Bien cher Monsieur l’abbé Néri,
C’est avec action de grâces que nous célébrons cette sainte Messe au cours de laquelle vous allez recevoir, par l’imposition des mains du pontife, l’ordination, la consécration sacerdotale.
Et c’est par une délicatesse de la Providence, que vous recevrez cette onction sacerdotale, en ce samedi des Quatre-Temps de septembre, qui rappelle – nous venons de le dire dans les lectures de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament – qui rappelle à la fois deux fêtes anciennes que célébrait Israël : la fête dite des Expiations et la fête des Tabernacles.
Ces fêtes sont pour le prêtre, tout particulièrement instructives. Fête des Expiations. C’est en ce jour-là que le Grand Prêtre entrait chaque année dans le Saint des saints – et comme le dit l’Écriture – il n’entrait pas sans le sang des victimes.
C’est là, comme le dit saint Paul, une image de ce que devait être dans l’avenir, le vrai Sacrifice, le Sacrifice de Notre Seigneur Lui-même. Lui, le Saint par excellence n’entrerait pas non plus dans le tabernacle qui n’était pas fait de main d’homme, sans son Sang, sans son Précieux Sang. Et c’est cela que le prêtre et que vous aujourd’hui, vous associant à cette messe – première messe que vous allez dire – vous ferez également reproduire le Sacrifice de Notre Seigneur par le Sang de Notre Seigneur, par le Sang qui sera vraiment le Sang de l’expiation, le Sang de la réparation, le Sang de la Rédemption.
Le Sacrifice que les prêtres offrent aujourd’hui, est combien plus grand, combien plus efficace, combien plus sublime, combien plus divin, que le sacrifice qu’offrait autrefois le Grand Prêtre une fois dans l’année, lorsqu’il entrait dans le Saint des saints.
Que ce soit là pour vous, bien cher ami, une leçon pour votre sacerdoce, un exemple et un sujet d’édification pour vous et pour nous tous, pour ceux qui sont prêtres, pour ceux qui se préparent à le devenir. Le sacerdoce que le Bon Dieu nous donne, nous permet, avec le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ et non point le nôtre, mais nous devrions y associer le nôtre, par notre offrande, par notre sacrifice, associer aussi notre sang à Celui de Notre Seigneur pour pénétrer dans le tabernacle éternel, dans le Ciel.
Et c’est cela la messe, ce Sacrifice de la messe. Avec la victime qu’est Notre Seigneur Jésus-Christ, par la victime qu’est Notre Seigneur Jésus-Christ nous pénétrons dans le Ciel et avec nous, nous y attirons les fidèles qui s’unissent au Sacrifice de Notre Seigneur. Ceux qui baptisés dans le Sang de Notre Seigneur, peuvent participer à ce Sacrifice, et peuvent par le fait même recevoir les grâces extraordinaires que ce Sacrifice donne, grâces de rédemption, grâces d’être associés au repas de la Victime qui s’est offerte, grâces de la Sainte Eucharistie.
Et la deuxième fête qui est suggérée aujourd’hui, c’est la fête des Tabernacles. Eh bien, quelle leçon également pour nous prêtres, futurs prêtres, occasion pour nous de rappeler aux fidèles que nous ne sommes pas ici, dans une demeure permanente. Pendant huit jours, pendant sept jours, les juifs vivaient sous des tentes, sous des tabernacles pour rappeler les tentes du désert ; pour rappeler ce voyage de quarante années qu’avaient fait leurs ancêtres.
Et ce voyage, c’est bien l’image de notre voyage ici-bas. Nous marchons vers la Terre promise. Cette Terre promise n’est autre que le Ciel. Quelle image merveilleuse pour nous, pour tous les fidèles de penser que nous sommes ici-bas dans un grand pèlerinage qui doit nous mener dans cette union définitive avec le Bon Dieu, par Notre Seigneur Jésus-Christ, par l’intercession de la très Sainte Vierge Marie. Quelle belle leçon, que nous donne ce samedi des Quatre-Temps de septembre !
