Saint Barnabé

Saint Paul et saint Barnabé à Lystres, protestants qu'ils ne sont pas des dieux. Saint Barnabé est derrière, déchirant sa tunique (Ac 14, 6-14).

Apôtre (+ vers 53 ou 57). 

Fête le 11 juin.

Vie résumée par l’abbé Jaud

Saint Barnabé est qua­li­fié du nom d’Apôtre, quoi­qu’il ne fût pas du nombre des douze que Jésus avait choi­sis ; on lui a don­né ce titre glo­rieux parce que le Saint-​Esprit l’a­vait appe­lé d’une manière toute spé­ciale et qu’il eut une grande part, de concert avec les Apôtres, dans l’é­ta­blis­se­ment du christianisme.

Il était Juif, de la tri­bu de Lévi, et natif de l’île de Chypre ; son nom de Joseph lui fut chan­gé par les Apôtres contre celui de Barnabé, qui signi­fie fils de conso­la­tion. Il avait été ami d’en­fance de saint Paul et c’est lui qui, après l’é­ton­nante conver­sion de cet Apôtre, le pré­sen­ta à Pierre, le chef de l’Église.

La pre­mière mis­sion de Barnabé fut d’al­ler diri­ger l’Église d’Antioche, où la foi pre­nait de grands accrois­se­ments ; il vit tant de bien à faire, qu’il appe­la Paul à son secours, et les efforts des deux Apôtres réunis opé­rèrent des mer­veilles. Sur l’ins­pi­ra­tion de l’Esprit-​Saint, le Prince des Apôtres leur donne l’onc­tion épis­co­pale, et ils s’é­lancent, au souffle d’en haut, vers les peuples gen­tils, pour les conver­tir. Salamine, Lystre, la Lycaonie et d’autres pays encore, entendent leur parole élo­quente, sont témoins de leurs miracles et, sous leurs pas, la foi se répand avec une rapi­di­té pro­di­gieuse. Paul et Barnabé se séparent ensuite, pour don­ner plus d’ex­ten­sion à leur ministère.

L’île de Chypre, d’où il est ori­gi­naire, était par­ti­cu­liè­re­ment chère à Barnabé ; c’est là qu’il devait scel­ler de son sang la foi qu’il avait prêchée.

Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’an­née, Tours, Mame, 1950

Version longue (La Bonne Presse)

Avant de por­ter le sur­nom de Barnabé sous lequel nous l’ho­norons, cet apôtre s’appelait Joseph, nom qui signi­fie « accrois­se­ment ». Il était d’origine juive, de la tri­bu de Lévi. Il vit le jour dans l’île de Chypre, où ses aïeux s’étaient réfu­giés lorsque la Judée fut enva­hie par les Romains, sous la conduite de Pompée.

Quand son âge le lui per­mit, Joseph fut envoyé à Jérusalem pour y étu­dier à l’école du célèbre Gamaliel, ce fameux doc­teur en Israël qui, selon les tra­di­tions tal­mu­diques, « empor­ta dans le tom­beau l’honneur de la loi ».

L’illustre rab­bi comp­tait de nom­breux dis­ciples. A leur tête, un jeune Cilicien, nom­mé Saul, se dis­tin­guait par son zèle, sa science et la pure­té de sa vie. On le voyait tous les jours au Temple avec Etienne, le futur diacre, qui devait répandre le pre­mier son sang pour Jésus-​Christ. Joseph était à peu près de leur âge. Il se lia avec eux d’une étroite amitié.

Joseph s’attache aux pas du divin Maître.

Cependant, le Sauveur com­men­çait à rem­plir la Judée de ses pro­diges. D’après les tra­di­tions des Eglises orien­tales, le jeune lévite eut l’occasion de l’entendre par­ler dans le Temple, et il fut ravi de la doc­trine de ce nou­veau Maître, dont on disait que « nul n’avait par­lé comme cet homme ». Le miracle de la pis­cine pro­ba­tique auquel il assis­ta ne lui lais­sa plus de doute : il eut foi en la mis­sion de Jésus-​Christ, et fut désor­mais un de ses ardents admirateurs.

