Les explications sur l’expulsion de la FSSPX de M. l’abbé Paul Aulagnier, abbé Jean Violette – Décembre 2003

M. l’ab­bé Aulagnier a été expul­sé de la FSSPX. Les rai­sons de son expul­sion sont expli­quées ci-​dessous. Cela nous donne une rai­son de réflé­chir sur la posi­tion de la FSSPX vis-​à-​vis de Rome. [Lettre Aux et Amis et Bienfaiteurs du District du Canada].

Chers fidèles,

Malheureusement, j’ai de mau­vaises nou­velles pour finir l’an­née. Certains d’entre vous ont pu le voir sur l’in­ter­net. En effet, M. l’abbé Aulagnier, l’un des pre­miers et des plus proches com­pa­gnons de Mgr Lefebvre au sein de la résis­tance, assis­tant du Supérieur géné­ral, Supérieur fon­da­teur du District de France, a dû être expul­sé de la Fraternité. En sep­tembre der­nier, nous fûmes contris­tés par l’entrevue de M. l’ab­bé Aulagnier à The Wanderer (1). J’avais d’abord son­gé à y répondre plus tôt, mais déci­dai d’attendre pour voir com­ment cette affaire se ter­mi­ne­rait. Cette entre­vue, de pair avec un article détaillé publié en Français sur son site, ain­si que dans un quo­ti­dien Français, s’est avé­rée être la goutte de trop.

Depuis main­te­nant long­temps, depuis 1998, il s’est oppo­sé publi­que­ment et avec viru­lence à la posi­tion de la Fraternité sur les négo­cia­tions avec Rome. Aussi il a contre­ve­nu à nos consti­tu­tions et a déso­béi à répé­ti­tion aux ordres expli­cites de Mgr Fellay, offrant ain­si un mau­vais exemple. Il a aus­si créé une situa­tion extrê­me­ment dif­fi­cile au sein de la Fraternité, en essayant de convaincre ses membres à pour­suivre un accord avec Rome, ten­tant ain­si de cau­ser la divi­sion et même la rébel­lion contre l’autorité légi­time. Le pro­blème n’était pas qu’il avait des opi­nions contraires, mais qu’il les dif­fu­sât en public, essayant d’ébranler le Supérieur géné­ral et la Fraternité. Cette situa­tion a assez duré. Puisqu’il s’agissait de l’abbé Aulagnier, et à cause du res­pect dont il jouis­sait dans la Fraternité, Mgr Fellay et le Conseil Général avaient été plus que patients mais, par­fois, même la patience peut être une faute.

Après avoir lu l’entrevue de l’abbé Aulagnier, quelques ques­tions se pré­sentent à l’esprit : Pourquoi accor­der une entre­vue à un jour­nal qui est clai­re­ment contre la FSSPX ? Est-​ce un cas de « qui se res­semble, s’assemble ? » En second lieu, l’abbé Aulagnier semble sous-​entendre que ceux qui sont en désac­cord avec son opi­nion, et qui sont d’accord avec le Supérieur géné­ral, et avec la majo­ri­té des membres de la FSSPX, en ce qui concerne la soi-​disant récon­ci­lia­tion, seraient des béni-​oui-​oui. Ce n’est pas seule­ment offen­sant, c’est ridi­cule. Au contraire, comme nous le ver­rons, la posi­tion actuelle de la FSSPX semble plus fidèle à Monseigneur Lefebvre.