Et à cette occasion je voudrais rappeler aussi que ce Sacrifice, cette messe que vous allez célébrer, que nous célébrerons ensemble, cette messe est la messe de toujours.
Nous entendons parfois certaines hésitations, certaines discussions entre nos fidèles qui tiennent à garder la Tradition, qui parlent et qui opposent messe de Jean XXIII, messe de saint Pie X, messe de saint Pie V. Eh bien, je dirai : il n’y a pas de messe de Jean XXIII ; il n’y a pas de messe de saint Pie X ; il n’y a pas de messe de saint Pie V.
Si on lit attentivement la bulle de saint Pie V, lorsqu’il a rendu à la messe, sa véritable forme, son véritable rit, c’est saint Pie V lui-même qui dit ; qui demande à la commission des cardinaux qu’il réunit pour cette restauration de la messe : Secundum « ad pristinam Missalæ ipsum sanctorum Patrum normam ac ritum restituerunt » ; secundum pristinam formam Missalæ, secundum formam sanctorum Patrum.
Que veut dire par là saint Pie V ? Eh bien, des saints Pères, qui sont nos Pères dans la foi, c’est-àdire ceux qui furent nos Pères dans la foi, des premiers siècles.
Ainsi saint Pie V n’a pas l’intention du tout d’établir une nouvelle messe, mais bien de restaurer la messe selon les principes et la forme qu’elle avait dans les premiers siècles et dont l’origine vient de nos saints Pères : sanctorum Patrum : nos Pères dans la foi, nos Pères dans la Tradition des saints Mystères que Notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même a institués et que nos saints Pères ont transmis intégralement et avec une précision doctrinale, exprimée dans les différentes prières qu’ils ont reçues soit de Notre Seigneur, soit des apôtres, soit des premiers Pères. Voilà notre messe ; voilà ce qu’est notre messe et ce qu’est encore notre messe d’aujourd’hui et ce qu’est la messe dite de Jean XXIII, dite de saint Pie X, dite de saint Pie V.
Sans changement. Et s’il y a eu réforme, cette réforme s’est attachée précisément à maintenir le rit de nos saints Pères ; à maintenir la forme de la messe selon nos saints Pères.
Même la soi-disant réforme de Jean XXIII – qui n’en est pas une véritablement – mais qui a voulu également retrouver la forme originelle de notre Sainte Messe. Et par conséquent, lorsque vous célébrerez la Sainte Messe, pensez que cette Sainte Messe que vous célébrez est la Sainte Messe : secundum formam pristinam sanctorum Patræ. Voilà ce qui compte pour nous. Célébrer notre Saint Sacrifice selon la tradition de nos saints Pères, des apôtres et de ceux qui les ont suivis, qui nous ont transmis ce rit qui a été restauré par saint Pie V, par saint Pie X, par Jean XXIII. Alors nous sommes donc dans cette tradition si importante, si essentielle, si fondamentale, parce que précisément, elle continue ce Sacrifice expiatoire de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament de Notre Seigneur Jésus-Christ. Parce qu’elle continue à expier les péchés ; parce qu’elle continue la rédemption voulue par Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et c’est pourquoi nous refusons la nouvelle messe, parce qu’elle ne continue plus l’esprit d’expiation et de la Rédemption de Notre Seigneur Jésus-Christ, dans le Sang de Notre Seigneur.