II cou­rut faire part de ce qu’il avait vu et enten­du à sa tante Marie, mère de Jean-​Marc. A sa parole, toute la famille crut a Jésus, et cette sainte mai­son devint l’asile du Sauveur à Jérusalem.

Joseph reçoit de saint Pierre le nom de Barnabé.

Après la Pentecôte, Joseph fut un des pre­miers à don­ner l’exemple de ce déta­che­ment admi­rable qui fai­sait dire à saint Jean Chrysostome que l’Eglise de Jérusalem offrait à son ber­ceau le spec­tacle de la répu­blique des anges. Il est expres­sé­ment nom­mé dans les Actes comme « ayant ven­du tous ses biens pour en appor­ter le prix aux pieds des apôtres ». [1] Son désinté­ressement fut bien­tôt imi­té par la mul­ti­tude des fidèles. Il conve­nait que Barnabé, qui devait un jour por­ter lui aus­si le titre d’apôtre, pût dire comme les Douze : « Voici que nous avons tout quit­té pour vous suivre. » C’est pour ce motif, sans doute, que l’Esprit-Saint cite son nom par­mi ceux qui renon­çaient à tout ce qu’ils possédaient.

Cet élan de géné­ro­si­té volon­taire rem­plis­sait de conso­la­tion le cœur des apôtres, et aug­men­ta leur affec­tion pour Joseph, auquel ils don­nèrent le sur­nom de Barnabé, c’est-à-dire, fils de conso­la­tion, ou encore fils de l’ex­hor­ta­tion, hébraïsme qui signi­fie : celui qui a le don d’exhorter. C’est sous ce beau nom que le monde entier vénère le com­pa­gnon de saint Paul.

Saint Barnabé présente aux apôtres Paul converti.

Quand l’Eglise, ani­mée du souffle de la Pentecôte, se fut mani­festée en face de la Synagogue, Barnabé eut part à toutes les tri­bulations de ses frères. Les pha­ri­siens et les sad­du­céens du grand Conseil, qui trou­vaient dans les ins­ti­tu­tions mosaïques la satisfac­tion de tous leurs inté­rêts, ne pou­vaient entendre, sans un frémis­sement de rage, pro­cla­mer la divi­ni­té de ce Jésus qu’ils avaient cru­ci­fié. Le diacre Etienne n’hésita pas à impri­mer sur la face de ces hypo­crites de la léga­li­té les stig­mates d’une flé­tris­sure immor­telle. Un tel cou­rage lui méri­ta d’être la pre­mière vic­time de leur fureur : la popu­lace se rua sur lui et l’entraîna hors de la ville pour le lapi­der. Au moment du sup­plice, « les témoins, disent les Actes des Apôtres, dépo­sèrent leurs man­teaux auprès d’un homme, jeune encore, dont le nom était Saul ».

C’était l’ancien condis­ciple d’Etienne et de Barnabé. Caractère ardent, il s’était lais­sé séduire par l’apparente aus­té­ri­té des phari­siens, avait embras­sé leurs secte, et était deve­nu un violent persé­cuteur de l’Eglise. Il entrait à main armée dans les mai­sons des fidèles, sai­sis­sait hommes et femmes et les traî­nait en prison.

Mais Jésus l’attendait sur le che­min de Damas où Saul se ren­dait, « ne res­pi­rant que menaces et car­nage contre les dis­ciples du Seigneur ». Celui que nous appe­lons main­te­nant saint Paul tom­ba fou­droyé par la grâce.

