LAB de l’ADEC n° 33 – Considérer la fin

Dans l’in­tro­duc­tion de son ency­clique Divini illius magis­tri (1929), le pape Pie XI donne à deux reprises une défi­ni­tion de l’é­du­ca­tion. Dans les deux cas, il insiste sur l’im­por­tance de consi­dé­rer la fina­li­té ins­crite dans la nature de l’homme. Parce que Dieu a créé l’homme pour l’in­vi­ter à par­ta­ger par pure bon­té sa vie divine sur­na­tu­relle, unique per­fec­tion morale qui ren­dra l’homme heu­reux éter­nel­le­ment, la fin de l’homme doit être envi­sa­gée pour entre­prendre toute œuvre d’é­du­ca­tion. Si l’on com­prend que l’homme est fait pour Dieu, l’é­du­ca­tion met­tra en place un mou­ve­ment de per­fec­tion vers Dieu et par Dieu.

Si l’on nie la créa­tion de l’homme par Dieu, si l’on refuse le plan de grâce qui offre à l’homme son élé­va­tion à la vie divine ren­due pos­sible par l’Incarnation du Fils de Dieu, on fera de l’é­du­ca­tion un mou­ve­ment de l’homme pour l’homme et par l’homme seul. « Au lieu de diri­ger leurs visées vers Dieu, pre­mier prin­cipe et fin der­nière de tout l’u­ni­vers, ils se replient et se reposent sur eux-​mêmes, s’at­ta­chant exclu­si­ve­ment aux choses ter­restres et éphé­mères. » Telle est, mal­heu­reu­se­ment, la concep­tion com­mune de nos contem­po­rains sur l’éducation.

L’homme moderne est celui qui, s’é­tant épris de sa liber­té qu’il a divi­ni­sée, méprise la fin pour­tant déter­mi­née par sa nature. Il s’e­nor­gueillit de son pou­voir de choi­sir, au point de pré­tendre inven­ter le but de sa vie, cher­chant vai­ne­ment à s’é­man­ci­per de toute dépen­dance intel­lec­tuelle et morale. Partant, il devient esclave de sa misère et se ferme à l’é­lé­va­tion en Dieu.

Car il est bien misé­rable celui qui se révolte contre Dieu, par lequel et pour lequel il a été créé. Comme l’a­vare qui ido­lâtre ses richesses accu­mu­lées, au point de ne plus voir les biens qu’elles lui per­met­traient d’ac­qué­rir, l’homme révol­té adore sa liber­té et ne voit plus le bien divin qu’elle avait pour but de lui faire atteindre, avec la grâce de Dieu.

Une fois admis ce prin­cipe de fina­li­té, l’é­du­ca­teur ne peut qu’ac­cep­ter ce qui en découle : pas d’é­du­ca­tion com­plète sans édu­ca­tion chrétienne.

« Il est donc de suprême impor­tance, écrit Pie XI, de ne pas errer en matière d’é­du­ca­tion, non plus qu’au sujet de la ten­dance à la fin der­nière, à laquelle est inti­me­ment et néces­sai­re­ment liée toute l’œuvre édu­ca­trice. En fait, puisque l’é­du­ca­tion consiste essen­tiel­le­ment dans la for­ma­tion de l’homme, lui ensei­gnant ce qu’il doit être et com­ment il doit se com­por­ter dans cette vie ter­restre pour atteindre la fin sublime en vue de laquelle il a été créé, il est clair qu’il ne peut y avoir de véri­table édu­ca­tion qui ne soit tout entière diri­gée vers cette fin der­nière. Mais aus­si, dans l’ordre pré­sent de la Providence, c’est-​à-​dire depuis que Dieu s’est révé­lé dans son Fils unique, qui seul est la voie, la véri­té et la vie, il ne peut y avoir d’é­du­ca­tion com­plète et par­faite en dehors de l’é­du­ca­tion chrétienne. »

La famille et l’é­cole, les parents et les édu­ca­teurs, sont donc tenus d’a­gir pour que le déve­lop­pe­ment de l’en­fant qui leur est confié se fasse dans cette pers­pec­tive enthou­sias­mante du don de la vie du Christ aux enfants de Dieu. Car c’est bien la Vie que dis­pense le Christ par son Eglise, ce sont ses ver­tus, déployées durant sa vie ter­restre, qui doivent être reçues, et pra­ti­quées par l’en­fant, lui-​même gui­dé dans cette imi­ta­tion active par les adultes qui le conduisent et l’ins­truisent dans cette œuvre de col­la­bo­ra­tion à la grâce.

Le pape l’af­firme à la fin de son ency­clique :

« La fin propre et immé­diate de l’é­du­ca­tion chré­tienne est de concou­rir à l’ac­tion de la grâce divine dans la for­ma­tion du véri­table et par­fait chré­tien, c’est-​à-​dire à la for­ma­tion du Christ lui-​même dans les hommes régé­né­rés par le baptême. »

Et c’est à cette condi­tion que l’é­du­ca­tion por­te­ra ses fruits, y com­pris au pro­fit de la socié­té à laquelle l’en­fant appar­tient par nais­sance. L’enfant vivant en chré­tien se boni­fie et par­ti­cipe, au bien com­mun des socié­tés dont il est membre – famille, socié­té tem­po­relle, Eglise – tout en rece­vant d’elles ce qui lui per­met de vivre et de se perfectionner.

Or, c’est l’Eglise, « Corps mys­tique du Christ, son Epouse imma­cu­lée, et, par là, Mère très féconde, Educatrice sou­ve­raine et par­faite », qui per­met la réa­li­sa­tion concrète et com­plète de cette œuvre d’é­du­ca­tion car elle seule pos­sède les moyens sur­na­tu­rels qui sont pro­por­tion­nés à la fin sur­na­tu­relle de l’é­du­ca­tion parfaite.

Les écoles catho­liques qu’elle a fon­dées sont struc­tu­rées de telle sorte que les ensei­gne­ments qui y sont déli­vrés, les ver­tus qui y sont ensei­gnées et pra­ti­quées, les sacre­ments qui y sont admi­nis­trés, rendent pos­sible le per­fec­tion­ne­ment de l’en­fant dans toutes ses dimen­sions (intel­lec­tuelle, phy­sique, morale, civique). Certes les imper­fec­tions demeurent, tant chez les édu­ca­teurs que chez les enfants édu­qués, parce que les défauts des uns et des autres sont le lot de la nature humaine bles­sée. Mais cha­cun sait qu’il doit tendre à la fin qui lui revient en la consi­dé­rant avec tou­jours plus d’attention.

Aux parents de ne pas choi­sir une école qui sépa­re­rait l’ins­truc­tion de la fina­li­té ultime de leurs enfants, sous pré­texte de consi­dé­ra­tions mon­daines. Aux édu­ca­teurs et ensei­gnants de se rap­pe­ler la nature et la gran­deur de la fin que leur acti­vi­té per­met aux enfants d’at­teindre. Aux enfants de décou­vrir avec le temps que la for­ma­tion qui leur est don­née est la condi­tion du déve­lop­pe­ment de leur être et de la pra­tique de leur liber­té qui n’est autre que l’ac­com­plis­se­ment du bien objec­tif qui les conduit à la fin ultime qui est Dieu.

Abbé Philippe Bourrat, Directeur de l’en­sei­gne­ment du District de France de la FSSPX

Association de Défense de l'École Catholique

Association de soutien financier pour les écoles de la Tradition