Mes bien chers frères,
Mes bien chers amis,
Avec quelle émotion et avec quelle dévotion nous avons chanté il y a quelques instants ce Veni Sancte Spiritus.
Oui que vienne l’Esprit Saint, qu’il remplisse le cœur des fidèles et qu’il y allume le feu de son saint Amour. L’Église par cette liturgie magnifique de la Pentecôte, nous rappelle, non seulement l’existence de la troisième Personne de la Sainte Trinité, du Saint-Esprit, mais aussi toute l’activité du Saint-Esprit, son opération, sa mission, mission qui complétera l’œuvre de la Rédemption, accomplie par le Verbe de Dieu, par le Verbe incarné, par Notre Seigneur Jésus-Christ.
On aurait peut-être tendance, parce que l’Église fait particulièrement allusion au Saint-Esprit, en cette fête de la Pentecôte, de penser que l’action du Saint-Esprit a commencé dans le monde, à partir de la Pentecôte, lorsqu’il est descendu sur tous ceux qui étaient réunis dans le Cénacle, après l’Ascension de Notre Seigneur. Ce serait une illusion. Lorsque l’on lit l’Écriture, on s’aperçoit que l’Écriture fait allusion à l’œuvre du Saint-Esprit, bien avant la Pentecôte. Et déjà dès le début du monde, Spiritus ferebatur super aquas (Gn 1,2), l’Esprit était comme porté sur les eaux. L’Esprit Saint présidait déjà à la Création. Et ne disons-nous pas fréquemment, mes bien chers amis, lorsque vous commencez vos cours, le verset qui exprime si bien cette action de l’Esprit Saint dans la Création : Emittes Spiritum tuum et creabuntur et renovabis faciem terræ. Emittes Spiritum tuum et creabuntur (Ps 103,30) : Et tout sera créé. Oui, envoyez votre Esprit Seigneur et le monde verra le jour.
Eh bien, l’Esprit Saint a donc présidé avec le Père et le Fils, à la Création du monde. Cet Esprit d’amour qui dirigeait tout ce monde vers l’amour de Dieu, vers la gloire de Dieu. Mais si l’on rencontre aussi fréquemment l’allusion à l’opération du Saint-Esprit, dans l’Évangile, et particulièrement au moment de la conception de Notre Seigneur dans le sein de la Vierge Marie, Marie qui fut remplie de l’Esprit-Saint. Que d’allusions ensuite à la présence de l’Esprit Saint, autour de cette incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ, de l’action de Notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même.
Les allusions donc à l’action de l’Esprit Saint, sont très fréquentes dans l’Évangile. Mais il est bien certain que son action s’est manifestée d’une manière plus évidente, le Bon Dieu l’a voulu ainsi pour montrer cette rénovation du monde qu’allait opérer le Saint-Esprit.
Et cette manifestation même sensible, extérieure de l’Esprit Saint à l’occasion de la Pentecôte, est pour nous un motif de plus de vénérer la Personne de l’Esprit Saint, car c’est elle aussi qui opère en nous, notre sanctification qui opère en nous, la grâce des sacrements que nous recevons. Et si Dieu a voulu qu’un souffle puissant secouât les parois du Cénacle, où étaient réunis les apôtres et les disciples autour de la Vierge Marie et que sur la tête de ceux qui étaient présents – ils étaient, disent les Actes des Apôtres, environ cent vingt – que des langues de feu apparaissent sur leur tête, ce n’est pas sans signification. En effet, l’action de l’Esprit Saint, son action particulière, est d’illuminer nos intelligences, nos esprits, par la foi, par toutes ces vérités de la foi qui nous sont enseignées par l’Église et qui se rapportent, on peut dire, uniquement et d’une manière profonde, à Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et puis si nos esprits sont illuminés par la lumière de Jésus, par cette foi que nous avons en Notre Seigneur Jésus-Christ, en sa divinité et en toutes ses opérations, toute son action, l’Esprit Saint également réchauffe nos cœurs ; l’Esprit Saint enflamme nos cœurs de la charité, du zèle envers Dieu, d’où cette flamme qui se trouvait sur la tête de ceux qui étaient présents au moment de la Pentecôte.
