Ce jeudi 6 mai 2021, monsieur l’abbé Paul Aulagnier a rendu à Dieu son âme de combattant, dans la 50e année de son sacerdoce.
Né le 25 mai 1943 et ordonné prêtre par Mgr Lefebvre le 17 octobre 1971, il faisait partie (avec Mgr Tissier de Mallerais) des premiers séminaristes à se mettre sous la direction de notre fondateur à Fribourg. Il a rempli dans la Fraternité Saint-Pie X d’importantes fonctions.
Professeur et sous-directeur au séminaire d’Ecône, il fut supérieur du District de France durant dix-huit ans, de 1975 à 1994, et implanta en notre pays nombre de prieurés, d’écoles et d’œuvres (comme la revue et les éditions Fideliter) qui constituent aujourd’hui le maillage essentiel de notre apostolat. Il se montra dans sa fonction un chef enthousiaste, paternel, soucieux des vocations.
D’abord auprès de Mgr Lefebvre, ensuite auprès de Monsieur l’abbé Schmidberger, enfin auprès de Mgr Fellay, il fut pendant trente ans Assistant général de la Fraternité Saint-Pie X. Il s’en éloigna ensuite à notre vif regret mais garda jusqu’au bout pour Mgr Lefebvre un grand attachement, n’hésitant pas à prendre la plume pour le défendre lorsqu’il le sentait attaqué.
Soutien de notre fondateur lors des grandes décisions qui permirent la transmission du sacerdoce catholique dans la Fraternité Saint-Pie X (la continuation du séminaire en 1970[1], les ordinations de 1976[2], les sacres de 1988[3]), nous lui devons une vive reconnaissance pour l’œuvre accomplie en son sein pour la Tradition catholique et invitons nos fidèles à prier pour le repos de son âme.
Anecdotes
Source : Mgr Tissier de Mallerais, Marcel Lefebvre, une vie, Clovis, 2002.
Dès les années du Concile Vatican II, la dégradation de la formation sacerdotale se fait sentir partout. Des séminaristes, dont l’abbé Paul Aulagnier (alors au Séminaire français de Rome) et des jeunes gens font appel à Mgr Lefebvre qui ouvre pour eux, comme poussé par la Providence, une maison de formation à Fribourg en Suisse.
- 19 mai 1970. Mgr Lefebvre entreprend un voyage à Sion (Valais, Suisse) chez Mgr Adam afin d’obtenir l’autorisation d’accueillir dans une maison pour des jeunes gens qui y feraient une année préparatoire aux études à Fribourg. Ni la Fraternité Saint-Pie X, ni le séminaire d’Ecône ne sont encore nés. Mgr Lefebvre sent la réticence de l’évêque de Sion ; sur le chemin du retour, il est pris par des doutes. Parti de bonne heure de Fribourg sans avoir dit la messe, le prélat rentre en début de soirée. L’abbé Aulagnier lui prépare les ornements et s’enquiert des résultats de sa démarche et des perspectives d’avenir qu’elle ouvrent au petit groupe de séminaristes :
A ce moment, dit-il, pour la première fois je le vis pleurer de découragement. Quant à moi, tout en mesurant la gravité de la situation, par une grâce de Dieu sans doute, j’avais gardé un moral d’acier. Respectueusement, je fis part à Mgr Lefebvre de mon optimisme : « Monseigneur, on ne va pas s’arrêter ; il faut continuer ! » Il eut un air dubitatif, mais je crois finalement qu’il était profondément touché.
- 30 avril 1970. En raison des difficultés causées par des membres de l’épiscopat, Mgr Lefebvre demande aux séminaristes de dire leur pensée sur une « Fraternité sacerdotale » : convient-il de la fonder, distincte du séminaire ? Paul Aulagnier estime que la Fraternité
s’imposera un jour. Les évènements et la Providence nous montreront le chemin à suivre (…) Il faut encore distinguer entre le séminaire et la Fraternité.
- 17 octobre 1971. L’abbé Paul Aulagnier est ordonné prêtre par Mgr Lefebvre. La messe pontificale d’ordination a lieu dans l’église paroissiale de Riddes où le curé décide que la Tradition reprendra désormais tous ses droits.
Au cours du repas, pris dans la grange d’Ecône après la cérémonie, Paul Aulagnier adresse quelques mots aux convives en présence de Monseigneur : « Nous vous suivrons partout ! » Monseigneur rectifie : « Nous suivons l’Eglise. Dieu me garde d’avoir quelque idée personnelle ! »
- 25 novembre 1970. Mgr Lefebvre réunit à Ecône professeurs et séminaristes afin d’exposer dans une conférence que jusque-là, il gardait « l’ancienne messe » parce qu’elle était encore permise, mais cette fois-ci, son œuvre pour le sacerdoce lui demande de rejeter la nouvelle messe[4]. De ce choix fondé non sur une préférence personnelle mais sur les dogmes définis au concile de Trente, l’abbé Aulagnier dira :
Moment capital, historique pour l’Eglise, Monseigneur faisait un bon choix, il nous communiquait une certitude : ce choix était le bon, il était irrévocable, il était doctrinal.
- 11 novembre 1974. Après le petit déjeuner, Mgr Lefebvre reçoit deux visiteurs apostoliques venant enquêter de la part des trois Congrégations romaines, par disposition du pape Paul VI lui-même.
Dans le couloir du cloître, en attendant les visiteurs, Mgr Lefebvre confie à l’abbé Aulagnier : « Je me doutais bien que notre refus de la nouvelle messe serait tôt ou tard une pierre d’achoppement, mais j’aurais préféré mourir plutôt que d’avoir à m’affronter à Rome, au pape ! »
- 1976. Paul VI menace Mgr Lefebvre de sanctions s’il procède aux ordinations sacerdotales prévues le 29 juin. La veille des ordinations, vers 17 heures, on frappe à la porte de l’abbé Aulagnier. Surprise, c’est Monseigneur ! Il s’assied : « Doit-on faire les ordinations demain ? » demande-t-il gravement. Il est soucieux, profond, mais d’un calme olympien. Comment conseiller ce grand évêque ? se dit l’abbé qui, en fin de compte, balbutie un avis positif. Et Mgr Lefebvre se retire. Sa décision est prise.
- Janvier 1978. A l’abbé Aulagnier qui lui présente le premier numéro de la revue Fideliter, pour le district de France, Mgr Lefebvre lance à la cantonade, de sa manière taquine et vive : « Cela fait un peu « pot pourri », votre affaire… Pourvu que ce ne soit pas un mort-né ! » Mais cela durera !
- 30 mai 1988. Avant de procéder aux sacres de 1988 et alors que les autorités romaines ont proposé un accord portant sur le sacre d’un évêque choisi par le Saint-Père, Mgr Lefebvre décide de convoquer au prieuré Notre-Dame du Pointet, les prêtres grands défenseurs de la foi et les supérieurs des communautés amies de religieux et de religieuses. (…)
L’abbé Aulagnier parle le langage de la prudence :
A Rome, on a une pensée théologique et philosophique contraire à la pensée de l’Église. J’ai peur de cet accord ; je crains la ruse du démon, de l’ennemi. Je ne me vois pas discuter avec Lustiger, Decourtray, le pape d’Assise[5]. L’évêque sacré n’aura pas l’autorité morale. Je crains le bureau romain. « J’adhère à la Rome catholique, je refuse la Rome moderniste », qui risque d’être le Léviathan qui nous dévore.