, avec la permission de l’évêque, mariage d’ailleurs honorable, mais qui, à l’époque, était considéré comme une mésalliance. La jeune marquise de Mantoue devait être la mère de trois religieuses, les premières « Vierges de Jésus », qui toutes trois moururent en odeur de sainteté entre 1645 et 1650.
Le saint religieux dut séjourner plusieurs mois à Milan ; il y eut comme un pressentiment que l’heure approchait où Dieu l’appellerait à partager la gloire des élus. Il repartit pour Rome en mai 1590.
Saint Louis se prépare à sa dernière heure. – Sa mort.
Cependant, la ville pontificale était affligée par une épidémie ; Louis, malgré sa faiblesse, obtint de soigner les contagieux ; au bout de quelques jours, ses supérieurs, voulant le ménager, l’en retirèrent pour l’hôpital, non contaminé jusqu’alors, de la Consolation. Malgré cela, le 3 mars 1591, il était frappé à son tour. Le bruit de sa mort, car le genre de la maladie ne pardonnait pas, se répandit dans les cours italiennes, et un service fut célébré pour lui à Castiglione. Louis survécut pourtant, mais miné par une fièvre lente et par la toux. Son corps était devenu d’une maigreur extrême ; le séjour prolongé au lit provoqua des plaies, dont une, grave, au talon.
Ces derniers mois furent pour la communauté une source d’édification constante, pour le malade une préparation, qui lui paraissait sans fin, de la vie du ciel. Enfin, le 20 juin, il affirma plusieurs fois qu’il mourrait le jour même, insista pour qu’on lui apportât le saint Viatique, et après avoir parlé, avec un très grand calme, à chacun de ses visiteurs, resté seul avec deux religieux, les yeux fixés sur un grand Crucifix indulgencié, sa main droite tenant un cierge bénit et sa main gauche pressant un petit Crucifix, il expira dans la nuit du 20 au 21 juin, en essayant de prononcer le nom de Jésus.
Son culte.
Louis de Gonzague était à peine mort qu’on se partageait ses « reliques », ses cheveux, des fragments de son linge et de ses vêtements, les plumes dont il se servait. Les Pères vinrent lui baiser la main, bien qu’il ne fût pas prêtre ; contrairement à l’usage des pauvres de cette époque, usage adopté par les Jésuites, son corps fut mis dans un cercueil. Le lendemain de sa mort, il fut inhumé en l’église du Collège romain, dans la chapelle du Crucifix. Une exhumation eut lieu, en 1598, à cause du débordement du Tibre ; en 1602, les restes furent déposés dans la sacristie du Collège, puis sous l’autel de saint Sébastien, et de là, en 1605, transférés dans la chapelle de la Sainte Vierge, avec une épitaphe portant le titre de « Bienheureux » : Beatus Aloysius.
En 1600, le « petit Saint » apparut dans la gloire à sainte Marie-Madeleine de Pazzi, célèbre par ses visions, et dès lors le couvent des Carmélites de Florence commença à le prier comme un Bienheureux. Cette année-là et les quatre années qui suivirent, des procès informatifs furent ouverts en près de vingt diocèses ; François de Gonzague, évêque de Mantoue, et l’évêque de Brescia avaient autorisé, chacun dans le sien, des manifestations cultuelles, comme le Droit canon le leur permettait alors.
En 1604, le 21 juin, le portrait du saint Jésuite fut exposé à Rome en l’église du Collège romain ; de même, à Castiglione, le 28 juillet. Mieux encore : le 21 mai 1605, le Pape Paul V, imitant l’exemple de son prédécesseur Clément VIII, autorise verbalement l’emploi du titre de « Bienheureux », l’exposition du portrait avec une auréole, au tombeau de Louis de Gonzague, ainsi que l’exhibition des ex-voto.
Pendant ce temps, le bienheureux Robert Bellarmin était mis à la tête d’une Commission cardinalice chargée d’examiner la cause ; cette Commission conclut non seulement à la béatification, mais même à la canonisation ; deux ans plus tard, le même cardinal pouvait présenter au Pape trente et un miracles reconnus authentiques.
Louis de Gonzague fut béatifié par un Bref de Paul V en date du 19 octobre 1605, et il attestait, le même jour, par une guérison, la puissance de son intercession.
Sa mère, la marquise douairière de Mantoue, était morte depuis le 3 avril précédent ; si elle n’avait pu assister à la béatification, du moins elle avait eu la joie d’en voir tous les signes précurseurs, et l’honneur insigne d’être interpellée l’année précédente, du haut de la chaire, par un prédicateur : « O mère fortunée… »
Paul V concéda la messe propre et l’office du Bienheureux aux Etats des princes de Gonzague en 1617 et aux maisons romaines de la Compagnie de Jésus en 1618 ; Grégoire XV étendit cette faveur à toute la Compagnie en 1621 ; Clément X inscrivit son nom au Martyrologe romain, honneur réservé le plus souvent au seuls Saints.
Par les soins et aux frais du bienheureux Robert Bellarmin, la chambre mortuaire fut transformée en une chapelle ; celle-ci a été détruite plus tard pour la construction de l’église Saint-Ignace, où les reliques furent transférées en 1649, et où un autel spécial fut dédié au bienheureux Louis de Gonzague, cinquante ans après.
Benoît XIII le canonisa par une Bulle du 26 avril 1726 ; les cérémonies solennelles eurent lieu seulement le 31 décembre suivant, en même temps que pour saint Stanislas Kotska, Jésuite lui aussi, et mort l’année même où Louis venait au monde. La fête de saint Louis de Gonzague a été fixée eu 21 juin, au lieu du 20, les Romains du xvie siècle comptant les jours non de minuit à minuit, mais à partir du coucher du soleil.
Le même Pape Benoît XIII, en 1729, donna saint Louis pour patron à la jeunesse et permit à tous les prêtres de célébrer sa messe et son office ; de plus, il accorda des privilèges à la dévotion des « Six dimanches » en l’honneur de saint Louis de Gonzague, privilèges qui furent précisés dans un sens extensif par Benoît XIV en 1740 ; enfin Grégoire XVI, en 1842, étendit à l’Eglise universelle la messe et l’office propres.
Des fêtes magnifiques eurent lieu pour célébrer le deuxième centenaire de sa canonisation ; et Pie XI célébra à cette occasion une messe papale à Saint-Pierre de Rome le 31 décembre 1926.
A. J. D.
Sources consultées. – P. Virgile Gepari, Saint Louis de Gonzague, traduction du P. L. Michel (1891, Einsiedeln). – J.-M. Daurignac, Vie de saint Louis de Gonzague (Paris). – (V. S. B. P., nos 228 et 1475.)