Et quels ont été les effets immédiats de cette Pentecôte ? Quels ont été les effets de cette mission du Saint-Esprit dans les âmes de ceux qui étaient réunis dans le Cénacle ? Eh bien, ils se sont mis à parler : Et cœperunt loqui variis linguis (Ac 2,4). Leur zèle les a poussés à parler. Et que disaient-ils ? Sans doute ils ont parlé dans toutes les langues – ou du moins ceux qui étaient présents et qui avaient des dialectes différents les comprenaient – et immédiatement saint Pierre a pris la parole devant tous ceux qui étaient émerveillés par ces événements. Et que leur a‑t-il prêché ? Il leur a prêché Notre Seigneur Jésus-Christ.
Il leur a dit : « Oui, c’est vous qui avez crucifié le Seigneur Jésus. Et nous, nous avons été et nous sommes les témoins de sa Résurrection. Il est le Seigneur par lequel le salut doit être apporté au monde ».
Alors, ceux qui étaient présents ont demandé aux apôtres : Mais que devons-nous faire ? Et saint Pierre a répondu immédiatement : Penitentiam agite (Ac 2,38) : « Faites pénitence et recevez le baptême ». Recevez le baptême de l’Esprit. Ils furent donc baptisés et l’Esprit Saint les remplit aussi. Et ils se mirent aux aussi, à répandre l’Évangile autour d’eux. C’est-à-dire à répandre cette foi en Notre Seigneur Jésus-Christ, en la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ, dans le fait que Notre Seigneur Jésus-Christ est le Fils de Dieu, descendu sur la terre pour nous racheter de nos péchés. Et que nous devons, par conséquent, être baptisés dans le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, si nous voulons avoir la vie éternelle ; si nous voulons sauver nos âmes.
Et de ces trois mille premiers chrétiens qui furent baptisés dans l’Esprit Saint et qui reçurent alors les dons de l’Esprit Saint, est sortie toute la chrétienté ; est sortie l’Église à travers les siècles. Que de bienfaits répandus par le Saint-Esprit dans les cœurs, dans les âmes. Que de martyrs pour attesté la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ. Que de saints, que d’Institutions saintes sont sortis de l’Église, l’Épouse mystique de Notre Seigneur. Que d’initiatives pieuses, généreuses, inspirées par la charité du Saint-Esprit, tout au cours des siècles.
Nous en sommes encore les témoins. Témoins parce que nous voyons, par les monuments qui sont restés et par les documents qui sont restés, de toute leur activité dans l’Histoire de l’Église. Nous sommes dans l’admiration de ce que l’Esprit Saint a pu faire au cours de vingt siècles.
Mais nous sommes bien obligé de constater aussi que le Bon Dieu a voulu et a permis que le démon, que Satan, puisse intervenir contre l’action du Saint-Esprit et essayer de fermer les cœurs à l’action du Saint-Esprit. Et cela se voit déjà dès les premiers siècles et dès le premier siècle. Les apôtres font tous allusion dans leurs lettres, à des divisions à l’intérieur de l’Église, à l’action de Satan. Et ces jours derniers nous lisions l’Épître de saint Jude, qui est peut-être la plus expressive dans la violence qui s’exerçait et qui divisait les chrétiens. Et Dieu sait si saint Jude n’est pas tendre à l’égard de ceux qui divisent l’Église ! Et cette division s’est perpétuée à travers les siècles par les hérésies, par les schismes, qui ont déchiré l’Église ; qui ont séparé des contrées entières qui étaient catholiques et qui se sont séparées de l’Église.
Et à mesure que les siècles ont passé, il semble que le Bon Dieu ait permis que l’action du démon soit toujours plus puissante. Et l’on peut se demander si nous ne vivons pas aujourd’hui une époque qui apparaît comme la plus douloureuse que l’Église ait jamais traversée. Il me semble que l’expression, la plus parfaite de cette crise que l’Église passe, a été dite par le pape Paul VI lui-même : Nous assistons, a‑t-il dit, à l’autodestruction de l’Église.