A ce jour je n’ai pas lu les articles Français de M. l’abbé Aulagnier. Je n’ai lu que cette entre­vue à The Wanderer. Selon cet article, je crois que nous pou­vons résu­mer les argu­ments de l’ab­bé Aulagnier en faveur d’une « récon­ci­lia­tion » comme suit :

- 1. Le dan­ger de schisme.
– 2. Son ami­tié avec les prêtres « héroïques » de campos
– 3. « L’attitude de Rome est nouvelle. »
– 4. « De plus, je crois qu’il y a un dan­ger de voir ce conflit s’éterniser. »

1 – Le danger d’un schisme

Notre résis­tance n’est pas une rébel­lion. C’est l’at­ti­tude néces­saire des catho­liques qui veulent gar­der la Foi face à des pré­lats qui l’attaquent, la nient ou la menacent. Nous ne vou­lons pas deve­nir pro­tes­tants ! Nous conti­nuons de croire en la divi­ni­té de Notre Seigneur et en Son Règne social, en son Église. Le fait que nous gar­dions la Foi et conti­nuions de par­ler avec les auto­ri­tés romaines, montre qu’il n’y a aucun dan­ger de schisme, car nous recon­nais­sons tou­jours leur auto­ri­té. Nous avons deman­dé et reçu, de la part des auto­ri­tés romaines, des dis­penses et autres per­mis­sions ecclé­sias­tiques. Ce qui est en doute n’est pas leur auto­ri­té, mais de savoir si on peut leur faire confiance ou non. Il ne s’a­git pas sim­ple­ment d’avoir une majo­ri­té dans une com­mis­sion romaine. C’est une ques­tion de savoir si nous pou­vons nous mettre sous leur tutelle ? Peut-​on leur faire confiance pour pro­té­ger notre Foi ? Malheureusement, les auto­ri­tés romaines actuelles ont prou­vé maintes et maintes fois qu’on ne peut leur faire confiance, qu’elles n’ont pas chan­gé, comme nous allons le démon­trer plus loin.

La solu­tion à cette crise vien­dra de Rome, lorsque les auto­ri­tés romaines retour­ne­ront à l’intégrité de la Foi. Mais d’ici-​là nous fai­sons bien de conti­nuer notre résis­tance. Le temps que cela dure­ra n’est pas notre pro­blème mais celui de Dieu. Or, nous ne pou­vons, dans l’intérêt d’une fausse uni­té, rejoindre ceux qui pro­meuvent l’erreur, ni ceux qui réduisent l’Église à une ins­ti­tu­tion humaine, ou sim­ple­ment à une reli­gion par­mi tant d’autres, la détrui­sant ain­si. Donc nous conti­nuons la Tradition, et nous conti­nuons de dénon­cer ceux qui la rejettent au nom d’une nou­velle Église Conciliaire. Comme le disait Mgr Lefebvre : « En se cou­pant des Papes pré­cé­dents, ce sont les auto­ri­tés romaines modernes elles-​mêmes qui sont schis­ma­tiques. » Lorsque Rome retour­ne­ra à la Foi, le seul sujet de dis­cus­sion sera sur qui devien­dra évêque et qui remplacera-t-il ?

2. L’amitié de l’abbé Aulagnier avec les prêtres « héroïques » de Campos

L’amitié est bien sûr un noble sen­ti­ment. Mais vient-​elle avant son devoir, ou avant sa Foi ? Faut-​il une ver­tu héroïque, pour capi­tu­ler dans la com­bat de la Tradition afin d’obtenir une recon­nais­sance ? A‑t-​il fal­lu une ver­tu héroïque, pour renon­cer à leur père spi­ri­tuel, Mgr de Castro Mayer, et pour aban­don­ner et se retour­ner contre leurs anciens com­pa­gnons d’armes ? Je ne le crois pas. Est-​ce que l’abbé Aulagnier serait aus­si sur le point de choi­sir entre le Mgr Lefebvre d’avant Vatican II et celui d’après Vatican II ? Comme s’il y avait une différence !

