Sermon de Mgr Lefebvre – Purification – Prise de soutane – Ordres mineurs – 2 février 1985

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Cette fête de la Purification de la très Sainte Vierge – qu’on appelle la Chandeleur – est une fête bien chère au cœur des catho­liques, des chré­tiens. Elle leur apporte de la joie, de l’espérance. C’est la fête de la Lumière, lumière de nos intel­li­gences, de nos cœurs, de nos âmes, lumière appor­tée par Dieu Lui-​même. Il est venu par­mi nous l’Emmanuel. C’est pour­quoi ce jour est bien choi­si, pour que nos jeunes lévites com­mencent à por­ter l’habit sacer­do­tal et pour les ordi­na­tions mineures qui auront lieu ensuite.

Apparemment le revê­te­ment de la sou­tane pour­rait avoir un carac­tère d’austérité, de renon­ce­ment, de péni­tence, d’abnégation. C’est vrai. Mais y a‑t-​il une oppo­si­tion entre ce carac­tère aus­tère et la lumière que Notre Seigneur Jésus-​Christ est venu nous appor­ter ? Bien au contraire ! Bien au contraire.

Notre Seigneur vous l’a dit, à vous mes chers amis, qui allez rece­voir la sou­tane : « Vous êtes la lumière du monde » : Vos estis lux mun­di – « Vous êtes le sel de la terre » : Vos estis sal terræ. Et l’on ne met pas la lumière sous le bois­seau ; elle doit éclai­rer tous ceux qui entourent et chas­ser les ténèbres. Et le sel ne doit pas s’affadir ; il doit don­ner du goût aux aliments.

Tout cela a une signi­fi­ca­tion toute spi­ri­tuelle. Notre Seigneur a vou­lu Lui aus­si revê­tir un vête­ment d’austérité et ce vête­ment c’est son Corps cru­ci­fié. Car c’est la Croix qui est notre lumière. Et c’est cela que vous appre­nez ici au sémi­naire. Nous sommes des aveugles ; nous sommes frap­pés de céci­té par le péché ori­gi­nel. Et ses consé­quences demeurent en nous, même après la grâce du bap­tême. Alors cette céci­té, vous essayez, par la grâce du Bon Dieu, par vos efforts per­son­nels au cours de vos études et sur­tout par la prière, par la sou­mis­sion à la volon­té du Bon Dieu, vous le sup­pliez d’ouvrir vos yeux.

Seigneur faites que je voie. Faites que je voie. Et Jésus, peu à peu, comme à l’aveugle-né, Jésus peu à peu vous rend la vue. Et cette vue passe par la Croix de Notre Seigneur Jésus-​Christ pour atteindre Dieu Lui-même.

Si vous vou­lez connaître Dieu – et c’est cela l’objet de notre exis­tence, l’objet de la vie éter­nelle, n’est-ce pas Notre Seigneur qui le dit aus­si dans sa Prière sacer­do­tale – la vie éter­nelle n’est pas autre chose que connaître Dieu et Celui qu’Il a envoyé Notre Seigneur Jésus-​Christ. C’est cela l’objet de toutes vos études, l’objet de tous vos efforts ici au sémi­naire. Ce n’est pas autre chose, pré­pa­rer la vie éter­nelle et pré­pa­rer la vie éter­nelle de ceux vers les­quels vous serez envoyés.

Cette vie éter­nelle, encore une fois, c’est connaître Dieu et Celui qu’il a envoyé. Notre Seigneur Jésus-​Christ. Tout est là : Tout !

Ce sera la grande Révélation pour nous ; com­men­cée ici-​bas sur la terre, la Révélation que nous appre­nons par notre caté­chisme ; que nous appre­nons par nos sacre­ments, par la prière et sur­tout par la très Sainte Messe, par la Sainte Communion. Révélation de Notre Seigneur Jésus-​Christ, mais qui sera à son comble, lorsque nous ver­rons Dieu au Ciel. Nous la pré­pa­rons ici-​bas, cette vision éter­nelle qui nous ren­dra bien­heu­reux pour l’éternité.

Or, nous sommes bien obli­gés de le consta­ter, mes bien chers amis, vous qui avez vécu dans le monde aus­si, rappelez-​vous vos années de jeu­nesse, années d’adolescence, années d’études ; fré­quen­tant ceux qui ne connaissent pas ou ne veulent pas connaître la Lumière ; qui refusent la Lumière. Et Dieu sait s’il est un temps où aujourd’hui, les ténèbres n’ont pas reçu la Lumière, selon ce que le dit déjà saint Jean dans la pre­mière page de son Évangile : Lux in tene­bris lucet, et tene­bræ eam non com­pre­hen­de­runt (Jn 1,5) : « La lumière est venue et les ténèbres ne l’ont pas reçue ». Oui, les ténèbres s’opposent à la lumière et quand on veut les ténèbres, que l’on veut vivre dans les ténèbres, on refuse la lumière.