Je pense que ce mot qu’il a prononcé est vraiment historique ; il manifeste vraiment ce qui se passe dans l’Église : autodestruction. Cela veut dire que l’Église se détruit comme par elle-même, par l’intérieur, par ses propres fils, par ses propres membres. L’Église se détruit. Et ce ne sont plus les ennemis de l’extérieur qui viennent l’attaquer ; ce ne sont plus des schismes, des hérésies qui la tourmentent. Non ! Ce sont ses propres fils qui détruisent leur Mère ; qui détruisent tout ce que l’Église a construit, pendant des siècles et des siècles. Toutes ces chrétientés, toutes ces institutions de l’Église, si belles, qui manifestaient la sainteté de l’Église, la divinité de l’Église, la grandeur de l’Église, sa splendeur.
Et nous assistons, nous, nous sommes contemporains de cette autodestruction de l’Église ! Phénomène invraisemblable, incroyable, que jamais peut-être, nos parents, nos grands-parents auraient pu imaginer. Les ennemis de l’Église n’ont plus qu’à assister, heureux et contents de voir qu’ils n’ont plus besoin d’intervenir pour arrêter l’action de l’Esprit Saint dans le monde.
Désormais ce sont les enfants de l’Église eux-mêmes qui se chargent de lutter contre l’Esprit Saint, de contrister l’Esprit Saint et de l’empêcher d’agir. Nous voyons les temples dévastés ; nous voyons les séminaires, les couvents vides. Et nous voyons surtout l’esprit d’hérésie, l’esprit schismatique, entrer à l’intérieur de l’Église. De telle sorte qu’il semble que presque tous les membres de l’Église soient infestés de cet esprit moderniste qui est contraire à l’esprit de Vérité, contraire à l’Esprit Saint.
L’esprit d’erreur, l’esprit du mensonge… le père du mensonge a réussi cette chose extraordinaire de se servir des membres mêmes de l’Église, pour empêcher l’action de l’Esprit Saint.
Alors devant cette situation qui a été donc décrite par le pape Paul VI lui-même, que devons-nous faire ? Qu’allions-nous faire ? Pouvons-nous, nous aussi, qui nous rendons compte de cette crise affreuse, pouvons-nous dire que nous allons simplement, par une obéissance soi-disant, une obéissance aveugle, contribuer à cette destruction de l’Église ? Arriverons-nous devant Notre Seigneur, au moment du jugement de notre vie et serons-nous accusé aussi d’avoir, nous aussi, détruit l’Église ? D’avoir vidé les séminaires, d’avoir attenté à la foi des fidèles, à la foi des enfants, en distribuant et en faisant apprendre des catéchismes qui ne sont plus orthodoxes.
Allons-nous contribuer, par notre manque de foi, par notre manque de courage, à la diminution de l’adoration du Saint Sacrement, par le mépris, par la désinvolture vis-à-vis de ce sacrement ? Et allons-nous scandaliser les enfants, toute la jeunesse, par notre attitude d’impiété et de manque de respect du sacré et du divin dans l’Église, que nous constatons partout ? Allons-nous, nous aussi, aider à cette destruction ?
Non ! Nous avons décidé de construire l’Église, de contribuer comme toujours, comme l’ont fait tous ceux qui ont voulu contribuer à la sanctification des âmes. Nous voulons construire l’Église et par conséquent, continuer ce qu’ont fait tous nos prédécesseurs, tous ceux qui ont vécu avant nous et qui ont eu une foi profonde dans l’Église. Nous voulons continuer à construire.
Et nous sommes émerveillé de voir qu’en nous mettant à cette construction, courageusement, fidèlement, conformément à tous les principes de l’Église, à tous les principes de notre foi, à tous les principes de la Tradition qui nous ont été communiqués par Notre Seigneur Jésus-Christ, par les apôtres, par les papes, par les conciles, par tous les saints, en continuant ce qu’ils ont fait, nous sommes émerveillé de voir refleurir l’Église, de voir l’Église renaître.
Emittes Spiritum Sanctum et renovabis faciem terræ (Ps 103,30) : « Et vous renouvellerez la face de la terre ». Envoyez votre Esprit, et vous renouvellerez la face de la terre. Eh bien je pense que vraiment, la présence de l’Esprit Saint se trouve dans tous ceux qui ayant conscience de la douleur que l’Église éprouve en cette époque crucifiante pour l’Église, que tous ceux qui contribuent à la construction de l’Église, sont aussi inspirés par l’Esprit Saint.