Après une retraite de trois ans en Arabie, il rega­gna Jérusalem, où le sou­ve­nir de ses anciennes fureurs était encore vivant. Là il cher­chait à se joindre aux frères, mais ceux-​ci ne pou­vaient croire qu’il eût embras­sé la foi, et toutes les assem­blées lui res­tèrent inter­dites. Barnabé, son ami de jeu­nesse, fut le seul qui lui ouvrît sa demeure. Après avoir enten­du de sa bouche le récit des mer- Veilles opé­rées à Damas, il pré­sen­ta le nou­vel élu du Seigneur à Pierre, chef de l’Eglise, et à Jacques, évêque de Jérusalem.

Il leur racon­ta com­ment celui-​ci avait vu le Seigneur sur le che­min, com­ment le Seigneur lui avait par­lé, et avec quelle assu­rance lui-​même avait agi à Damas au nom de Jésus.

Ac 9, 27.

Le cré­dit de Barnabé était grand ; sur sa parole, saint Paul fut admis dans la socié­té des frères, et l’Apôtre des Gentils com­men­ça aus­si­tôt l’exercice de sa mis­sion dans la Ville Sainte.

Saint Paul et saint Barnabé à Antioche.

Cependant, les fidèles, dis­per­sés par la per­sé­cu­tion, s’en allèrent de tous côtés, semant la parole évan­gé­lique. Antioche en reçut plu­sieurs dans ses murs et les conver­sions s’y mul­ti­plièrent, non seu­lement par­mi les Juifs, mais aus­si par­mi les Grecs. Cette chré­tienté nais­sante avait besoin d’un chef : Barnabé fut délé­gué et par­tit aus­si­tôt. Sous sa direc­tion, l’Eglise d’Antioche pro­gres­sa merveilleusement.

A Antioche comme à Jérusalem, les Juifs conver­tis voyaient avec peine l’entrée des païens dans l’Eglise. Ils auraient vou­lu, du moins, qu’on ne les reçût pas sans les assu­jet­tir aux pres­crip­tions de la loi mosaïque. Barnabé com­bat­tit ces pré­ju­gés, et dès qu’on sut qu’il était pos­sible de deve­nir dis­ciple du Sauveur sans se faire Juif, on accou­rut en foule à son appel.

Barnabé eut bien­tôt besoin de nou­veaux ouvriers pour recueillir une si abon­dante mois­son. Il par­tit « pour Tarse afin d’y cher­cher Saul » qui conti­nuait, dans sa ville natale, à se recueillir.

Quand il l’eut trou­vé, il l’amena à Antioche. Ils demeu­rèrent une année entière dans cette ville et y ins­trui­sirent une foule consi­dé­rable, si bien qu’à Antioche les dis­ciples com­men­cèrent à rece­voir le sur­nom de chrétiens.

En ces jours-​là (dans le cours de l’an 42), dit saint Luc, des pro­phètes de Jérusalem vinrent à Antioche. L’un d’eux, nom­mé Agab, ins­pi­ré par l’Esprit-Saint, se leva et pré­dit qu’une grande famine déso­le­rait bien­tôt l’univers. Elle arri­va, en effet, sous l’empereur Claude. Tous les dis­ciples, pré­voyant les besoins où allaient se trou­ver les fidèles de Judée, réso­lurent d’envoyer, cha­cun selon ses moyens, de quoi les secou­rir, et prièrent Bar­nabé et Saul de leur por­ter eux-​mêmes ces aumônes.

Ac 9, 25–30.

Les deux chefs de l’Eglise d’Antioche ne mon­tèrent à Jérusalem que lorsque la famine se fut décla­rée en Palestine, c’est-à-dire en l’an 44, selon l’historien Josèphe. Mais, depuis la pré­dic­tion d’Agab, de graves évé­ne­ments étaient sur­ve­nus à Jérusalem, si bien que les deux envoyés n’y trou­vèrent plus ni Pierre ni les autres apôtres, mais seule­ment les « anciens ». Ce nom, qui appa­raît ici pour la pre­mière fois dans la hié­rar­chie de l’Eglise, désigne un nou­vel ordre de ministres sacrés, les « prêtres », du mot grec pres­by­te­ros ; en l’absence des apôtres, ce sont eux qui veillent sur les fidèles et leur admi­nistrent les sacre­ments les plus indispen­sables à la vie chrétienne.