Cette idée de sacrifice expiatoire s’estompe et disparaît dans ce nouveau rit, qui a été voulu nouveau par Paul VI. Il l’a dit lui-même : « Nous abandonnons l’ancien rit, pour faire un rit nouveau ». 742
« Nous regrettons », a‑t-il dit lui-même, « cette disparition de l’ancien rit qui », dit-il, « remonte à saint Grégoire le Grand. »
Mais qui remonte encore plus haut que lui, jusqu’aux apôtres. Il le dit explicitement. Et par conséquent, nous refusons un nouveau rit, qui n’a plus le sens du Sacrifice expiatoire et propitiatoire de l’Église catholique et qui ressemble davantage à la Cène protestante, à l’esprit protestant. Et qui a été institué par œcuménisme avec la présence de pasteurs protestants, manifestant ainsi ce désir d’assimiler notre Sainte Messe à la messe des protestants, au culte des protestants. Et c’est cela que nous refusons. Parce que nous ne voulons pas avoir le culte protestant. Nous voulons le Sacrifice catholique, qui est essentiel à l’Église. On ne peut pas dresser autel contre autel. Or c’est ce que nous voyons dans les églises.
Ayant eu l’occasion de passer dans la basilique du Curé d’Ars, il y a quelques jours, j’ai constaté moi-même, comme vous l’avez constaté vous-mêmes et comme nous le constatons partout maintenant, dans le monde entier, on dresse autel contre autel. Le magnifique autel dressé devant la tombe et devant la dépouille mortelle de ce saint Curé d’Ars qui a célébré, lui, la messe selon le Sacrifice de toujours, ce magnifique autel est abandonné au profit d’une misérable petite table qui est mise en face de cet autel magnifique, dressant ainsi autel contre autel.
Mais cette table n’est plus un autel, parce qu’il n’y a pas de pierre d’autel, parce qu’il n’y a pas la pierre du Sacrifice ; parce qu’il n’y a pas les cinq signes de Croix qui représentent les cinq plaies de Notre Seigneur ; parce qu’il n’y a pas les reliques des saints qui ont mélangé leur sang à Celui de Notre Seigneur, unissant leur sacrifice à celui de Notre Seigneur pour la Rédemption des péchés du monde. Il n’y a pas deux autels dans l’Église, parce qu’il n’y a pas deux sacrifices dans l’Église, il n’y en a qu’un. Et nous sommes attaché à ce Sacrifice et nous voulons le perpétuer selon l’ordre du saint pape, saint Pie V, qui demande que nous perpétuions ce Sacrifice jusqu’à la fin des temps tel qu’il l’a réformé, tel qu’il l’a retrouvé, tel qu’il l’a indiqué. Ainsi nous continuons (à obéir à) l’ordre de ce saint Pape en continuant le Sacrifice que nous allons célébrer dans quelques instants et dans lequel vous allez être ordonné, promettant vous-même de continuer ce Sacrifice jusqu’à votre dernier soupir.
C’est dans ce Sacrifice que j’ai ordonné trois cent cinq prêtres – vous êtes le trois cent sixième – depuis la fondation de la Fraternité. C’est dans ce Sacrifice. Et je leur ai demandé de continuer ce Sacrifice. Certains nous ont abandonné et ont abandonné le Sacrifice de toujours. Ils sont dans l’erreur. Ils s’écartent de la Tradition sainte et sacro-sainte du Sacrifice de la messe de toujours.
Alors nous demanderons tous ensemble aujourd’hui, bien cher M. l’abbé Néri, que la très Sainte Vierge Marie, qui était elle aussi présente au Sacrifice de Notre Seigneur, qui a mélangé son sang – on peut le dire – car elle est la Reine des martyrs ; elle a eu le cœur transpercé par le glaive ; elle a uni son sacrifice à celui de Notre Seigneur, au vrai Sacrifice de Notre Seigneur, à l’unique Sacrifice de Notre Seigneur pour tous les siècles, pour tous les temps. Elle ne peut pas changer, elle non plus, le Sacrifice de son divin Fils.
Alors nous demanderons à la très Sainte Vierge Marie de vous garder dans cette foi, dans cette Tradition afin que uni à Notre Seigneur et à sa Sainte Mère, vous soyez un saint Prêtre et que vous continuiez à faire le bien que vous avez déjà fait et par lequel vous vous êtes attiré l’estime des paroissiens de Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
Continuez à garder cette sainte Tradition, pour le bien de l’Église et pour le salut des âmes et pour le salut de votre propre âme.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.