Alors, nous aussi, nous voulons apporter notre pierre à cette construction, à la reconstruction, à la rénovation de l’Église, pour sauver nos âmes et pour sauver toutes celles dont nous avons la charge, pour lesquelles le Bon Dieu compte sur nos prières, sur notre sacrifice, sur notre dévouement à l’Église. Et particulièrement pour ceux qui sont chargés des enfants, de la génération qui monte, afin de transmettre le message, d’être les témoins de Notre Seigneur Jésus-Christ et de ne pas être de faux-témoins.
Voilà ce que doit nous inspirer cette belle fête de la Pentecôte. Soumettons-nous à cet Esprit qui a sanctifié l’Église pendant vingt siècles ; unissons-nous à tous ceux qui ont reçu cet Esprit et qui l’ont communiqué. Unissons-nous à eux afin de faire avec eux, le travail de l’apostolat, le travail de la sanctification des âmes, que l’Esprit Saint est venu faire au jour de la Pentecôte.
Nous continuons ainsi, d’accomplir cette Pentecôte qui a commencé au Cénacle et qui doit se persévérer jusqu’à la fin des temps. Il ne faut pas qu’à notre époque, au siècle où nous avons vécu, le Bon Dieu puisse nous reprocher d’avoir empêché l’action de l’Esprit Saint et de ne pas avoir contribué à la diffusion de cet Esprit Saint.
Et nous sommes heureux de constater, partout où nous avons l’occasion de nous rendre, de voir que l’Esprit Saint agit d’une manière admirable dans tous ces groupes de catholiques fidèles, qui restent fidèles à Notre Seigneur, fidèles à la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ, fidèles au catéchisme de toujours, fidèles aux sacrements de toujours, fidèles à la messe de toujours. Nous sommes émerveillé de voir l’action de l’Esprit Saint se répandre en eux.
C’est Notre Seigneur qui le dit Lui-même : « On reconnaîtra que vous m’aimez et donc que vous avez l’Esprit Saint en vous, si vous accomplissez mes commandements ». Ce sera la marque de la présence de l’Esprit Saint, si nous accomplissez mes commandements.
Eh bien nous sommes obligé de reconnaître que là où l’Esprit Saint se trouve, les commandements de Dieu sont accomplis. Et nous le voyons dans un fait très sensible et très remarquable par le nombre des enfants que nous rencontrons dans les familles chrétiennes, partout où nous passons dans les groupes traditionalistes. Ceux qui gardent la Tradition, ceux qui gardent l’Esprit Saint avec eux, accomplissent les commandements de Dieu.
Et c’est pourquoi, nous sentons dans ces groupements de familles, une vie, une joie spirituelle, une paix, une sérénité qui nous édifie. Et c’est là l’Église, là où se trouve l’Esprit Saint, là se trouve l’Église ; là où les commandements de Dieu sont accomplis, là se trouve l’Église.
Alors nous sommes persuadé – et vous devez l’être mes bien chers frères, mes bien chers amis – nous sommes persuadé qu’un jour cette crise se dénouera, comme le Bon Dieu le voudra, comme la Providence l’a prévu. Nous ne savons pas comment, nous ne savons pas quand, mais nous devons être confiants. Confiants, parce que l’Église ne peut pas périr ; l’Église ne peut pas disparaître ; l’Église ne peut pas s’autodétruire indéfiniment ; elle ne peut pas disparaître par autodestruction.
Alors ce sont ceux qui auront construit l’Église, qui auront continué à construire l’Église, qui auront continué cette édification de l’Église, et qui donneront à l’Église sa persévérance jusqu’à la fin des temps.
Alors ayons confiance et groupons-nous comme les disciples, comme les apôtres, autour de la Vierge Marie. C’est par elle qu’ils ont reçu l’Esprit Saint au jour de la Pentecôte ; c’est par elle aussi que nous nous recevons l’Esprit Saint, que nous avons reçu l’Esprit Saint et que nous le garderons avec nous.
Alors serrons-nous autour de notre bonne Mère du Ciel ; demandons-lui de nous couvrir de sa grâce et de sa bénédiction afin de continuer l’œuvre de son divin Fils.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.