C’est aux « anciens » que Saul et Barnabé remirent les aumônes des chré­tiens d’Antioche, puis ils redes­cen­dirent en cette ville, emme­nant avec eux Jean-​Marc, le cou­sin de Barnabé.

Première mission.

Les ministres du Seigneur s’étant assem­blés afin de célé­brer les mys­tères, le Saint-​Esprit leur dit : « Séparez-​moi Saul et Barnabé pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés. »

Alors, après un jeûne solen­nel et de longues prières, ils impo­sèrent les mains aux deux élus, leur confé­rèrent la digni­té épisco­pale, et les aban­don­nèrent à la direc­tion céleste. Le départ eut lieu très pro­ba­ble­ment au cours de l’année 45.

Les deux envoyés de l’Esprit-Saint prirent avec eux Jean-​Marc et se ren­dirent à Séleucie, d’où ils s’embarquèrent pour l’île de Chypre. Ce fut là qu’ils com­men­cèrent leur apos­to­lat ; la parole évan­gé­lique reten­tit dans cette île de la volup­té, ébran­lant les por­tiques des temples de Vénus, et ren­ver­sant les divi­ni­tés immondes.

Les deux apôtres prê­chèrent Jésus-​Christ avec un égal suc­cès à Salamine et à Paphos. Dans cette der­nière ville rési­dait le pro­consul romain Sergius Paulus, « homme pru­dent », disent les Livres Saints. Celui-​ci man­da Saül et Barnabé pour apprendre de leur bouche la reli­gion du Christ. Un Juif « se livrant à la magie » et sur­nom­mé pour ce motif Elymas, qui se trou­vait dans la mai­son de Sergius Paulus, cher­chait à détour­ner le pro­con­sul de la foi Rempli de l’Esprit-Saint, Saul fixa son regard sur lui :

– Esprit de men­songe et de per­fi­die, fils de Satan, ne cesseras-​tu point de per­ver­tir les voies droites du Seigneur ? Voici que la main de Dieu est sur toi : tu seras aveugle et, pen­dant un cer­tain temps, tu ne ver­ras plus la lumière du jour. 

A l’instant même les yeux d’Elymas se voi­lèrent, et, témoin de ce miracle, le pro­con­sul embras­sa la foi. (Ac 13, 6–12.)

Ce fut alors que Saul, s’emparant du nom de ce pro­con­sul qu’il venait de conqué­rir à Jésus-​Christ, échan­gea le nom juif qu’il tenait de ses aïeux contre celui de Paul, que por­tait ce pro­con­sul. Celui-​ci per­sé­vé­ra dans la foi, et mou­rut, d’après une tra­di­tion que relate le Martyrologe, évêque de Narbonne ; la fête de ce Saint se célèbre le 23 mars.

Les apôtres à Pergé.

De Chypre, Paul et Barnabé pas­sèrent en Asie Mineure et débar­quèrent à Perga ou Pergé de Pamphylie, avec l’intention d’é­van­gé­li­ser les popu­la­tions de ces contrées mon­ta­gneuses. Effrayé par une telle pers­pec­tive, Jean-​Marc se décou­ra­gea, se sépa­ra d’eux et retour­na à Jérusalem auprès de sa mère. Nos deux mis­sion­naires, fran­chis­sant la chaîne du Taurus, arri­vèrent à Antioche de Pisidie.

Un jour de sab­bat, ils entrèrent dans la syna­gogue et s’assirent au milieu des Juifs. Après la lec­ture de la loi et des pro­phètes, les princes de l’as­sem­blée, aper­ce­vant les frères étran­gers, les invi­tèrent à prendre la parole. Paul fit une belle exhor­ta­tion, et les Juifs en furent si satis­faits qu’ils prièrent les apôtres de reve­nir au pro­chain sab­bat par­ler encore sur le même sujet.