Et aujourd’hui, c’est géné­ral. Ce n’est pas seule­ment hors de l’Église ; ce ne sont pas seule­ment les enne­mis de l’Église qui refusent la Lumière de Notre Seigneur Jésus-​Christ, ce sont même les chré­tiens, les chré­tiens eux-​mêmes, les catho­liques et même – hélas – le cler­gé lui-​même ferme les yeux devant la grande Lumière qu’est la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ.

D’ailleurs lorsque l’on visite leurs églises, l’on n’y trouve plus la Croix. La Croix n’est plus sur les autels et la Croix par­fois n’est même plus dans leurs églises, ou c’est une Croix défor­mée qui ne res­semble plus en rien à Notre Seigneur Jésus-​Christ cru­ci­fié. Ils ont reje­té la Croix de Notre Seigneur. Et c’est pour­quoi ils sont dans l’aveuglement. Ils ne voient plus. Ils ne com­prennent plus. Ils ne sont plus la lumière de leur peuple. Ils ont peur de la Croix de Notre Seigneur ; ils ont peur de par­ler (aux fidèles) des com­man­de­ments de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Ils ont peur de leur impo­ser des sacri­fices. Car la loi de Dieu est une loi d’amour. Et la loi d’amour, c’est une loi de sacrifice.

Il n’y a plus d’amour ; il n’y a plus de cha­ri­té sans la Croix de Notre Seigneur. La Croix de Jésus est pré­ci­sé­ment le som­met, l’expression de la cha­ri­té divine.

Mais c’est aus­si le som­met du sacri­fice et de la péni­tence. Alors les prêtres aujourd’hui n’osent plus deman­der des sacri­fices et des péni­tences aux âmes qui viennent les consul­ter. On laisse à la conscience, à la liber­té indi­vi­duelle, au juge­ment per­son­nel. Toute la morale, toute la loi de Notre Seigneur Jésus-​Christ sera jugée à la mesure de l’individu, de la per­sonne, selon ce qu’il désire, selon ce qu’il rejette. C’est une morale libre, morale per­mis­sive, morale qui rejette la loi de Notre Seigneur Jésus-​Christ, la loi d’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il n’est pas éton­nant que l’immoralité pro­gresse par­tout, que le blas­phème est main­te­nant sur nos murs, avec ces pro­duc­tions ciné­ma­to­gra­phiques blas­phé­ma­toires, contre la très Sainte Vierge Marie, contre Notre Seigneur Jésus-Christ.

Nous en arri­vons à une période démo­niaque où la lutte contre Notre Seigneur, contre la très Sainte Vierge Marie, contre ce que nous avons de plus cher dans notre foi, est main­te­nant publique ; offi­cielle, la lutte contre les écoles catho­liques, la lutte contre ce qui repré­sente encore la tra­di­tion chrétienne.

Et nous ne voyons plus de défenses héroïques. Certes encore quelques per­sonnes s’efforcent de s’opposer à ce défer­le­ment des influences dia­bo­liques. Mais combien ?

Alors, vous devez être de ceux-​là. Vous vous enga­gez aujourd’hui, en revê­tant la sou­tane, à être des exemples et des mani­festes de la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et c’est pour­quoi vous serez haïs par le monde. Notre Seigneur nous l’a pro­mis. Oui, vous serez haïs par le monde, parce que vous mani­fes­tez Notre Seigneur Jésus-​Christ ; parce que vous mani­fes­tez la ver­tu de la Croix, la ver­tu de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Ne vous éton­nez pas si le monde vous hait. Mais cet habit se trans­for­me­ra un jour en habit de gloire. Comme le Corps de Notre Seigneur est deve­nu res­plen­dis­sant au moment de sa Résurrection et Il l’est désor­mais pour tou­jours, glo­ri­fié pour l’éternité.

Ainsi votre sou­tane sera pour vous un objet de glo­ri­fi­ca­tion aus­si, un objet de lumière. Et en tout cas une source de lumière pour vous. Source de lumière pour vos âmes qui médi­te­ront la ver­tu de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Faites en sorte que vos études, que toute l’ambiance du sémi­naire, soient pour vous, pré­ci­sé­ment, une source de lumière, source de cha­ri­té, source de véri­té. Quelle joie, quelle action de grâces vous devez avoir pour avoir été choi­sis par Notre Seigneur Jésus-​Christ, en ce temps des ténèbres, pour que vous rece­viez, vous, la lumière.

Vous venez de rece­voir dans vos mains le cierge qui est le signe, le sym­bole de la lumière, qu’est Notre Seigneur Jésus-​Christ. Gardez ce flam­beau pré­cieu­se­ment. Entretenez dans vos âmes cette lumière de la véri­té. Que toutes vos études vous penchent et vous fassent connaître la Vérité qu’est Notre Seigneur Jésus-​Christ. Toute la phi­lo­so­phie chante la gloire de Notre Seigneur Jésus-​Christ qui a créé les choses de ce monde. Ce n’est pas autre chose que de décou­vrir les mer­veilles que Dieu a faites dans ce monde. Dans le monde maté­riel, dans le monde spi­ri­tuel et dans le monde céleste.