3. « L’attitude de Rome est nouvelle ! »

Ceci est la rai­son la plus incroyable de toutes. Où était l’abbé Aulagnier ces cinq der­nières années ? Les auto­ri­tés romaines modernes ont-​elles réel­le­ment chan­gé ? A‑t-​il oublié ce qu’elles ont fait à la Fraternité Saint-​Pierre, qui est leur propre créa­tion ? A‑t-​il oublié les deux prières sacri­lèges d’Assise ? La der­nière ren­contre eut lieu une semaine après qu’ils eurent accor­dé la recon­nais­sance aux prêtres « héroïques » de Campos qui, eux, n’ont rien dit contre elle. À pro­pos, n’a‑t-il pas remar­qué le silence des prêtres « héroïques » de Campos depuis qu’ils ont signé leur accord ? Ne sait-​il pas que le 24 mai 2003, au moment même où le car­di­nal Castrillon Hoyos offrait la messe tra­di­tion­nelle à Sainte-​Marie Majeure, le Pape offrait l’église catho­lique des saints Vincent et Anastase, qui contient les cœurs embau­més de vingt-​deux papes, à l’église Orthodoxe Bulgare en partage ?

Il semble qu’il ait oublié ce que savait fort bien et dénon­çait Mgr Lefebvre : il y a deux Rome : la Rome catho­lique et la Rome néo-​moderniste. Comme l’a fait Mgr Lefebvre, nous adhé­rons de tout cœur à la Rome catho­lique mais reje­tons la Rome néo-​moderniste. La Rome catho­lique a été infil­trée et est occu­pée par les moder­nistes. Ceci est un fait. La pro­cla­ma­tion du car­di­nal Hoyos que « le vieux rite romain conserve donc son droit de citoyen­ne­té au sein de l’Église » est bien belle mais ne change rien. Elle est par­fai­te­ment en accord avec l’œcuménisme néo-​moderniste des Romains néo-​modernistes, lequel est : pour­quoi ne pas accep­ter la messe de Saint Pie V ? Nous accep­tons tout le reste !

Mais nous ne cher­chons pas une recon­nais­sance. Cela ne nous réjoui­ra pas si, à la pro­chaine réunion de prière d’Assise, Mgr Fellay est pla­cé plus près du Pape que le Dalaï Lama. Le Dalaï Lama ne devrait même pas être là. Nous espé­rons qu’à la pro­chaine réunion de prière pour la paix à Assise, le Pape sera entou­ré de tous les évêques catho­liques pour consa­crer la Russie. C’est là où la vraie paix se trouve. Encourager les prières à de faux dieux n’apportera pas la paix.

Ainsi, les mots de Mgr Lefebvre à Jean-​Paul II en 1988 sont tou­jours valides aujourd’­hui : « Le temps pour la coopé­ra­tion n’est pas encore venu. » À Rome, abso­lu­ment rien n’a chan­gé. Les auto­ri­tés romaines actuelles conti­nuent d’être fidèles à leurs prin­cipes de la nou­velle théo­lo­gie, à leur nou­velle ecclé­sio­lo­gie, à leur nou­velle évan­gé­li­sa­tion, illus­trés par l’esprit de Vatican II et d’Assise, dans les­quels ils veulent nous atti­rer, et aux­quels nous ne vou­lons aucune part.

La FSSPX demeure aus­si fidèle aux prin­cipes catho­liques trans­mis par Monseigneur :

« Nous ne voyons pas la récon­ci­lia­tion de la même manière. Le car­di­nal Ratzinger la voit dans le sens de nous rame­ner à Vatican II. Nous la voyons comme un retour de Rome à la Tradition. Nous ne pou­vons nous rejoindre. C’est un dia­logue de sourds… Je sou­lè­ve­rai la ques­tion au plan doc­tri­nal : Êtes-​vous d’ac­cord avec les grandes ency­cliques de tous les Papes qui vous ont pré­cé­dés ? Êtes-​vous en accord avec Quanta Cura de Pie IX, Immortale Dei, Libertas Praestantissimum, de Léon XIII, Pascendi de Pie X, Quas Primas de Pie XI, Humani Generis de Pie XII ? Êtes-​vous en pleine com­mu­nion avec ces Papes et leur ensei­gne­ment ? Acceptez-​vous tou­jours le ser­ment anti­mo­der­niste ? Êtes-​vous favo­rables à la royau­té sociale de Notre Seigneur Jésus-​Christ ? Si vous n’acceptez pas la doc­trine de vos pré­dé­ces­seurs, il est inutile de par­ler. Aussi long­temps que vous refu­sez de réfor­mer le Concile à la lumière de la doc­trine de ces papes qui vous ont pré­cé­dés, il n’y a pas de dia­logue pos­sible. C’est inutile… L’opposition entre nous n’est pas une petite affaire. Il ne suf­fit pas qu’ils nous disent : ‘Vous pou­vez dire l’an­cienne messe’… non, l’opposition entre nous n’est pas sur la litur­gie, c’est sur la doc­trine. » (3)