Durant la semaine, beau­coup de Juifs et de pro­sé­lytes entre­tinrent Paul et Barnabé, qui conti­nuèrent à les exhor­ter à demeu­rer fidèles à la grâce de Dieu. Au sab­bat sui­vant presque toute la ville se ras­sem­bla pour les entendre. Les rab­bins en conçurent une telle jalou­sie qu’ils écla­tèrent en blas­phèmes contre la doc­trine de Paul. Alors Paul et Barnabé leur dirent avec fermeté :

– Puisque vous refu­sez d’entendre la parole de Dieu, nous allons nous tour­ner vers les Gentils.

Ac 13, 43–47.

C’est ce qu’ils firent, et la parole du Seigneur se répan­dit comme une semence féconde dans tout le pays. De plus en plus irri­tés, les Juifs firent écla­ter une per­sé­cu­tion vio­lente contre Paul et Barnabé, en sus­ci­tant contre eux l’animosité des femmes pieuses et influentes et des prin­ci­paux de la ville. Ils réus­sirent à faire expul­ser les apôtres qui, secouant sur ces obs­ti­nés la pous­sière de leurs pieds, allèrent à Iconium, la moderne Konia, qui se trouve à cent vingt kilo­mètres d’Antioche de Pisidie.

Iconium. – Sainte Thècle.

Iconium fai­sait alors par­tie de la pro­vince romaine de Galatie. On y véné­rait la divi­ni­té de Cybèle, mère des dieux, dont le culte ne res­pi­rait que fré­né­sie sau­vage et débauche. En cette ville la com­mu­nau­té juive avait une syna­gogue. C’est là que Paul et Bar­nabé com­men­cèrent leurs pré­di­ca­tions, agis­sant en toute assu­rance au nom du Seigneur, qui ren­dait témoi­gnage à la parole de sa grâce par les signes et les pro­diges qu’il opé­rait par leurs mains. Une grande mul­ti­tude de Juifs et de Grecs reçurent la foi.

Mais ici encore la foule se divi­sa et l’hostilité devint telle que les apôtres faillirent être lapi­dés. Ils allèrent por­ter l’Evangile à Lystres, ville de Lycaonie, et dans tout le pays d’alentour.

Les Pères nous ont conser­vé le sou­ve­nir d’une illustre chré­tienne d’Iconium, sainte Thècle, dont ils exaltent la vir­gi­ni­té et le cou­rage. Elle ver­sa son sang pour le Christ. On croit que sa conver­sion date de cette pre­mière mis­sion de Paul et de Barnabé.

Le boiteux guéri. – Apothéose. – Lapidation.

A leur arri­vée à Lystres, Paul et Barnabé débu­tèrent par un miracle. Un infirme, pri­vé dès sa nais­sance de l’usage des jambes, était assis à l’entrée de la ville et écou­tait la pré­di­ca­tion de Paul. L’Apôtre fixa sur lui son regard et vit qu’il avait la foi.

– Lève-​toi, lui dit-​il, tiens-​toi debout sur tes pieds.

Et l’infirme se leva gué­ri. Les nom­breux témoins de ce pro­dige écla­tèrent en cris d’enthousiasme, disant :

– Des dieux sont des­cen­dus par­mi nous sous une forme humaine.

Ils don­naient à Barnabé le nom de Jupiter et à Paul celui de Mercure, parce que c’était Paul qui avait por­té la parole. Un prêtre de Jupiter vint avec des cou­ronnes et fit ame­ner des tau­reaux, qu’il vou­lait, avec le peuple, offrir en sacri­fice aux deux divinités.