Car le som­met de la phi­lo­so­phie, c’est la théo­di­cée, c’est l’étude de Dieu, de tous les attri­buts de Dieu, mer­veilleux, qui nous montre l’infinité de Dieu et notre peti­tesse et devrait nous plon­ger dans l’humilité. Voilà le résul­tat de la phi­lo­so­phie, de la vraie phi­lo­so­phie telle que l’Église l’enseigne.

Et puis la loi morale. Cette loi de cha­ri­té que le Bon Dieu a mis dans nos cœurs et qui res­semble à Sa cha­ri­té, qui est un effet de sa cha­ri­té, qui est en Lui.

Voilà ce que c’est la loi morale. Notre Seigneur l’a dit : « Les com­man­de­ments se résument en deux com­man­de­ments de cha­ri­té ». Et puis lorsque vous décou­vrez dans votre théo­lo­gie, toute la Révélation de Notre Seigneur Jésus-​Christ, Dieu se fai­sant homme ; Dieu venant nous rache­ter ; Dieu répan­dant sa misé­ri­corde, sa cha­ri­té sur nos âmes, par la grâce, par ses sacre­ments, par la Sainte Église. Conférant le sacer­doce à des âmes choi­sies pour qu’elles offrent le Sacrifice, Sacrifice de la Rédemption, Sacrifice de la Croix.

Ce sont des mer­veilles que vous médi­tez tout au long de vos études, qui doivent rem­plir vos âmes d’action de grâces, rem­plir vos âmes de la cha­ri­té envers Notre Seigneur ; rem­plir vos âmes de ce zèle, ce zèle de mis­sion­naire. Un jour, oui, je serai envoyé vers les âmes pour les conver­tir, pour leur don­ner cette lumière dont elles ont besoin, pour les mener à la vie éter­nelle. Quelle joie ! Participer ain­si à la mis­sion de Notre Seigneur Jésus-​Christ, à cette mis­sion sacer­do­tale. Y a‑t-​il quelque chose de plus beau ici-​bas. Rien ne res­semble à la mis­sion sacer­do­tale. Réjouissez-​vous. Remerciez le Bon Dieu.

Et puis, puisque nous avons ici quelques moines qui sont avec nous, qui repré­sentent ce sacer­doce priant, ce sacer­doce louant Dieu, car enfin, c’est là aus­si que se ter­mine notre vie ici-​bas, par une grande louange de Dieu, une louange éter­nelle de Dieu dans le Ciel.

Alors dès ici-​bas, ces moines com­mencent à mani­fes­ter cette gloire céleste. Ce chant céleste, par leurs louanges, par leur office, par toute leur vie, leur vie cachée en Dieu. Tout cela est un exemple magni­fique pour toute la chrétienté.

Mes bien chers frères, réjouissez-​vous, par­ta­gez la joie de ceux qui vont revê­tir aujourd’hui la sou­tane, par­ta­gez la joie de ceux qui vont rece­voir les sacrements.

Et vous, chers parents chré­tiens, qui accom­pa­gnez vos enfants, dans ce don à Notre Seigneur, que le Bon Dieu vous bénisse. Que ce soit pour vous une source de conso­la­tion, de joie pro­fonde. Rien n’est aus­si beau pour une famille, que de don­ner un enfant pour le sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et vous tous, fidèles chré­tiens, dési­reux de gar­der toute la tra­di­tion chré­tienne dans vos familles, gar­dez les ver­tus chré­tiennes, mal­gré les épreuves et les sacri­fices que cela repré­sente. Eh bien gar­dez fidè­le­ment la loi de Notre Seigneur Jésus-​Christ, si vous vou­lez être heu­reux, si vous vou­lez pré­pa­rer votre bon­heur dans le Ciel, que Notre Seigneur Jésus-​Christ règne dans vos foyers. Que le Cœur de Jésus règne dans vos familles. C’est là la source de la vraie joie, la source des vraies conso­la­tions ici-bas.

Et aujourd’hui, puisque c’est la fête de la très Sainte Vierge Marie, tournons-​nous vers notre bonne Mère du Ciel, elle a été vrai­ment celle que l’on peut dire chré­tienne, chré­tienne dans le plein sens du mot. Elle a sui­vi Notre Seigneur jusque dans ses souf­frances sur la Croix. Elle a été Marie Corédemptrice ; elle est Notre-​Dame de la Compassion, celle qui a par­ta­gé la Passion de Notre Seigneur. Elle nous montre l’exemple de cette cha­ri­té souf­frante, de cette cha­ri­té misé­ri­cor­dieuse, cha­ri­té dans le sacrifice.

Alors, deman­dons à la très Sainte Vierge Marie de nous don­ner ses grâces par­ti­cu­lières et de com­prendre tou­jours mieux le sens de la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.