4. « Je pense qu’il y a un danger de voir ce conflit s’éterniser »

Selon moi, je crois que nous pour­rions voir ici la rai­son véri­table du chan­ge­ment de l’ab­bé Aulagnier. La lutte traîne en lon­gueur. Il fut au centre de ce com­bat durant plus de 30 ans. Peut-​être est-​il fati­gué du com­bat ! Mais ce n’est pas la pre­mière fois qu’un conflit à pro­pos de la Foi s’é­ter­nise. La crise arienne dura plus de 70 ans, l’exil du pape en Avignon 68 ans, le grand Schisme 39 ans. Est-​ce une rai­son pour aban­don­ner le com­bat ? Pour recher­cher un accord ? Il est bon que saint Athanase ne se soit pas fati­gué d’être en exil, d’être mena­cé, faus­se­ment accu­sé, excom­mu­nié, etc. Parce qu’il ne serait pas st Athanase.

Il semble avoir oublié que :

« En d’autres temps, les héré­tiques et les schis­ma­tiques quit­taient l’Église. Aujourd’hui, comme st Pie X nous en avait pré­ve­nu, ils demeurent pour qu’elle évo­lue de l’intérieur, et séduire, s’il était pos­sible, tout ou par­tie du trou­peau du saint Évêque… Mais on ne traite pas avec ce genre d’ennemi, sur­tout alors qu’il est si rusé. On ne négo­cie pas avec lui une paix sépa­rée et fausse. On le com­bat jus­qu’à la fin, fort dans son droit – Deus Vult ! – Dieu le Veut ! – lui rap­pe­lant la véri­té qu’il attaque en vain. Rome sait qu’elle a fait une erreur, une erreur grave : l’excommunication (contre Mgr Lefebvre). Comment répa­rer l’erreur ? Le temps le dira. Dans tous les cas, pas sans un retour franc de la hié­rar­chie à la confes­sion totale et inté­grale de la foi catho­lique, pleine et entière. Le jour vien­dra lorsque Rome, par sa conver­sion, trou­ve­ra notre séré­ni­té. » (3)

On dirait bien qu’il a per­du sa sérénité.

Chers fidèles, ne per­dez pas votre séré­ni­té, res­tez calmes, fermes dans la Foi inchan­gée de tous les temps. N’abandonnez pas le com­bat. Assurément il se pro­longe. Mais nous vaincrons !

Comme d’habitude, nous vous remer­cions pour votre fidèle sup­port, et nous vous assu­rons de nos prières quo­ti­diennes pour vous et les vôtres, spé­cia­le­ment durant la sainte sai­son de l’Avant et de Noël.

Puissiez-​vous tous avoir un joyeux et saint Noël, et puisse le Seigneur nouveau-​né et Sa sainte Mère et Saint Joseph vous récom­pen­ser et vous bénir durant l’année qui vient.

Avec ma bénédiction,

Abbé Jean Violette, Supérieur du District du Canada – Noël 2003

Note

(1)The Wanderer : revue néo-​conservatrice des USA
(2) Fideliter n° 66 de novembre-​décembre 1988
(3) Abbé Aulagnier in Fideliter n° 65 de septembre-​ocotobre 1988