Les apôtres étaient loin de s’attendre à pareille aven­ture. Déchi­rant leur tunique, ils se jetèrent par­mi la foule en criant :

– Amis, qu’allez-vous faire ? nous sommes des mor­tels, des hommes comme vous ! Abandonnez ces vaines super­sti­tions et con­vertissez-​vous au Dieu vivant qui a créé les cieux, la terre, les mers, le monde entier ! Du haut du ciel, il répand ses bien­faits, dis­pense les pluies et les sai­sons fécondes et rem­plit nos cœurs d’al­légresse par l’abondance de ses dons.

Malgré ces exhor­ta­tions, ils eurent beau­coup de peine à empê­cher la foule d’accomplir un sacri­fice en leur honneur.

Cependant, quelques Juifs, accou­rus d’Antioche de Pisidie et d’Iconium, réus­sirent à sou­le­ver la mul­ti­tude dans un sens oppo­sé. Une émeute écla­ta, et Paul, traî­né hors de la ville par la popu­lace furieuse, fut acca­blé d’une grêle de pierres et lais­sé pour mort sur la place. Les dis­ciples vinrent cher­cher son corps ; mais Paul se leva plein de vie et par­tit pour Derbée le len­de­main, en com­pa­gnie de Barnabé (Act. xvi, 7–19).

Tous deux, retour­nant ensuite sur leurs pas, visi­tèrent les Eglises qu’ils avaient déjà évan­gé­li­sées, for­ti­fiant par­tout le cou­rage des néo­phytes et les exhor­tant à persévérer.

Après avoir tra­ver­sé de nou­veau la Pisidie et la Pamphilie, ils firent entendre la parole de Dieu à Pergé qu’ils n’avaient pu évan­géliser à leur pre­mier pas­sage. Puis ils arri­vèrent à Attalia, d’où ils s’embarquèrent pour ren­trer à Antioche de Syrie.

Cette pre­mière mis­sion avait duré un peu plus de quatre ans.

Premier Concile de Jérusalem. – Désaccord entre Paul et Barnabé au sujet de Jean-Marc.

Quelque temps après leur retour, Paul et Barnabé durent se rendre à Jérusalem pour assis­ter au pre­mier Concile que pré­si­da l’oracle de l’Eglise, l’apôtre Pierre. Dans cette auguste assem­blée, les deux apôtres racon­tèrent publi­que­ment les pro­grès surpre­nants que la foi fai­sait tous les jours par­mi les Gentils. Les pro­diges accom­plis par leurs mains attes­taient que Dieu avait pour agréable la conver­sion des Gentils, alors même qu’ils n’adoptaient pas les pra­tiques légales, et qu’on ne sau­rait les leur impo­ser. Telle fut la sen­tence pro­mul­guée par le Concile.

Au récit de tant de mer­veilles, Jean-​Marc se repen­tit de son incons­tance. Tl pro­tes­ta qu’il ne quit­te­rait plus son parent Barnabé ; de fait il le sui­vit à Antioche. Mais Paul avait gar­dé un mau­vais sou­ve­nir de la défaillance de Jean-​Marc. Bientôt, quand il sera ques­tion de reprendre avec Barnabé le cours de leurs mis­sions, l’Apôtre des Gentils ne vou­dra plus de Marc pour compagnon.

Quelque temps, en effet, après le Concile, Paul dit à Barnabé : – Retournons visi­ter les frères que nous avons évangélisés.

C’était aus­si le désir de Barnabé, mais il vou­lait emme­ner Jean- Marc. Paul insis­tait au contraire pour que celui qui les avait quit­tés en Pamphilie ne fût pas admis à les suivre. Il en résul­ta un vif désac­cord entre les deux apôtres. Ni l’un ni l’autre ne crut devoir céder, et ils se séparèrent.

Dieu le per­mit, sans doute, pour mul­ti­plier et agran­dir les champs de l’apostolat. Paul par­tit de son côté avec Silas et par­courut l’Asie Mineure, tan­dis que Barnabé, sui­vi de Jean-​Marc, fai­sait voile pour l’île de Chypre.

La suite des évé­ne­ments don­na rai­son à la confiance de Bar­nabé. Marc fut désor­mais fidèle et devint un ardent pré­di­ca­teur de la foi. Plus tard il s’attachera à saint Pierre, qui l’amènera à Rome, lui ordon­ne­ra de mettre l’Evangile par écrit et l’enverra fon­der l’Eglise d’Alexandrie. Enfin, Paul lui-​même l’eut en haute estime, il le men­tionne plu­sieurs fois avec éloge dans ses Epîtres.

Apostolat de saint Barnabé.

Les Actes des Apôtres ne nous apprennent plus rien sur la vie de Barnabé, et l’histoire docu­men­tée perd sa trace. Autant jus­qu’ici nous mar­chions avec assu­rance à la lumière du récit de saint Luc, autant main­te­nant il faut se conten­ter d’aller à tâtons.

Il est très vrai­sem­blable, assu­ré­ment, que le zèle de Barnabé ne se limi­ta pas à évan­gé­li­ser l’île de Chypre. S’il s’était can­ton­né dans ce petit espace, au lieu d’étendre de tous côtés son action, il aurait été, par­mi les apôtres, le seul de son espèce, si l’on excepte tou­te­fois saint Jacques le Mineur, pre­mier évêque de Jérusalem. Il est donc per­mis d’admettre, avec la tra­di­tion, que Barnabé sor­tit de Chypre, par­cou­rut l’Egypte et l’Italie. L’Eglise de Milan se vante de l’avoir eu pour pre­mier apôtre et l’a choi­si comme patron.

Martyre de saint Barnabé.

Après avoir évan­gé­li­sé divers pays, Barnabé revint à Chypre, atti­ré par le désir de se consa­crer spé­cia­le­ment à ses com­pa­triotes. Il s’établit à Salamine, capi­tale de l’île. Sa parole, ses exemples, ses miracles conver­tirent des mul­ti­tudes, ce qui ne pou­vait man­quer de mettre les Juifs en fureur. Prévoyant la per­sé­cu­tion, Barnabé réunit les fidèles, leur recom­mande la fer­me­té dans la foi et leur pré­dit sa mort pro­chaine. Il se rend ensuite à la syna­gogue, où les Juifs s’emparent de lui et le jettent dans un cachot, puis, la nuit venue, ils lui font subir divers sup­plices et, fina­le­ment, le lapident (11 juin 53 ou 57). Il fut ense­ve­li secrè­te­ment par Jean-​Marc dans une caverne. Le sou­ve­nir de cette cachette s’effaça avec le temps ; mais, en 488, le mar­tyr appa­rut à Anthème, évêque de Salamine, et lui révé­la le lieu de sa sépulture.

Son corps fut retrou­vé. Sur sa poi­trine repo­sait un exem­plaire de l’Evangile de saint Matthieu en langue hébraïque, que Bar­nabé avait copié de sa main. Ce pré­cieux manus­crit fut envoyé par Anthème à l’empereur Zénon qui le fit gar­der dans son palais et construi­sit un magni­fique sanc­tuaire sur le sépulcre même de Barnabé.

Le nom de Barnabé figure aux dip­tyques du Canon de la messe, à la com­mé­mo­rai­son des morts, après le nom de l’apôtre Mathias.

E. Lacoste. Sources consul­tées. – Actes des Apôtres, par­ti­cu­liè­re­ment ch. iv vers la fin ; ch. ix, 26, 27 ; ch. xi, 21–30 ; ch. xiii, xiv, xv. – Surius, 11 juin. – Mgr Duchesne, Saint Barnabé, dans les Mélanges De Rossi. – Analecta Bollandiana, 1893. – (V. S. B. P., n° 118.)

Notes de bas de page
  1. Ac 4, 36–37.[]